Le Quotidien du 23 octobre 2024 : Construction

[Brèves] Rappel : le point de départ du délai d’action contre le fabricant n’est pas le même que celui pour agir contre le constructeur

Réf. : Cass. civ. 3, 3 octobre 2024, n° 22-22.792, F-D N° Lexbase : A929358P

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 22 Octobre 2024

► Le point de départ du délai d’action du maître d’ouvrage contre le fabricant court à compter de la livraison des matériaux à l’entrepreneur ; s’applique ainsi le délai de prescription quinquennale à compter de cette date.

Même si la Cour de cassation tend, au fil de sa jurisprudence, à uniformiser les délais de prescription, ils dépendent, d’une part, de la nature du lien qui unit le débiteur au créancier (contractuel ou délictuel) et, d’autre part, de la qualité du débiteur. Autrement dit, en fonction de la qualité de l’un et de l’autre, les délais pour agir ne sont pas les mêmes. Le cas du fabricant est topique. Tout dépend de savoir si l’action est exercée sur le fondement de l’article 1792-4 du Code civil N° Lexbase : L5934LTX ou sur le droit commun. Tout dépend, également, de savoir si le créancier est le contractant du fabricant. La présente espèce est l’occasion de le rappeler.

En l’espèce, deux SCI ont entrepris la construction d’un groupe d’immeubles, constitué de deux résidences à destination de logements, commerces et bureaux, à vendre en l’état futur d’achèvement. Sont, notamment, intervenus à l’opération de construction, une entreprise incluant la fourniture et la pose des garde-corps et les lames brise-soleil ayant été fabriquées et fournies par une autre société.

Après la réception et la mise en place d’un régime de copropriété, le syndicat des copropriétaires, se plaignant d’un phénomène de dégradation affectant les garde-corps et des lames brise-soleil, assigne en référé-expertise notamment le constructeur et le fabricant, ainsi que l’assureur dommages-ouvrage. Cet assureur assigne, à la suite, au fond l’entreprise et le fabricant. Le syndicat des copropriétaires intervient volontairement à l’instance, mais la cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt rendu le 12 septembre 2022, déclare son action contre le fabricant irrecevable pour être prescrite (CA Toulouse, 12 septembre 2022, n° 19/02165 N° Lexbase : A67818UP).

Le syndicat des copropriétaires forme un pourvoi en cassation qui est rejeté. La Haute juridiction reprend une jurisprudence désormais constante (pour exemple : Cass. civ. 3, 7 janvier 2016, n° 14-17.033, FS-P+B N° Lexbase : A3886N3C). Le délai de prescription de l’action contractuelle du maître d’ouvrage contre le fabricant, fondée sur le manquement au devoir d’information et de conseil, court à compter de la livraison des matériaux à l’entrepreneur.

La solution est sévère. D’une première part, cette date est, la plupart du temps, méconnue du maître d’ouvrage, qui n’a pas forcément copie des factures et autres bons de livraisons.

De deuxième part, il est parfois difficile d’établir avec certitude que les matériaux commandés ont bien été affectés sur le chantier en litige. L’entreprise a parfois des stocks.

Enfin et de troisième part, ce délai est bien plus court que le délai d’action du maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur, de dix ans à compter de la réception, laquelle intervient souvent bien après la date de livraison des matériaux à l’entreprise.

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