Réf. : Cass. crim., 15 janvier 2025, n° 23-85.073, FS-B N° Lexbase : A47936QL
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N1504B34
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par Matthieu Hy, Avocat
le 29 Janvier 2025
► Le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut être autorisé à engager ou reprendre une procédure civile d’exécution sur un bien saisi pénalement lorsque le maintien de la saisie en la forme n’est pas nécessaire. Lorsque les conditions prévues par la loi sont réunies, le juge peut néanmoins refuser cette autorisation en raison de la mauvaise foi du créancier ou de l’atteinte disproportionnée que porterait la vente forcée à l’efficacité de la peine de confiscation si elle est prononcée.
À l’occasion d’une enquête ouverte des chefs de fraude fiscale aggravée, blanchiment aggravé et recel, un bien immobilier appartenant à la personne mise en cause a fait l’objet d’une saisie pénale. Le bénéficiaire d’une hypothèque judiciaire provisoire portant sur l’immeuble et publiée antérieurement à la saisie pénale immobilière a sollicité du juge des libertés et de la détention qu’il soit autorisé à engager une procédure de saisie immobilière sur le bien. La requête aux fins d’être autorisé à engager cette procédure civile d’exécution ayant été rejetée, il a formé appel de la décision. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention au motif notamment que la conjoncture résultant de la guerre en Ukraine, le relèvement des taux d’intérêts et la baisse des prix de l’immobilier rendaient inopportune l’autorisation dans la mesure où une vente forcée serait, dans ces circonstances, de nature à diminuer l’assiette de la saisie pénale. Le créancier s’est pourvu en cassation.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation censure l’arrêt de la chambre de l’instruction aux motifs, d’une part, que la juridiction s’est prononcée uniquement par des motifs généraux extérieurs à la procédure et, d’autre part, qu’elle n’a constaté ni mauvaise foi du créancier ni risque d’atteinte disproportionnée à la garantie d’exécution de l’éventuelle peine de confiscation.
Si la saisie pénale, qui rend le bien indisponible [1], n’a pas pour effet de modifier l’ordre des sûretés sur le bien concerné, elle suspend ou interdit toute procédure civile d’exécution sur le bien concerné [2]. L’article 706-146, alinéa 1er, du même code N° Lexbase : L7240IM4 permet néanmoins au créancier de solliciter l’autorisation d’engager ou de reprendre une telle procédure à deux conditions. En premier lieu, il doit être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. En second lieu, il faut que le maintien de la saisie du bien en la forme ne soit pas nécessaire [3].
Toutefois, la réunion de ces deux conditions ne suffit pas à contraindre le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction, compétents par application de l’article 706-144, alinéa 1er [4], du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7644MM3, à faire droit à la requête du créancier.
En effet, la Chambre criminelle de la Cour de cassation expose que le juge peut rejeter la demande dans deux hypothèses. D’une part, tel est le cas s’il constate l’illégitimité de la procédure civile d’exécution en raison de la mauvaise foi du créancier. Ce cas de figure complète l’interdiction légale de toute vente amiable afin d’éviter une collusion entre le créancier et le mis en cause [5]. D’autre part, il peut refuser lorsqu’il constate que l’atteinte portée par ladite procédure à la garantie d’exécution de la confiscation que constitue la saisie pénale serait disproportionnée au regard notamment de la situation du créancier, de la nature de la créance ou de son montant, ou de l’évolution prévisible de la valeur du bien. En effet, la saisie pénale étant reportée sur le reliquat du prix de vente une fois désintéressés les créanciers inscrits antérieurement à la saisie pénale [6], la valorisation du bien intéresse l’autorité judiciaire. Ainsi, la Haute juridiction considère que la volonté du législateur est de concilier l’efficacité de la saisie pénale et la préservation des intérêts légitimes des créanciers.
[1] C. proc. pén., art.706-145 N° Lexbase : L7241IM7, al.1er.
[2] C. proc. pén., art.706-145, al.2.
[3] Cette condition, également posée à l’article 706-152, alinéa 1er, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7600MMG relative à l’hypothèse de la cession immobilière conclue avant la publication de la décision de saisie pénale mais publiée après cette publication, a été étendue par la jurisprudence à toute autorisation de vendre un bien faisant l’objet d’une saisie pénale à la requête de son propriétaire (Cass. crim., 15 septembre 2021, n° 20-84.674, FS-B N° Lexbase : A5653447).
[4] Pour une illustration : Cass. crim., 28 juin 2023, n° 21-87.003, FS-D N° Lexbase : A832697I et n° 21-87.002, FS-B N° Lexbase : A266897X.
[5] C. proc. pén., art.706-146 N° Lexbase : L7240IM4, al.1er.
[6] Idem.
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