La lettre juridique n°184 du 6 octobre 2005 : Éditorial

François, Ronsard et les autres versus AMF : où il faut faire montre de raison...

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


L'affaire n'est pas vraiment neuve, mais elle suscite toujours l'émoi ; car il y a quelque chose de viscéral, en France, avec l'emploi de la langue française qui ne peut laisser de marbre lorsque se trouve devant elle, toujours et encore, la perfide albion. Jugeant que la concurrence de l'anglais représentait une réelle menace pour le français et que les importations anglo-américaines dans notre lexique devenaient trop massives, les autorités gouvernementales avaient pourtant été amenées, depuis une trentaine d'années, à compléter le dispositif traditionnel de régulation de la langue. En 1972, des commissions ministérielles de terminologie et de néologie ont été constituées. Elles s'emploient, depuis lors, à indiquer, parfois même à créer, les termes français qu'il convient d'employer pour éviter tel ou tel mot étranger, ou encore pour désigner une nouvelle notion ou un nouvel objet encore innommés. Ces termes s'imposent alors à l'administration. En 1975, la loi "Bas-Lauriol" rendait l'emploi du français obligatoire dans différents domaines, comme l'audiovisuel ou le commerce (publicité, modes d'emploi, factures, etc.), et dans le monde du travail. Par ailleurs, la loi du 4 août 1994, dite "Toubon", élargissait les dispositions de la loi de 1975 et le décret du 3 juillet 1996 instituait une nouvelle commission générale de terminologie et de néologie, étoffant ainsi le dispositif d'enrichissement de la langue française. Alors, lorsqu'une autorité de régulation française préconise dans son règlement général d'employer l'anglais pour établir certains prospectus inhérents aux offres au public en France, cela ne peut que faire mouche. Il nous avait pourtant semblé que depuis le Serment de Strasbourg, premier texte écrit en français en 842 et, surtout, l'édit de Villers-Cotterêts, en 1539, la langue administrative et judiciaire commune à l'ensemble du royaume, en remplacement du latin, était le français. Les relations entre le droit et le langage étaient définies par cette nécessité "qu'ils soient faits et écrits si clairement, qu'il n'y ait, ni puisse avoir, aucune ambiguïté ou incertitude, ni lieu à demander interprétation", "afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence des arrêts de justice" (édit de Villers-Cotterêts, art. 110). Ainsi, "tous les arrêts, ensemble toutes autres procédures, soit de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soit de registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploits de justice, [devaient être] prononcés, enregistrés et délivrés aux parties, en langage maternel français et non autrement" (édit de Villers-Cotterêts, art. 111). Mais, les membres de la "Pléiade" ont beau se retourner dans leurs tombes, pour que la place financière française demeure compétitive, il fallait impérativement s'employer à favoriser "la langue usuelle dans la sphère financière internationale", c'est-à-dire, à notre corps défendant, l'anglais. Toutefois, rappelons qu'en la matière, une grande partie des mécanismes financiers sont empruntés aux places anglo-saxonnes et que la majorité des publications scientifiques en ce domaine se fait en langue anglaise. De là à considérer l'anglais comme langue vernaculaire du droit boursier et financier... On ne saurait donc être étonné que les prospectus financiers des opérations les plus importantes puissent être rédigés en cette langue et que demeure sous l'empire de notre langue romane les descriptifs à l'adresse des consommateurs nécessitant un maximum de protection contre les abus linguistiques d'une documentation technique. C'est tout le savant dosage orchestré par l'Autorité des marchés financiers afin de satisfaire toutes les ambitions et d'assurer son rôle de régulateur et de prometteur de la place parisienne. Sur ce sujet, de manière bien plus pratique, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de lire, cette semaine, le commentaire de Guilain Hippolyte, avocat à la Cour, Parlez-vous prospectus ?.

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