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par Propos recueillis par Aurélie Serrano, SGR - Droit social
le 07 Octobre 2010
Maître François Farmine : Rarement dispositif n'a donné lieu à un tel imbroglio de normes juridiques. Instaurée par la loi de cohésion sociale (loi n° 2005-32, 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale, art. 74 N° Lexbase : L6384G49), la convention de reclassement personnalisé a fait l'objet d'un accord national interprofessionnel du 5 avril 2005, retranscrit dans la convention Unedic relative à la convention de reclassement personnalisé, datée du 27 avril 2005 (N° Lexbase : L6384G49). Cette dernière n'est devenue juridiquement opératoire qu'en application de l'arrêté du ministre du Travail et de l'Emploi du 24 mai 2005 (arrêté du 24 mai 2005, portant agrément de la convention relative à la convention de reclassement personnalisé, de l'avenant n° 5 à la convention du 1er janvier 2004 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage N° Lexbase : L7949G8W ; de l'avenant n° 4 au règlement annexé à la convention précitée (N° Lexbase : L1532DPG) et de l'avenant n° 1 à l'accord du 18 février 2004 relatif au financement par l'assurance chômage de points de retraite). Un texte réglementaire précise la mise en oeuvre du dispositif et introduit, dans la foulée, une nouvelle règle, réduisant le droit des allocataires aux allocations chômage (décret n° 2005-587 du 27 mai 2005 relatif à la mise en oeuvre de la convention de reclassement personnalisé et modifiant l'article R. 351-1 du Code du travail N° Lexbase : L7716G8B). Durant l'été, le législateur adopte une loi qui prend acte de l'accord du 5 avril 2005 conclu par les partenaires sociaux et qui procède aux modifications rendues nécessaires (loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne N° Lexbase : L8799G9R). L'Unédic, de son côté, a rajouté une pierre à l'édifice juridique en diffusant une note technique qui permet, il est vrai, d'y voir plus clair (circ. Unédic, n ° 05-12, du 13 juin 2005, Convention de reclassement personnalisé (CRP) N° Lexbase : L6337G9L). Ce panorama demeure inachevé en l'état, puisque l'Etat devra conclure une convention avec l'Unédic destinée à préciser les modalités financières du dispositif.
Lexbase : Il existe une grande similitude entre les conventions de reclassement personnalisé et les conventions de conversion... Jusqu'où va la ressemblance juridique ?
Maître François Farmine : La convention de reclassement personnalisé se substitue au dispositif du plan d'aide au retour à l'emploi anticipé (dit pré-pare) applicable dans les entreprises de moins de 1 000 salariés et s'inspire très largement de l'ancienne convention de conversion. La similitude avec ce dernier dispositif est très importante. C'est d'ailleurs par analogie avec les conventions de conversion qu'il convient de régler les difficultés d'interprétation qui peuvent surgir avec la convention de reclassement personnalisé. Il en est ainsi, par exemple, de la rupture d'un commun accord du contrat de travail prévue lorsque le salarié accepte une convention de reclassement personnalisé. Ainsi, si l'on procède par analogie avec la convention de conversion, cette rupture ne devrait pas priver le salarié du droit de contester la cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat de travail.
Lexbase : La convention de reclassement personnalisé va tout de même plus loin que les anciennes conventions de conversion...
Maître François Farmine : Il est vrai que les conventions de reclassement personnalisé vont plus loin que les conventions de conversion puisqu'elles instituent un dispositif à la fois plus ambitieux, plus large et d'une plus longue durée. Plus ambitieux, tout d'abord, puisque la CRP permet au salarié, à la fois, d'entrer dans le dispositif dès son licenciement, la durée du préavis étant en effet intégrée à la CRP et de poursuivre les formations engagées pendant la CRP après l'échéance de la convention. Plus large, également, puisque le dispositif s'adresse à tous les salariés des entreprises de moins de 1 000 salariés, y compris ceux ayant moins de 2 ans d'ancienneté à condition d'avoir acquis les droits à l'assurance chômage. Dans ce cas, le salarié pourra bénéficier de toutes les mesures d'accompagnement prévue pour la CRP mais il percevra l'indemnité de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE). Seuls les salariés ayant travaillé mois de 6 moins pendant les derniers 23 mois seront exclus du dispositif. Plus long, enfin, puisque le salarié pourra bénéficier de la CRP pendant 8 mois, contre 6 mois pour les anciennes conventions de conversion.
Lexbase : Comment ce dispositif est-il accueilli dans la pratique ?
Maître François Farmine : Le dispositif de la convention de reclassement personnalisé est très récent puisqu'il n'est entré en vigueur que le 31 mai 2005. Toutefois, il semblerait qu'il n'ait pas encore rencontré le succès escompté. Selon une source Unédic, seules 354 personnes ont conclu une CRP en juin 2005. Cette désaffection pour la CRP pourrait s'expliquer par le fait que les salariés entrant dans le dispositif renoncent à percevoir l'indemnité de préavis qui est versée à l'Unedic. En outre, l'acquisition du statut de stagiaire de la formation professionnelle et non de demandeur d'emploi pourrait également limiter l'engouement pour la CRP. Pourtant, le dispositif reste intéressant puisqu'il permet de percevoir pendant 8 mois une indemnité spécifique équivalente à 80 % du salaire brut antérieur pendant les 3 premiers mois, puis à 70 % pendant les 5 derniers mois. En outre, à la différence de l'indemnisation versée par l'assurance chômage, il n'y a pas de délai de carence, le contrat étant réputé rompu d'un commun accord.
Lexbase : Ce dispositif contribue-t-il réellement à faciliter un retour à l'emploi ?
Maître François Farmine : L'employeur participe au financement de la CRP par le versement d'une somme équivalent à 2 mois de salaire et d'une somme équivalent aux heures acquises par le salarié au titre du droit individuel à la formation du salarié. Autant dire que la CRP constitue une antenne emploi à bas prix. Certainement utile dans les petites entreprises, souvent mal loties en matière de formation, la CRP l'est sans doute moins dans les entreprises plus structurées... In fine, l'Unedic sera gagnante si la CRP permet d'accélérer le retour à l'emploi. Avec les anciennes conventions de conversion en vigueur jusqu'en 2000, le taux de retour à l'emploi était de 55 % après 12 mois de chômage. Ce taux avait chuté de dix points quand ces conventions ont été supprimées.
Lexbase : Le contrat intermédiaire issu de la mission Sebag, rebaptisé contrat de transition professionnelle, ne risque-t-il pas de créer des interférences avec la CRP ?
Maître François Farmine : A l'instar de la CRP, le contrat de transition professionnelle vise à offrir aux salariés un accompagnement personnalisé en vue d'un retour rapide à l'emploi. Il s'accompagne d'une "priorité de réembauche" et "prend le relais du contrat de travail des salariés licenciés en leur garantissant des conditions de rémunération, un accompagnement dans la recherche d'emploi et une formation pour permettre un retour rapide à l'emploi". Ce contrat spécifique n'a pas encore été adopté et relève, pour le moment, des choix gouvernementaux. Ainsi, depuis le mois de septembre, ce dispositif a commencé à être expérimenté dans certains bassins d'emploi comme à Charleville-Mézières, par exemple. Grâce à ce contrat, l'Etat peut décider d'améliorer la situation pour des salariés licenciés dans certains bassins d'emploi. Toutefois, pour qu'il n'y ait pas d'interférence entre les deux dispositifs, la CRP doit rester la base du dispositif applicable aux salariés licenciés dans les entreprises de moins de 1 000 salariés, le contrat de transition professionnelle ne constituant qu'un dispositif complémentaire.
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