La lettre juridique n°186 du 20 octobre 2005 : Sociétés

[Textes] Présentation de l'ordonnance du 8 septembre 2005 relative au commissariat aux comptes

Réf. : Ordonnance du 8 septembre 2005, n° 2005-1126, relative au commissariat aux comptes (N° Lexbase : L9911HBP)

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par Guy de Foresta, Avocat au Barreau de Lyon, Consultant auprès du cabinet Bignon, Lebray & Associés

le 07 Octobre 2010

Pour les commissaires aux comptes, l'exercice 2005 est particulièrement chargé. Le décret n° 2005-599 du 27 mai 2005 (N° Lexbase : L7694G8H JO du 29 mai 2005, p. 9485) venait de remanier en profondeur le décret "fondateur" n° 98-610 du 12 août 1969 (N° Lexbase : L9108AGG) relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes en apportant de multiples modifications aux obligations professionnelles et à la rémunération de la profession ainsi qu'au fonctionnement du Haut Conseil des commissaires aux comptes, aux règles d'établissement de la liste des commissaires aux comptes et à leur organisation professionnelle, aux sociétés civiles et aux sociétés d'exercice libéral de commissaires aux comptes (cf. pour plus de détail, Bulletin Rapide de Droit des Affaires, n° 11, 2005, 32). L'ordonnance n° 2005-1126 du 8 septembre 2005 relative au commissariat aux comptes (N° Lexbase : L9911HBP) publiée au Journal officiel du 9 septembre 2005 avec un rapport au Président de la République qui présente et motive les modifications apportées et dont la présente étude s'inspire largement, intervient, à nouveau, sur certains de ces sujets.

Prise en application du 2° de l'article 28 de la loi n° 2004-1343 de simplification du droit du 9 décembre 2004 (N° Lexbase : L4734GUU), cette nouvelle ordonnance parachève la loi de sécurité financière (loi n° 2003-706 du 1er août 2003 N° Lexbase : L3556BLB) et son objectif de protection de l'épargne publique.

Ses dispositions poursuivent trois objectifs distincts :

  • réunifier les statuts des commissaires aux comptes et du régime du contrôle légal des comptes par recodification des règles existantes, désormais, regroupées au livre VIII du Code de commerce ;
  • améliorer le rôle et le fonctionnement du Haut Conseil des commissariats aux comptes afin d'assurer un meilleur suivi des contrôles de la profession ;
  • donner les bases nécessaires à une réforme de l'accès à la profession et du diplôme correspondant.

Le premier objectif est réalisé par un travail de codification à droit quasiment constant (I), alors que le deuxième et le troisième objectif sont accomplis par l'introduction de nouvelles dispositions (II).

I - Les dispositions de forme : l'unification du statut des commissaires aux comptes et du régime du contrôle légal des comptes

A - Le mouvement législatif général

Précédemment au mouvement législatif que l'ordonnance du 8 septembre 2005 consacre, l'essentiel des règles applicables au contrôle légal des comptes figurait au livre II du Code de commerce (relatif aux dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales) dans les dispositions relatives aux sociétés anonymes, alors que le livre VIII (relatif à certaines professions réglementées) demeurait muet à ce sujet.

En vue d'unifier le statut des commissaires aux comptes quelle que soit l'entité dans laquelle ils exercent leurs fonctions, le législateur introduit et regroupe progressivement au livre VIII dudit code, le statut des commissaires aux comptes :

  • la loi NRE du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ) avait, déjà, inséré un nouveau titre au Livre VIII du Code de commerce pour y regrouper les dispositions relatives aux commissaires aux comptes et les sanctions des infractions relatives au contrôle et étendu, par renvoi, les règles de contrôle applicables aux sociétés anonymes et à leur commissaire aux comptes à "[...] toutes les personnes morales quelle que soit la nature de la certification prévue dans leur mission et quel que soit le statut juridique de la personne morale" (C. com., art. L. 820-1 N° Lexbase : L6356DAN) ;
  • dans cette lignée, la loi LSF (loi n° 2003-706, 1er août 2003, de sécurité financière N° Lexbase : L3556BLB) modernisait profondément le régime et renforçait les règles d'incompatibilité et d'indépendance applicables à l'ensemble des commissaires aux comptes dans le livre VIII du Code de commerce ;
  • la présente ordonnance va donc jusqu'à intégrer dans ce livre VIII l'ensemble des règles applicables au contrôle légal des comptes, le livre II ne conservant plus que celles relatives aux seules sociétés anonymes.

B - L'apport de l'ordonnance du 8 septembre 2005

Avec la nouvelle ordonnance, "toutes les règles relatives au contrôle légal des comptes sont codifiées au livre VIII du Code de commerce et s'appliquent à tous les commissaires aux comptes quelle que soit leur mission. De même, les sociétés commerciales, les associations, les établissements publics et tous les organismes soumis à un contrôle de leurs comptes devront respecter le socle de règles inscrites au livre VIII du Code de commerce, pour assurer la sécurité des actionnaires, des associés et des tiers", (cf. rapport précité, introduction).

Les articles 1 à 7 et 15 à 19 de l'ordonnance assurent, ainsi, à droit quasiment constant, un travail de codification par transposition, coordination et abrogation des articles devenus inutiles :

  • nouveaux articles L. 811-11-1 (N° Lexbase : L2905HCL) et L. 811-11-2 (N° Lexbase : L2906HCM) du Code de commerce relatifs à la mission et au rôle des commissaires aux comptes des administrateurs judiciaires (applicables aux mandataires judiciaires par renvoi de l'actuel article L. 812-9 du Code de commerce N° Lexbase : L7162AI4) ;
  • modifications des articles L. 820-1 (N° Lexbase : L2935HCP) et L. 820-2 (N° Lexbase : L2936HCQ) du Code de commerce, lesquels ajoutent aux "personnes" visées les "entités", afin de généraliser l'application des règles du livre VIII du Code de commerce et ce quelle que soit la nature de la mission des commissaires aux comptes (sociétés, associations, établissements publics, organismes soumis à contrôle de leurs comptes) ;
  • nouvel article L. 820-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L2937HCR) reprenant les termes de l'article L. 225-227 du Code de commerce (N° Lexbase : L9914DNI) relatif aux délibérations prises à défaut de désignation régulière de commissaire aux comptes ;
  • nouveaux articles L. 822-17 (N° Lexbase : L2952HCC) et L. 822-18 (N° Lexbase : L2953HCD) du Code de commerce, intégrant au livre VIII (par création d'une section III au chapitre II de son titre II) les règles relatives à la responsabilité des commissaires aux comptes (définition, périmètre et prescription des actions en responsabilité) précédemment édictées aux articles L. 225-241 (N° Lexbase : L6112AI9) et L. 225-242 (N° Lexbase : L6113AIA) du livre II du Code de commerce qui sont donc abrogés ;
  • nouveau chapitre III, introduit au titre II du livre VIII pour codifier les conditions d'exercice du contrôle légal et qui regroupe les règles relatives :
    - à la nomination, à la récusation et à la révocation des commissaires aux comptes (section I) ;
    - à leur mission et à ses modalités (sections II et III) ;
  • suppression de l'essentiel des articles L. 225-228 (N° Lexbase : L6099AIQ) à L. 225-240 (N° Lexbase : L6111AI8) du livre II du Code de commerce qui fixaient ces conditions, sous réserve des dispositions relatives à l'action spécifique pouvant être engagées en société anonyme par une association d'actionnaires (qui subsistent aux articles L. 225-30 (N° Lexbase : L5901AIE) à L. 225-33 (N° Lexbase : L5904AII) du Code de commerce, remaniées en conséquence) ;
  • coordination du Code monétaire et financier avec les nouvelles dispositions, en particulier, celles relatives au contrôle des sociétés d'investissement à capital variable, des sociétés de gestion de fonds commun de placement et de fonds commun de créances et des sociétés civiles de placement immobilier.

Toutefois, cet exercice fréquent de recodification à un rythme soutenu est parfois périlleux. Alors que l'article 9 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie venait d'élargir le périmètre d'information donnée aux actionnaires sur le régime de rémunération des mandataires sociaux au titre des dispositions de l'article L. 225-102-1 du Code de Commerce (N° Lexbase : L3957HB8) -notamment, en étendant la mission des commissaires aux comptes à l'établissement d'une attestation spéciale sur l'exactitude et la sincérité de ces informations élargies en l'insérant au troisième alinéa de l'article L. 225-235 du Code de commerce (N° Lexbase : L3895HBU)- l'adoption de l'ordonnance a provoqué un "bogue", créant un "télescopage des deux textes à un mois d'intervalle" (Jolynews n° 516). En effet, ce texte abroge les quatre premiers alinéas de l'article L. 225-235 du Code de commerce, entraînant, ainsi, la suppression de cette nouvelle attestation !

II - Les nouvelles dispositions au fond : l'amélioration du fonctionnement du HCCC et la réforme de l'accès à la profession de CAC

A - L'amélioration du fonctionnement du Haut Conseil du commissariat aux comptes

Dans le contexte de crise de confiance qui avait secoué le secteur financier, la loi LSF du 1er août 2003 avait souhaité renforcer le contrôle du fonctionnement du commissariat aux comptes en créant le Haut Conseil du commissariat aux comptes (C. com., art. L. 821-1 N° Lexbase : L2673DHH à L. 821-12 N° Lexbase : L2662DH3).

Chargé avec le concours de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, d'assurer la surveillance de la profession, de veiller au respect de sa déontologie et d'émettre un avis sur les normes d'exercice professionnel élaborées par la compagnie avant homologation ministérielle, les conditions de son fonctionnement venaient d'être précisées par le décret précité du 27 mai 2005.

L'ordonnance du 8 septembre 2005 améliore encore ces conditions sur plusieurs points bien ciblés :

  • en qualifiant expressément le Haut Conseil "d'autorité administrative indépendante" ;
  • en introduisant une possibilité de suppléance à sa présidence ;
  • en garantissant l'indépendance des fonctions de sanction et de contrôle par renvoi des modalités d'organisation de ces contrôles (contrôles périodiques du Haut Conseil et contrôles occasionnels décidés par la Compagnie) à un décret au Conseil d'état ;
    N.B. : A cet égard, le rapport précité souligne le souhait d'instituer un filtre afin de préserver l'impartialité du Haut Conseil, de sorte, que l'intervention des services du secrétariat général qui lui "présenteront les dossiers sous une forme anonyme permette de parer à toute mise en cause de ses membres, sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR)" ;
  • en rendant non opposable le secret professionnel au Haut Conseil et à ses services, sauf par les auxiliaires de justice (c'est-à-dire, selon l'acceptation traditionnelle du terme et à tout le moins, Avocats au Barreau, Avocats au Conseil, Avoués, Huissiers et greffiers) ;
  • en soumettant au même secret professionnel les agents des services du Haut Conseil dans l'exercice de leur mission ;
  • enfin, en conférant au Haut Conseil la possibilité de négocier et de conclure au nom de l'Etat, des accords de coopération internationale avec des autorités étrangères exerçant des compétences analogues, sous réserve de réciprocité et d'un secret professionnel pour ces autorités étrangères.

B - La formation professionnelle des commissaires aux comptes

L'énoncé des conditions générales d'accès à la profession de commissaire aux comptes, jusque-là définies dans le seul décret du 12 août 1969, est, désormais, introduit dans le livre VIII du Code de commerce (C. com., art. L. 822-1-1 N° Lexbase : L2945HC3 et L. 822-1-2 N° Lexbase : L2946HC4).

Cette disposition réalise, à la fois, une harmonisation de la réglementation applicable aux commissaires aux comptes avec celles d'autres professions réglementées par la loi et une modernisation de cette réglementation s'agissant, en particulier, des règles de moralité et de l'absence de condamnation pour faillite.

L'ordonnance aborde le cadre général de la formation en posant le principe d'un stage professionnel et de deux diplômes distincts pour accéder à la profession et en différant leur définition plus précise à un décret en Conseil d'Etat.

A l'issue de ce "toilettage", les utilisateurs du Code de commerce devraient, ainsi, pouvoir trouver au chapitre second du livre VIII du Code relatif à "quelques professions réglementées" (administrateurs et mandataires judiciaires, experts en diagnostic d'entreprises, commissaires aux comptes) l'ensemble des règles générales applicables aux commissaires aux comptes et au contrôle légal des comptes, soit :

  • un chapitre préliminaire relatif aux dispositions générales ;
  • un chapitre I, relatif à l'organisation et au contrôle de la profession ;
  • un chapitre II, relatif au statut de la profession (inscription et discipline, déontologie et indépendance, responsabilité civile) ;
  • un chapitre III, relatif à l'exercice du contrôle légal (nomination, récusation et révocation, mission, modalités d'exercice de la mission).

Les dispositions particulières à chaque entité restent codifiées aux articles les concernant, soit pour les sociétés commerciales au livre II du Code de commerce :

Il faudra, en revanche, attendre la publication des décrets annoncés pour se faire une idée plus précise des conditions et modalités d'instruction des dossiers de contrôle par les agents de service du Haut Conseil et d'accès au plein exercice de la profession au travers des nouvelles conditions de formation tant de diplômes que de stage professionnel.

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