Le Quotidien du 20 janvier 2025 : Droit des biens

[Chronique] Droit des biens

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N1477B34

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par Xavier Baki-Mignot, Doctorant à l’Université Jean Moulin Lyon III

le 20 Janvier 2025

Nihil novi. Anti-chronique de droit des biens

♦ CA Lyon, 6e ch., 12 septembre 2024, n° 21/08067 N° Lexbase : A74465ZS

♦ CA Lyon, 8e ch., 18 septembre 2024, n° 23/07288 N° Lexbase : A746353S

♦ CA Lyon, 1re civ. B, 29 octobre 2024, n° 22/08323 N° Lexbase : A58396DM

Mots-clefs : élagage • réduction • possessoire • empiétement

Solutions : Confirmatives.

Portée : Aucune.


Que dire quand il n’y a rien à dire ? On est confondu d’observer qu’aucune décision un tant soit peu remarquable tombant sous cette rubrique, n’est née des forces vives de la Cour d’appel de Lyon au cours des derniers mois. « Pas un seul petit morceau, dit le poète, de mouche ou de vermisseau… » Mais n’allons point crier famine, et jouissons plutôt de ce jeûne bienfaisant. Cette disette qui décontenance peut-être le chroniqueur est une bénédiction pour la société. Le droit atteint son plus haut degré de perfection lorsqu’il ressemble enfin à une mer sans lames, sans rouleaux, sans naufrages. Qu’importe alors s’il jette au chômage technique la communauté des savants avide de nouveautés et toujours prompte par réflexe existentiel à gonfler démesurément la moindre insignifiance jurisprudentielle (au hasard : les droits réels de jouissance spéciale ?). Car le droit n’est pas fait pour la doctrine, mais la doctrine pour le droit.

Il ne reste plus qu’à retrouver le goût de s’émerveiller devant la psalmodie tranquille des arrêts. Il est temps de chroniquer les sans-grades pénétrés d’humilité, ceux qui ne prétendent pas révolutionner la matière ni infléchir en quoi que ce soit les solutions, mais seulement entretenir ce qui a été construit et bien construit, et conserver religieusement le dépôt d’une sagesse passée qui nous dépasse. On a donc choisi, pour cette anti-chronique, trois arrêts dont le point commun est de n’avoir strictement aucun intérêt.

Le premier nous apprend qu’une haie dépassant deux mètres et plantée à moins de deux mètres de la ligne divisoire, doit être réduite à cette hauteur ; qu’en outre ses branches qui avancent sur l’héritage voisin doivent être élaguées. Rien en somme qui ne nous soit connu depuis près de cent cinquante ans [1]. Le texte réservant cependant en hauteur la prescription trentenaire, les défendeurs n’ont pas manqué de l’invoquer, attestations à l’appui, que la cour écarte poliment comme étant de pure complaisance. N’était donc pas démontrée « la prescription de l’action ». Il est vrai qu’on discute encore âprement la nature extinctive ou acquisitive de cette prescription [2]. Mais n’allons pas voir dans la formule de cet arrêt un parti pris théorique digne d’exégèse, alors qu’elle ne commandait ici aucune conséquence appréciable.

Le deuxième arrêt nous enseigne que le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 835 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8607LYG, peut faire cesser un trouble illicite affectant la possession immobilière, sans que le possesseur soit tenu de prouver sa propriété du fonds. Aussi la cour infirme-t-elle l’ordonnance du président d’un tribunal qui avait cru (le croira-t-on ?) devoir exiger au possessoire la preuve d’une prescription acquisitive accomplie. Voilà donc en cause d’appel une application irréprochable de l’article 2278 du Code civil N° Lexbase : L7211IAC. Mais, la cour précise-t-elle, la possession du demandeur au possessoire doit être utile, donc présenter les mêmes caractères, hormis la durée, que ceux exigés pour prescrire ; jurisprudence constante [3]. Conditions satisfaites en l’espèce pour les demandeurs, sur la foi de divers éléments, photographies, croquis, établissant qu’ils entreposaient leurs effets personnels dans le hangar litigieux. Le défendeur, lui, ne faisait état que d’actes de possession équivoques ou non paisibles. Condamnation donc de ce dernier, sous astreinte, à déposer la porte en tôle cadenassée qu’il y avait installée par pure voie de fait.

Le troisième arrêt, enfin, rappelle qu’il n’y a point d’empiétement illicite lorsque le propriétaire du fonds empiété avait consenti lui-même à l’ouvrage. La jurisprudence est parfaitement en ce sens [4]. En l’espèce, un mur mitoyen, mal construit par quelque entrepreneur négligent, débordait sur le fonds d’un des deux voisins. Mais ce voisin avait validé le devis, et, pis, il avait « en sa qualité d’ingénieur » supervisé en quelque sorte les travaux. Il aurait mieux valu faire l’ignorant. Rejet de l’action en suppression. Patere parietem quem ipse fecisti…

 

[1] C. civ., art. 671 N° Lexbase : L3271ABR et 672 N° Lexbase : L3272ABS, dans leur rédaction issue de la loi de 1881, et art. 673 N° Lexbase : L3273ABT.

[2] J.-D. Pellier, Le double visage de la prescription de l’article 672 du code civil, D., janvier 2023, n° 1, p. 19.

[3] Cass. civ. 3, 20 novembre 1969 : Bull. civ. III, n° 735 ; Cass. civ. 3, 3 octobre 1969 : Bull. civ. III, n° 611 ; Cass. civ., 12 mars 1924 : D.H., 1924, p. 334 ; Req., 5 avril 1869 : D.P., 1869, I, p. 524.

[4] Cass. civ. 1, 8 mars 1988, n° 86-16.589 N° Lexbase : A7749AAA.

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