La légitimité du but poursuivi par la publication d'un livre évoquant une importante affaire judiciaire n'exonère pas l'auteur et l'éditeur de la mention de la décision définitive d'acquittement dont a bénéficié la partie civile, nommément désignée dans l'ouvrage comme ayant participé aux crimes évoqués, en raison du caractère essentiel de cette information pour les lecteurs. Telle est la solution énoncée par la Chambre criminelle dans un arrêt du 17 novembre 2015 (Cass. crim., 17 novembre 2015, n° 14-81.410, FS-P+B+I
N° Lexbase : A1105NX9). En l'espèce, à la suite de la publication d'un ouvrage d'un livre intitulé "Ce que je n'ai pas pu dire", relatant des entretiens de M. Z, ancien juge d'instruction chargé des affaires de terrorisme, avec M. A, journaliste, M. X a fait citer devant le tribunal correctionnel les auteurs et l'éditeur de l'ouvrage, du chef de diffamation publique envers un particulier et complicité. Il reprochait notamment à l'ouvrage litigieux, des passages consacrés à l'affaire dite "de l'avenue Trudaine", survenue en 1983, au cours de laquelle un commando du groupe "Action directe" avait ouvert le feu sur des policiers, tuant deux d'entre eux et blessant un troisième. En effet, dans l'ouvrage, M. X était inclus parmi les cinq auteurs de la fusillade ce qui, selon lui, portait atteinte à son honneur et à sa considération. En première instance, les juges correctionnels ont relaxé les prévenus et débouté la partie civile. Les parties civiles et le ministère public ont relevé appel de cette décision, laquelle a été confirmée par la cour d'appel. L'affaire a été portée une première fois devant la Cour de cassation, laquelle a partiellement cassé l'arrêt d'appel (Cass. crim., 19 mars 2013, n° 11-87.910
N° Lexbase : A5949KAL). La cour d'appel de renvoi a, quant à elle, retenu que le délit de diffamation n'était pas constitué, faute d'établir l'élément intentionnel, au motif que le but était légitime, que l'expression utilisée dans le livre était prudente et mesurée, ce dont il ressort que M. Z était de bonne foi. M. X, entendant contester cette décision, a formé un pourvoi, à l'appui duquel il soutenait que le fait diffamatoire ne consistait pas en sa présence lors de la fusillade mais en sa participation, en qualité d'auteur, à celle-ci. Sur la bonne foi, il arguait du fait qu'elle ne pouvait être invoquée par celui qui affirme l'implication d'autrui dans un acte criminel en dépit d'une décision judiciaire définitive établissant son innocence, en particulier quand il s'agit d'un ancien magistrat chargé du dossier qui a eu connaissance de l'acquittement. La Cour de cassation, au visa, notamment, de l'article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 (
N° Lexbase : L7589AIW), censure l'arrêt et, énonçant la solution précitée, rappelle que l'exception de bonne foi ne peut jouer qu'autant que le prévenu énonce les faits sur lesquels il se fonde et que ces faits justifient cette exception (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E4084EYW).
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