Réf. : Cass. civ. 1, 4 décembre 2024, n° 23-17.569, FS-B N° Lexbase : A08866LE
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)x
le 11 Décembre 2024
► L’erreur du vendeur est excusable s’il avait transmis au professionnel les éléments en sa possession et si celui-ci n’a pas procédé aux recherches qui lui auraient permis d’éviter l’erreur ;
engage sa responsabilité le commissaire-priseur qui n’a pas procédé à des investigations particulières, et notamment eu recours à un expert, dès lors qu’il avait connaissance des liens unissant la famille du vendeur et le peintre susceptible d’avoir réalisé l’œuvre.
Faits et procédure. En quelques jours, un tableau estimé entre 200 et 300 euros a fait l’objet de deux reventes, pour, à l’occasion de la dernière d’entre elles, être vendu 130 000 euros. L’évocation de ces quelques éléments de faits suffit pour que l’erreur vienne à l’esprit. Encore faut-il préciser que la vente initiale avait été confiée à une société de ventes, laquelle avait en sa possession les archives familiales comprenant les documents établissant le lien de parenté entre la famille du vendeur et Géricault. Il avait d’ailleurs été fait état de ce lien dans la description du bien en vue de sa vente. Erreur sur les qualités substantielles et responsabilité de la société de ventes étaient donc invoquées par les ayants droit du vendeur. La cour d’appel refusa d’admettre la nullité du contrat au motif que l’erreur était inexcusable, faisant ainsi obstacle à la reconnaissance de l’erreur (CA Paris, 20 avril 2023, n° 20/05076 N° Lexbase : A06219RG).
Solution. L’arrêt est cassé. Il l’est d’abord au visa des anciens articles 1109 et 1110 consacrés à l’erreur : l’erreur reste excusable « si le vendeur a transmis tous les éléments en sa possession au professionnel chargé de la vente en s’en remettant à son avis et que celui-ci n’a pas procédé aux recherches qui auraient permis d’éviter cette erreur ». En ayant les archives familiales, la société de ventes aurait dû s’interroger sur l’identité de l’auteur de l’œuvre. Elle aurait dû procéder à des recherches complémentaires. En ne le faisant pas, l’erreur du vendeur est excusable. Le caractère excusable ou inexcusable de l’erreur est fonction des circonstances (Cass. civ. 3, 29 juin 2017, n° 16-19.337, F-D N° Lexbase : A7056WLW).
L’arrêt est ensuite cassé au visa de l’article L. 321-17 du Code de commerce N° Lexbase : L7968IQ8 consacré à la responsabilité des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et des dispositions de l’arrêté du 21 février 2012, portant approbation du recueil déontologique des opérateurs de vente volontaires de meubles aux enchères publiques N° Lexbase : L2637ISH. Ce dernier impose à ces opérateurs un devoir de transparence et de vigilance et les oblige à effectuer les recherches appropriées pour identifier le bien qui leur est confié, en ayant recours, le cas échéant, à un expert. Or, en l’espèce, le commissaire-priseur n’avait pas mené d’investigations particulières, alors qu’il avait connaissance des liens entre la famille du vendeur et le peintre. Ainsi, peu importe que le commissaire-priseur n’ait jamais été alerté et interrogé sur ce tableau et qu’il ne lui ait pas été demandé d’expertise, malgré les éléments figurant aux archives familiales.
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