La lettre juridique n°186 du 20 octobre 2005 : Sécurité sociale

[Textes] Assurance maladie complémentaire : les contrats responsables enfin réglementés

Réf. : Décret n° 2005-1226 du 29 septembre 2005 relatif au contenu des dispositifs d'assurance maladie complémentaire bénéficiant d'une aide et modifiant le Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5490HCC)

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le 07 Octobre 2010

Au centre de la réforme de l'assurance maladie issue de la loi du 13 août 2004 (loi n° 2004-810 du 13 août 2004, relative à l'assurance maladie N° Lexbase : L0836GT7) figure l'organisation d'un parcours de soins afin de favoriser la coordination des professionnels de la santé et l'amélioration de la qualité des prestations de santé. Parmi les instruments de cette réforme les plus médiatisés, on peut mentionner la mise en place du dispositif du médecin traitant ou encore celle du dossier médical personnel. Mais, il y a maintenant longtemps que les pouvoirs publics ont pris conscience du fait qu'une réforme de l'assurance maladie ne pouvait être limitée à la seule assurance maladie obligatoire. Dans cette logique, la réforme d'août 2004 prévoit des modifications intéressant également l'assurance maladie complémentaire. Ainsi, la loi du 13 août 2004 et la loi de finances rectificative pour 2004 (loi n° 2004-1485, 30 décmbre 2004, de finances rectificative pour 2004 N° Lexbase : L5204GUB) ont prévu que les contrats d'assurance complémentaire santé devront respecter un cahier des charges. Plus précisément, les avantages fiscaux et sociaux envisageables pour ces contrats seront réservés aux seuls contrats respectant le cahier des charges. Le contenu de ce cahier des charges devait être précisé par la voie réglementaire. D'aucuns ont d'ailleurs pu critiquer le décalage entre la hausse des tarifs intervenue le 1er juillet 2005 et la mise en place des contrats responsables. Après plusieurs mois de retard, un décret vient enfin d'être pris par le Gouvernement à cet effet. Il était temps : en effet, pour obtenir le label de "contrats responsables" et bénéficier de l'ensemble des avantages fiscaux et sociaux qui l'accompagnent, les contrats de prévoyance complémentaire devront se conformer à ces exigences le 1er janvier 2006 au plus tard.

Alors que des comptes déficitaires de 8,3 milliards d'euros en 2005 pour l'assurance maladie sont annoncés, il n'est pas inutile de continuer à faire le point sur les différentes mesures de réforme de l'assurance maladie prises par les pouvoirs publics depuis 2004. La parution du décret n° 2005-1226 du 29 septembre 2005 relatif au contenu des dispositifs d'assurance maladie complémentaire bénéficiant d'une aide et modifiant le Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L5490HCC) en est à nouveau l'occasion.

De nombreuses réformes de l'assurance maladie n'ont concerné que la seule assurance maladie obligatoire. Mais, l'articulation de cette dernière avec l'assurance maladie complémentaire ne peut plus être ignorée ou sous-estimée. La couverture complémentaire est d'abord devenue un enjeu crucial du fait de la réduction progressive du taux de prise en charge des frais par l'assurance maladie obligatoire. En mettant en place la couverture maladie universelle complémentaire, les pouvoirs publics ont d'ailleurs indéniablement marqué l'importance de cet étage de la couverture maladie. Mais la couverture maladie complémentaire occupant une place de plus en plus importante, elle devient également un élément que toute réforme de l'assurance maladie obligatoire doit prendre en compte.

Au sein des dernières réformes intervenues, l'objectif de responsabilisation des assurés passe fréquemment par l'augmentation des sommes restant à la charge des assurés. Or, de telles mesures ne sauraient avoir un impact réel ou complet si les couvertures complémentaires assurent la prise en charge du quantum non pris en charge par l'assurance maladie obligatoire. Un développement trop important de l'assurance maladie complémentaire risque de réduire l'efficacité des réformes intéressant l'assurance maladie obligatoire. Un tel danger a été perçu assez tôt par les pouvoirs publics. Il suffit ici de rappeler les expériences de ticket modérateur d'ordre public déjà menées dans le passé.

L'indispensable articulation des assurances maladie obligatoire et complémentaire a été prise en compte par la dernière réforme de l'assurance maladie issue de la loi du 13 août 2004. Au niveau institutionnel, il convient de rappeler la création de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire (Unoc) qui réunit des représentants des mutuelles, des institutions de prévoyance, des sociétés et mutuelles d'assurances. On le sait, l'objet de l'Unoc est de favoriser la concertation entre ses membres mais, également, et peut-être surtout, le dialogue entre ces derniers et les autres secteurs du système de santé et de l'assurance maladie. Parmi les premiers dossiers à traiter par l'Unoc, figurait celui des contrats responsables, également transmis par le Gouvernement à l'Uncam (Union nationale des caisses d'assurance maladie).

Le Gouvernement souhaite réserver ce label de "contrats responsables" aux contrats d'assurance maladie complémentaire respectant un cahier des charges dont l'objectif premier est de protéger les modifications apportées à l'assurance maladie obligatoire et, en particulier, celles concernant le parcours de soins. Mais, la définition de ce cahier des charges a manifestement été assez problématique : le décret précisant le contenu de ce cahier des charges s'est fait attendre pendant de longs mois avant d'intervenir le 29 septembre dernier. Parmi les raisons de ce retard, d'aucuns insistent sur l'indécision des pouvoirs publics, d'autres remarquent les positions très divergentes de la mutualité et des assureurs.

Pour aller à l'essentiel, la mutualité était opposée à la prise en charge des dépassements d'honoraires liés au non-respect du parcours de soins, tandis que les assureurs souhaitaient que soit reconnue la possibilité d'une prise en charge au moins partielle du reste à charge. Le décret précise, comme prévu, le contenu du cahier des charges s'imposant aux contrats responsables (1) ; il permet également de clarifier la mise en oeuvre de ces derniers (2).

1. Le contenu du cahier des charges des contrats responsables

L'article 57 de la loi du 13 août 2004 a prévu que seuls les contrats d'assurance maladie complémentaire respectant des règles fixées par décret après avis de l'Uncam et de l'Unoc pourraient ouvrir droit au bénéfice d'avantages fiscaux et sociaux. Plus précisément, la loi du 13 août 2004 indiquait que ces règles devraient, tout d'abord, prévoir l'exclusion totale ou partielle de la prise en charge de la majoration de participation des assurés et de leurs ayants droit visée à l'article L. 162-5-3 (N° Lexbase : L1384GUS) et des actes et prestations pour lesquels le patient n'a pas accordé l'autorisation visée à l'article L. 161-36-2.

Le législateur précisait également que ces règles devraient prévoir la prise en charge totale ou partielle des prestations liées à la prévention, aux consultations du médecin traitant et aux prescriptions de ce dernier. On aura facilement reconnu l'ensemble des éléments constituant le nouveau parcours de soins mis en place par la réforme "Douste-Blazy" (v. les études précédentes consacrées à cette dernière).

A la fin de l'année 2004, la loi de finances rectificative pour 2004 a introduit une nouvelle contrainte : les contrats responsables devront exclure totalement ou partiellement la prise en charge des dépassements d'honoraires "autorisés", c'est-à-dire liés au non-respect du parcours de soins.

Mais des interrogations demeuraient quant aux choix qui seraient effectués dans la rédaction du décret prévu par le législateur dans la loi du 13 août 2004 et dans la loi de finances rectificative pour 2004. En effet, le législateur laissait au pouvoir réglementaire une marge de manoeuvre relativement grande en prévoyant, d'une part, l'exclusion totale ou partielle de la prise en charge de certains frais et, d'autre part, la prise en charge totale ou partielle d'autres frais. Le principe d'une prise en charge ou de son exclusion était affirmé mais immédiatement nuancé par la précision "totale ou partielle"... Or, comme on l'a dit, les débats furent assez tendus sur ce point, notamment parmi les acteurs de l'assurance maladie complémentaire.

1.1. Les interdictions de prise en charge

Comme prévu par le législateur, le décret envisage, tout d'abord, une série d'interdictions de prise en charge par les contrats d'assurance maladie complémentaire. C'est ainsi qu'un nouvel article R. 871-1 est inséré dans le Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6886HCZ), au sein d'un nouveau titre (titre VII : contenu des dispositifs d'assurance maladie complémentaire bénéficiant d'une aide) qui complète le livre VIII du même Code.

Cet article prévoit que les couvertures complémentaires ne peuvent comprendre la prise en charge de la majoration de participation prévue aux articles L. 162-5-3 (N° Lexbase : L1384GUS) et L. 161-36-2 (N° Lexbase : L1358GUT) du Code de la Sécurité sociale, ni les dépassements d'honoraires sur les actes cliniques et techniques pris en application du 18° de l'article L. 162-5 (N° Lexbase : L1382GUQ), à hauteur au moins du montant du dépassement autorisé sur les actes cliniques.

Est ainsi exclue la prise en charge de la majoration appliquée à un assuré qui ne choisit pas de médecin traitant ou qui consulte directement un autre médecin (sauf exceptions au parcours de soins autorisées). Mais, est également exclue la prise en charge du dépassement d'honoraires que les médecins relevant de certaines spécialités ont été autorisés à pratiquer, dans certaines limites sur les tarifs des actes et consultations pour les patients qui les consultent sans prescription préalable de leur médecin traitant et qui ne relèvent pas d'un protocole de soins. Pour cette seconde exclusion, le décret la limite cependant à hauteur du montant du dépassement autorisé sur les actes cliniques.

Il convient, en revanche, de relever que l'interdiction de prise en charge ne concerne pas les dépassements d'honoraires pratiqués par les praticiens relevant du secteur 2 à honoraires libres.

1.2. Les obligations de prise en charge

Après une série d'interdictions de prise en charge, et là encore comme le législateur l'y invitait, le pouvoir réglementaire prévoit des obligations de prise en charge de certains frais. Ainsi, le nouvel article R. 871-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6887HC3) précise que les couvertures maladies complémentaires doivent comprendre la prise en charge :

- d'au moins 30 % du tarif opposable des consultations du médecin traitant ;
- d'au moins 30 % du tarif servant de base au calcul des prestations d'assurance maladie pour les médicaments autres que ceux mentionnés aux 6° et 7° de l'article R. 322-1 (N° Lexbase : L7929G7S), prescrits par le médecin traitant ;
- d'au moins 35 % du tarif servant de base au calcul des prestations d'assurance maladie pour les frais d'analyses ou de laboratoires prescrits par le médecin traitant (1).

Compte tenu des taux de remboursement actuels, on peut en déduire que le remboursement d'une consultation du médecin traitant de secteur 1 sera intégral (70 % par l'assurance maladie obligatoire et 30 % par l'assurance maladie complémentaire). On peut également préciser que les prescriptions du médecin traitant seront couvertes à 95 % pour les spécialités remboursées à 65 % par l'assurance maladie obligatoire (soit 65 % pour cette dernière, 30 % pour l'assurance maladie complémentaire et 5 % restant à la charge de l'assuré). Enfin, concernant les actes d'analyse et de laboratoire, le taux minimal de couverture complémentaire devra être égal à 35 %, ce qui permettra pour la plupart des actes une couverte totale à hauteur de 95 %.

Est également rendue obligatoire par le décret la prise en charge totale de la participation de l'assuré en ce qui concerne les actions de prévention. Plus précisément, l'assurance maladie complémentaire devra couvrir selon ces modalités au moins deux prestations de prévention considérées comme prioritaires au regard d'objectifs de santé publique.

Un arrêté doit fixer la liste de ces prestations. Devraient y figurer : une consultation bucco-dentaire tous les 24 mois, une consultation d'ophtalmologie tous les 24 mois, les consultations organisées dans le cadre d'un programme de santé déterminé par les départements et la consultation prénuptiale.

Ainsi, la liste des prises en charge obligatoires est relativement longue. Il convient, cependant, de préciser maintenant la mise en oeuvre de l'ensemble de ces obligations.

2. La mise en oeuvre des contrats responsables

La question de la mise en oeuvre du contenu du cahier des charges des contrats responsables appelle plusieurs remarques. Il convient, tout d'abord, de remarquer que ce sont des incitations essentiellement financières qui sont retenues. Il faut également souligner qu'une adaptation des contrats de couverture santé complémentaire doit être réalisée et ce, dans un délai relativement bref.

Il est important de préciser que l'ensemble des obligations et interdictions prévues par le pouvoir réglementaire ne s'imposent que comme conditions à l'obtention du label de contrats responsables. Il ne s'agit ni d'interdictions, ni d'obligations absolues, la mise en conformité n'est pas d'ordre public. Cependant, ces interdictions et obligations viennent désormais conditionner le bénéfice de l'ensemble des avantages fiscaux et sociaux qui accompagnent depuis longtemps les couvertures maladie complémentaires.

On peut d'ailleurs souligner à cet égard que, parmi d'autres dispositions, l'article 57 de la loi du 13 août 2004 avait fait l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel. Les auteurs du recours considéraient que la subordination du bénéfice de certains avantages fiscaux et sociaux à l'exclusion totale ou partielle de la prise en charge par les organismes de couverture complémentaire portait atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques.

Il est important de rappeler que le Conseil constitutionnel avait rejeté cet argument et retenu que les nouvelles règles répondaient aux exigences constitutionnelles liées tant à la protection de la santé qu'à l'équilibre financier de la Sécurité sociale : en subordonnant l'octroi d'avantages fiscaux à l'absence de prise en charge, par les organismes complémentaires, des dépenses de santé exposées en méconnaissance de ces règles, le législateur n'a pas porté atteinte au principe d'égalité.

Les bénéfices visés sont loin d'être négligeables et pèseront certainement dans les décisions de renégociation des contrats de couverture complémentaire. Rappelons simplement que les contrats collectifs à adhésion obligatoire bénéficient d'un régime assez favorable : les sommes versées par l'employeur pour leur financement ne sont pas soumises aux charges sociales (CSS, art. L. 242-1 N° Lexbase : L7529HBH) et ne sont pas intégrées dans le revenu du salarié.

De plus, la partie financée par le salarié lui-même est entièrement déduite de son revenu. Ainsi, si la mise en conformité des contrats responsables n'est pas obligatoire, les intéressés y sont fortement incités.

L'incitation est d'autant plus forte qu'en l'absence de mise en conformité, les "contrats non responsables" perdront les avantages fiscaux et sociaux habituellement consentis. Les sommes payées par l'employeur seront considérées comme des éléments du salaire, imposables et soumises à cotisations. Les sommes payées par le salarié ne seront plus déductibles de son revenu. Enfin, les contrats non responsables seront soumis à la taxe sur les contrats d'assurance.

L'incitation à la responsabilisation est forte, encore faudra-t-il qu'elle soit possible : ainsi, par exemple, les assureurs mettent en avant la nécessité d'obtenir l'accord des contractants pour toute modification des contrats existants. En toute hypothèse, le défi devra être relevé avant le 1er janvier 2006. Le décret relatif aux contrats responsables a décidément beaucoup tardé...

Olivier Pujolar
Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Pour éviter toute prise en charge excédant les frais réellement exposés par l'assuré, le décret prévoit que le cas échéant, les taux de prise en charge minimale qu'il définit sont réduits afin que la prise en charge de la participation des assurés ou de leurs ayants droit ne puisse excéder le montant des frais exposés.

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