La lettre juridique n°198 du 19 janvier 2006 : Social général

[Point de vue...] Epargne salariale : le point de vue de... Sandrine Vouin, Responsable de l'épargne salariale France et de l'actionnariat salarié au sein de la Société Générale

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[Point de vue...] Epargne salariale : le point de vue de... Sandrine Vouin, Responsable de l'épargne salariale France et de l'actionnariat salarié au sein de la Société Générale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208047-pointdevueepargnesalarialelepointdevuedesandrinevouinresponsabledelepargnesalarialef
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par Propos recueillis par Aurélie Serrano, SGR - Droit social

le 07 Octobre 2010

L'épargne salariale est une matière à forte composante financière mais avec des contraintes juridiques importantes. La complexité du sujet est renforcée par le fait qu'il est à la croisée de différents domaines juridiques : droit des sociétés, droit monétaire et financier, droit du travail. L'interconnexion de ces différentes matières ne va pas sans soulever de difficultés (sur ce sujet, lire Droit du travail et droit des sociétés : des relations délicates ! Questions à... Gilles Auzero, Lexbase Hebdo n° 164 du 20 avril 2005 - édition sociale N° Lexbase : N3251AIA). Depuis 3 ans, la matière a subi de profondes réformes, initiées par la loi "Fabius" de 2001 (loi n° 2001-152 du 19 février 2001, sur l'épargne salariale N° Lexbase : L5167ARS). Depuis lors, d'autres textes sont venus modifier sensiblement l'édifice de l'épargne salariale, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Ces nombreuses évolutions peuvent s'expliquer par le fait que l'épargne salariale est devenue, en l'espace de quelques années, un levier d'ajustement pour les politiciens. Afin d'y voir plus clair, nous avons demandé à Sandrine Vouin, Responsable de l'épargne salariale France et de l'actionnariat salarié au sein de la Société Générale, de retracer les dernières évolutions intervenues au sein de cette matière.

La loi "Fillon" du 21 août 2003 ouvre, notamment, la possibilité de mettre en place, à partir d'un dispositif d'épargne salariale, un dispositif complémentaire d'épargne retraite. Elle crée ainsi le plan d'épargne retraite collectif (Perco), qui met fin au plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite (PPESVR).

Le Perco est un système collectif d'épargne qui permet à un participant de se constituer volontairement une épargne investie en valeurs mobilières, dans un cadre fiscal favorable, bloquée jusqu'au départ à la retraite. Contrairement au PEE, il ne permet pas d'offrir de formules d'actionnariat salarié. Il doit être mis en place dans les mêmes conditions que le plan partenarial d'épargne salariale volontaire (PPESV), par un accord collectif entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives ou, dans le cas d'un plan d'épargne retraite collectif interentreprises (Perco-I), comme pour les plan d'épargne interentreprises (PEI), par un ou plusieurs employeurs pris individuellement.

Les sommes versées sont bloquées jusqu'au départ à la retraite, sauf dans 5 cas de déblocage anticipé distincts de ceux du plan d'épargne entreprise (PEE). La sortie s'effectue, en principe, sous forme de rente, mais l'accord instituant le Perco peut prévoir la possibilité pour le bénéficiaire d'opter pour une sortie en capital, ou un panachage entre les deux. En cas de déblocage anticipé, la sortie se fait sous forme de capital.

  • Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8)

La loi du 4 mai 2004 a eu d'importantes conséquences sur l'épargne salariale.

Elle modifie, tout d'abord, les conditions de négociation des accords collectifs. Le principe majoritaire est élargi, le droit d'opposition est développé et de nouvelles formes dérogatoires de négociation, en comité d'entreprise, par des délégués du personnel ou des salariés mandatés, sont créées. En pratique, avec l'élargissement du principe majoritaire, il est désormais souhaitable d'obtenir l'accord de la majorité des partenaires sociaux, au regard de leur poids dans le résultat des élections professionnelles.

En outre, on assiste à un allongement des délais d'entrée en vigueur des plans d'épargne salariale, lié au respect de la procédure d'opposition. L'impact de ces modifications sur l'épargne salariale est toutefois à relativiser puisqu'elles ne concernent que les accords conclus selon le droit commun de la négociation collective (c'est-à-dire selon les règles du titre III du livre Ier du Code du travail). Les modalités de conclusion propres à l'épargne salariale, figurant dans le titre IV du livre IV du Code du travail sont, pour leur part, inchangées.

Les désormais célèbres amendements "Chérioux" ont également modifié l'épargne salariale, notamment en limitant au maximum les facultés d'octroi des plans. Désormais, un nouveau règlement de plan d'épargne est forcément négocié s'il existe un comité d'entreprise ou un délégué du personnel. Le régime de l'octroi permettait, par exemple, à une société mère, après information des institutions représentatives du personnel, d'octroyer son plan d'épargne à ses filiales. Ce système présentait un grand intérêt, notamment dans le cadre d'un plan d'épargne de groupe, car il dispensait d'une négociation filiale par filiale.

Or, il n'existe pas, à ce jour, d'instance de groupe permettant de négocier un plan d'épargne pour le compte de l'ensemble des filiales. La décision de proposer un accord de groupe peut ainsi devenir un véritable casse-tête selon la taille de l'entreprise. Même si les amendements "Chérioux" ont introduit la reconnaissance de l'accord de groupe européen, les règles de mise en place de l'accord de groupe n'ont pas, pour autant, été simplifiées. Heureusement, il reste possible d'octroyer des avenants pour les plans octroyés auparavant.

  • Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004, portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale (N° Lexbase : L5052DZ7)

L'ordonnance du 24 juin 2004 incite, encore, à la mise en place d'opérations d'actionnariat salarié en obligeant le débat en assemblée générale sur une résolution portant sur une augmentation de capital réservée aux salariés, dès lors que la part du capital détenu par les salariés est inférieure à 3 % (sur ce sujet, lire Yann Paclot et Jean-Philippe Dom, Ordonnance portant réforme du régime des valeurs mobilières : le point sur les obligations de transparence et les augmentations de capital, Lexbase Hebdo n° 133 du 8 septembre 2004 - édition affaires N° Lexbase : N2685AB3).

  • Loi n° 2004-804 du 9 août 2004, pour le soutien à la consommation et à l'investissement (N° Lexbase : L0814GTC)

La loi "Sarkozy" a, notamment, instauré un déblocage anticipé sans motif de l'épargne salariale dans la limite d'un plafond global de 10 000 euros au bénéfice des salariés et anciens salariés. Ce dispositif ponctuel était applicable jusqu'au 31 décembre 2004 et a entraîné des déblocages importants des capitaux investis en PEE, pour la plus grande satisfaction des bénéficiaires, et un mécontentement des sociétés de gestion : certains articles de presse ont évoqué le chiffre de 6,97 milliards d'euros débloqués par anticipation et un impact de 0,2 à 0,3 point de PIB supplémentaire en 2004.

Cette loi a notamment introduit une majoration du plafond d'abondement des investissements en fonds d'actionnariat à 80 %, contre 50 % précédemment, reflétant, une fois encore, le souci constant du législateur de développer l'actionnariat salarié.

La loi du 23 février 2005 vise à étendre le bénéfice des dispositifs d'intéressement, de participation et d'épargne salariale aux salariés des groupements d'employeurs mis à la disposition d'une entreprise lorsqu'il n'existe pas de dispositif d'épargne salariale.

Désormais, un salarié mis à la disposition d'une entreprise par ce groupement peut bénéficier, comme les autres salariés de l'entreprise, des systèmes d'intéressement et de participation en vigueur au sein de cette entreprise. Cette attribution se fait au prorata du temps de la mise à disposition du salarié et dans le respect des conditions d'ancienneté figurant dans les accords et règlements de référence (C. trav., art. L. 444-4 N° Lexbase : L8391ASL).

  • Loi n° 2005-296 du 31 mars 2005, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (N° Lexbase : L1144G8U)

La loi du 31 mars 2005 instaure une passerelle entre le Perco et le compte épargne temps (CET). Ainsi, en application du dixième alinéa de l'article L. 227-1 du Code du travail dans sa nouvelle rédaction (N° Lexbase : L1400G9Q), lorsque la convention ou l'accord collectif prévoit que tout ou partie des droits affectés sur le CET sont utilisés pour effectuer des versements en Perco, ceux de ces droits qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l'employeur sont exonérés de cotisations de sécurité sociale et d'impôt sur le revenu, dans la limite du plafond d'abondement de droit commun au Perco de 4 600 euros (C. trav., art. L. 443-7 N° Lexbase : L1432G9W et L. 443-8 N° Lexbase : L6522ACK).

  • Loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie

Dans un contexte de débat national sur les modalités de partage des fruits de la croissance, la loi "Breton" a mis en place deux mesures ponctuelles destinées à soutenir le pouvoir d'achat et la consommation des ménages :

- le déblocage exceptionnel de la participation 2004 (en lieu et place de la réforme structurelle de la participation envisagée par Jean-Pierre Raffarin) ;

- le versement d'une prime exceptionnelle d'intéressement pouvant représenter jusqu'à 15 % de l'intéressement versé au titre de l'exercice 2004 ou 200 euros par salarié (circ. intermin., 30 septembre 2005, relative au versement de la prime exceptionnelle d'intéressement liée aux résultats ou aux performances de 2004 et au versement direct ou au déblocage à titre exceptionnel des sommes attribuées aux salariés en 2005 au titre de la participation N° Lexbase : L6791HCI).

La circulaire du 14 septembre 2005 permet de disposer d'un document uniforme intégrant l'ensemble des évolutions réglementaires ayant touché l'épargne salariale depuis la loi "Fabius". Ce texte contribue également à préciser certains points : les différents cas de déblocage anticipé ainsi que leurs conditions d'application font, notamment, l'objet d'un dossier spécial et détaillé.

En outre, la circulaire apporte une précision s'agissant de la contrainte légale posée par l'article L. 443-2 du Code du travail (N° Lexbase : L7778HBP), relatif aux limites d'investissements en PEE. En application de cet article, les bénéficiaires ne peuvent pas effectuer des versements volontaires excédant le quart de leur rémunération ou de leur pension de retraite ou allocation de préretraite. Aux termes de cet article, les sommes qui dépassent ce montant doivent être inclues dans l'assiette des cotisations sociales et déclarées à l'impôt sur le revenu comme complément de rémunération.

La circulaire précise que le respect de cette obligation relève de la responsabilité des bénéficiaires. Toutefois, en pratique, les entreprises peuvent avoir intérêt à veiller au respect de cette obligation puisqu'elles peuvent avoir à verser un abondement correspondant à l'éventuel excédent.

  • Rapport au Premier ministre de la mission parlementaire confiée à François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain, députés, 29 septembre 2005

Le rapport sur la participation remis le 29 septembre 2005 au Premier ministre, Dominique de Villepin, par les députés UMP François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain préconise, dans ses premières pages, une pause législative et réglementaire en matière d'épargne salariale : "la multiplication de textes, de dérogations temporaires, d'avenants législatifs et réglementaires ne peut que décourager les chefs d'entreprise et les salariés à développer la participation. Cette dernière s'inscrit dans la durée [...]. Tant le pouvoir politique que les instances administratives doivent se responsabiliser et s'interdire toute réforme de grande ampleur ou toute remise en cause des principes fondamentaux qui régissent la participation". C'est plutôt une bonne nouvelle pour les entreprises chargées de faire évoluer les dispositifs d'épargne salariale au gré des législateurs.

Le rythme des réformes ne semble pas, pour autant, être en voie de ralentir. En témoigne l'annonce récente faite par Dominique de Villepin d'une réforme de l'intéressement, de la participation et de l'actionnariat salarié afin de rendre ces dispositifs accessibles à davantage de bénéficiaires, notamment dans les PME où ils sont très peu utilisés. Le Premier ministre a ainsi demandé à Thierry Breton, ministre de l'Economie, et à Gérard Larcher, ministre délégué à l'Emploi, de préparer un projet de loi pour le "premier semestre 2006". Dominique de Villepin souhaite, ainsi, permettre une distribution aux salariés d'actions gratuites déductibles de l'impôt sur les sociétés. Un "dividende du travail" basé sur la conversion des comptes épargne-temps pour alimenter l'actionnariat salarié pourrait également être créé. La pause réglementaire préconisée n'est probablement pas encore à l'ordre du jour !

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