Le Quotidien du 23 avril 2025 : Cotisations sociales

[Observations] Contrôles URSSAF concertés et simultanés dans plusieurs sociétés d’un groupe : qui doit signer la lettre d’observations ?

Réf. : Cass. civ. 2, 20 mars 2025, n° 23-10.061, F-B N° Lexbase : A530668Z

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N2132B3D

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par Juliana Kovac, Avocat associé et Johanna Webert, Avocat counsel, cabinet Flichy Grangé Avocats

le 18 Avril 2025

► La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 mars 2025, vient de juger qu’en cas de contrôle concerté et simultané de plusieurs sociétés d’un groupe, la lettre d’observations adressée à chaque société doit être signée par l’inspecteur ayant personnellement procédé à la vérification de la situation individuelle de chacune d’entre elles.

Cet arrêt est l’occasion de revenir sur les règles applicables à la signature de la lettre d’observations.

Elles sont très importantes, car un manquement de la part de l’URSSAF peut entraîner l’annulation du redressement.

1. Les inspecteurs du recouvrement doivent, à l’issue du contrôle, communiquer au cotisant une lettre d'observations, comportant un certain nombre de mentions obligatoires (CSS, art. R. 243-59 N° Lexbase : L8686IYD). La lettre d’observations doit notamment être signée (CSS, art. R. 243-59).

En pratique, il n’est pas rare que plusieurs inspecteurs soient simultanément mobilisés pour procéder au contrôle d’une société.

Dans cette hypothèse, tous les agents ayant participé au contrôle doivent signer la lettre d’observations. À défaut, la lettre d’observations est irrégulière [1].

Le principe n’est toutefois pas absolu : si l’un des inspecteurs n’a plus qualité pour intervenir au moment de la signature, notamment lorsqu’il a quitté l’organisme de contrôle, sa signature n’est pas requise [2].

2. La Cour de cassation s’est prononcée sur l’application de ces principes en cas de contrôle concerté et simultané de plusieurs sociétés d’un groupe.

En l’espèce, plusieurs sociétés d’un groupe ont fait l’objet d’un contrôle simultané de la part de l’URSSAF Bretagne, réalisé par quatre inspecteurs. Or, seul l’un d’entre deux a signé la lettre d’observations adressée à la société en cause.

Celle-ci a contesté la régularité de la lettre d’observations en faisant valoir que les autres inspecteurs auraient dû également la signer puisqu’ils ont mené le contrôle.

De son côté, l’URSSAF faisait valoir que ce même inspecteur avait signé les différents actes de la procédure (avis de contrôle, lettre d’observations, réponse aux observations du cotisant, courrier de réponse de l’inspecteur et procès-verbal de contrôle).

La cour d’appel de Rennes a donné gain de cause à la Société et annulé la lettre d’observations [3].

D’abord, elle considère que, pour apprécier si le contrôle intervenu a été mené conjointement par les quatre inspecteurs, il convient d’examiner :

  • les documents de contrôle ;
  • et toute pièce ou indice permettant d’établir les modalités concrètes et réelles de mise en œuvre du contrôle.

Sur les documents de contrôle, elle confirme qu’ils ne permettent pas d’établir que le contrôle a été mené par plusieurs inspecteurs.

Sur les modalités concrètes et réelles de mise en œuvre du contrôle, elle considère, en revanche, qu’elles démontrent suffisamment que le contrôle a fait l’objet d’une appréhension globale au niveau du groupe et qu’il n’a pas été opéré de traitement différencié par entité.

Elle retient les éléments suivants :

  • l’envoi de courriels de demande de pièces communs dans lesquels le pronom « nous » était utilisé, laissant entendre que les documents devaient être envoyés à tous les inspecteurs ;
  • l’envoi d’une lettre commune adressée au groupe (signée par les quatre inspecteurs), rappelant l’accord des différentes sociétés pour que l’ensemble des redressements soit porté au compte principal de chaque URSSAF ;
  • la proposition d’un seul entretien de clôture, commun à tous les inspecteurs et à toutes les sociétés du groupe.

La Cour de cassation casse l’arrêt.

D’abord, elle rappelle que « lorsque plusieurs inspecteurs participent aux opérations de contrôle, la lettre d’observations doit être revêtue de la signature de chacun d’eux, à peine de nullité ».

Ensuite, elle indique qu’« en cas de contrôles concertés et simultanés de plusieurs sociétés d’un même groupe, la lettre d’observations adressée à chaque société doit être signée par l’inspecteur ayant personnellement procédé à la vérification de la situation individuelle de chacune ».

Enfin, elle en déduit que la cour d’appel aurait dû « vérifier si d’autres inspecteurs que le signataire de la lettre d’observations avaient effectivement participé au contrôle de la situation individuelle de la société ».

La Cour de cassation renvoie donc l’affaire devant la cour d’appel de Rennes autrement composée qui devra procéder à cette vérification.

Le principe posé paraît clair : le contrôle simultané de plusieurs sociétés d’un groupe n’est pas nécessairement un contrôle conjoint et la lettre d’observations devra être signée par le ou les inspecteurs ayant effectivement contrôlé chaque entité.

Sa mise en œuvre est, en revanche, moins aisée.

On peut s’interroger sur la notion de « participation effective » au contrôle.

La simple coordination entre inspecteurs et l’envoi de courriers communs ne sont pas suffisants.

Mais, quel doit être le degré d’implication de l’inspecteur pour considérer qu’il a participé effectivement au contrôle. Des échanges sont-ils suffisants ?

Dans des affaires différentes, les juges ont considéré que l’inspecteur, qui avait élaboré et cosigné des courriers de demande de documents (solidarité financière), doit signer la lettre d’observations [4]. De même, l’inspecteur qui a participé à une audition doit signer la lettre d’observations [5].

Se pose également la question de la preuve de cette « participation effective » au contrôle.

Il faudra être vigilant à la rédaction et au signataire des différents actes de la procédure. Par exemple : est-ce que l’avis est signé par un ou plusieurs inspecteurs ? Est-ce que le pronom « je » ou « nous » est employé ?

Dans certains cas, les éléments de la procédure ne correspondent pas nécessairement à la réalité des opérations de contrôle. Dans ce cas, la preuve pourrait être rapportée par des courriels ou courriers nominatifs de l’inspecteur, des demandes de pièces particulières, ou encore, des comptes-rendus d’entretien. Il est vivement recommandé aux entreprises, à cet égard, de consigner tous les échanges avec les inspecteurs pour identifier celui ou ceux ayant participé au contrôle.

Dans d’autres cas, la preuve sera plus difficile à apporter. L’arrêt de la cour d’appel de Rennes en offre une illustration. Elle rappelle que les quatre inspecteurs ont pu communiquer entre eux, car ils se trouvaient dans la même salle de réunion, mais que la situation n’était étayée par une aucune pièce.

Il sera intéressant d’observer comment la cour d’appel de renvoi appréciera, au vu des éléments produits, quel inspecteur a effectivement participé au contrôle. Si l’un des trois autres inspecteurs a effectivement participé au contrôle, la nullité de la lettre d’observations pourra être retenue.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le contrôle URSSAF - contentieux du recouvrement, Le redressement, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E71413NS.

[1] Cass. civ. 2, 6 novembre 2014, n° 13-23.990, F-P+B N° Lexbase : A9183MZ7.

[2] Cass. civ. 2, 1er février 2024, n° 22-13.420, F-D N° Lexbase : A23322KL.

[3] CA Rennes, 9 novembre 2022, n° 18/08310 N° Lexbase : A90608SD.

[4] CA Paris, 6-12, 4 mars 2022, n° 18/05416 N° Lexbase : A63617PB.

[5] TJ Marseille, 12 décembre 2024, n° 22/02340 N° Lexbase : A22046NX.

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