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[Brèves] Prescription et action en paiement d’heures supplémentaires fondée sur la contestation de la qualité de cadre dirigeant

Réf. : Cass. soc., 4 décembre 2024, n° 23-12.436, FS-B N° Lexbase : A08836LB

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N1247B3L

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[Brèves] Prescription et action en paiement d’heures supplémentaires fondée sur la contestation de la qualité de cadre dirigeant. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/113883447-breves-prescription-et-action-en-paiement-dheures-supplementaires-fondee-sur-la-contestation-de-la-q
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par Marie-Noëlle Rouspide-Katchadourian, Maître de conférences à l'Université de Caen Normandie, Avocate associée, cabinet Fidal

le 11 Décembre 2024

► La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la qualité de cadre dirigeant est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du Code du travail.

Prescription et nature de la créance invoquée. La décision rendue le 4 décembre 2024 constitue une nouvelle illustration de l’application, par la Cour de cassation, des dispositions légales applicables en matière de prescription.

En effet, ces dernières sont multiples ; les délais de prescription qui en découlent sont variés. L’article L. 1471-1 du Code du travail N° Lexbase : L1453LKZ prévoit notamment, dans son premier alinéa, que « toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ». L’article L. 3245-1 N° Lexbase : L0734IXH énonce quant à lui que « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Reste que la distinction entre l’action qui porte sur l’exécution du contrat de travail et celle qui a pour objet le versement de sommes salariales est parfois ténue. L’action en paiement des salaires est inéluctablement liée à l’exécution du contrat de travail. La Cour de cassation a néanmoins dégagé une formule en vue de faciliter la distinction. Il en résulte que « la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée » (Cass. soc., 30 juin 2021, n° 18-23.932, FS-B N° Lexbase : A21214Y9).

Dans son arrêt du 4 décembre 2024, la Cour de cassation procède à une nouvelle application de cette règle jurisprudentielle. La question était de savoir si l’action en paiement de rappel de salaire, fondée sur la contestation du statut de cadre dirigeant, obéissait à la prescription biennale de l’article L. 1471-1 ou à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du Code du travail. La Cour de cassation confirme qu’il importe de distinguer le fondement de l’action et la nature des demandes du salarié.

La contestation du statut de cadre dirigeant : fondement de l’action. Dans cette affaire, un salarié avait été engagé en qualité de directeur de site le 2 janvier 2008 puis était devenu cadre dirigeant à compter du 4 janvier 2010. Licencié le 28 septembre 2018, il avait saisi la juridiction prud’homale le 28 juin 2019, afin de contester son statut de cadre dirigeant ainsi que le bien-fondé de son licenciement.

Selon l’article L. 3111-2 du Code du travail N° Lexbase : L0290H9M, ont la qualité de cadre dirigeant « les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ». Ces salariés échappent à l’application des dispositions relatives à la durée du travail, la répartition et l’aménagement des horaires, les repos quotidien et hebdomadaire et aux jours fériés. En contestant son statut de cadre dirigeant, le salarié espérait ainsi pouvoir obtenir le paiement d’une somme à titre d’heures supplémentaires et de repos compensateurs.

La cour d’appel (CA Dijon, 15 décembre 2022, n° 21/00183 N° Lexbase : A932883U) avait considéré que la demande de requalification du statut de cadre dirigeant en statut de cadre était prescrite. Elle se fondait sur l’article L. 1471-1 du Code du travail et appliquait, en conséquence, la prescription biennale - visant les actions portant sur l’exécution du contrat - dont le point de départ se situait, selon elle, le 4 janvier 2010 (date à laquelle le salarié était devenu cadre dirigeant). Le salarié avait formé un pourvoi en cassation. Il estimait que la prescription triennale avait vocation à s’appliquer et dans la mesure où elle courait à compter de la rupture de son contrat de travail, son action n’était pas prescrite.

La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel et décide d’appliquer la prescription triennale.

Le paiement d’heures supplémentaires : une demande de nature salariale. Elle énonce que « la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la qualité de cadre dirigeant est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du Code du travail ».

La solution est parfaitement logique. La Cour de cassation s’attache à distinguer le fondement de l’action et la nature de la créance invoquée, déterminée au regard de l’objet de la demande du salarié. Ainsi, la requalification du statut de cadre dirigeant en statut de cadre constitue le fondement de l’action. Cette requalification se traduit par une demande de paiement d’heures supplémentaires, caractérisant une créance salariale : « la nature de l’action est déterminée au regard des demandes salariales qu’elle engendre ; lesquelles sont, en l’espèce, les effets de la requalification » (Avis de Mme Molina, Avocate générale référendaire).

Cette solution est susceptible d’être rapprochée d’une décision antérieure, en date du 30 juin 2021, à propos de demandes de rappel de salaire fondées, d’une part, sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en temps complet, et d’autre part, sur une contestation de la classification professionnelle du salarié (Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-10.161, FS-B N° Lexbase : A21654YT). Dans son arrêt, la Cour de cassation décide que « la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée », les demandes de rappel de salaire fondées sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, ainsi que celles reposant sur la contestation de la classification professionnelle étaient soumises - toutes deux - à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du Code du travail.

Ce qui importe, en définitive, c’est la nature de la créance invoquée (et non le fondement de la demande). Si le salarié sollicite un rappel de salaire, la prescription triennale est applicable ; peu importe le moyen au soutien de sa demande.

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