Le Quotidien du 6 février 2025 : Marchés publics

[Questions à...] Quelles avancées pour le décret de simplification de la commande publique ? Questions à Jean-Marc Peyrical, Maître de conférence en droit public,responsable de la Chaire Achat Public de l’Université Paris Saclay

Réf. : Décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024, portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique N° Lexbase : L9879MRC

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[Questions à...] Quelles avancées pour le décret de simplification de la commande publique ? Questions à Jean-Marc Peyrical, Maître de conférence en droit public,responsable de la Chaire Achat Public de l’Université Paris Saclay. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/115371391-questions-a-quelles-avancees-pour-le-decret-de-simplification-de-la-commande-publique-questions-a-je
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le 21 Février 2025

Mots clés : marchés publics • simplification • groupements d'opérateurs • bons de commande • accords cadres

Le décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024, portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique, apporte des modifications au Code de la commande publique afin, notamment, de simplifier l'accès des entreprises à la commande publique et d'assouplir les règles d'exécution financière des marchés publics. Il fait suite aux rencontres de la simplification initiées à l’automne 2023, par Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique, et Olivia Grégoire, alors ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. Ces rencontres visaient à recueillir les contributions de chefs d’entreprises français pour faciliter, améliorer, simplifier leur vie dans la compréhension des normes, dans leurs relations avec les administrations, dans leurs démarches du quotidien. Pour faire le point sur les dispositions du décret que l’on pourra juger au choix optimistes ou audacieuses, Lexbase Public a interrogé Jean-Marc Peyrical, Maître de conférence en droit public, responsable de la Chaire Achat Public de l’Université Paris Saclay*.


Lexbase : Quels besoins ressortaient de la consultation publique de novembre 2024 ?

Jean-Marc Peyrical : On peut tout d’abord souligner le succès d’une telle démarche, qui a provoqué la réception de centaines de contributions dont deux tiers en provenance d’acheteurs publics.

Comme il fallait s’y attendre, on ressent un fort besoin de simplification et d’allègement des procédures tant de la part de ces derniers que de celle des opérateurs économiques… ce qui peut se comprendre alors que le Code de la commande publique ne cesse de s’enrichir -s’alourdir diraient certains- de dispositions qui n’ont pas toutes un lien direct avec l’acte d’achat proprement dit.

Mais les positions ne sont pas toujours unanimes. On peut prendre pour exemple le fameux seuil de 100 000 euros HT pour les marchés de travaux (les marchés de travaux, dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes, sont dispensés de procédure jusqu'au 31 décembre 2025 suite à la publication du décret), très apprécié par bien des acheteurs, les petites communes par exemple, et décrié par d’autres qui mettent en avant le risque d’atteinte aux principes fondamentaux de la commande publique.

N’oublions pas que les textes -finalement adoptés en décembre- à l’origine de cette consultation sont eux-mêmes issus des assises et des rencontres de la simplification de 2023, où de nombreuses propositions ont été faites en faveur de la simplification des démarches et procédures, d’accès à la commande publique ou encore de respect des délais de paiement.

Il y a donc une vraie attente de l’ensemble des acteurs de la commande publique sur cet objectif - utopique?- de simplification, alors que la Cour des comptes européenne a, dans son rapport d’octobre 2023 [1] relatif aux 10 ans de mise en application des Directives marchés publics de 2014 [2], dénoncé, outre la diminution de la concurrence dans le domaine des marchés publics, l’allongement de moitié de la durée des procédures de passation sur cette période.

Lexbase : Quelles sont les principales mesures du décret n° 2024-1251 touchant aux procédures de passation des marchés ?

Jean-Marc Peyrical : Au-delà de la pérennisation pour un an supplémentaire du seuil susvisé de 100 000 euros pour les travaux qui fait d’ailleurs l’objet d’un autre décret [3], on peut de prime abord avoir l’impression de mesures sans grande importance alors que, certaines d’entre elles tout au moins, apportent de vrais assouplissements.

Je pense notamment à celle de la possibilité de modifier la composition des groupements d’opérateurs en cours de passation dans le cadre de procédures incluant une ou plusieurs phases de négociation ou de dialogue (CCP, art. R. 2142-3 N° Lexbase : L0438MSZ et R. 2142-26 N° Lexbase : L0440MS4, proscrite jusqu’à présent alors que, en fonction de la durée des procédures, un groupement peut être amené à évoluer pour diverses raisons. Dommage qu’il soit, du fait du droit européen, limité aux procures de négociation et de dialogue ; mais, couplé avec  l’impossibilité, sauf si cela se justifie par la bonne exécution du marché, d’imposer aux opérateurs une forme de groupement déterminée représente une vraie évolution en faveur de ces derniers.

L’autre souplesse -mais on se situe davantage dans l’exécution- qui me paraît vertueuse est celle qui permet pour les  accords-cadres multi-attributaires de passer d’un mécanisme de bons de commande à la passation de marchés subséquents (CCP, art. R. 2162-2 N° Lexbase : L0442MS8), si tant est que cela ait été prévu dans les documents de la consultation, les critères d’analyse des bons de commande mis en concurrence devant, en outre, se concentrer sur les conditions d’exécution des prestations.

Saluons également l’accès favorisé des petites et moyennes entreprises aux marchés globaux, des marchés de partenariat et des contrats de concession (20 % minimum du montant prévisionnel du marché de partenariat hors coût de financement, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas) (CCP, art. R. 2213-5 N° Lexbase : L0436MSX) et le relèvement à 300 000 euros HT le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants de défense ou de sécurité (CCP, art. R. 2322-16 N° Lexbase : L0437MSY). 

Lexbase : Et celles concernant l’exécution financière du marché ?

Jean-Marc Peyrical : Du déclenchement unifié des délais de paiement dans les marchés de travaux et de maîtrise d’œuvre (CCP, art. R. 2192-16 N° Lexbase : L0432MSS), à la suppression de la borne de fin de remboursement des avances dans les marchés à tranches (CCP, art. R. 2391-10 N° Lexbase : L0453MSL), les dispositions peuvent apparaître plus timides mais répondent certainement à des demandes notamment des opérateurs.

Lexbase : Au final, ces textes vous semblent-ils susceptibles de faciliter l’accès des entreprises à la commande publique ?

Jean-Marc Peyrical : Tout ce qui concerne l’assouplissement des règles tant de passation que d’exécution des marchés publics va dans le bon sens et ne peut qu’être positif, notamment en termes d’accès des PME-TPE… accès qui dépend aussi et surtout, ne l’oublions pas, du respect par les acheteurs publics de leurs délais de paiement.

Peut-être irons nous plus loin dans cette démarche avec la loi de simplification adoptée par le Sénat en 2024, qui va sans doute susciter des débats lors de sa discussion devant l’Assemblée nationale, tout particulièrement sur le sujet sensible de l’accès gratuit à la plate-forme PLACE pour les acheteurs locaux.

Et puis il y a le vaste chantier de la révision des Directives européennes qui s’est ouvert… pour lequel il faut espérer que le choc de simplification attendu suite au rapport déjà mentionné de la Cour des comptes européenne mais aussi au rapport « Draghi » de septembre 2024) [4] ne soit pas occulté par la problématique de plus en plus présente de l’utilisation de la commande publique dans le but de renforcer les souverainetés tant européenne que nationales.

*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public


[1] Rapport spécial 28/2023 : Marchés publics dans l’UE – Recul de la concurrence pour les contrats de travaux, de biens et de services passés entre 2011 et 2021.

[2] Directive (UE) n° 2014/23 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession N° Lexbase : L8591IZ9 ; directive (UE) n° 2014/24 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la Directive 2004/18/CE N° Lexbase : L8592IZA ; directive (UE) n° 2014/25 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la Directive 2004/17/CE N° Lexbase : L8593IZB.

[3] Décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux N° Lexbase : L9748MRH.

[4] Mario Draghi remet son rapport sur la compétitivité européenne à Ursula von der Leyen, site Secrétariat général des affaires européennes.

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