La lettre juridique n°187 du 27 octobre 2005 : Social général

[Jurisprudence] Seuils d'effectifs : un arrêt du Conseil d'Etat en demi-teinte

Réf. : CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération générale du travail et autres (N° Lexbase : A9978DKR)

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le 07 Octobre 2010

Les opposants à la réforme excluant du calcul des seuils d'effectifs les jeunes de moins de 26 ans (loi du 26 juillet 2005 n° 2005-846 habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : L8804G9X et ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises N° Lexbase : L0757HBN) se sont manifestés par la voie judiciaire qui, jusqu'à présent, ne leur pas donné raison. En effet, le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2005-521 DC du 22 juillet 2005, Loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi N° Lexbase : A1642DKZ), saisi par les parlementaires, n'a pas censuré la loi du 26 juillet 2005. Le Conseil d'Etat vient de rendre une décision le 14 octobre 2005, saisi par la CGT, la CFDT, la CGC, la CFTC et FO, qui demandaient l'annulation de cette ordonnance. La décision, en demi-teinte, déboute les syndicats de l'ensemble de leurs prétentions (1), sauf sur le point de la carence des institutions représentatives du personnel résultant d'une dispense (par le jeu même de l'ordonnance n° 2005-892) préjudiciable aux salariés dans le cadre d'un licenciement économique collectif, tel que prévu par les Directives 98/59/CE du 20 juillet 1998 (N° Lexbase : L9997AUS) et 2002/14/CE du 11 mars 2002 (N° Lexbase : L7543A8U). Le Conseil d'Etat prononce un sursis à statuer sur les requêtes jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée (2).
Décision

CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération générale du travail et autres (N° Lexbase : A9978DKR)

Textes applicables :
- Préambule de la Constitution (N° Lexbase : L6815BHU) ;
- Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (N° Lexbase : L9900AU9) ;
- Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatifs aux licenciements collectifs (N° Lexbase : L9997AUS) ;
- Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (N° Lexbase : L7543A8U) ;
- Loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : L8804G9X) ;
- Décision du Conseil constitutionnel n° 2005-521 DC du 25 juillet 2005 (N° Lexbase : A1642DKZ).

Lien bases :

Faits

1. Requête de la CGT, la CFDT, la CGC, la CFTC et FO : demande l'annulation de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005.

Les requérants invoquaient :
- la méconnaissance du champ de la loi d'habilitation n° 2005-846 ;
- la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ;
- la méconnaissance du principe d'égalité ;
- la méconnaissance de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 ;
- la méconnaissance des objectifs des Directives 98/59/CE du 20 juillet 1998 et 2002/14/CE du 11 mars 2002.

Solution

1. Aucun des moyens invoqués par les syndicats contre l'ordonnance n° 2005-892 n'est retenu par le Conseil d'Etat, sauf le dernier moyen, portant sur les Directives 98/59/CE du 20 juillet 1998 et 2002/14/CE du 11 mars 2002.

2. Il est sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) se soit prononcée sur les questions suivantes :

Compte tenu de l'objet de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002, qui est d'établir un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements situés dans la Communauté, le renvoi aux Etats membres du soin de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés que cette directive énonce, doit-il être regardé comme permettant à ces Etats de procéder à la prise en compte différée de certaines catégories de travailleurs pour l'application de ces seuils ?

Dans quelle mesure la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 peut-elle être interprétée comme autorisant un dispositif ayant pour effet que certains établissements occupant habituellement plus de 20 travailleurs se trouvent dispensés, fût-ce temporairement, de l'obligation de créer une structure de représentation des travailleurs en raison de règles de décompte des effectifs excluant la prise en compte de certaines catégories de salariés pour l'application des dispositions organisant cette représentation ?

3. Il est demandé à la CJCE que ces questions, dont la réponse, eu égard au caractère limité dans le temps du dispositif litigieux qui doit cesser de produire effet au 31 décembre 2007, présente un caractère exceptionnellement urgent, soient examinées conformément à la procédure prévue à l'article 104 bis de son règlement de procédure.

Observations

1. Ordonnance n° 2005-892 : un dispositif validé, en partie, par le Conseil d'Etat

1.1. Conformité de l'ordonnance n° 2005-892 à la loi d'habilitation n° 2005-846

Les requérants contestaient l'écart entre la loi d'habilitation du 26 juillet 2005 et sa mise en oeuvre par le pouvoir réglementaire au titre de l'ordonnance n° 2005-892 : le Conseil d'Etat n'a pas été convaincu.

En effet, selon le juge administratif, il résulte de la loi du 26 juillet 2005 que le législateur n'a pas entendu limiter à certaines dispositions du Code du travail la possibilité conférée au Gouvernement de modifier les règles de décompte des effectifs mais l'a, au contraire, habilité à aménager toutes celles de ces règles dont la modification lui paraîtrait de nature à atteindre l'objectif, fixé par la loi, de favoriser l'embauche par les entreprises de salariés âgés de moins de 26 ans.

De plus, selon le Conseil d'Etat, si larges soient-ils, les aménagements aux règles de décompte des effectifs auxquels a procédé l'ordonnance n° 2005-892 sont bien en rapport avec cet objectif d'intérêt général.

1.2. Conformité partielle au droit de la représentation du personnel

L'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005, en modifiant les règles de décompte des effectifs, influence directement la mise en place des institutions représentatives du personnel ou du CHSCT, laquelle est fonction des effectifs de l'entreprise.

En effet, l'ordonnance n° 2005-892 permet, par exception au principe général défini par l'article L. 620-10 du Code du travail (N° Lexbase : L7732HBY), une non-prise en compte des jeunes de moins de 26 ans du calcul des effectifs dans toutes les dispositions du Code du travail qui font intervenir la variable seuil d'effectifs : seuil de déclenchement de la mise en place des institutions représentatives du personnel, seuil de déclenchement d'un régime propre dans le droit des licenciements, dispositions liant l'obtention de certains droits des salariés à des seuils (procédures de licenciement, participation, congés, formation...) ainsi que celles qui sont relatives à l'hygiène et à la sécurité (locaux de premiers secours, CHSCT...).

  • Mise en place des institutions représentatives du personnel

Le Sénat a montré qu'il était réticent à la réforme mise en place par l'ordonannce n° 2005-892, sur le point précis de la mise en place des institutions représentatives du personnel : "même si elle comprend que la priorité soit aujourd'hui accordée à la création d'emplois, [le Sénat] regrette les conséquences de cette disposition sur la représentation du personnel et la présence syndicale dans l'entreprise. Il serait certainement souhaitable de réfléchir aux moyens propres à renforcer la présence syndicale dans l'entreprise, et à y conforter la représentation du personnel, qui sont des préalables indispensables au développement du dialogue social auquel votre commission est très attachée" (1).

Pourtant, dans sa décision DC 2005/521 rendue le 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel n'a pas émis de critiques ni de réserves : l'article 1er-5ème de la loi d'habilitation n° 2005-846 n'autorise qu'un aménagement des règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail ou d'obligations financières imposées par d'autres législations, et non du contenu desdites dispositions ou obligations.

Aussi, le Conseil constitutionnel a rejeté les moyens invoqués par les parlementaires, le grief tiré de la méconnaissance du droit des salariés de participer à la détermination de leurs conditions de travail ainsi que de leur droit au repos et à la protection de la santé, énoncés par les huitième et onzième alinéas du Préambule de 1946.

Le motif principal tient à ce qu'aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle, n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes rencontrant des difficultés particulières : il pouvait donc, en vue de favoriser le recrutement des jeunes âgés de moins de 26 ans, autoriser le Gouvernement à prendre des dispositions spécifiques en ce qui concerne les règles de décompte des effectifs.

Devant le Conseil d'Etat, les syndicats invoquaient le même moyen tiré de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. Dans sa décision rapportée, le Conseil d'Etat apporte la même réponse que celle du Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 22 juillet 2005.

Les dispositions attaquées de l'article 1er de l'ordonnance du 2 août 2005 ne procèdent qu'à un aménagement des règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail. Elles ne modifient pas le contenu de ces dispositions et ne privent pas d'effectivité la portée de celles qui mettent en oeuvre le principe énoncé au huitième alinéa du préambule.

Par suite, les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'ordonnance attaquée a été prise en méconnaissance de ce principe.

  • Mise en place du CHSCT

Devant le Conseil d'Etat, les syndicats invoquaient un moyen tiré de la méconnaissance de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 que les parlementaires n'avaient pas soumis au Conseil constitutionnel.

Il faut rappeler que la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 (art. 9 § 2) prévoit que les Etats membres définissent, compte tenu de la nature des activités et de la taille des entreprises, les obligations auxquelles doivent satisfaire les différentes catégories d'entreprises, en ce qui concerne l'établissement des évaluations portant sur les risques pour la sécurité et la santé au travail, de la définition des mesures de protection à prendre, de la liste des accidents du travail et des rapports concernant ces accidents du travail.

En droit interne, les dispositions du titre III du livre II du Code du travail relatives à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail garantissent le respect de ces obligations, en prenant en compte la taille de l'établissement, la nature de son activité, le caractère des risques qui y sont constatés ainsi que le type des emplois occupés par les salariés concernés.

Selon le Conseil d'Etat, si l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises introduit par l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 peut affecter la portée de celles des dispositions du Code du travail qui prennent en compte la taille de l'entreprise quant à la nature ou à l'étendue de ses obligations en la matière, cet aménagement n'est pas incompatible avec les objectifs de la directive 89/391/CEE, laquelle laisse aux Etats membres la faculté de faire varier ces obligations en fonction de la taille de l'entreprise et n'impose aucun mode de calcul de cette taille.

Aussi, le moyen tiré de la contrariété de l'ordonnance n° 2005-892 avec les dispositions de cette Directive ne peut être accueilli, selon le Conseil d'Etat, par l'arrêt rapporté.

1.3. Conformité au principe d'égalité entre salariés et entre employeurs

Enfin, les syndicats invoquaient devant le Conseil d'Etat un moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité.

Le Conseil d'Etat rappelle que selon la loi du 26 juillet 2005 (art. 1), la possibilité d'exclure du décompte des effectifs les salariés âgés de moins de 26 ans résulte, dans son principe, de la loi, le législateur ayant laissé à l'appréciation du Gouvernement, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le choix des mesures propres à satisfaire l'intérêt général qui s'attache à l'accroissement du recrutement par les entreprises de tels salariés.

Les aménagements auxquels a procédé l'ordonnance n° 2005-892 sont en rapport avec cet objectif d'intérêt général et ne sont pas manifestement disproportionnés. Le Conseil d'Etat s'aligne sur la décision précitée du Conseil constitutionnel du 22 juillet 2005, selon laquelle les règles de droit commun en matière de décompte des effectifs s'appliqueront à nouveau lorsque les intéressés atteindront l'âge de 26 ans. Aussi, les différences de traitement qui peuvent résulter de la loi d'habilitation n° 2005-846 répondent à une fin d'intérêt général qu'il appartenait au législateur d'apprécier et ne sont, dès lors, pas contraires à la Constitution.

2. Ordonnance n° 2005-892 : un dispositif invalidé par le Conseil d'Etat

2.1. Non-conformité au droit de la consultation des représentants du personnel au titre de la réglementation communautaire sur le licenciement

Le dernier moyen invoqué par les syndicats portait sur la non-conformité de l'ordonnance n° 2005-892 avec le droit communautaire, parce que l'aménagement des règles de décompte des effectifs conduirait à méconnaître les objectifs des Directives 98/59/CE du 20 juillet 1998 et 2002/14/CE du 11 mars 2002.

Le droit communautaire des licenciements économiques est composé de deux sources essentielles : la Directive n° 98/59/CE du 20 juillet 1998 et la Directive n° 2002/14/CE du 11 mars 2002 (2).

La Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 définit comme travailleur toute personne protégée à ce titre par la législation nationale sur l'emploi. Elle prescrit aux Etats membres d'organiser l'information et la consultation des travailleurs dans les établissements qui en emploient au moins 20 salariés ou les entreprises qui en emploient au moins 50. Cette Directive 2002/14/CE précise que les Etats membres déterminent le mode de calcul des seuils de travailleurs employés.

Selon la Directive n° 98/59/CE du 20 juillet 1998, cette information et cette consultation doivent prendre la forme de procédures portant sur les possibilités d'éviter ou de réduire le nombre des licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d'en atténuer les conséquences par des mesures sociales d'accompagnement dans tous les cas où au moins 10 travailleurs ont été licenciés pendant une période de 30 jours, dans les entreprises employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs.

Dans un premier temps, le Conseil d'Etat rappelle utilement que les dispositions de l'ordonnance n° 2005-892 n'ont pas directement pour effet d'exclure l'application des dispositions du Code du travail qui mettent en oeuvre les objectifs de ces directives c'est-à-dire, d'une part, celles de l'article L. 421-1 (N° Lexbase : L6352ACA) prévoyant l'élection de délégués du personnel dès lors qu'un effectif d'au moins 11 salariés est atteint dans l'établissement pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 années précédentes et, d'autre part, celles de l'article L. 321-2 (N° Lexbase : L0048HD7) selon lesquelles les employeurs qui envisagent de procéder à un licenciement pour motif économique sont tenus de réunir et de consulter le comité d'entreprise ou les délégués du personnel lorsque le nombre de licenciements envisagés est au moins égal à 10 dans une même période de 30 jours (mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi).

Mais, dans un second temps, le Conseil d'Etat, par l'arrêt rapporté, relève que dans le cas d'entreprises (ou établissements) comportant plus de 20 travailleurs, spécialement parmi lesquels moins de 11 sont âgés de 26 ans ou plus, l'application de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 peut avoir pour conséquence, ainsi que le relèvent les syndicats requérants, de dispenser l'employeur de l'obligation d'assurer l'élection des délégués du personnel, et donc finalement de faire obstacle au respect de l'obligation de consultation édictée par l'article L. 321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0048HD7).

2.2. Questions préjudicielles

Dans ces conditions, la réponse aux moyens dont le Conseil d'Etat est saisi à l'encontre de l'ordonnance n° 2005-892 soulève deux questions déterminantes :

- Compte tenu de l'objet de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 (art. 1 : établir un cadre général fixant des exigences minimales pour le droit à l'information et à la consultation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements situés dans la Communauté), le renvoi aux Etats membres du soin de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés que cette directive énonce doit-il être interprété comme permettant à ces Etats de procéder à la prise en compte différée de certaines catégories de travailleurs (jeunes de moins de 26 ans) pour l'application de ces seuils ?

- Dans quelle mesure la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 peut-elle être interprétée comme autorisant un dispositif ayant pour effet que certains établissements occupant habituellement plus de 20 travailleurs se trouvent dispensés (ne serait-ce temporairement, jusqu'au 31 décembre 2007) de l'obligation de créer une structure de représentation des travailleurs en raison de règles de décompte des effectifs excluant la prise en compte de certaines catégories de salariés pour l'application des dispositions organisant cette représentation ?

Ces deux questions sont, pour le Conseil d'Etat, déterminantes pour la solution du litige soulevé par les syndicats contre l'ordonnance n° 2005-892. Elles posent une difficulté sérieuse : il y a lieu de saisir la Cour de justice des Communautés européennes en application de l'article 234 du traité CE et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les requêtes des syndicats (précités).

Enfin, en raison du caractère limité dans le temps de l'ordonnance n° 2005-892 (qui doit cesser de produire effet au 31 décembre 2007), ces questions appellent, selon le Conseil d'Etat, une réponse exceptionnellement urgente, justifiant de demander à la Cour de justice des Communautés européennes de faire usage de la procédure prévue à l'article 104 bis de son règlement de procédure.

En réalité, ces deux questions préjudicielles posent un même conflit entre deux normes, la première assurant une obligation de consulter les représentants du personnel dans le cadre d'un licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; la seconde, un aménagement aux droit de la représentation du personnel (donc, de leur consultation en cas de licenciement) au nom de l'emploi, de la lutte contre le chômage et les exclusions, dont l'ordonnance n° 2005-892 est une mesure d'application.

On sait comment le Conseil constitutionnel a tranché ce litige, en donnant la priorité à l'emploi. Il est plutôt délicat d'anticiper la décision de la CJCE, spécialement, de prédire si elle va se positionner sur ce terrain, qui est finalement le véritable débat.

Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Haute Alsace


(1) A. Gournac, Sénat, Rapport n° 457, 6 juil. 2005.

(2) G. Couturier, Quel avenir pour le droit de licenciement ? Perspectives d'une régulation européenne, Dr. soc. 1997, p. 75 ; F. Favennec-Héry, La directive n° 92 /1956 du 24 juin 1992 ou les espoirs déçus, Dr. soc. 1993, p. 29 ; F. Gaudu, L'influence du droit communautaire sur la politique de l'emploi, Dr. soc. 1993, p. 801 ; P. Morvan, Le rôle des représentants du personnel dans les restructurations d'entreprises de dimension communautaire, dans Le salarié, l'entreprise, le juge et l'emploi, Cahier travail et emploi, Doc. Fr./ministère de l'Emploi et de la solidarité, 2001. 179 ; P. Rodière, Le comité d'entreprise à l'heure européenne, Dr. ouvrier 1995, p. 61 ; Le cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans l'entreprise - Semaine sociale Lamy 18 nov. 2002, n° 1098, p. 6 ; B. Teyssié, Le comité d'entreprise européen, Economica 1997 ; Le comité d'entreprise européen (Directive n° 94/45 du 22 septembre 1994), JCP E, 1995. I. 416.

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