Le Quotidien du 10 décembre 2024 : Droit rural

[Brèves] SAFER : renonciation du propriétaire à la vente à tout moment de la procédure

Réf. : Cass. civ. 3, 28 novembre 2024, n° 23-18.746, FS-B N° Lexbase : A29416K7

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N1183B39

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

le 09 Décembre 2024

► Lorsque le vendeur a saisi le tribunal en révision judiciaire du prix dans le délai de six mois prévu par application des articles L. 143-10 et l'article R. 143-12 du Code rural et de la pêche maritime, il peut, à tout moment de la procédure, même avant la décision fixant la valeur vénale des biens, retirer ceux-ci de la vente, sans être tenu, pour en informer la SAFER, de recourir au notaire chargé d'instrumenter.

En l’espèce, un couple de propriétaires de parcelles agricoles a régularisé les 26 et 27 juillet 2010 un compromis de vente pour un prix net vendeur de 490 000 euros. Après avoir reçu la notification de la vente projetée par le notaire rédacteur, la SAFER a manifesté son intention d’exercer son droit de préemption avec révision de prix à hauteur de 307 000 euros, par lettre recommandée du 22 octobre 2010. Les vendeurs ont assigné la SAFER par acte du 20 avril 2011 en annulation de la décision de préemption et, à titre subsidiaire, en révision de prix offert après organisation d’une mesure d’expertise. Après le décès du mari, la procédure a été régularisée et une mesure d’expertise a été ordonnée en vue de l’évaluation de la valeur vénale du bien préempté. Le rapport de l’expert a été déposé le 31 décembre 2014. Par conclusions du 22 mai 2015, la propriétaire a demandé au juge de la mise en l’état qu’il soit donné acte de son désistement de la procédure engagée en nullité de l’exercice du droit de préemption de la SAFER. Le 8 juillet 2015, la SAFER répondait que le retrait de la vente n’était plus possible en raison du délai écoulé, et qu’elle était réputée avoir accepté sa contre-proposition d’achat. Le désistement a été judiciairement constaté le 21 mars 2016. Par lettre du 23 juin 2016, la SAFER a demandé au notaire de bien vouloir procéder à la rédaction de l’acte de vente aux conditions de la préemption avec révision de prix. La propriétaire a informé le notaire qu’elle ne régulariserait pas l’acte de vente ayant une interprétation différente de l’ordonnance ayant constaté son désistement de l’instance en fixation du prix de vente. Dans ce contexte, la SAFER l’a assigné en constatation de la perfection de la vente, laquelle a été constatée suivant jugement du TGI du 26 mars 2019.

Par un arrêt confirmatif du 9 mai 2023 (CA Angers, 9 mai 2023, n° 19/00671 N° Lexbase : A94309US), la cour d’appel au motif que « si le vendeur accepte l'offre d'achat ou retire le bien de la vente, sa décision doit être portée à la connaissance de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, par le notaire chargé d'instrumenter. Le délai de six mois à l'expiration duquel le vendeur, en cas de silence de sa part, est réputé avoir accepté l'offre d'achat de la société à ses propres conditions court du jour de la réception par le notaire de la notification prévue au premier alinéa du présent article. La décision de retrait doit être parvenue à la société avant l'expiration de ce délai. ». Elle précise qu’en l’espèce, le délai de six mois ouvert aux vendeurs pour exercer leur option expirait donc le 25 avril 2011.

La propriétaire a formé un pourvoi en cassation.

Question. La propriétaire, qui a saisi le tribunal en révision judiciaire du prix, peut-elle au cours de la procédure et avant que le tribunal statue et fixe le prix révisé, renoncer à la vente ? Dans l’affirmative, dans quelles conditions peut-elle le faire ?

Enjeu. Le désistement d’instance de la propriétaire peut-il être qualifié de renoncement à la vente au profit de la SAFER ?

Réponse de la Cour de cassation. Au visa l'article L. 143-10 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L8688IMQ, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874, du 27 juillet 2010, et l'article R. 143-12 du même code N° Lexbase : L4523LTP, dans sa version issue du décret n° 92-1290, du 11 décembre 1992, la Cour de cassation décide que « lorsque le vendeur a saisi le tribunal en révision judiciaire du prix dans le délai de six mois prévu par ces textes, il peut, à tout moment de la procédure, même avant la décision fixant la valeur vénale des biens, retirer ceux-ci de la vente, sans être tenu, pour en informer la SAFER, de recourir au notaire chargé d'instrumenter ».

Il convient de rappeler que le droit de préemption de la SAFER a été institué afin de lutter contre la spéculation sur le foncier agricole, qu’elle peut exercer dès que le prix et les conditions d’aliénation sont exagérées selon les articles L. 143-10 et R. 143-12 du Code rural et de la pêche maritime. En cas de contre-offre de la SAFER, comme en l’espèce, le vendeur peut, dans le délai de six mois de la notification du droit de préemption en moins-disant de la SAFER soit l’accepter explicitement ou implicitement par son silence, ou la refuser en retirant le bien de la vente. Il peut également demander la fixation judiciaire du prix, voie qu’avait choisie la propriétaire. Formellement le retrait du bien de la vente n’est envisagé par l’article L. 143-10 précité que lors du délai d’option de six mois susmentionnés et après la décision judiciaire définitive de fixation du prix.

En l’espèce, la propriétaire avait indiqué dès lors sa volonté de renoncer à la vente au cours de l’instance en fixation du prix. Par l’arrêt du 28 novembre 2024, la Cour de cassation juge dès lors que la propriétaire a clairement manifesté son intention de renoncer à la vente dont la SAFER a eu connaissance dans ses conclusions de désistement d’instance. Pour cette raison, bien que cette hypothèse ne soit pas formellement envisagée par les textes, la Cour de cassation considère que la décision de retrait est valable dès lors qu’elle a été clairement formulée, conformément aux principes du droit civil régissant la formation des contrats des articles 1121 N° Lexbase : L0833KZU et 1583 N° Lexbase : L1669ABG du Code civil.

Pour aller plus loin : sur la fixation du prix, v. ÉTUDE : Le droit de préemption de la SAFER, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E8853E9R).

 

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