Réf. : Arrêté du 1er septembre 2005, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (N° Lexbase : L9585HBM)
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N9119AIL
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le 07 Octobre 2010
La mise en place du système de passeport européen a conduit à la suppression des dispositions relatives aux demandes de reconnaissance de prospectus (3). Le résumé et la langue du prospectus sont désormais régis par les articles 212-7 (N° Lexbase : L5272G8R) et 212-8 (N° Lexbase : L5273G8S) du Règlement général de l'AMF.
Ce dernier article dispose que le prospectus visé par l'AMF est rédigé en français quand est "réalisée uniquement en France ou dans un ou plusieurs autres Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, y compris en France", une cession ou une émission portant sur :
- des titres de capital ;
- des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9859GQ9) ;
- des titres de créance dont la valeur est inférieure à 1 000 euros et dont l'échéance est inférieure à 12 mois ;
- des instruments financiers autres que ceux mentionnés aux I et II de l'article L. 621-8 du Code monétaire et financier (4) (N° Lexbase : L8005HB4).
Le prospectus peut, néanmoins, être rédigé en anglais avec une traduction française du résumé :
- lorsque l'offre porte sur les titres de créance suivants :
- lorsque l'émetteur a son siège dans un pays non partie à l'accord sur l'Espace économique européen et que l'offre est réservée aux salariés des filiales françaises.
Lorsque l'admission sur un marché réglementé est prévue uniquement en France ou dans un ou plusieurs autres Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, y compris en France, le prospectus visé par l'AMF est rédigé en français ou en anglais avec un résumé traduit en français. En revanche, aucune traduction n'est requise lorsque l'admission concerne des titres de créance dont le nominal est supérieur à 50 000 euros ou à la contre-valeur de ce montant en devises.
Enfin, lorsque l'AMF n'est pas l'autorité compétente pour viser le prospectus mais que l'opération est prévue en France, le prospectus est rédigé et publié en français ou dans une autre langue usuelle en matière financière. Dans ce dernier cas, le résumé doit être traduit en français.
2. Une protection efficace de l'investisseur ?
La possibilité de demander une traduction a été mise en place dans un souci évident de protection des investisseurs non professionnels. A ce titre, MM. les professeurs Mousseron rappellent, à juste titre, que "l'enjeu de la langue tient en effet, à la protection effective des consommateurs". Ceci explique pourquoi cette faculté n'a pas été prévue pour les valeurs mobilières dont la valeur unitaire est au moins égale à 50 000 euros. S'agissant des valeurs mobilières négociées par des professionnels, une protection semble, en effet, inutile.
On peut, cependant, s'interroger sur la protection effective de l'investisseur non-professionnel en présence d'une traduction du résumé. On ne saurait perdre de vue que le résumé est limité à 2 500 mots et qu'il indique uniquement les principales caractéristiques et les principaux risques. En pratique, il semble vraisemblable que l'investisseur non professionnel fondera sa décision de souscrire à des titres sur les informations fournies par le résumé et donc, d'une certaine façon, sur "un prospectus au rabais" (5). En cas de contestation, ce dernier se verrait qualifié de négligeant puisque le résumé ne constitue qu'"une introduction au prospectus" (6) et que "toute décision d'investir dans les instruments financiers qui font l'objet de l'opération doit être fondée sur un examen exhaustif du prospectus" (7). Ce raisonnement, qui ne manquera pas d'être développé, est-il susceptible de "renforcer, conjointement aux règles de conduite, la protection des investisseurs" (8) ? On peut en douter, d'autant que l'objection consistant à soutenir que l'investisseur non professionnel ne consulte de toute manière pas le prospectus est critiquable : une absence fréquente de consultation ne justifie en rien une complication de la tâche, pour ceux souhaitant procéder à ce type d'examen.
En tout état de cause, en autorisant l'établissement du prospectus en anglais, sans qu'une traduction soit nécessaire, le Règlement général de l'AMF aboutit à mettre les "risques linguistiques" (9) à la charge de l'investisseur. Ces risques comprennent, notamment, les divergences d'interprétation de certains termes anglais dans différents pays ou plus simplement, l'absence d'équivalents de certains mécanismes anglo-saxon en droit français (10). Notons, enfin, que la responsabilité de l'émetteur ne pourra être recherchée que dans des hypothèses exceptionnelles, puisque l'article 212-8 du Règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5273G8S) précise que "les personnes qui ont présenté le résumé, y compris le cas échéant sa traduction et en ont demandé la notification au sens de l'article 212-42, n'engagent leur responsabilité civile que si le contenu du résumé est trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux autres parties du prospectus".
Aurait-il pu en être autrement ? Rien n'est moins sûr pour autant. On se souvient que la décision "Géniteau" (11) avait entraîné, selon un rapport du Sénat, une diminution par 3 ou 4 du nombre d'émissions réalisées à Paris (12). La compétitivité de la place financière française mérite, sans doute, quelques entorses aux velléités protectrices de l'AMF.
Guilain Hippolyte
Avocat à la cour
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