La Cour européenne des droits de l'Homme se prononce pour la première fois sur l'utilisation de caméras cachées par des journalistes et conclut qu'en présence d'un reportage portant sur un sujet d'intérêt général, comme la dénonciation des pratiques commerciales d'une profession, la condamnation des journalistes viole la liberté d'expression. Tel est l'apport de la solution rendue par la Cour européenne des droits de l'Homme le 24 février 2015 (CEDH, 24 février 2015, Req. 21830/09
N° Lexbase : A0766NCD). En l'espèce, Mme B., rédactrice d'un programme télévisé relatif à la protection des consommateurs, prépara un reportage sur la vente des produits d'assurance vie, dans un contexte de mécontentement vis-à-vis des pratiques des courtiers en assurance. Elle convint d'enregistrer des entretiens entre des clients et des courtiers en caméra cachée, pour prouver les pratiques de ces derniers. Deux caméras furent placées dans la pièce où avait lieu la rencontre, et transmettaient l'enregistrement de l'entretien dans une pièce voisine où se tenaient Mme B. et un spécialiste en assurance. Condamnés au versement d'amendes pénales pour avoir procédé à l'enregistrement litigieux, les requérants considèrent que leur condamnation constitue une ingérence disproportionnée dans leur droit à la liberté d'expression, tel que prévu par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (
N° Lexbase : L4743AQQ). S'agissant des atteintes à la réputation personnelle de personnages publics, la Cour européenne prend en compte ses six critères habituels, à savoir, la contribution à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de cette personne, le mode d'obtention des informations et leur véracité, le contenu du reportage ainsi que la sanction imposée. Au vu de ces critères, elle retient que le thème du reportage réalisé, soit la protection du consommateur, concernait un débat d'intérêt public, de sorte que la sanction prononcée par le juge pénal pouvait tendre à restreindre le droit de critique de la presse, et constitue ainsi une violation de l'article 10 (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E5881ETY).
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