Lexbase Fiscal n°623 du 3 septembre 2015 : Fiscalité internationale

[Le point sur...] Guide fiscal de l'expatriation et de la vie au Portugal

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par Stephen Olivier, Expert en optimisation et transmission du patrimoine et Membre de l'Institut International d'Histoire du Notariat (CSN-UINL)

le 03 Septembre 2015

"Si tu pars sans raison, ne reviens pas avec une excuse" (W. Shakespeare). Destination touristique familiale traditionnelle, le Portugal s'est doté, au fil du XXIème siècle, d'une politique fiscale et sociale pour le moins attractive à l'endroit des contribuables étrangers, spécialement (ex-touristes) retraités. Les candidats (notamment français) à l'expatriation apprécient en effet la proximité géographique (qui ne saurait cependant se transformer en piège) et culturelle comme le faible coût de la vie et la pression fiscale globale de cette destination moins sensible que les circuits habituels, mais ne doivent pour autant en oublier ni les conséquences, ni les précautions d'usage en pareille matière. 1. Statistiques. L'année 2014 aura été celle de tous les records pour l'économie touristique portugaise. Ce petit pays aux onze millions d'habitants aura en effet attiré quelques quinze millions de touristes (1). Parmi ceux-ci, les français occupent la troisième place en nombre et la première en termes de dépenses. Les investisseurs privés et institutionnels hexagonaux, attirés par la bulle immobilière qui en résulte, y représentent quant à eux un flux annuel d'IDE de six milliards d'euros, soit la quatrième place (2). Enfin, il faut compter environ 16 000 français expatriés au pays de Vasco De Gama.

2. Plan. Il est vrai que le Portugal possède bien des atouts (I), lesquels ne doivent, toutefois, pas faire oublier aux contribuables français aveuglés par leur sentiment de révolte-et à leurs conseils (avocats fiscalistes, banquiers privés et ingénieurs patrimoniaux, notaires, etc.), ni les conséquences de leur départ (II), ni les précautions à prendre dans le but de "réussir" leur expatriation (III).

I - Les charmes renouvelés de la fiscalité portugaise (3)

3. Propos liminaires : l'absence de grandes différences juridiques (4). Il ne sera jamais assez rappelé que le "droit" fiscal, discipline de superposition, ne doit jamais occulter dans un schéma le droit civil qui le tient en l'état. En l'occurrence, l'expatrié français ne sera guère dépaysé : le droit patrimonial de la famille, premier pan du droit portugais à s'imposer à lui (5), est, en effet, pour des raisons historiques (napoléoniennes), très proche du droit français. Revers de la médaille, il ne pourra, en revanche, l'instrumentaliser en vue du contournement de la réserve héréditaire (le droit portugais étant applicable à sa succession en vertu de l'article 21 1. du Règlement UE "Successions internationales" n° 650/2012 du 4 juillet 2012 (N° Lexbase : L8525ITW), à défaut de manifestation de volonté contraire).

Quelques spécificités doivent cependant être relevées :
- le remariage sous un régime communautaire au Portugal en présence d'enfants et /ou après l'âge de 60 ans est proscrit (Codigo civil Portugues, art. 1699, 1720 et 1722) ;
- le taux de la réserve du conjoint survivant en concours avec d'autres héritiers est porté aux deux tiers de la succession par l'article 2159 du Codigo civil Portugues ;
- les époux soumis au régime de la séparation de biens ne peuvent se consentir de donations réciproques (Codigo civil Portugues, art. 940) autrement que par contrat de mariage (Codigo civil Portugues, art. 1754), lesquelles présentent alors l'inconvénient d'être irrévocables ;
- les testaments ne sont valables (6) que s'ils respectent la forme écrite et ont ensuite été présentés à et approuvés par un notaire qui leur confèrera date certaine (Codigo civil Portugues, art. 2223).

4. Résident habituel ou non habituel ? La fiscalité personnelle portugaise y voit depuis 2009 sa summa divisio. Si le premier statut demeure en tout état de cause avantageux pour un expatrié français (B), le second, s'il peut lui être appliqué, reste quant à lui le plus intéressant (A).

A - Le régime fiscal "de faveur" : Residente Não Habitual

5. Conditions. Dès son arrivée, et ce jusqu'au 31 mars inclus de l'année suivant celle de son transfert de domicile fiscal, l'expatrié pourra solliciter, à l'occasion de son inscription en tant que résident en territoire portugais (sur l'Autoridad Tributaria e Aduanneira) auprès d'un service des finances (Services des Finanças) ou d'un centre du citoyen (Loja do Cidadão), l'octroi du régime "résident non habituel" s'il satisfait à l'ensemble des conditions requises pour en bénéficier, à savoir :
- une imposition à l'étranger (en l'occurrence en France) par le passé (un justificatif, tel que les avis d'imposition de l'année précédente, devra être fourni) ;
- l'absence de résidence fiscale sur le territoire portugais durant les cinq dernières années (par hypothèse) ;
- la caractérisation (cf. infra, n° 20) d'une résidence fiscale au Portugal à partir de l'année au cours de laquelle l'expatrié demande que débute l'application de ce régime.

6. Effets. Cette qualité conférera à l'expatrié le droit d'être imposé comme suit pendant dix années consécutives (l'écoulement de ce délai non renouvelable lui permettant par la suite, s'il le désire, et sous réserve d'une connaissance suffisante de la langue portugaise et d'un casier judiciaire vierge, d'obtenir la nationalité portugaise par naturalisation et ainsi de renforcer ses liens avec ce pays en vue de parer à tout contentieux fiscal) à partir de celle de l'inscription et du déménagement :

  • une non imposition au Portugal des revenus de source étrangère (en l'occurrence française voire luxembourgeoise, l'expatriation personnelle s'accompagnant très fréquemment de la délocalisation d'avoirs ou de la holding professionnelle ou patrimoniale vers ce lieu (7)) :

- de catégorie H (pensions de retraite, à l'exception de celles des fonctionnaires en vertu de l'article 20 de la Convention fiscale franco-portugaise du 14 janvier 1971 en matière d'impôts sur le revenu N° Lexbase : L6739BH3), déjà non imposés en France en vertu de l'article 19 de la Convention fiscale franco-portugaise (Código do Imposto sobre o Rendimento das pessoas Singulares, art. 81 5., circulaire n° 9/2012 du 3 août 2012) ;
- de catégorie E (revenus de capitaux), F (revenus immobiliers) et G (revenus dérivés de plus-values)à déclarer au sein de l'annexe L à la déclaration portugaise de revenus, mod. 3 (à effectuer en ligne sur le site internet du Trésor public portugais chaque année en avril-mai)s'ils sont liés à des activités "à haute valeur ajoutée " au sens des articles 72 6. et 81 4. du CIRS.

  • une imposition limitée à 20 % (par voie de retenue à la source libératoire) de certains revenus provenant d'activités exercées, directement ou non, au Portugal et dites "à haute valeur ajoutée" (articles 72 6. et 81 4. du CIRS), c'est-à-dire incluses dans la liste de l'arrêté n° 12/2010 du 7 janvier 2010 :

- architectes, ingénieurs et géologues ;
- artistes plastiques, acteurs et musiciens ;
- auditeurs et conseillers fiscaux ;
- médecins généralistes et spécialistes, chirurgiens et radiologues ;
- professeurs d'université ;
- psychologues ;
- travailleurs indépendants et techniciens (archéologues, biologistes, informaticiens, chercheurs en sciences "dures", designers) ;
- membres du top management d'entreprises : administrateurs, associés-gérants de sociétés portugaises, responsables de l'établissement stable portugais d'une entreprise ou d'une holding étrangère (la restructuration du groupe sera donc à prévoir lorsque l'expatrié est chef d'entreprise et désire poursuivre une activité).

B - La fiscalité portugaise "de droit commun"

7. Imposition des revenus des résidents habituels (personnes physiques). Une fois le régime de faveur écoulé ou concernant les revenus ne provenant pas des activités listées au sein de l'arrêté n° 12/2010 du 7 janvier 2010, l'expatrié est imposé comme suit :

  • imposition des revenus (y compris ceux issus d'un trust en l'absence de ratification par le Portugal de la Convention de La Haye du 20 octobre 1984 et de régime fiscal dédié, excepté en zone libre de Madère) déclarés au barème, à un taux marginal de 48 % pour la tranche des revenus annuels excédant 80 000 euros, auquel s'ajoutent diverses surtaxes extraordinaires depuis 2014 (3,5 % de l'ensemble des revenus, 2,5 % de la quote-part des revenus comprise entre 80 000 euros et 250 000 euros, et 5 % de la quote-part des revenus excédant 250 000 euros) ;

Ce dispositif n'est pour le coup pas plus attractif que l'impôt français sur le revenu, sauf à résider aux Açores (auquel cas le taux marginal d'imposition sera de 37,2 % sur les revenus excédant 153 000 euros...) et/ou y faire échapper certains revenus via l'option pour les prélèvements forfaitaires libératoires.

  • imposition des dividendes (y compris ceux versés par une société française-art. 11, 1. de la Convention fiscale franco-portugaisecomme luxembourgeoise-art. 10 de la Convention porto-luxembourgeoise du 25 mai 1999 en matière d'impôts sur le revenu et la fortune-à un résident portugais, leurs 2. autorisant cependant une retenue à la source par ces Etats de 15 % maximum) par voie de retenue à la source libératoire (sauf option contraire du contribuable qui ne sera en général pas à conseiller, en fonction de son niveau de fortune) au taux de 28 % ;
  • imposition des intérêts par voie de retenue à la source libératoire au taux de 28 %, étant ici observé que :

- les intérêts de comptes épargne-retraite inférieurs à 10 500 euros ne sont pas imposables ;
- la quote-part imposable des sommes rachetées sur un contrat d'assurance-vie souscrit auprès d'une compagnie française ou luxembourgeoise, correspondant aux produits, est qualifiée, pour les besoins de la fiscalité internationale, d'"intérêts de créance " (pour la France : Rép. min. Weber à QE n° 38725 : JO AN, 6 mai 1991, p. 1812 N° Lexbase : L9233KG3; Rép. min. Haenel à QE n° 05299 : JO Sénat, 9 juin 1994, p. 1428 N° Lexbase : L9232KGZ). Or ceux-ci sont visés à l'article 12, 3. de la Convention fiscale franco-portugaise ("revenus [...] de créances de toute nature") et à l'article 11, 3. de la Convention fiscale porto-luxembourgeoise, lesquelles concluent à l'imposition de ceux-ci dans l'Etat de résidence de leur destinataire (art. 12, 1. et 11, 1.), en l'occurrence le Portugal (lequel les exonère intégralement) ;
- une retenue à la source française sur ceux provenant de débiteurs domiciliés est autorisée par l'article 12, 2. de la Convention fiscale franco-portugaise au taux maximal de 12 %, voire 10 % en matière d'obligations d'Etat (à titre de comparaison, aucune retenue à la source luxembourgeoise n'existe en matière d'assurance-vie...) ;

L'expatrié veillera donc à "délocaliser" son assurance-vie au Luxembourg, en vue de la faire échapper à toute fiscalité. En outre, la pratique des fonds dédiés (en l'occurrence à cercle ultra-restreint de fait) autorise la transmission par ce biais de biens immobiliers ;

  • dans le cas où l'expatrié souhaiterait se lancer dans des opérations de spéculation immobilière au Portugal (actuellement très à la mode en matière d'immobilier (8) de loisir/touristique), les plus-values immobilières (liées à l'aliénation d'immeubles ou de parts de sociétés à prépondérance immobilière situés au Portugal, celles afférentes à des biens français demeurant logiquement imposées en France au terme de l'article 14, 1. de la Convention fiscale franco-portugaise) y sont imposées, après application d'un abattement de 50 %, par voie de retenue à la source libératoire au taux de 25 % (donc in fine plus attractif que le taux français), après retraitement du prix d'acquisition au moyen de coefficients d'érosion monétaire au terme de deux années de détention. La taxe foncière (IMI) sera imposée en avril voire septembre de l'année suivante à un taux allant de 0,3 % (immeubles neufs) à 0,8 % (zones rurales) de leur valeur locative cadastrale, soit un taux a minima onze fois moins élevé qu'en France ;
  • imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières (au Portugal, qu'il s'agisse de sociétés françaises-article 14, 3. de la Convention fiscale franco-portugaise - ou luxembourgeoises, article 13, 4. de la Convention fiscale porto-luxembourgeoise) par voie de retenue à la source libératoire au taux de 28 % au-delà de 500 euros, appliqué sur le gain net réalisé en cours d'année. Les titres de micro-entreprises sont, quant à eux, exonérés à hauteur de 50 % de leur valeur.

8. Impôt sur les sociétés. Le résultat des entreprises portugaises (même détenues par des non résidents, en vertu de l'article 7, 1. de la Convention fiscale franco-portugaise) est logiquement imposé au Portugal, à un taux de 23 % (qui sera abaissé à 17-19 % en 2016, rivalisant alors avec Singapour...).

En outre, lorsque l'expatrié et chef d'entreprise procède dans le même temps à la délocalisation de sa holding au Portugal et que :
- celle-ci ne procède pas immédiatement à la cession de ses filiales françaises, les bénéfices qui en sont tirés restent imposés en France en vertu de l'article 7, 1. et 2. de la Convention fiscale franco-portugaise ;
- celle-ci procède depuis le Portugal à la cession de ses filiales, la plus-value constatée en cette occasion sera imposable en France en vertu de l'article 14, 2. de la Convention fiscale franco-portugaise (le résultat du schéma est donc ici décevant au regard des possibilités qu'offrent l'Argentine, la Belgique, la Suisse, le Luxembourg, Singapour ou encore Hong Kong). Toutefois, la trésorerie ainsi dégagée engendrant à son tour une plus-value sur les titres de la holding, la cession de ceux-ci par l'expatrié dans le cadre d'une restructuration consécutive du groupe sera imposée au Portugal conformément à l'article 14, 3. de la Convention fiscale franco-portugaise, tout comme sa rémunération éventuelle en qualité de dirigeant (article 17, al. 1er de la Convention fiscale franco-portugaise).

Les avantages procurés par les prix de transfert intra-groupe seront, en revanche, réintégrés au sein des bénéfices imposables de chacune des sociétés concernées (article 9 des conventions fiscales franco-portugaise et porto-luxembourgeoise).

Les éventuelles doubles impositions résultant des développements précédents sont classiquement éliminées par voie de déduction de l'impôt portugais du montant acquitté en France dans la limite de la moins élevée des deux impositions (article 24, 2. de la Convention franco-portugaise).

9. Imposition de la fortune. Il n'existe actuellement aucun impôt sur la fortune au Portugal.

10. Imposition des transmissions à titre gratuit (9). Les droits de donation et de succession ont été abolis au Portugal en 2003. Aussi, seuls des droits d'enregistrement (imposto de selo) à hauteur de 10 % subsistent en la matière, mais les transmissions en faveur des descendants en sont également exonérées (cf. les réserves exprimées infra, n° 19 et 22).

II - Les conséquences du départ de/en France : "Pars vite et reviens tard"

11. Entraves diverses. Quitter la France n'est évidemment pas neutre, y compris au plan fiscal ; c'est pourquoi cette décision sans appel doit être murement réfléchie et relever davantage d'un projet de vie. Les conséquences en sont connues, le déclenchement du dispositif d'exit tax posé à l'article 167 bis du CGI (N° Lexbase : L3988I34) (A), qui vise précisément à lutter contre l'expatriation précession des chefs d'entreprise et l'application en toute hypothèse à partir de ce moment du régime spécifique aux non résidents fiscaux français (B).

A - Exit tax

12. Champ d'application. Le chef d'entreprise (futur) expatrié sera en effet visé par le dispositif en vigueur (CGI, art. 167 bis I.-1.), en sa qualité de contribuable :

  • fiscalement domicilié en France, au sens de l'article 4 B du CGI (N° Lexbase : L1010HLY), c'est-à-dire satisfaisant par hypothèse à l'un des critères alternatifs suivants :

- foyer en France en tant que lieu de résidence habituelle de celui-ci, de son conjoint et de ses enfants (centre des intérêts familiaux) ;
 lieu de séjour principal (majorité du temps passée en France) ;
 siège de l'activité économique principale exercée (ès qualité de dirigeant) ;
- centre de ses intérêts économiques (s'il tire de ses biens personnels et/ou de son entreprise établie en France, au sein de laquelle il a bien souvent beaucoup investi, la majeure partie de ses revenus).

  • pendant au moins six années continues ou non au cours des dix dernières ;
  • qui procède au transfert de son domicile fiscal (au sens de l'article 4 B) hors de France (en l'occurrence, au Portugal) ;
  • et détenteur de droits sociaux :

- enregistrant des plus-values latentes (constatables suite à une cession) ;
- constituant une participation directe ou indirecte (via une holding, au prorata) d'au moins 50 % dans les bénéfices sociaux d'une entreprise, et/ou directement dans une ou plusieurs sociétés dont la valeur globale (cumulée) excède 800 000 euros lors du transfert du domicile fiscal.

13. Effets. Le futur expatrié est en principe redevable, la veille de son départ, de cette taxation des plus-values latentes au barème progressif de l'impôt sur le revenu.

14. Sursis de paiement. Toutefois, procédant à un transfert de domicile fiscal vers un Etat membre de l'Union européenne comme de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative et d'assistance mutuelle en matière de recouvrement le 14 janvier 1971, celui-ci bénéficie de droit d'un sursis de paiement (CGI, art. 167 bis, IV).

Les plus-values qui en font l'objet devront toutefois être déclarées l'année qui suit le départ sur un formulaire n° 2074 annexé à la déclaration de revenus d'ensemble, puis ensuite chaque année (CGI, art. 167 bis, IX).

L'expatrié devra veiller, à partir de son transfert de domicile fiscal, à ne pas provoquer la survenance de l'un des événements suivants, susceptibles de mettre fin au sursis de paiement (CGI, art. 167 bis, VII, 1) :
- la cession des titres sociaux ;
- l'annulation ou le rachat par sa société de ses propres titres (ce cas de déchéance peut toutefois être ultérieurement contourné en appréhendant une partie du prix de cession de la filiale remonté au niveau de la holding via une réduction du capital de cette dernière par abaissement de la valeur nominale des parts) ;
- le non-respect des obligations déclaratives en l'absence de régularisation dans les trente jours suivant mise en demeure.

15. Dégrèvements potentiels d'exit tax. L'expatrié pourra, en revanche, toujours procéder librement à la donation (avant cession (10)) de ses titres à ses enfants en vue d'en purger la plus-value sans courir le risque de déchéance du sursis de paiement, s'agissant d'un transfert de domicile fiscal vers un Etat membre de l'Union européenne (CE 3° et 8° s-s-r., 12 juillet 2013, n° 359994, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A8324KI7).

En outre, si celui-ci venait à céder ses titres sociaux et à constater en cette occasion une réelle plus-value et si cette cession est imposable en France soit en application de l'article 244 bis B alinéa 1er du CGI (N° Lexbase : L0956IZG) (une fois la personne du chef d'entreprise et/ou sa holding expatriées), soit en application de l'article 14, 2. de la Convention fiscale franco-portugaise (cession d'une filiale française par la holding transférée avec son dirigeant au Portugal), l'impôt sur les plus-values latentes sera dégrevé, tant relativement à sa fraction excédentaire qu'au titre de l'élimination des doubles impositions d'exigibilité de l'exit tax, mais les prélèvements sociaux demeureront dans ce dernier cas dus.

En revanche, un dégrèvement total d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux afférents à ces plus-values latentes pourra être obtenu en cas de conservation des parts de l'entreprise ou de sa holding pendant un délai de 15 ans à compter du transfert de domicile fiscal, de retour du domicile fiscal de l'expatrié en France ou de son décès (CGI, art. 167 bis VIII et VIII bis).

B - Traitement fiscal des non résidents

16. Nouveau statut. A la suite de son transfert de résidence fiscale, l'expatrié sera classiquement imposé en fonction du régime des non résidents sur tout bien ou source de revenus laissés en France (CGI, art. 4 A N° Lexbase : L1009HLX).

17. Impôt sur le revenu. L'imposition portera uniquement sur les revenus de source française (au sens de l'article 164 B du CGI N° Lexbase : L0963IZP, c'est-à-dire provenant de biens, droits ou activités localisés en France ; c'est ainsi que les revenus d'activité indépendante exercée par un résident portugais mais depuis une base fixe en France y seront imposés en vertu de l'article 15, 1. de la Convention fiscale franco-portugaise, tout comme sa rémunération de dirigeant social, conformément à l'article 17 de la Convention fiscale franco-portugaise, qui supporteront une double imposition-cette circonstance encouragera l'expatrié-dirigeant à cesser toute activité professionnelle en France et à délocaliser ou céder en tout état de cause les entreprises qui s'y situeront) et s'effectuera :

  • soit par voie déclarative, en ce qui concerne :

- les revenus fonciers et BIC (s'agissant des prélèvements sociaux, cf. infra, n° 21) si l'expatrié a conservé des biens donnés à bail en France, conformément à l'article 7, alinéa 1er de la Convention fiscale franco-portugaise (il encourt de ce fait l'évaluation forfaitaire de l'article 164 C du CGI N° Lexbase : L2839HLQ) ;
- les fractions des salaires, pensions et rentes viagères relevant de la retenue à la source au taux de 20 % (CGI, art. 197 B N° Lexbase : L3373HLI) ;

  • soit sous forme d'une retenue à la source, en ce qui concerne :

- les dividendes, tant que son entreprise ou sa holding n'auront pas été délocalisées et/ou ses filiales françaises cédées (articles 7, 1. et 2. et 10 de la Convention fiscale franco-portugaise)dans la limite de 15 % de leur montant brut en vertu de l'article 11, 1. à 4. de la Convention fiscale franco-portugaise ;
- les plus-values immobilières à un taux de 19 % (CGI, art. 244 bis A N° Lexbase : L4675I7B ; sans compter les prélèvements sociaux dont la légitimité est actuellement discutée par la Commission européenne : procédure EU Pilot 2013/4168-cf. infra, n° 21), conformément à l'article 14, 1. de la Convention fiscale franco-portugaise. L'expatrié perdra évidemment le bénéfice de l'exonération en cas de vente de sa résidence principale en France dans les cinq ans du départ contre celui d'un abattement égal à une quote-part de la plus-value limitée à 150 000 euros, applicable avant l'abattement pour durée de détention (CGI, art. 150 U-II 2° N° Lexbase : L7777I8K) ;
- les salaires, pensions et rentes viagères qui n'excèdent pas la limite supérieure de calcul de la retenue à la source au taux de 12 % (CGI, art. 197 B) conformément aux articles 16 et 17 - en cas de gérance salariée et à charge d'élimination de l'éventuelle double imposition par voie de crédit d'impôt au Portugal en vertu de l'article 24 - de la Convention fiscale franco-portugaise (tant que l'entreprise et /ou la holding n'auront pas été délocalisées ou cédées).

Les retenues à la source seront ensuite déduites (CGI, art. 197 B) de la base imposable déclarée sur laquelle sera appliqué, après prise en compte de la situation de famille (quotient familial-au cas où les éventuels enfants de l'expatrié seraient encore à sa charge, l'auraient suivi au Portugal ou avant de s'expatrier à leur tour-cf. infra, n° 22 et s.), le barème progressif à un taux minimal de 20 % (CGI, art. 197 A N° Lexbase : L4561I73).

En outre, la déclaration 2042 NR devra être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception en N+1, en respectant les délais impartis aux résidents, au service des impôts des particuliers non-résidents, situé à Noisy-le-Grand (93).

18. Impôt de solidarité sur la fortune. Si l'expatrié était encore domicilié en France au 1er janvier de l'année de référence, il sera cette année encore (CGI, art. 885 A N° Lexbase : L0138IWZ), malgré son expatriation, redevable de l'ISF.

S'il est domicilié au Portugal le 1er janvier de N+1 et les années suivantes, il ne sera en revanche plus imposable qu'au titre de ses biens demeurés en France (définis au terme de l'article 750 ter, 2 du CGI N° Lexbase : L9528IQX ; s'il y conserve des immeubles détenus directement ou par société interposée, seule la dette bancaire grevant le bien sera déductible), sachant que ses placements financiers (comptes de dépôts, éventuel compte courant d'associé détenu dans une société française, PEA et comptes-titresà l'exception de ceux d'entreprises françaises qui représentent des participations supérieures à 10 % de leur capital social mais qui pourront en revanche être pris en compte pour l'application du régime mère-fille ; contrats d'assurance-vie et de capitalisation souscrits auprès de compagnies d'assurance établies en France) y seront exonérés (CGI, art. 885 L N° Lexbase : L8815HL3, et BOI-PAT-ISF-30-40-50-20130610 N° Lexbase : X9188ALU).

L'éventuelle détention indirecte de biens immobiliers donnera en outre lieu à application d'une surtaxe annuelle de 3 %, à moins qu'il ne déclare chaque année l'identité de ses associés (le couple et ses enfants par exemple) non-résidents (CGI, art. 990 D N° Lexbase : L5483H9X à F).

Dernières particularités, le non-résident ne bénéficie logiquement pas de l'abattement applicable à la résidence principale ni du plafonnement de l'ISF (11) (BOI-PAT-ISF40-60-20140108 N° Lexbase : X3130AMU).

19. Droits de mutation à titre gratuit. Une fois l'expatriation effectuée, la taxation au titre des droits de succession et donation dépendra, en l'absence de convention fiscale conclue en ce domaine entre le Portugal et la France, du lieu de résidence des héritiers/donataires lors de la survenance du fait générateur ;
- si les éventuels héritiers se sont à leur tour expatriés, seuls les biens français (et ce quel que soit leur mode de détention pour l'immobilier-cf. supra, n° 9) concernés seront imposables à ce titre (CGI, art. 750 ter, 2) ;
- si l'un d'eux demeure en France, tous les biens à lui transmis, situés en France comme hors de France, seront imposables de ce chef, que leur transfert ait été constaté par un acte passé en France ou à l'étranger/Portugal (BOI-ENR-DMTG-10-10-30-20120912 § 350 et 360 N° Lexbase : X8211ALP), à moins de prouver par écrit l'absence de domiciliation en France de celui-ci pendant au moins six ans au cours des dix années précédant celle du fait générateur (CGI, art. 750 ter, 3) ;
- dans tous les cas, les biens français (et ce quel que soit leur mode de détention pour l'immobilier-cf. supra, n° 18) laissés et/ou transmis seront imposables en France à ce titre (CGI, art. 750 ter, 2) ; y compris l'assurance-vie dont le prélèvement prévu par l'article 990 I du CGI (N° Lexbase : L1913KGX) sera applicable dès lors que celle-ci aura été souscrite en France et pendant la période de résidence française du souscripteur /assuré, et que ce prélèvement sui generis n'est visé par aucune convention fiscale internationale.

Selon les cas, une déclaration de succession devra être dressée dans l'année du décès (12) (CGI, art. 641 N° Lexbase : L7673HLR) au service des impôts des particuliers non-résidents, situé à Noisy-le-Grand, si le patrimoine successoral taxable excède 50 000 euros.

  • Tenter la prescription ?

Certaines successions internationales ont pu échapper (volontairement ou non) à toute taxation des biens immobiliers laissés en France par le biais de la prescription sexennale de l'article L. 186 du LPF (N° Lexbase : L4945IC7), aucun acte n'ayant par hypothèse été déposé à l'enregistrement français (CA Bastia, 2 février 2011, n° 10/00176 N° Lexbase : A9293GSY) et l'extension du délai de reprise visé à l'article L. 181 LPF (N° Lexbase : L9272HZG) ne pouvant dépasser cette limite.

Le salut vient ici du point de départ du délai de prescription : il s'agit du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire la date du décès, quelque soit la nature de l'infraction qui pourrait motiver l'éventuelle réclamation de l'administration fiscale, dont l'absence de déclaration (BOFIP-CF-PGR-10-40-20120912, § 320 ; Cass. com., 16 décembre 1997, n° 96-11.596, inédit N° Lexbase : A5075CUI ; Cass. com., 15 décembre 2009, n° 08-19.406, F-D N° Lexbase : A0800EQP).

La succession française peut donc être fiscalement prescrite par ce biais. Toutefois, plusieurs points, parfois d'incertitude, demeurent et doivent être portés à l'attention des héritiers/redevables.

1. La mauvaise foi croissante de l'administration fiscale française

Le centre national d'assistance fiscale relève (CNAF Info n° 59, juin 2014) que l'administration tente de plus en plus fréquemment d'intimider les redevables prescrits en leur adressant des notifications de redressement hors délai en vue d'obtenir d'eux un règlement, qui plus est majoré de pénalités de 40 %.

Ces manoeuvres critiquables pourraient induire en erreur les héritiers ou leurs conseils étrangers, alors que ceux-ci n'ont aucunement à régler les sommes réclamées, et, dans le cas où ils y procèderaient, ne sauraient par la suite en réclamer restitution (C. civ., art. 1235 N° Lexbase : L1348ABK).

2. Incertitudes diverses

a. Instance

Pendant l'instance judiciaire en contestation de la dévolution successorale (Cass. com., 21 juin 1994, n° 92-10.323, inédit au bulletin N° Lexbase : A1560CYG ; Cass. com., 4 juillet 1995, n° 93-16.757, inédit au bulletin N° Lexbase : A5321CMZ ; Cass. com., 5 mars 1991, n° 89-18.298, publié au bulletin N° Lexbase : A2767AB4 ; CA Paris, 1ère ch., 4 juillet 2008, n° 06/16104 au sujet de la contestation d'un legs N° Lexbase : A7440D9G ; décisions reprises par BOI-ENR-DMTG-10-60-50-I-C-2), la prescription du droit de reprise concernant des droits de mutation à titre gratuit exigibles sur une succession non encore déclarée à l'administration fiscale ne court pas.

Le délai est donc suspendu jusqu'à ce que la décision soit passée en force de chose jugée au sens de l'article 500 du Code de procédure civil (N° Lexbase : L6617H79) (la légalisation étant, selon la doctrine, sans influence sur celle-ci puisqu'elle peut être effectuée sur un jugement non encore doté de tels attributs tant en France qu'à l'étranger (JCl. Droit international, Fasc. 632, 2012, J.-P. Beraudo, n° 41 ; mais en a en revanche sur son opposabilité en France donc son exécution : Cass. civ. 1, 9 novembre 1971, n° 70-14.017, publié au bulletin N° Lexbase : A8435AHU ; les héritiers devraient ainsi produire un certificat de non appel également traduit pour apostille). Le point de départ du délai de dépôt de la déclaration de succession est également reporté à cette date lorsque l'introduction de l'instance a eu lieu peu de temps après le décès. Enfin, l'administration fiscale n'est pas obligée d'agir pour préserver ses droits durant l'instance : son inaction ne peut donc lui être reprochée.

Tout portera donc, suivant les cas, sur ces questions :
- pourquoi un jugement a-t-il été rendu relativement à la succession ?
- si celui-ci fait effectivement suite à un litige afférent à la dévolution légale ou testamentaire de la succession, de quand date l'acte introductif d'instance ?

En effet, si l'action en contestation de la dévolution a été intentée après l'expiration du délai de reprise de 10 ans (applicable avant 2008) ou 6 ans à compter du décès, la prescription était alors acquise à ce moment-là donc aucune suspension ni ouverture d'un nouveau délai de reprise n'est encourue, même en cas de modification de la dévolution successorale au terme du jugement (Cass. com., 1er juin 2010, n° 09-14.353, FS-P+B N° Lexbase : A2176EYA).

b. Absence d'occurrence internationale

L'incertitude réside ici dans l'absence totale de jurisprudence relative à la prescription de droit commun d'un défaut de dépôt de la déclaration de succession dans un contexte international.

La loi comme la doctrine administrative ne distinguant aucunement, quant à cette question, selon le lieu du décès ou la nationalité/résidence du défunt, il n'y a, a priori, pas à distinguer dans ces cas.

Toutefois, en cas de contentieux fiscal, le juge pourrait être tenté d'effectuer un parallèle avec la jurisprudence établie en matière de prescription abrégée, dispositif voisin. Celle-ci indique que le délai n'est opposable à l'administration que si l'exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document (mentionnant les date et lieu du décès, les nom et adresse de l'un des héritiers, la mention de biens successoraux : Cass. civ. 1, 1er juin 1999, n° 97-14.222, inédit au bulletin N° Lexbase : A0164CLN ; Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-15.266, F-D N° Lexbase : A3876EXT) enregistré (Cass. com., 23 octobre 1979, n° 78-10.044, rejet N° Lexbase : A8308DUA) ou présenté à la formalité de l'enregistrement, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures (LPF, art. L. 180 N° Lexbase : L0266IWR, appliqué au défaut d'enregistrement d'une déclaration de succession : CA Aix en Provence, 1ère ch. B, 15 novembre 2012, n° 12/11341 N° Lexbase : A8890IW8, suite à un décès survenu à Monaco). Or s'il venait à être procédé à une telle analogie, la présentation à l'enregistrement de l'acte de notoriété successorale et/ou de l'attestation de propriété immobilière français serait de nature à révéler l'exigibilité des droits, dont l'administration n'avait auparavant aucun moyen d'avoir connaissance, et à seulement faire débuter le délai de prescription fiscale, que le fisc veillera bien évidemment à ne pas laisser s'écouler...

En outre, peut être encourue la prorogation du délai pour dépôt de plainte et ouverture d'une enquête judiciaire relativement à une fraude fiscale (LPF, art. L. 187 N° Lexbase : L8361AEE), pour l'entrée postérieure d'un nouveau bien dans la succession (Cass. com., 18 novembre 1997, n° 96-10.824, inédit au bulletin N° Lexbase : A6639CWS, en matière immobilière et à la suite d'une décision judiciaire) ou par recours à l'assistance administrative internationale (LPF, art. L. 188 A N° Lexbase : L9541IYZ : 3 ans à compter de la réponse ; toutefois, la demande d'information ne peut ici avoir lieu compte tenu de l'absence de convention fiscale liant la France et le Portugal en matière de successions et libéralités).

III - Les clés d'une expatriation "réussie"

A - Précautions de base

20. Attention au domicile fiscal ! Afin de bénéficier des avantages fiscaux susmentionnés, encore faut-il que le futur ex-contribuable français prenne soin, tant dans l'organisation de son expatriation que par la suite :

  • d'échapper à la définition du résident fiscal français posée à l'article 4 B du CGI (cf. supra, n° 12), ce qui conduit en général, pour davantage de sécurité, à la vente ou au congé de la résidence principale en France ;
  • de satisfaire non seulement aux critères de résidence fiscale portugais (disposer de la propriété ou de la jouissance d'un logement ou résider au moins 183 jours par an au Portugal : article 16 § 1 et 2 du CIRS), vérifiées le dernier jour de l'année civile ;
  • mais aussi de satisfaire à ceux, plus exigeants, de l'article 4, 2. de la Convention fiscale franco-portugaise du 14 janvier 1971 en matière d'impôts sur le revenu (qui seront appliqués en cas de contentieux et/ou conflit de résidences) :

- foyer d'habitation permanent, c'est-à-dire un logement de toute forme tant qu'habitable ;
- constituant, en cas d'absence ou de conflit de foyers, le centre des intérêts vitaux de la personne ("liens personnels et économiques les plus étroits"), c'est-à-dire le siège d'administration de ses biens privés et professionnels (d'où la nécessité de délocaliser l'entreprise ou la holding), de sa vie courante (lieu des dépenses de première nécessité, d'immatriculation du véhicule automobile, de distribution du courrier, des abonnements, de redevance audiovisuelle, des comptes et de débit de carte bancaires, de télépéage...) et sociale (famille nucléaire - d'où l'importance de procéder rapidement à l'expatriation des enfants, clubs sportifs, activités culturelles, inscription sur les listes électorales et consulaires) ;
- à défaut ou en cas de conflit, le lieu de séjour habituel (déterminé par comparaison de la durée annuelle globale de séjour dans chacun des deux Etats) ;
- encore à défaut, la nationalité du contribuable litigieux ;
- en cas de binationalité, sa résidence fiscale sera déterminée au terme d'une négociation entre les deux Etats en concurrence (le rapport de force poussera éventuellement le contribuable à abandonner ultérieurement la nationalité française au profit de la nationalité portugaise).

21. Formalités administratives diverses. Dès avant son départ, le futur ex-contribuable devra veiller à obtenir une carte européenne d'assurance maladie (valable un an ; ne couvrant que la prise en charge des frais afférents aux prestations médicales dispensées au sein d'établissements publics, et ce dans la limite des standards portugais) en attendant son affiliation aux organismes de sécurité sociale portugais (ce qui lui permettrait d'échapper aux prélèvements sociaux dus en France à raison de ses éventuels revenus fonciers, plus-values immobilières, etc., à compter de son affiliation, à moins qu'il ne continue de percevoir des prestations sociales de source française. Tout dépendra des suites données par le législateur à l'arrêt rendu par la CJUE, 1ère ch., 26 février 2015, aff. C-623/13 N° Lexbase : A2333NCE) et/ou la souscription par ses soins d'une assurance santé internationale.

Par ailleurs, il devra transférer et/ou clore au plus tard le jour du départ tous ses produits financiers réglementés en France, à l'exception de ses éventuels livrets bancaires ordinaires, A, B, PEL et PEA (dont les titres sont exclus du champ d'application de l'exit tax et les retraits exonérés d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux : BOI-RPPM-PVBMI-40-30-30-20-20130208, § 75 N° Lexbase : X7814ALY) et contrats d'assurance-vie (cf. supra, n° 7 et 19).

Enfin, ès qualité de non résident fiscal français, l'expatrié devra anticiper l'impact de son départ sur les dispositifs de défiscalisation immobilière auxquels il aura pu avoir souscrit et devra, selon les cas, reporter son projet d'expatriation jusqu'à leur terme ou en préparer sans attendre la sortie (en risquant au passage une remise en cause de l'avantage fiscal y afférent, même en cas de vente ou d'abaissement du loyer), sachant que :
- les non résidents sont éligibles aux dispositifs Besson, Borloo, De Robien et Perissol (BOI-RFPI-SPEC-20-10-10-10-20120912 N° Lexbase : X8392ALE) ;
- les dispositifs Censi-Bouvard, Duflot-Pinel, Girardin (CGI, art. 199 undecies A N° Lexbase : L5234IZU) et Scellier peuvent être conservés, mais leurs avantages fiscaux seront perdus ;
- les non-résidents sont, en principe, inéligibles aux dispositifs Malraux (sauf recours aux SCPI pour expatriés) et monuments historiques (BOI-IR-RICI-190-20120912 N° Lexbase : X7064AL9), sous réserve des suites données à cet arrêt : CAA Marseille, 7ème ch., 21 avril 2015, n° 13MA004737).

Pour se loger (à faible coût-son pouvoir d'achat y sera en effet démultiplié) ou s'il désire investir dans de l'immobilier de rapport (c'est-à-dire de loisir /touristique, actuellement très en vogue (13)) au Portugal, il pourra dès avant son départ se tourner vers le principal intermédiaire portugais implanté en France, à savoir la succursale parisienne de la Banco Comercial Português (Groupe BPCE), en vue de l'obtention d'un financement dénué de toute garantie réelle en France, donc de lien de rattachement supplémentaire avec ce pays.

Dès qu'il sera installé au Portugal, l'expatrié devra en informer, par lettre recommandée avec accusé de réception, son centre des impôts, les organismes sociaux (CPAM notamment), sa banque et sa compagnie d'assurance français, leur communiquer sa nouvelle adresse et requérir l'envoi de toute correspondance à celle-ci (caractérisation d'un nouveau lieu d'administration des biens), en joignant à toutes fins utiles le certificat du déménageur.

B - Et les enfants dans tout celà ?

22. La faille. La présence éventuelle d'enfants constitue bien souvent un frein ou une cause potentielle d'échec du montage envisagé.

Un frein en présence d'enfants mineurs qui devront, à peine de créer un conflit de résidence, suivre leurs deux parents à l'étranger et poursuivre leur scolarité au sein de collèges, lycées et universités français totalement engorgés...

Une cause potentielle d'échec partiel du montage (en matière de fiscalité de la transmission à titre gratuit) également en présence d'enfants majeurs durablement établis en France (cf. supra, n° 19). L'expatriation des jeunes adultes et /ou étudiants est en revanche envisageable voire souhaitable en vue, dans bien des cas, d'aboutir à une totale non imposition (sous réserve de ne transmettre ou laisser aucun bien dans l'Etat de résidence du bénéficiaire : pour la France, cf. supra, n° 19 in fine). La mode des destinations (spécialement universitaires) anglo-saxonnes en fourni la parfaite illustration (1. et 2.).

1) Absence de taxation du côté portugais...

23. Absence de convention fiscale internationale. L'expatrié, potentiel donateur ou défunt, constitue désormais un résident fiscal portugais (sous réserve du respect des critères de résidence fiscale au sens de la législation portugaise et d'échapper à la définition du résident fiscal français : cf. supra, n° 12 et 20).

Le Portugal n'a, à ce jour, conclu aucune convention fiscale internationale en matière de droits de mutation à titre gratuit (seul un accord franco-portugais du 3 juin 1994 alignant les avantages fiscaux procurés par les dons et legs aux organismes publics peut être relevé). Chacun des ordres fiscaux en présence reconnaîtra donc - ou non - sa propre compétence et appliquera son dispositif national indépendamment des conséquences liées aux autres Etats concernés. Une double imposition en matière de droits de succession et donation pourrait ainsi être encourue, sans qu'aucun mécanisme ne puisse venir éviter, sinon réduire ses effets.

24. Fiscalité personnelle du potentiel donateur/de cujus. Toutefois, celle-ci n'aura pas lieu. En effet, les droits de donation et succession ont été abolis au Portugal en 2003. Seuls subsistent des droits d'enregistrement (imposto de selo), dont les transmissions en faveur des descendants sont exonérées (cf. supra, n° 10).

Les biens donnés successoraux (y compris les contrats d'assurance-vie) situés au Portugal comme à l'étranger seront donc exonérés de droits de mutation à titre gratuit au Portugal.

2) ...comme du côté nord-américain ! (14)

25. Fiscalité applicable aux donataires/héritiers. Toutefois, cet ordre des choses n'est pas totalement satisfaisant, comme nous avons pu le voir à l'égard de la France (cf. supra n° 19). Il convient donc d'examiner ensuite la situation de chaque bénéficiaire de la transmission, réglée en fonction de son domicile fiscal (ce qui, pour le cas de la France, encourage également les enfants des expatriés à en faire de même lorsqu'ils le peuvent).

26. Domiciliation effective aux Etats-Unis. En l'absence de convention fiscale américano-portugaise en la matière et afin de se voir appliquer la fiscalité américaine des successions et libéralités, encore faut-il que l'héritier présomptif prenne soin, tant dans l'organisation de son expatriation, que par la suite :

  • d'échapper à la définition du résident fiscal français posée à l'article 4 B du CGI (cf. supra, n° 12), ce qui conduit en général, pour davantage de sécurité, à la vente ou au congé de la résidence principale en France ;
  • de satisfaire non seulement aux critères du domicile fiscal américain, c'est-à-dire l'établissement, même bref, aux Etats-Unis sans intention d'en repartir (déterminée à l'aide d'un faisceau d'indices : demande de visa, durée prégnante du séjour, lieu de situation et taille des logements, liens professionnels, familiaux, sociaux et religieux, testament rédigé aux Etats-Unis...) ;
  • mais aussi à ceux, plus exigeants, de l'article 4, 2. de la Convention fiscale franco-américaine du 24 novembre 1978 en matière de successions et donations (N° Lexbase : L5150IEH) (qui seront appliqués en cas de contentieux et/ou conflit de résidences) :

- foyer d'habitation permanent, c'est-à-dire un logement de toute forme tant qu'habitable ;
- constituant, en cas d'absence ou de conflit de foyers, le centre des intérêts vitaux de la personne ("liens personnels et économiques les plus étroits"), c'est-à-dire le siège d'administration de ses biens privés et professionnels, de sa vie courante (lieu des dépenses de première nécessité, d'immatriculation du véhicule automobile, de distribution du courrier, des abonnements, de redevance audiovisuelle, des comptes et de débit de carte bancaires, de télépéage...) et sociale (famille nucléaire, clubs sportifs, activités culturelles, inscription sur les listes électorales et consulaires...) ;
- à défaut ou en cas de conflit, le lieu de séjour habituel (déterminé par comparaison de la durée annuelle globale de séjour dans chacun des deux Etats) ;
- encore à défaut, la citoyenneté du contribuable litigieux ;
- en cas de bicitoyenneté, sa résidence fiscale sera déterminée au terme d'une négociation entre les deux Etats en concurrence (le rapport de force basculant en général au profit des Etats-Unis...).

27. Hors du champ d'application des droits de mutation à titre gratuit. Le potentiel donateur/de cujus, ès qualités de résident fiscal portugais et de national français (pour le moment), constitue un étranger non-résident des Etats-Unis (non-resident alien of the U.S.).

Or, et si aucun des biens donnés/successoraux ne se situe sur le sol américain, le redevable des droits de mutation à titre gratuit fédéraux comme locaux est le donateur/défunt (alors représenté par l'exécuteur testamentaire/administrateur successoral, l'impôt dû étant acquitté sur ce patrimoine) citoyen ou résident américain (15).

La transmission ne sera donc pas non plus imposable dans ce cadre mais son bénéficiaire devra tout de même la déclarer (form. 3520, "annual return to report transactions with foreign trusts and receipt of certain foreign gifts" ou form. 706-NA, "U.S. non resident alien estate tax return") à l'administration fiscale américaine (plus précisément à un service spécialisé de l'IRS basé à Cincinnati, Ohio (16)). De tels raisonnements et résultats se retrouveront d'ailleurs dans un certain nombre d'autres Etats (européens), y compris frontaliers de la France.


(1) La Croix, 22 janvier 2015, Actualités économiques, Portugal : 2014, l'année de tous les records pour le tourisme.
(2) Banco de Portugal, CNUCED, BNP Paribas Trade Solutions et Export Entreprise SA, Portugal 2014, les investissements, avril 2015.
(3) Sources en langue française : Portugal : Juridique-Fiscal - Social, Dossiers internationaux EFL, 1996 ; H.-A. Couderc et F. Le Mentec, cours d'"expatriation et fiscalité comparée", Diplôme Fédéral de Juriste du Patrimoine (FNDP) ; AT, IRS-Régime fiscal du Résident Non Habituel, brochure disponible en ligne sur le site du ministère portugais des Finances ; Dossier spécial "Portugal, l'eldorado des investisseurs", Investissement Conseils n° 782 (juillet/août 2015), p. 32 à 38 ; en langue anglaise : EY Worldwide Personnal, Estate and Inheritance Tax Guides 2014-2015 ; PwC Tax Guide 2014 ; KLUWER International Tax Law, 2014.
(4) Sources en langue française : JCL Droit comparé, fasc. 20, Portugal-Droit civil ; Guide Lamy de Droit comparé Famille et Patrimoine, 2008-en langue anglaise : G. De Oliveira, Family and Succession Law in Portugal, Wolters Kluwer, 2012.
(5) Spécialement s'il vient par la suite à en adopter la nationalité (cf. infra, n° 6).
(6) Les actes privés comme publics établis en France et produits au Portugal devront être apostillés conformément à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de légalisation des actes étrangers (N° Lexbase : L6793BH3), ce dernier refusant d'appliquer la Convention bilatérale de coopération judiciaire du 20 juillet 1983 (JORF, 14 oct. 1984, art. 25, p. 3222).
(7) En veillant évidemment à respecter les précautions d'usage en pareille matière...
(8) Pour de plus amples développements afférents à la fiscalité des transmissions à titre onéreux et aux opérations de réhabilitation, cf. Investissement Conseils, n° 782, dossier spécial précité.
(9) En ce qui concerne les transmissions à titre onéreux, v. Isabel Maria Batista Louro, Régime juridique de l'achat et de la vente au Portugal, Association Syndicale des Officiers de Registre, 2006, dactyl., sur www.ascr.pt ; Investissement Conseils, n° 782, dossier spécial précité.
(10) En respectant les précautions d'usage en pareille matière.
(11) Sauf à se prévaloir de la qualité de non-résident "Schumacker", ce qui serait selon les circonstances plus ou moins (retraité...) malvenu eu égard aux incidences éventuelles sur la (re)qualification de sa résidence fiscale.
(12) Sauf le jeu de l'article L. 186 du LPF (N° Lexbase : L4945IC7) (BOFIP-CF-PGR-1040-20120912, § 320 N° Lexbase : X7402ALQ), limitant l'application de l'article L. 181 du LPF (N° Lexbase : L9272HZG), mais lui-même potentiellement court-circuité par la doctrine BOI-ENR-DMTG-10-60-50-I-C-2 (N° Lexbase : X7144AL8).
(13) Pour de plus amples développements afférents à la fiscalité des transmissions à titre onéreux et aux opérations de réhabilitation, cf. Investissement Conseils, n° 782, dossier spécial précité.
(14) Sources en langue française : Lamy Mobilité internationale-en langue anglaise : EY Worldwide Estate and Inheritance Tax Guide 2014-2015 ; PwC Tax Guide 2014 ; KLUWER International Tax Law, 2014 ; www.irs.gov.
(15) 2014, Instructions for form. 709 United States gift (and generation-skipping transfer) tax return ; Publication 559 cat. n° 15107U survivors, executors, and administrators.
(16) Department of the treasury, internal revenue service center, Cincinnati, OH 45999.

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