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par La rédaction
le 09 Janvier 2014
Emmanuelle Perron, Présidente du Pôle "Droit de l'entreprise" du Medef, précise, d'abord, que sa présence atteste de l'importance du droit qu'accorde le Medef à l'entreprise puisque la nouvelle organisation du Medef s'articule autour de neuf pôles, dont l'un en relation directe avec le Président s'intitule Pôle "Droit de l'Entreprise". Elle rappelle, ensuite, que si elle n'est pas juriste, dirigeante d'un grand groupe, mais à la fois de PME et de TPE, elle comprend les difficultés afférentes, notamment, au droit que l'on peut trouver dans toutes ces tailles d'entreprises. Elle estime, enfin, que la complexité grandissante de l'environnement législatif et réglementaire d'aujourd'hui handicape totalement la compétitivité des entreprises françaises, d'où l'objectif du Medef de traduire dans les faits le fameux choc de simplification annoncé par le Président de la république. Et, c'est dans le cadre de cette mission que les entreprises vont requérir l'aide des avocats.
Emmanuelle Perron dresse alors le cahier des charges des entreprises françaises à destination des avocats qui souhaitent entrer sur le marché du droit des affaires. Il rappelle qu'il y a bien un marché du droit et une concurrence ; aujourd'hui les entreprises n'hésitent plus à faire jouer la concurrence et à négocier les honoraires. Parce que les entreprises négocient, désormais, les honoraires des avocats, il est important que ceux qui souhaitent devenir conseil d'entreprise intègrent cette nouvelle donne. Mais, cela ne signifie pas que cette concurrence se fasse au détriment de règles d'éthique et de déontologie qui sont la base du métier d'avocat et de la relation que ces derniers ont développée avec les entreprises. Les entreprises françaises attendent donc des conseils ; des conseils capables d'apporter des solutions à leurs problèmes, des réponses claires qui concluent... et, non pas des études désincarnées qui laissent les entreprises perplexes, le soir, à leur première lecture. Elles ont besoin d'avocats qui connaissent l'entreprise, son fonctionnement, ses contraintes qui évoluent chaque jour ; des avocats capables de négocier en anglais, si possible ! Ils doivent être capables de parler l'anglais, de lire l'anglais, capables d'écrire l'anglais, l'anglais juridique, l'anglais technique de l'entreprise qu'ils vont représenter. Les entreprises françaises ont besoin d'avocats français anglophones pour défendre leurs intérêts au sein de groupements multiculturels.
Pour Emmanuelle Perron, les avocats doivent investir le marché des entreprises par leurs compétences aujourd'hui, réellement par leurs connaissances de l'entreprise et non par des créations de monopoles, de textes ou de protection réglementaire. Prenant pour exemple la création du contreseings ou "acte d'avocats", la représentante du Medef précise d'emblée que l'instrument juridique ne répond à aucune demande de l'entreprise qu'elle soit petite, grande, PME ou grand groupe ! L'acte en question constituerait pour les entreprises non un instrument de sécurisation, mais plutôt une source de coûts imposés supplémentaires. L'idée également d'avancer un commissariat au droit à l'instar du commissariat aux comptes n'emporte pas non plus son adhésion. Pour Emmanuelle Perron, les entreprises veulent conserver leur liberté de choisir ! Elle évoque le rôle important des directions juridiques au sein des entreprises ; et rappelant que les entreprises où il y a une direction juridique font, plus que les autres, appel au service des avocats, elle préconise de jouer la coopération, la complémentarité, et surtout pas l'affrontement. Enfin, la dirigeante d'entreprise condamne l'importation de la class action au sein du droit français ; une importation qui ne simplifiera pas la vie des entreprises. Elle exhorte donc les avocats à faire en sorte que, dans l'évolution des textes, dans la manière dont la profession d'avocat va réagir aujourd'hui, ils ne créent pas de difficultés supplémentaires. Elle préconise enfin d'appliquer le système anglo-saxon : "why need to out".
Donnant la parole aux collectivités territoriales, Loraine Donnedieu de Vabres Tranié demande si, finalement, ces dernières ont les mêmes attentes. Pour répondre, Michel Destot, Maire de Grenoble, Député de l'Isère et Président de l'association des maires de grandes villes de France (AMGVF), commence par rappeler les grandes heures du barreau grenoblois et l'importance des avocats dans la gestion de la ville. Puis il estime que, dans son domaine, l'avocat agit non seulement pour la défense des collectivités, mais aussi pour celle des élus. Le maire de Grenoble condamne également la prolifération des textes normatifs et leur complexité, avant de rappeler que, la plupart du temps, les grandes collectivités sont dotées de services juridiques qui sont souvent beaucoup plus importants que ceux de l'Etat lui-même, notamment au niveau déconcentré. Il précise alors que, si ces collectivités doivent attendre un conseil a priori pour lancer des opérations un peu complexes, il est évident que c'est une perte de temps et souvent une perte d'argent pour elles. Elles ont donc, de toute évidence, partie commune avec les avocats, pour les aider à imaginer les voies de passages, pour mener des opérations souvent très complexes. Mais c'est aussi pour les élus eux-mêmes qu'elles ont besoin des avocats. Il évoque, alors, le drame médiatique des cinq enfants emportés dans les eaux du Drac, et notamment son interrogatoire en qualité de maire de Grenoble. Il lui semble être du même côté que les avocats pour faire prévaloir la démocratie, c'est-à-dire la primauté des pouvoirs bien entendu dans le respect intégral de la Constitution et de l'égalité ; faire prévaloir le collectif sur l'individuel, l'intérêt public, c'est-à-dire sans perte de temps, et finalement sans perte d'argent. Michel Destot donne deux illustrations de ce qui a été fait sur Grenoble. La première, c'est la mise en place de permanences juridiques gratuites pour améliorer l'accès aux droits des personnes démunies et prévenir les situations d'exclusion. La seconde, c'est la mise en place, entre la ville de Grenoble, l'Ordre des avocats de Grenoble et le tribunal administratif, d'une convention, avec une charte éthique, pour que des conciliateurs puissent intervenir pour éviter la multiplication des contentieux au sein du tribunal administratif concernant les agents publics, les débits de boissons, les droits à construire, les occupations sur le domaine public, les procédures engagées à la demande d'une des parties. Enfin, pour le député de l'Isère, la démocratie et l'efficacité peuvent aller de pair et pour cela il lui semble qu'avocats et collectivités territoriales peuvent jouer de pair ensemble pour être des acteurs afin de relever ces défis.
Pour Franz-Olivier Giesbert, Directeur de la rédaction du magazine Le Point, on a besoin d'avocats ! Il n'y a que 82 avocats pour 100 000 habitants en France ; par comparaison internationale, il en y a 585 en Israël, 280 en Italie, idem en Grande-Bretagne. Et, on sait qu'aux Etats-Unis, il y a un avocat pour 300 habitants ! Il ne croit pas à un choc de simplification pourtant souhaitable : pour lui cela vient sans doute des politiques, des députés qui éprouvent le besoin, pour se donner de l'importance, de faire des lois supplémentaires, de préférence d'ailleurs des lois qui portent leurs noms...
Le maire de Grenoble est du même avis et estime que la France légifère beaucoup trop, alors qu'un tiers des lois ne s'appliquent pas.
François Fondard, Président de l'Union Nationale des Associations Familiales (UNAF) rappelle, d'abord, que l'UNAF regroupe 7 000 associations familiales françaises et 700 000 familles adhérentes environ, ayant pour mission de représenter l'ensemble des familles françaises et étrangères, de donner avis aux pouvoirs publics sur toutes les questions en matière de politique familiale et de tout ce qui concerne la famille. Son premier champ d'intervention concerne l'ensemble de toute la protection sociale et la politique familiale, et l'UNAF a, dans la société française, 18 000 représentants des familles à tous les niveaux, que ce soit dans la CAF, le Conseil économique et social. Elle gère des services, également, parce que les Gouvernements lui ont confié la gestion des services de 150 000 tutelles. Ensuite, le Président de l'UNAF rappelle qu'en France il y a 145 000 divorces par an dont 75 000 divorces avec enfant(s). Pour ces familles la question qui se pose c'est le rôle des juges aux affaires familiales et celui bien entendu de l'avocat dans le cadre de la rupture. Les avocats rencontrent ces familles en situation de rupture qui est toujours un moment de conflit très dur. Le rôle de l'avocat est important pour apaiser l'ensemble de ces tensions. Les familles ont donc, à l'adresse des avocats, des questions d'ordre pédagogique, de transparence, et de disponibilité. Pour les questions d'ordre pédagogique, il ne faut pas oublier que les parents, avant d'entamer une procédure devant le juge, ne connaissent pas l'institution judiciaire dans laquelle ils portent tous leurs espoirs. Un des besoins exprimés par les parents est l'attente d'une plus grande pédagogie et notamment dans le vocabulaire juridique employé par l'avocat, la complexité des procédures rendant difficile la compréhension pour les parents d'une procédure qu'ils ont engagée. La deuxième grande question, est celle de la transparence : les familles ne semblent pas avoir toujours bien été informées du coût de la prestation de l'avocat et cela peut nuire à la création d'un climat de confiance. Il paraît essentiel de mieux communiquer sur la manière dont sont déterminés les honoraires. L'UNAF se félicite des réformes en ce sens qui prévoient aujourd'hui pour l'ensemble des procédures de divorces la conclusion d'une convention d'honoraires. Sur la question de la disponibilité, l'avocat, pour les parents, a une place centrale, il est celui qui défend leurs intérêts mais surtout celui qui doit gagner le procès. Les attentes des parents, parce qu'elles sont empreintes d'affect, peuvent être parfois démesurées. Les contraintes de temps imposées à l'avocat, le besoin d'écoute des parents et celui de raconter leur vécu font naître le sentiment pour certains de ne pas avoir été écoutés ou entendus. L'attente, aussi, d'une plus grande disponibilité de l'avocat exprimée par les parents s'accentue par le système d'une justice dite, pour certains, expéditive, où les parents ne sont entendus qu'une dizaine de minutes par le juge avant que celui-ci ne se prononce sur leur situation. C'est le problème, là aussi selon François Fondard, du nombre des juges aux affaires familiales, des juges pour enfants, des juges pour tutelles. Sur la question de la pension alimentaire, qui est particulièrement importante pour l'ensemble de ces familles, l'UNAF revendique pour qu'il y ait aujourd'hui un barème qui soit un peu incitatif, à la discrétion du juge aux affaires familiales, et pour un barème impératif minimum. C'est un domaine dans lequel le rôle de l'avocat est particulièrement important. Enfin, sur la médiation familiale et la place de l'avocat au sein de cette médiation, l'intervenant estime qu'il y a une complémentarité au sein de cette médiation familiale entre les juges, les médiateurs et les avocats.
Alain Bazot, Président de l'UFC - QUE CHOISIR, commence lui par rappeler que le droit de la consommation n'est même pas une branche, mais une sous-branche, le parent pauvre du droit ; il n'est jamais qu'une exception à des grands principes du droit civil ou du droit commercial, dans un but de rééquilibrer des relations que l'on ne peut pas considérer comme étant théoriquement équilibrées. C'est donc un droit de rééquilibrage et un peu d'exception. Et, l'on ne peut pas dire qu'il ait la faveur des enseignements universitaires. Selon lui, peu d'avocats ont investi ce champ de la consommation aux enjeux financiers qui sont parfois très limités, parce que la majorité des litiges qui concernent la consommation ne porte que sur des enjeux pécuniaires assez faibles.
Pour autant, le droit de la consommation n'échappe pas à la complexité. Pour le Président de l'UFC - QUE CHOISIR, nous avons un droit de la consommation qui ne cesse de s'épaissir, un millefeuille, un droit du quotidien qui devrait être connu de tous comme le Code de la route. Mais, c'est un droit que finalement pas grand monde ne connaît, y compris les spécialistes du droit. Aussi, il est vrai qu'une organisation comme l'UFC - QUE CHOISIR, avec un réseau d'associations locales, 161, autant que les barreaux, implantées sur le territoire, le coeur de métier et d'activité, même si ce n'est pas le seul, a bel et bien pour mission d'aider le consommateur dans ses difficultés individuelles pour résoudre des litiges. L'association en règle 80 000 par an ; elle est un acteur de la pacification d'un certain nombre de relations, notamment de consommation.
La question posée par Alain Bazot est donc de savoir si une association comme l'UFC - QUE CHOISIR n'est pas concurrente de l'activité des avocats. Pour l'intervenant, sur le terrain des litiges individuels, il y a trois éléments : est-ce que l'avocat est incontournable ? Et si on peut le contourner, est-ce souhaitable ? S'il n'est pas souhaitable de le contourner, est-il toujours accessible ? Incontournables, les avocats savent qu'ils ne le sont pas. Pour bons nombres de litiges de la consommation, le juge est directement accessible sans avocat, sans représentation : les juges de proximité et les juges à l'instance, notamment. On n'est pas juridiquement obligé de passer par un avocat ! Ensuite, compte tenu de la complexité du droit de la consommation, ce contournement n'est sans doute pas souhaitable. Il y a aussi un enjeu d'égalité, de plus grande équité dans le procès, face à une entreprise représentée par un avocat. La loi est venue un peu corriger le problème avec la loi "Châtel" et le soulevé d'office par le juge. Il est toujours neutre mais il n'est pas inactif, d'ailleurs cela avait été soutenu par le Président de l'association des juges d'instance. Enfin sur l'accessibilité, se pose la question des honoraires, alors que bons nombres de litiges sont des petits litiges, aux petits montants et intérêts financiers, bien que cela ne veuille pas dire que l'affaire soit simple à gérer. Le Président de l'association de consommateurs avoue que ce sont des litiges qui peuvent être chronophages, pour faire des recherches tant la situation est complexe. Par exemple, on se heurte en ce moment à une prolifération de violations du droit avec des démarchages sur le photovoltaïque qui sont des situations extrêmement complexes ; il y a du démarchage, de la vente, de la location, du crédit qui n'est pas affecté mais qui sert à financer : il faut faire un travail de requalification qui est tout à fait redoutable. Pour Alain Bazot, son association peut ne peut pas apparaître comme concurrente des avocats parce que, sur un certain nombre de litiges de cette nature, si elle n'était pas là, en tout état de cause, les consommateurs ne viendraient pas voir les avocats. Ils ne pourraient pas payer ce qui est leur dû et légitimement dû, eu égard à l'enjeu qui est pour le consommateur de récupérer telle ou telle somme. En ce qui concerne les litiges collectifs, et notamment les suppressions de clauses abusives par exemple, la représentation par un avocat est obligatoire et l'association recourt aux compétences des avocats, dans un cadre qui est souvent contractualisé, ayant développé, sur le territoire, des conventions de partenariat entre les associations locales et un certain nombre d'avocats.. A ce moment-là, tout le travail fait en amont par l'association doit pouvoir soulager les investigations des avocats. Enfin, Alain Bazot rappelle qu'il est favorable à l'action de groupes, mais non à une importation du modèle américain.
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