La lettre juridique n°154 du 10 février 2005 : Fiscalité des entreprises

[Textes] Taxe professionnelle : les apports des dernières lois de finances... en attendant la réforme

Réf. : Loi de finances rectificative pour 2004, n° 2004-1485, 30 décembre 2004 (N° Lexbase : L5204GUB) et loi de finances pour 2005, n° 2004-1484, 31 décembre 2004 (N° Lexbase : L5203GUA)

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N4605AB8

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par S. D.

le 07 Octobre 2010

Mardi 21 décembre 2004, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, a reçu le rapport définitif de la commission présidée par M. Olivier Fouquet, président de la section des finances du Conseil d'Etat. La réforme de la taxe professionnelle avait été lancée le 6 janvier 2004 par le Président de la République, afin de remplacer la taxe professionnelle par un nouveau dispositif fiscal réellement nouveau, qui ne pénaliserait pas l'industrie et prendrait mieux en compte la diversité des activités économiques (lire Sabine Dubost, Les grandes lignes du rapport d'étape sur la réforme de la taxe professionnelle, Lexbase Hebdo n° 132, du 2 septembre 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N2642ABH).

L'axe de la réforme proposée consiste, essentiellement, à substituer à l'assiette fondée sur les équipements et les biens mobiliers, une assiette fondée sur la valeur ajoutée et la valeur locative foncière.

Le taux d'imposition serait fixé au niveau local par les collectivités, afin de leur permettre de conserver la maîtrise du niveau de leurs ressources fiscales. Toutefois, ce taux serait encadré par un plafond et un plancher déterminés par le législateur.

Par ailleurs, la commission a mis en exergue les précautions qui devraient être prises. Ainsi, une attention toute particulière devrait être portée au réexamen des régimes dérogatoires, notamment en ce qui concerne leur compatibilité avec le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.

En outre, il conviendrait, selon la commission, de garantir le niveau des ressources fiscales des collectivités territoriales par la mise en oeuvre d'un mécanisme de compensation des transferts dus au changement d'assiette. Ce mécanisme pourrait prendre la forme soit d'une modulation des dotations de l'Etat, soit d'un recyclage des surplus de recettes résultant, pour certaines collectivités, de la réforme.

Enfin, il faudrait amortir l'impact de la réforme pour les entreprises en organisant une période de transition suffisamment longue et en évitant de modifier globalement la charge fiscale supportée par les petites entreprises.

Sur les bases de ce rapport, une proposition concrète devrait être présentée au premier semestre 2005 pour une inscription dans le projet de loi de finances pour 2006. Si le calendrier est respecté, la commission préconise la réalisation d'un exercice "à blanc" avant l'entrée en vigueur de la réforme.

En attendant cette réforme de grande envergure, le Gouvernement a procédé à quelques modifications du régime de la taxe professionnelle. Ces nouvelles dispositions sont contenues aussi bien dans la loi de finances rectificative pour 2004, que dans la loi de finances pour 2005.

1. Dégrèvement pour investissements nouveaux (DIN) et instauration d'un dégrèvement complémentaire (loi de finances pour 2005, art. 95 et 100)

Le dégrèvement temporaire pour investissements nouveaux est prorogé de six mois, soit jusqu'au 31 décembre 2005. Ce dispositif est aménagé pour les entreprises éligibles au plafonnement de leur cotisation de taxe professionnelle en fonction de leur valeur ajoutée.

Il convient de souligner que ce dégrèvement pour investissements nouveaux avait été initialement présenté par le Gouvernement comme une mesure d'attente de la réforme de la taxe professionnelle. La prorogation de ce dégrèvement temporaire, ainsi que la mise en place d'un dégrèvement supplémentaire laissent entendre que le calendrier initialement prévu de la réforme ne sera sans doute pas respecté.

  • Prorogation du dégrèvement pour investissements nouveaux

L'article 1647 C quinquies du CGI institue un dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle, au titre des cotisations 2005, 2006 et 2007, pour les immobilisations éligibles par nature à l'amortissement dégressif au moment de leur création ou de leur première acquisition, lorsque celle-ci est intervenue entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005 inclus. Le montant total des dégrèvements accordés à un contribuable ne peut, toutefois, excéder 76 225 000 euros.

La loi de finances pour 2005 prévoit un prolongement de ce droit au dégrèvement de taxe professionnelle au titre des investissements nouveaux (DIN) de six mois. Dorénavant, le DIN concerne les investissements productifs éligibles à l'amortissement dégressif réalisés jusqu'au 31 décembre 2005.

Ce dégrèvement s'applique aux impositions établies au titre des années 2005, 2006 et 2007. Toutefois, dans une instruction en date du 2 novembre 2004 (BOI n° 6 E-10-04 N° Lexbase : X4376AC3), l'administration avait permis aux entreprises clôturant, au cours du premier semestre de l'année 2005, un exercice de douze mois ne coïncidant pas avec l'année civile, de bénéficier du dégrèvement pour les seuls investissements réalisés après la date de clôture de cet exercice et jusqu'au 30 juin 2005 au titre des impositions établies en 2008.

Cette mesure de tolérance devrait être étendue aux entreprises qui clôturent un exercice de douze mois, qui ne coïncide pas avec l'année civile en 2005, pour les seuls investissements réalisés après la date de clôture de cet exercice et jusqu'au 31 décembre 2005.

  • Articulation du dégrèvement avec l'exonération en faveur des installations anti-pollution

Le DIN s'impute préalablement aux exonérations et abattement de la taxe professionnelle, résultant, notamment, de décisions prises par les collectivités et leurs groupements dans le cadre des politiques d'aménagement du territoire, d'incitation à la création d'entreprises et de soutien à certains secteurs d'activité .

La liste des régimes d'exonération et des abattements concernés est donnée par l'article 1647 C . Toutefois, dans sa rédaction initiale, celui-ci a omis les dispositions du dernier alinéa de l'article 1518 A du CGI , permettant d'exonérer de taxe professionnelle les installations destinées à lutter contre la pollution des eaux et de l'atmosphère, les matériels destinés à économiser l'énergie, les équipements de production d'énergies renouvelables et les matériels destinés à réduire le niveau acoustique d'installations. Cette omission est, aujourd'hui, réparée.

  • Modalités d'application pour les entreprises bénéficiant du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée

Aux termes des dispositions de l'articles 1647 du CGI , la cotisation de taxe professionnelle d'une entreprise peut, sur sa demande, être plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année d'imposition.

Désormais, les entreprises, dont la cotisation est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée et qui bénéficient du DIN, pourront solliciter un dégrèvement complémentaire. Ce dégrèvement peut être obtenu au titre des années 2005, 2006 et 2007 sur réclamation contentieuse dans les mêmes délais que le dégrèvement pour placement en fonction de la valeur ajoutée.

Le montant du dégrèvement est égal au produit de la dotation aux amortissements relative aux biens ouvrant droit au DIN par un taux qui diffère selon le montant du chiffre d'affaires de l'entreprise, appliqué sur la valeur ajoutée pour la détermination du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée.

2. Dégrèvement en faveur des transports routiers (loi de finances pour 2005, art. 29)

L'article 29 de la loi de finances pour 2005 renforce la portée du dégrèvement de la taxe professionnelle prévu à l'article 1647 C du CGI en faveur des entreprises disposant de véhicules routiers ou d'autocars.

Ainsi, son champ d'application est étendu aux véhicules routiers, dont le poids est égal ou supérieur à 7,5 tonnes, et aux bateaux de transport de personnes et de marchandises affectés à la navigation intérieure. De plus, le montant du dégrèvement est porté de 122 euros à 244 euros pour les cotisations dues en 2004 et à 366 euros pour celles dues en 2005.

Il convient de remarquer que ce seuil de 7,5 tonnes correspond à celui retenu par la Commission européenne pour déterminer les activités de transport susceptibles d'être affectées par la concurrence internationale. ce seuil est aussi retenu, au plan communautaire, pour l'application des règles de taxation spécifique des carburants à usage commercial.

Soulignons, enfin, que cette mesure s'inscrit dans le cade du "plan de mobilisation et de développement" en faveur du transport routier de marchandises.

3. Assouplissement des règles de liaison entre les taux (loi de finances rectificative pour 2004, art. 103)

Aux termes des dispositions de l'article 1636 B sexies du CGI , les communes, les départements et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'une fiscalité propre peuvent faire varier leur taux d'imposition dans une même proportion, ou bien les faire varier de façon différenciée. Dans cette hypothèse, ils doivent respecter les règles de lien entre les taux, notamment, le lien à la baisse.

Par ailleurs, les EPCI soumis au régime de la taxe professionnelle unique ont la possibilité, depuis 2004, de répartir sur trois années leurs droits à augmentation du taux de la taxe professionnelle, du fait d'une augmentation du taux moyen pondéré des taxes foncières et de la taxe d'habitation au titre d'une année donnée. Cette faculté n'est pas possible la première année d'application du régime de la taxe professionnelle unique, ni lorsque le mécanisme de liaison des taux impose une diminution du taux de la taxe professionnelle, ni, enfin, lorsque les mécanismes de majoration spéciale ou de déliaison partielle sont mis en oeuvre.

A compter de 2005, ces différentes collectivités pourront diminuer leur taux de taxe professionnelle dans une proportion au moins égale à la moitié, soit de la diminution du taux de taxe d'habitation ou de celle du taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières, soit de la plus importante de ces diminutions lorsque ces deux taux sont en baisse.

En outre, les EPIC, dont le taux de la taxe professionnelle est inférieur à 75 % de la moyenne de leur catégorie constatée l'année précédente au niveau national, pourront fixer le taux de la taxe dans cette limite, sans que l'augmentation du taux soit supérieure à 5 %.

4. Modification des règles relatives à l'évaluation des valeurs locatives en cas de cessions de biens entre des entreprises liées (loi de finances pour 2005, art.72)

En application des articles 1467 , 1469 et 1499 du CGI , la valeur locative des équipements et biens mobiliers, ainsi que des biens passibles de la taxe foncière lorsque ceux-ci sont rattachés à un établissement industriel, est évaluée en fonction du prix de revient de ces biens.

Il en est de même en cas de cession d'un de ces biens par une entreprise à une autre. En effet, dans cette hypothèse, la valeur locative prise en compte dans les bases de l'entreprise acquéreuse est en principe déterminée à partir du prix de revient de ce bien pour celle-ci (Doc. adm. 6 E 2223, 10 sept. 1996, n° 1). Toutefois, plusieurs dérogations sont prévues à ce principe. Ainsi, par exemple, la valeur locative des équipements et biens mobiliers dont la durée d'amortissement est inférieure à trente ans qui sont cédés par une entreprise puis repris pas cette même entreprise en vertu d'un contrat de crédit-bail ou de location ne peut être inférieure à celle retenue au titre de l'année de cession (CGI, art. 1469, 3°, al.4).

Dorénavant, en cas de cession d'immobilisations entre entreprises liées, le prix de revient retenu pour l'établissement des bases de taxe professionnelle est maintenu à sa valeur avant la cession, lorsque le bien demeure rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement :

- l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ;

- ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise.

De fait, il s'agit des cessions intervenant entre une société mère et sa filiale ou entre deux entreprises relevant d'un même groupe. Cependant, le champ d'application de cette mesure n'est pas limité aux entreprises membres d'un groupe fiscal.

La modification des règles relatives à l'évaluation des valeurs locatives en cas de cessions de biens entre des entreprises liées serait motivée par l'existence d'un certain nombre de montages abusifs réalisés par certains grands groupes du secteur de la grande distribution. Ces montages consistaient à céder des biens, qui étaient loués ou donnés en crédit-bail, à de nouveaux propriétaires au sein d'un même groupe sans que les biens changent d'affectation et ce, dans le seul but de réduire les bases de taxe professionnelle y afférent.

Cette mesure s'applique aux biens cédés après le 1er janvier 2004 et, donc, en l'absence de changement d'exploitant ou de création d'établissement en 2004, à la détermination de la taxe professionnelle due au titre de 2006. Dans les hypothèses, où le contribuable a créé ou repris un établissement en 2004, ce dernier peut être amené à déposer, avant le 1er mai 2005, une déclaration 1003 P rectificative pour le calcul de la taxe professionnelle due au titre de 2005 tenant compte du prix de revient des biens en cause avant la cession.

5. Crédit de taxe professionnelle pour le maintien de l'activité dans les zones d'emploi en grande difficulté face aux délocalisations (loi de finances pour 2005, art. 28)

Le nouvel article 1647 C du CGI introduit, pour la première fois en matière de taxe professionnelle, un mécanisme de crédit d'impôt réservé aux entreprises dont les établissements sont situés dans certaines zones considérées comme en grande difficulté face aux délocalisations.

Ainsi, les redevables de la taxe professionnelle et les établissements temporairement exonérés de cet impôt peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition, dans la limite de 100 000 euros, dans un établissement affecté à une activité industrielle ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique, et situé dans une des trente zones d'emploi reconnues en grande difficulté au regard des délocalisations au titre de la même année.

Ce nouveau dispositif s'applique aux impositions établies au titre des années 2005 à 2011. Toutefois, les zones ne pourront être reconnues en difficulté, au regard du nouveau dispositif, que jusqu'en 2009. En conséquence, seuls les emplois localisés dans des zones reconnues en difficulté au titre de 2008 et 2009 pourront ouvrir droit au crédit d'impôt au titre de 2010 et 2011.

Cette mesure fiscale fait partie du plan de lutte contre les délocalisations mis en place par le Gouvernement à l'instar d'autres dispositifs, tels que le régime des pôles de compétitivité et le crédit d'impôt relocalisation.

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