La lettre juridique n°187 du 27 octobre 2005 : Entreprises en difficulté

[Panorama] Entreprises en difficulté : panorama de jurisprudence du troisième trimestre 2005 (1ère partie)

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N9939AIX

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université Lumière-Lyon II, Avocat au Barreau de Grasse

le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose, cette semaine, un panorama de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de la jurisprudence rendue en matière de procédures collectives au cours du troisième trimestre 2005. La vente d'un bien indivis en liquidation judiciaire, mais aussi la nullité de licenciements intervenus dans le cadre d'un plan de cession, ou encore l'action en revendication, constituent les thèmes majeurs de l'actualité jurisprudentielle (cf. Entreprises en difficulté : panorama de jurisprudence du troisième trimestre 2005 (2ème partie) N° Lexbase : N6356AKM).

La coordination des règles de l'indivision et du droit des procédures collectives est une délicate question. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par deux arrêts rendus le même jour, a largement contribué à l'éclaircir. Ces deux arrêts se prononcent dans deux situations susceptibles de se présenter en pratique.

Tout d'abord, lorsque l'indivision est apparue après l'ouverture de la procédure collective, le liquidateur conserve le droit de poursuivre la saisie et la vente de l'immeuble, puisqu'il représente des créanciers de l'indivision qui, selon l'article 815-17, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L3453ABI), auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision (Cass. com., 18 février 2003, n° 00-13.100, FS-P N° Lexbase : A1813A7B ; 2003, somm. comm. p. 1620, obs. P.- M. Le Corre ; Procédures juin 2003, p. 21, n° 150, note C. Laporte ; JCP éd. N 2003, Affaires 1597, p. 1701, note F. Vauvillé ; Rev. proc. coll. 2003, p. 356, n° 4, obs. M.- P. Dumont ; RJ com. 2004, p. 31, note J.-P. Sortais).

Ensuite, lorsque l'indivision est apparue avant la liquidation judiciaire du propriétaire indivis, les règles de l'indivision ne se trouvent pas affectées par la survenance de la procédure collective d'un des indivisaires. Le droit commun de l'indivision doit s'appliquer, ce qui autorise le créancier de l'indivision à saisir le bien indivis, avant tout partage (Cass. com., 18 février 2003, n° 00-11.008, Crédit immobilier de la Gironde c/ Société civile professionnelle (SCP) René et Laurent Mayon, FS-P N° Lexbase : A1801A7T ; D. 2003, somm. comm. p. 1620, obs. P.-M. Le Corre ; Procédures juin 2003, p. 20, n° 149, obs. C. Laporte ; JCP éd. N 2003, Affaires 1597, p. 1701, note F. Vauvillé ; Rev. proc. coll. 2003, p. 356, n° 4, obs. M.- P. Dumont; RJ com. 2004, p. 31, note J.-P. Sortais).

Mais il reste des zones d'ombre. L'une d'elle vient d'être dissipée par l'arrêt ci-après commenté, en répondant à la question de savoir, lorsque l'indivision est apparue avant la liquidation judiciaire, si le créancier de l'indivision peut prétendre appréhender, dans la limite de sa créance, le prix de vente du bien indivis, alors qu'il ne s'est pas opposé à la vente du bien par le liquidateur.

En l'espèce, une banque consent un prêt à deux concubins pour l'acquisition d'une maison en indivision, en procédant à l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle. Par jugement séparé, du 22 avril 1998, les deux concubins sont déclarés en liquidation judiciaire. Le juge-commissaire autorise, le 25 février 1999, le liquidateur de M. L. à céder de gré à gré l'immeuble indivis et la répartition du prix entre les deux liquidations judiciaires. Le liquidateur de M. L a établi un état de collocation portant sur la répartition de la moitié du prix de vente et sur lequel la banque a été colloquée après les frais de justice et de greffe. La banque a contesté cet état en demandant à être colloquée avant toutes créances sur la totalité du prix de vente. Les juges du fond vont rejeter cette prétention. La banque forme un pourvoi en cassation et va obtenir gain de cause. La Cour de cassation casse, en ces termes, la décision des juges du fond : "Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'autorisation donnée par le juge-commissaire de faire vendre le bien et de répartir le prix de vente par moitié entre les deux co-indivisaires n'était pas de nature à priver la Caisse, créancière de l'indivision qui préexistait à l'ouverture de la procédure collective de Mlle Guche, des droits qu'elle tient de l'article 815-17, alinéa 1, du Code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Cet arrêt est important pour les établissements de crédit, prêteurs immobiliers. Il les autorise à conserver le bénéfice de la règle qui les autorise, lorsqu'ils sont créanciers de l'indivision, à être payés avant tout partage en application de l'article 815-17, alinéa 1er, du Code civil. Pour cela, et en conformité avec la décision précitée du 8 février 2003, le créancier doit être créancier de l'indivision, c'est-à-dire de tous les indivisaires et pas seulement de l'un d'eux. Il faut, encore, que l'indivision soit apparue avant le jugement d'ouverture de la procédure collective. En ce cas, priorité est donnée aux règles de l'indivision, sur celles des procédures de redressement et de liquidation judiciaires. Ces conditions cumulatives ont très souvent l'occasion de se rencontrer en pratique. Il suffit que deux personnes (ou plus) non mariées, ou mariées sous un régime séparatiste, achètent un bien avec recours à un prêt et que l'une d'elles, voire toutes, fassent ensuite l'objet d'une procédure collective. Situation somme toute extrêmement banale. Pourtant, en pratique, le schéma décrit dans l'espèce a souvent l'occasion de se présenter. Le liquidateur se fait autoriser à vendre le bien indivis et le classement sur le prix de vente du bien laisse souvent apparaître des créanciers primant le créancier de l'indivision. C'est pourtant impossible. D'abord, le juge-commissaire excède ses pouvoirs à autoriser la vente du bien. En effet, si le bien est indivis, il appartient, par principe, au créancier de l'indivision d'en poursuivre la vente, sans que le liquidateur ne puisse s'y opposer. Si le créancier est négligent, le liquidateur devra, d'abord, passer par une licitation partage de droit commun, qui ne nécessite pas l'autorisation du juge-commissaire. Mais cela sera, et c'est l'apport essentiel de l'arrêt, en pure perte pour la liquidation judiciaire. Le prix est intégralement pour le créancier de l'indivision, à concurrence, toutefois, du montant de sa créance. Il apparaît donc, si le créancier de l'indivision a été au départ négligent, qu'il est inutile qu'il forme opposition à l'ordonnance du juge-commissaire.

P.-M. Le Corre

  • Nullité d'un jugement prononçant la nullité de licenciements dans le cadre d'un plan de cession faute de représentation légale de la société débitrice (Cass. soc., 13 septembre 2005, n° 04-42.876, FS-P N° Lexbase : A4538DKB)

L'absence d'articulation du droit des sociétés et du droit des procédures collectives, qui a son siège dans l'article 1844-7-7° du Code civil (N° Lexbase : L2027ABP), continue à faire des dégâts, ainsi qu'en témoigne l'arrêt rapporté. Selon l'article 1844-7 du Code civil, "la société prend fin [...] 7° par l'effet du jugement ordonnant la liquidation judiciaire ou la cession totale des actifs de la société". Il en résulte que le dirigeant de la société ayant fait l'objet d'un plan de cession totale perd ses pouvoirs de représentation de celle-ci. Dans ces conditions, des salariés non repris par le repreneur, dans le cadre d'un plan de cession totale, peuvent-ils contester, devant le conseil des prud'hommes, leur licenciement en se contentant d'assigner le commissaire à l'exécution du plan ? Non, répond la Chambre sociale de la Cour de cassation : "la cour d'appel, qui a constaté qu'aucun mandataire de justice n'avait été désigné à effet de représenter la société Affinal, dont la cession totale des actifs avait entraîné la dissolution par application de l'article 1844-7. 7° du Code civil, et n'avait été appelé devant le conseil de prud'hommes saisi de la question de la nullité des licenciements de ses salariés prononcés par l'administrateur judiciaire tant pendant la période d'observation qu'en exécution du plan de cession, a exactement décidé que le jugement rendu par cette juridiction était nul".

La solution ne peut, sur le strict terrain juridique, qu'être approuvée. Elle est la conséquence inéluctable de la perte de qualité du dirigeant à représenter la société une fois le plan de cession totale intervenu. Pourtant, la participation de la société aux instances qui la concernent est un droit propre. Elle constitue, en conséquence, une condition de régularité de l'instance.

La solution a été posée dans de multiples domaines. Contentons d'en rappeler les plus exemplaires.

C'est ainsi, tout d'abord, que la personne morale privée d'organe statutaire de représentation ne peut plus exercer d'action en justice mettant en jeu ses droits non soumis au dessaisissement (Cass. com., 18 janvier 2000, n° 97-16.224, Société Garage Martinache et autres c/ Société Fina France N° Lexbase : A8150AGX, Bull. civ. IV, n° 16 ; JCP éd. E 2000, pan. 397 ; Act. proc. coll. 2000/2, n° 32 ; Cass. com., 20 février 2001, D. 2001, AJ p. 1032 ; Act. proc. coll. 2001/6, n° 79). Elle ne peut, davantage, être auditionnée, ce qui entraînera l'irrégularité des décisions d'admission de créance, pour défaut de respect du principe du contradictoire, faute de participation du débiteur aux opérations de vérification des créances (CA Lyon, 3ème ch., 26 avril 2002, n° 2001/01102, Société Galaxie, SARL c/ Société SAMSE, SA N° Lexbase : A7560C9U, RD bancaire et financier 2002/4, n° 141, obs. F.-X. Lucas ; adde, P.-M. Le Corre, Procédure de vérification et d'admission des créances et dissolution des sociétés placées en liquidation judiciaire, Gaz pal. doctr. 7 et 8 avril 2004, p. 2). Son absence d'audition entraînera aussi l'irrégularité des ordonnances par lesquelles le juge-commissaire autorise le liquidateur à vendre les actifs du débiteur, faute d'audition préalable de celui-ci (CA Paris, 3ème, sect. B, 18 janvier 2002, n° 2000/23576, Société AGF IART c/ Maitre Jean-Claude Pierrel N° Lexbase : A6148DH8, RD bancaire et financier 2002/4, n° 143, obs. F.-X. Lucas).

C'est ainsi, également, que la société débitrice ne peut plus exercer de voies de recours, au titre de ses droits propres, si un mandataire ad hoc ou un liquidateur amiable n'a pas été nommé pour la représenter. En ce sens, il a pu être décidé que la voie de recours émanant de l'ancien dirigeant sera irrecevable si elle a pour objet de contester la décision prononçant la liquidation judiciaire (Cass. com., 11 juin 2003, n° 00-17.441, F-D N° Lexbase : A7112C8W ; Cass. com., 8 juillet 2003, n° 00-18.449, F-D N° Lexbase : A0873C99 ; Cass. com., 28 janvier 2004, n° 02-14.534, F-D N° Lexbase : A0494DBW ; Cass. com., 28 janvier 2004, n° 02-14.531, F-D N° Lexbase : A0493DBU, Rev. proc. coll. 2004, p. 264, n° 1, obs. M.-P. Dumont ; Cass. com., 30 mars 2005, n° 00-16.369, F-D N° Lexbase : A4432DHM ; Cass. com., 12 avril 2005, n° 04-11.994, M. Christophe Thévenot c/ Société civile professionnelle (SCP) Brouard-Daude, F-P+B N° Lexbase : A8794DH8, lire P.-M. Le Corre, La présence obligatoire du débiteur à l'instance tendant au report de la date de cessation des paiements, Lexbase Hebdo n° 168 du 19 mai 2005 - édition affaires N° Lexbase : N4224AIB), une décision d'admission au passif (Cass. com., 21 janv. 2003, arrêts nos 112 F-D, 113 F-D, 114 F-D, 115 F-D, 116 F-D, 117 F-D et 121 F-D, inédits ; Cass. com., 3 décembre 2003, n° 00-21.223, Société civile immobilière (SCI) Schirmeck 306 c/ Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), F-D N° Lexbase : A3525DAS ; Cass. civ. 3, 17 novembre 2004, n° 03-10.308, Société Résidence Le Château c/ Société BNP Paribas, FS-P+B N° Lexbase : A9333DDZ, D. 2004, AJ p. 3143, D. 2005, pan. p. 295, obs. P.-M. Le Corre ; Cass. com., 23 novembre 2004, n° 02-18.036, Société Rome c/ M. Christian Guyot, F-D N° Lexbase : A0267DEM; Cass. com., 23 novembre 2004, n° 03-13.929, Mme Martine Monnier, épouse Chaussée c/ Mme Anne Ravise-Bes, F-D N° Lexbase : A0354DET ; Cass. com., 7 juin 2005, n° 03-19.951, Banque de La Réunion c/ Société bourbonnaise de travaux routiers (SBTR), F-D N° Lexbase : A6484DIY), une ordonnance du juge-commissaire autorisant le liquidateur à vendre les actifs de la société (Cass. com., 5 novembre 2003, n° 00-20.857, F-D N° Lexbase : A0594DAA ; Cass. com., 18 janvier 2005, n° 02-18.070, F-D N° Lexbase : A0737DGE, Gaz. proc. coll. 2005/1, p. 30, n° 2-2, obs. D. Voinot), ou encore, le report de la date de cessation des paiements (Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-10.356, F-D N° Lexbase : A2631DCG).

Symétriquement, une instance ne peut être engagée contre la société débitrice si un mandataire ad hoc ou un liquidateur amiable ne la représente pas pour l'exercice de ses doits propres. C'est ainsi qu'il avait pu être décidé que l'assignation en report de la date de cessation des paiements délivrée es qualité au dirigeant de la société en liquidation judiciaire est irrecevable, faute pour ce dernier de représenter la société dissoute (Cass. com., 1er mars 2005, n° 03-19.956, FS-P+B N° Lexbase : A1065DHW, lire P.-M. Le Corre, La présence obligatoire du débiteur à l'instance tendant au report de la date de cessation des paiements, Lexbase Hebdo n° 168 du 19 mai 2005 - édition affaires N° Lexbase : N4224AIB).

Le fait, comme en l'espèce, d'assigner devant le conseil des prud'hommes le commissaire à l'exécution du plan de cession est inopérant pour deux raisons. La première raison tient au fait que le commissaire à l'exécution du plan ne se voit pas reconnaître par la loi qualité pour représenter le débiteur (Cass. soc., 27 novembre 2001, n° 00-40.771, FS-P N° Lexbase : A2703AXE, RTD Com. 2002, p. 154, n° 3, obs. C. Saint -Alary Houin ; Cass. com., 13 novembre 2003, n° 01-10.724, M. Pascal Raynaud c/ Caisse régionale du Crédit agricole mutuel (CRCAM) Centre France, F-D N° Lexbase : A1230DAS ; Cass. com., 12 octobre 2004, n° 02-16.762, M. Frédéric Letertre c/ M. David Noël, FS-P N° Lexbase : A6002DDN, D. 2004, AJ p. 2790 ; D. 2005, pan. p. 295, obs. P.-M. Le Corre ; JCP éd. E, 2005, chron. 31, p.27, n° 4, obs. M. Cabrillac et Ph. Pétel ; Bull. Joly 2005 /1, § 2, p. 27, note A. Cérati-Gauthier). Une action en paiement ne peut donc être dirigée contre lui (Cass. com., 12 juillet 2004, n° 01-16.034, F-P+B+I N° Lexbase : A0985DDT, RD bancaire et financier 2004/6, p. 415, n° 255, obs. F.-X. Lucas). La seconde raison tient à la considération selon laquelle, même si le commissaire à l'exécution du plan avait qualité pour représenter la société débitrice, il n'en serait ainsi que pour la défense de ses droits patrimoniaux, non pour la défense de ses droits propres. Or, la participation du débiteur aux instances qui le concernent, est un droit propre qui ne peut, en conséquence, être exercé par un organe de la procédure collective.

Les avocats spécialistes en droit social ne peuvent s'émanciper du droit des procédures collectives, lorsque la question relève du droit social des procédures collectives. Ils n'oublieront plus, tout au moins pour les procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006, de faire nommer un mandataire ad hoc pour représenter la société débitrice dans les instances devant le conseil des prud'hommes en cas de plan de cession totale et en cas de la liquidation judiciaire de la société employeur.

La loi de sauvegarde des entreprises a modifié, en apparence du moins, le texte en supprimant le visa du plan de cession totale comme cause de la dissolution des sociétés. En réalité, il s'agit, par cette modification, de tenir compte de la possibilité d'arrêté d'un plan de cession en liquidation judiciaire. Le plan de cession totale n'entraîne plus, par lui-même, dissolution de la société. Celle-ci sera la conséquence de la seule liquidation judiciaire. C'est ainsi que l'article 1844-7 du Code civil (N° Lexbase : L2027ABP) dispose : "la société prend fin [...] 7° Par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire". Mais la difficulté ici rencontrée n'aura pratiquement plus l'occasion de se rencontrer car, faisant preuve d'un grand pragmatisme, le législateur prévoit, à l'article L. 641-9-II, alinéa 1er, nouveau du Code de commerce (N° Lexbase : L3951HBX) que, "lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale. En cas de nécessité, un mandataire peut être désigné en leur lieu et place par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public".

P.-M. Le Corre

  • L'absence d'interruption de la prescription courant contre le débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire (Cass. com., 20 septembre 2005, n° 03-17.137, Société Laporte Holding c/ Crédit commercial de France (CCF), F-P+B N° Lexbase : A5013DKU)

Selon l'article L. 621-40-I du Code de commerce (N° Lexbase : L6892AI4), "le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent
".

Selon l'article L. 621-40-III du Code de commerce, "les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus".

Cette dernière disposition est l'objet de fort peu de contentieux. L'intérêt de l'arrêt rapporté n'en est que plus grand. Il pose la question de savoir si le débiteur peut exhiber la règle pour prétendre à l'interruption du délai de prescription pour soulever l'exception de nullité du contrat de prêt dans le cadre d'une instance d'admission de la créance au passif.

En l'espèce, une banque accorde un prêt à une société. Moins de cinq ans plus tard, la société est déclarée en redressement judiciaire. Dans le cadre de la procédure de vérification des créances, une exception de nullité du prêt pour irrégularité de la stipulation du taux d'intérêts insérée dans le contrat de prêt est soulevée par le débiteur et son administrateur judiciaire, plus de cinq ans après le déblocage du prêt. Cette nullité, enfermée dans le délai de cinq ans du début de l'exécution du prêt, avait-elle vu son délai de prescription interrompu par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur ? Non, répond la Cour de cassation. "Le délai de prescription qui court contre un débiteur n'est pas suspendu par sa mise en redressement ou liquidation judiciaire".

L'article L. 621-40-III du Code de commerce, qui est repris par la loi de sauvegarde des entreprises à l'article L. 622-21-III du même code (N° Lexbase : L3741HB8), n'est donc pas réversible. Il joue à sens unique. Il interrompt les délais de prescription, voire de forclusion, au seul bénéfice du créancier qui est frappé par la règle de l'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution. Le débiteur, quant à lui, n'est pas concerné par cette règle. Il peut agir, éventuellement avec l'assistance de son administrateur, voire par représentation de son administrateur judiciaire ou de son liquidateur judiciaire. Mais, puisqu'il peut agir, il n'y a pas de raison de le faire bénéficier de la règle de l'interruption des délais impartis à peine de déchéance.

Au demeurant, il faut ajouter que, du côté du créancier, les actions qui ne tendent ni directement, ni indirectement au paiement d'une somme d'argent, ne sont pas concernées par la règle de l'arrêt des poursuites individuelles.
Il en est ainsi des actions qui portent sur l'efficacité de la convention. Sont, ainsi, soustraites à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, les actions tendant à déterminer la validité de la convention (CA Agen, 23 octobre 1996, Rev. proc. coll. 1998, 236, n° 3, obs. F. Macorig-Venier), les actions en nullité du contrat (CA Dijon, 25 novembre 1995, Bull. inf. C. cass. 1995, n° 841 ; Rev. huissiers 1995, 263 ; CA Paris, 2ème ch., sect. A, 14 oct. 2003, RG n° 2002/12938 ; adde sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967 (loi n° 67-563 N° Lexbase : L7803GT8) ; Cass. com., 10 octobre 1978, n° 77-10156, Lelaie, SA SCIFA c/ SA Office Foncier Investissement OFI, Pernot, publié N° Lexbase : A9513CGG, Gaz. Pal. 1979, I, pan. 40), desquelles on rapprochera les actions en réduction du prix de vente d'un fonds de commerce pour inexactitude des mentions obligatoires (CA Paris, 17 janvier 1994, RJDA 1994, n° 333 ; Rev. proc. coll. 1996, 70, n° 1, obs. F. Macorig-Vénier) ou en rescision pour lésion (Cass. com., 8 décembre 1976, n° 74-14607, Feraud-Prax c/ Poletti, publié N° Lexbase : A6884CG3, sol. impl., Bull. civ. IV, n° 312 ; CA Angers, 12 avril 1989, Rev. proc. coll. 1990, 227, n° 7, obs. C. Saint-Alary Houin ; CA Paris, 5ème ch., sect. B, 13 mai 1993, Rev. proc. coll. 1994, 34, n° 4, obs. C. Saint-Alary Houin). En conséquence, puisque de telles actions ne sont pas affectées par la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, l'article L. 621-40-III du Code de commerce, et demain, l'article L. 622-21-III, ne pourraient être appliqués, puisque ces textes sont des corollaires directs de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles.

Signalons, enfin, qu'il existe une autre cause d'interruption de la prescription (Cass. com., 15 mars 2005, n° 03-17.783, FS-P+B N° Lexbase : A3022DHE, D. 2005, AJ p. 1286, obs. A. Lienhard), mais qui ne joue identiquement qu'au profit du créancier : la déclaration de créance au passif, pour cette raison qu'elle est aussi un corollaire de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles.

P.-M. Le Corre

Pour la 2ème partie de cet article, lire (N° Lexbase : N6356AKM)

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