Le recours à la force potentiellement meurtrière doit être justifié par des raisons légitimes conduisant à penser que le prévenu constituait une réelle menace au moment des faits. Telle est la solution de l'arrêt rendu par la CEDH, le 17 avril 2014 (CEDH, 17 avril 2014, Req. 68780/10
N° Lexbase : A4053MKC). Selon les faits, à la suite d'une enquête pour des faits de vol à main armée en bande organisée avec enlèvement et séquestration, un homme appartenant à la communauté des gens du voyage avait été interpellé et placé en garde à vue dans les locaux de la gendarmerie. Au terme d'une audition, menotté et entravé à une jambe en raison des signes de dangerosité qu'il présentait, au regard de ses antécédents judiciaires d'une part, et de son comportement depuis son arrestation d'autre part, il était parvenu à ouvrir une fenêtre pour sauter à l'extérieur du bâtiment où il était retenu et tenter de s'évader. Un gendarme avait alors tiré à plusieurs reprises dans sa direction et l'homme était décédé peu après des suites de ses blessures.
La communauté des gens du voyage avait alors saisi la CEDH en invoquant l'article 2 de la CESDH (
N° Lexbase : L4753AQ4), soutenant devant la Cour que leur proche avait été tué "
de manière injustifiable" et qu'il n'y avait "
pas eu d'enquête indépendante ni de procès impartial sur les circonstances du décès".
La CEDH leur donne partiellement raison. Elle relève que le fugitif n'était pas armé et que, entravé, il pouvait difficilement représenter une menace immédiate pour la vie ou l'intégrité physique d'autrui. Aussi et à supposer même que les premiers tirs aient pu servir de sommation, il apparaît aux yeux de la Cour que cet avertissement ne justifiait pas le recours à des coups de feu supplémentaires ; il ressort du dossier, en effet, que le gendarme ne pouvait pas viser avec précision, compte tenu de la luminosité au moment des faits. Dans ces conditions, la Cour n'est pas convaincue que le recours à la force contre l'intéressé procédait d'une conviction fondée sur des raisons légitimes de penser que l'homme constituait une réelle menace au moment des faits, autorisant le recours à la force potentiellement meurtrière surtout que d'autres possibilités d'action s'offraient au gendarme pour tenter l'arrestation, au lieu d'ouvrir le feu. Par conséquent, la Cour estime que, dans les circonstances de la présente affaire, l'article 2 de la CESDH précité interdisait tout recours à une force potentiellement meurtrière, nonobstant le risque de fuite de l'homme.
En revanche, elle a estimé que le "
cadre législatif régissant l'utilisation de la force" avait été respecté et considéré que l'enquête, à ce sujet, avait été menée de manière correcte.
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