La lettre juridique n°193 du 8 décembre 2005 : Responsabilité

[Jurisprudence] Limitation légale de la responsabilité contractuelle du transporteur aérien

Réf. : Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 01-20.778, FP-P+B (N° Lexbase : A7385DL4), n° 02-18.584, FP-P+B (N° Lexbase : A7395DLH) et n° 03-17.395, FP-P+B (N° Lexbase : A7433DLU)

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le 07 Octobre 2010

A plusieurs reprises, l'occasion a été donnée, ici même, d'insister sur l'importance de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat dans la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle du débiteur, et il n'est pas question d'y revenir une nouvelle fois. Encore convient-il seulement de relever que, une fois tranchée la question de la détermination de la nature de l'obligation et, par suite, du régime juridique correspondant, la responsabilité du débiteur est parfois limitée, soit que la limitation ait été prévue dans la convention liant les parties (clause limitative de responsabilité), soit que la limitation résulte d'une disposition spéciale d'origine légale ou réglementaire (plafond légal ou réglementaire de dommages et intérêts). On se souvient ainsi, par exemple, des solutions récentes de la jurisprudence dans l'affaire Chronopost dans lesquelles la Cour de cassation a, en remplacement de la clause limitative de responsabilité jugée non écrite (1), appliqué les dispositions spéciales applicables au contrat de type messagerie et, donc, le principe d'une limitation légale de la responsabilité du débiteur, sous réserve que puisse être démontrée une faute lourde de sa part (2). Dans un tout autre domaine, trois arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 novembre dernier, à paraître au Bulletin, règlent le point de savoir si la responsabilité de l'organisateur d'un vol en parapente, en deltaplane ou en ULM est, elle aussi, limitée, cette fois-ci par application des dispositions du Code de l'aviation civile. Dans le premier des arrêts (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 01-20.778, M. Nicolas Brenneur-Boyne c/ M. Orhan Mete, FP-P+B), la Cour de cassation censure des juges du fond qui, pour faire droit à l'action en responsabilité tendant à la réparation de son préjudice intentée par la victime d'un accident lors d'un baptême de l'air en parapente biplace réalisé avec l'accompagnement d'un moniteur, avaient considéré que l'organisateur était tenu d'une obligation de résultat déduite de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). Or, sous le visa de l'article L. 322-3 du Code de l'aviation civile (N° Lexbase : L4204AWM), la Cour relève que les premiers juges, qui avaient pourtant exactement retenu que le parapente constituait un aéronef, n'ont pas tiré les conséquences légales de leur décision et, ainsi, violé le texte précité. Les faits à l'origine de la seconde affaire (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 02-18.584, Société AGF Mat, nouvelle dénomination de la société SM3A c/ Mme Leigh, FP-P+B) étaient à vrai dire assez proches, à ceci près que, cette fois, le demandeur avait été victime d'un accident à l'occasion d'un baptême de l'air en deltaplane biplace sous la conduite d'un moniteur. Et, de la même manière que dans la première espèce, alors que les juges du fond avaient admis la réparation sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, la Cour de cassation, au visa du même article L. 322-3 du Code de l'aviation civile, casse l'arrêt d'appel. Enfin, dans la dernière affaire (Cass. civ. 1, 22 novembre 2005, n° 03-17.395, M. Daniel Maillet c/ Société AGF/MAT, FP-P+B), la victime d'un accident d'ULM, piloté par un instructeur, reprochait aux juges du fond d'avoir, cette fois, non pas fait application du droit commun de la responsabilité contractuelle, mais, précisément, des dispositions spéciales du Code de l'aviation civile alors que, selon le pourvoi, le vol, d'initiation et d'une durée de 25 minutes avec décollage et atterrissage au même lieu, ne pouvait être qualifié de transport aérien, si bien que ce serait à tort que la cour d'appel aurait refusé d'appliquer l'article 1147 du Code civil. Confirmant l'orientation des deux premières décisions rapportées, la Cour de cassation rejette ici le pourvoi au motif que "l'acheminement de passagers par aéronef constitue un transport aérien" et que, précisément, "tel est le cas du baptême de l'air en ULM biplace", et ce, "peu important que le vol ait été circulaire".

Autrement dit, les arrêts du 22 novembre dernier, à supposer la responsabilité contractuelle du transporteur engagée (3), devaient répondre à la question de savoir si, par application des dispositions du Code de l'aviation civile et, plus particulièrement, de l'article L. 322-3, la limitation légale de responsabilité devait, ou non, s'imposer au détriment du créancier. C'est que, en effet, l'article L. 322-3 du Code de l'aviation civile, qui dispose que la responsabilité du transporteur est régie par les dispositions de la Convention de Varsovie, prévoit tout de même une limitation de cette responsabilité, à condition, bien entendu, que le transport au cours duquel l'accident s'est produit puisse être qualifié de transport aérien au sens de l'article L. 310-1 du même code (N° Lexbase : L4189AW3), texte aux termes duquel "le transport aérien consiste à acheminer d'un point d'origine à un point de destination des passagers, des marchandises ou de la poste". Or, tel est bien ce que décide ici la Cour de cassation : le baptême de l'air en parapente, deltaplane ou ULM constitue bien un transport aérien, de telle sorte que doit s'appliquer la limitation légale de responsabilité. La solution était, il faut le dire, assez prévisible puisqu'il avait non seulement déjà été jugé que constitue un transport aérien un vol en ULM, avec pilote et passager, dont l'objet principal est le déplacement d'un aérodrome à un autre (4), tout comme le vol en ULM consistant en une promenade aérienne (5), mais encore parce que la Haute juridiction avait déjà considéré que la qualification de transport aérien devait être retenue dans le cas d'un baptême de l'air en parapente biplace, nonobstant le caractère circulaire du déplacement, l'engin étant un aéronef (6).

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) Cass. com., 22 octobre 1996, n° 93-18.632, Société Banchereau c/ Société Chronopost (N° Lexbase : A2343ABE) ; GAJC, 11ème éd., n° 156.
(2) Cass. com., 9 juillet 2002, n° 99-12.554, Société Chronopost c/ Société Banchereau, FP-P (N° Lexbase : A0766AZE), Bull. civ. IV, n° 121 et, en dernier lieu, Cass. mixte, 22 avril 2005, n° 02-18.326, Chronopost SA c/ KA France SARL (N° Lexbase : A0025DIR) et n° 03-14.112, SCPA Dubosc et Landowski c/ Chronopost SA (N° Lexbase : A0026DIS), lire D. Bakouche, L'affaire Chronopost et l'appréciation de la faute lourde susceptible de tenir en échec la limitation de responsabilité, Lexbase Hebdo n° 167 du 12 mai 2005 (N° Lexbase : N4083AI3) ; JCP éd. G, 2005, II, 10066, note G. Loiseau.
(3) Voir ainsi, jugeant que l'organisateur d'un vol en parapente et le moniteur sont tenus d'une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de leurs clients pendant les vols sur appareil biplace au cours desquels ils n'ont joué aucun rôle actif : Cass. civ. 1, 21 octobre 1997, n° 95-18.558, M. Brizzi-Nabut c/ M. Charrue et autres, publié (N° Lexbase : A0659ACE), Bull. civ. I, n° 287, D. 1998, p. 271, note Ph. Brun.
(4) Cass. civ. 1, 7 mars 2000, n° 97-15.045, Mme Clément c/ M. Rabanier et autres, publié (N° Lexbase : A5187AWZ), Bull. civ. I, n° 85.
(5) Cass. civ. 1, 3 juillet 2001, n° 00-10.437, Société anonyme Axa global risks c/ Mme Odile Petit, épouse Lescoffit, publié (N° Lexbase : A1093AUZ), Bull., civ. I, n° 206, Resp. civ. et assur. 2001, n° 330, note Vaillier.
(6) Cass. civ. 1, 19 octobre 1999, n° 97-14.759, Caisse primaire d'assurance maladie du Var c/ M. Sarrat et autres, publié (N° Lexbase : A5184AWW), Bull. civ. I, n° 287 et Cass. civ. 1ère, 3 juillet 2001 précité.

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