La lettre juridique n°990 du 4 juillet 2024 : Sociétés

[Textes] Loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France : mesures de droit des sociétés

Réf. : Loi n° 2024-537, du 13 juin 2024, visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France N° Lexbase : L5923MMC

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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre

le 04 Juillet 2024

Mots-clés : loi « Attractivité » • sociétés commerciales • sociétés cotées • droit de vote multiple • augmentations de capital • décisions collectives


 

1. Un texte issu d’une proposition de loi. La proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France [1] a connu un parcours parlementaire rapide, ce qui s’explique par le fait que la procédure accélérée a été appliquée au texte. Cela n’a pas empêché la proposition de faire l’objet de discussions ardentes ni de recevoir un certain nombre de modifications et d’enrichissements au cours des travaux parlementaires. En trois mois, la proposition est donc devenue une loi définitive (ci-après loi « Attractivité »), et en l’occurrence un des derniers textes à être adoptés avant la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024.

2. Questions non traitées dans le présent commentaire. La loi nouvelle traite d’une grande diversité de questions dont certaines ne seront pas approfondies dans le cadre du présent commentaire. Précisons tout d’abord que l’on n’abordera pas le titre II de la loi, consacré aux « titres transférables » [2]. Ceux-ci sont définis par l’article 14, I, de la loi comme « l’écrit qui représente un bien ou un droit et qui donne à son porteur le droit de demander l’exécution de l’obligation qui y est spécifiée ainsi que celui de transférer ce droit » et ils comprennent notamment les lettres de change, les billets à ordre, les bordereaux Dailly, les connaissements maritimes et fluviaux, mais pas les chèques ni les « instruments financiers régis par le titre Ier du livre II du Code monétaire et financier ». Des règles générales sont édictées par les articles 15 et 16 de la loi, tandis que l’article 17 insère dans différents codes des règles propres aux titres dont le régime est modifié [3]. On signalera également que la loi nouvelle fait évoluer les régimes des FCPR et des FCPE ainsi que de l’assurance-vie [4] et du secteur de l’ESS (on reviendra tout de même sur certains points touchant ce domaine un peu plus loin) [5], la question de l’utilisation des sommes placées sur un plan épargne entreprise [6] ou sur un plan d’épargne retraite [7], ou encore celle du démarchage portant sur un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif [8]. Les règles de coopération entre autorités financières [9] et la procédure devant l’AMF [10] connaissent des retouches, tandis que la compétence de la Chambre commerciale internationale de la cour d’appel de Paris en matière d’arbitrage international est consacrée [11]. On évoquera encore des modifications apportées aux règles sur les indemnités de licenciement  de certains personnels des établissements financiers [12] ou à celles sur les communications portant sur la réalisation d’opérations sur des valeurs étrangères [13].

3. Deux grands champs pour le droit des sociétés. Si l’on se limite au droit des sociétés, on trouve dans le texte deux grands domaines traités. Le premier champ est abordé par le titre I de la loi, intitulé « Renforcer les capacités de financement des entreprises depuis la France ». C’est au sein de ce titre que l’on trouve la mesure phare du texte, consistant à introduire dans les sociétés cotées en bourse des actions à droit de vote multiple. On trouve aussi des retouches apportées au régime des augmentations de capital. Le second domaine traité correspond au titre III de la loi, intitulé « Moderniser, simplifier et renforcer l’attractivité du droit en faveur de l’économie française », et on y trouve notamment une batterie de mesures visant à assouplir la prise des décisions collectives par les associés. Revenons successivement sur ce titre I et sur ce titre III.

TITRE I : RENFORCER LES CAPACITÉS DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES DEPUIS LA FRANCE

I. Introduction des actions à droit de vote aménagé (multiple) dans les sociétés cotées

4. Présentation. Il s’agit là d’une mesure phare de la nouvelle loi, qui reprend certaines suggestions exprimées par le HCJP dans un rapport publié en 2022 [14], et qui a donné lieu à des discussions très vives lors des travaux parlementaires [15]. L’article 1er, 6°, de la loi introduit dans le chapitre du Code de commerce relatif aux sociétés cotées un article L. 22‑10‑46‑1 N° Lexbase : L6143MMH qui permet de créer des « actions de préférence dont le droit de vote est aménagé », ceci « dans le cadre de la première admission aux négociations des actions de la société sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation ». Précisons que le texte parlant de « créer » ces nouvelles « actions de préférence dont le droit de vote est aménagé » (que nous appellerons ici « ADVA »), il doit être possible tant d’émettre directement de nouveaux titres que de convertir des titres existants en ces nouvelles actions.

5. Place de la réglementation nouvelle par rapport aux ADP. Il ne fait pas de doute que les ADVA nouvellement instituées sont soumises, pour ce qui n’est pas édicté par la loi « Attractivité », par le régime des actions de préférence (ADP) figurant aux articles L. 228-11 et suivants du Code de commerce N° Lexbase : L6201MMM. Un renvoi au nouveau régime est d’ailleurs inséré à l’article L. 228-11 encadrant les ADP [16]. Se pose cependant la question de savoir dans quelle mesure le nouveau régime s’applique à toutes les ADP que pourraient émettre des sociétés cotées et dont le droit de vote serait aménagé. Dès lors que ces actions voient le droit de vote qu’elles confèrent être aménagé, se trouve-t-on soumis au nouveau régime, ce qui aura par exemple pour conséquence que les avantages conférés auront nécessairement un caractère intuitu personae ? Une autre conséquence serait que ces actions se verraient obligatoirement appliquer la règle selon laquelle « une action de préférence ne donne droit qu'à une voix » pour une série de décisions données. Il nous semble qu’en pratique la question devrait se poser assez rarement, puisque c’est sans doute avant tout pour bénéficier du droit de vote multiple que la création d’ADP devrait intervenir lors d’une première cotation. La lettre du texte n’exclut cependant pas l’application du nouveau régime en dehors de l’attribution d’un droit de vote multiple stricto sensu.

A. Caractéristiques

1°) Champ d’application

6. Sociétés concernées. Les sociétés concernées par le nouveau dispositif sont donc des sociétés par actions qui font admettre leurs actions aux négociations sur un marché réglementé ou un SMN. Bien que le financement des PME et ETI ait été mis en avant lors des travaux parlementaires [17], l’article L. 22-10-46-1 introduit dans le Code de commerce ne formule pas d’exigence en matière de taille de l’entreprise. On notera simplement que l’utilisation du dispositif est permise « dans le cadre de la première admission aux négociations des actions de la société sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation », formule légèrement ambiguë dont il nous semble qu’elle rend les ADVA utilisables une seule fois par société – « dans le cadre » de cette première cotation, donc. Le texte n’appréhende pas la question de la modification des droits conférés par les ADVA une fois celles-ci créées, à l’exception du « renouvellement » de leur durée.

7. Bénéficiaires. L’article L. 22-10-46-1, I, prévoit que les ADVA ne peuvent être créées « qu’au bénéfice d’une ou de plusieurs personnes nommément désignées ». Ces actions sont en réalité des titres intuitu personae, puisque leur cession à une autre personne physique ou morale que le bénéficiaire initial entraîne leur conversion en action ordinaire [18].

2°) Étendue des droits conférés

a) Droit de vote multiple

8. Droits conférés. Le législateur a procédé en plusieurs temps, au sein de l’article L. 22-10-46-1, I, pour indiquer quelles sont les prérogatives particulières conférées par les nouveaux titres qu’il a créés. Il est d’abord indiqué qu’il s’agit d’« actions de préférence dont le doit de vote est aménagé », avant que soit précisé le caractère nécessairement intuitu personae des actions en question, puis les limites admissibles du droit de vote multiple. Cela suscite des interrogations, ainsi que nous l’avons évoqué [19] : toute création d’une ADP à droit de vote aménagé doit-elle se couler dans le moule défini par la loi du 13 juin 2024 ?

9. Étendue et limites du droit de vote multiple. La caractéristique particulière des ADVA prévue par le législateur, qui est la seule encadrée par lui, et aussi celle qui est la plus innovante, est celle d’un droit de vote multiple. Il est en effet prévu par l’article L. 22-10-46-1, I, que « pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un système multilatéral de négociation, le ratio entre les droits de vote attachés à une action de préférence et ceux attachés à une action ordinaire ne peut excéder vingt‑cinq pour un et doit être un nombre entier ». Cela donne une idée de ce qu’a voulu le législateur et du niveau d’avantage politique qu’il admet de voir accorder aux porteurs d’ADVA. Il est cependant intrigant que le texte nouveau ne prévoie pas de plafond pour les sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé.

10. La question des sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé. On pourrait avoir un doute à la lecture du texte : serait-il concevable que le droit de vote multiple soit en réalité exclu de ces sociétés ? La réponse n’est sans doute pas celle-là, car si l’article L. 225-122 du Code de commerce N° Lexbase : L6135MM8 maintient le principe selon lequel « le droit de vote attaché aux actions de capital ou de jouissance est proportionnel à la quotité de capital qu’elles représentent », toute clause contraire étant réputée non écrite, la loi « Attractivité » ajoute à la liste des dispositions faisant exception à ce principe, précisément, l’article L. 22-10-46-1 du Code de commerce [20]. On peut donc supposer raisonnablement que le législateur, s’il s’est abstenu de plafonner le droit de vote multiple des ADVA dans les sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé, n’a pas gardé le silence au motif qu’il considérerait que ce droit de vote multiple n’avait pas lieu d’être dans ces sociétés. Un élément troublant réside toutefois dans les mots d’ouverture du nouvel article L. 22-10-46-1 : si l’on a pris la peine de renvoyer à l’article L. 225-122 et donc sans doute d’instituer une exception à la règle de proportionnalité, le texte encadrant les ADVA commence tout de même par les mots « sans préjudice de l’article L. 225‑122 » [21]. Cette expression a sa part d’ambiguïté, et si l’on lit le Guide de légistique [22], elle indiquerait que l’on n’entend pas écarter la règle visée, ce qui devrait au contraire être le cas pour les ADVA… Si l’on retient donc – ce qui est notre position – que le droit de vote multiple n’est pas plafonné par le législateur dans le cadre d’un marché réglementé, il est cependant concevable qu’un ratio trop important, qui verrait une ADVA emporter plusieurs centaines de droits de vote, par exemple, se heurterait à l’article 1844 du Code civil N° Lexbase : L2412LRR, en ce que les actionnaires porteurs d’autres actions verraient leur pouvoir politique ramené à quasiment rien. Notons tout de même que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a, par un arrêt récent, sans répondre directement à cette question, traité du sort d’actions de préférence qui comportaient cent droits de vote par action sans laisser entendre que cet avantage pourrait être problématique à ses yeux [23].

11. Exclusion du droit de vote multiple. Le législateur a écarté le droit de vote multiple des ADVA dans une série d’hypothèses énoncées par l’article L. 22-10-46-1, IV, pour lesquelles il est prévu qu’« une action de préférence ne donne droit qu’à une voix ». Cela vise cinq domaines d’intervention de l’assemblée générale des actionnaires : (i) les résolutions relatives à la désignation des commissaires aux comptes [24] ; (ii) les résolutions relatives à l’approbation des comptes annuels [25] ; (iii) les résolutions relatives à la modification des statuts de la société, hors cas d’augmentation de capital [26] ; (iv) les résolutions « soumises en application des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 225‑40 N° Lexbase : L5632LQN » [27] et (v) les résolutions relatives à la politique de rémunération des mandataires sociaux mentionnées au II de l’article L. 22‑10‑8 N° Lexbase : L2240LYM ainsi que les résolutions mentionnées aux I et II de l’article L. 22‑10‑34 N° Lexbase : L2256LY9 [28]. Ces différentes décisions voient donc les titulaires d’ADVA privés de leur droit de vote multiple.

12. Imprécision des cas visés. On regrettera que certains des cas d’exclusion soient ambigus ou incomplets. On se demandera ainsi si la référence aux « résolutions relatives à l’approbation des comptes annuels » ne vise que l’approbation des comptes stricto sensu, ou s’il faut également priver les ADVA de leur droit de vote multiple lorsque sont votées les résolutions relatives à l’affectation du résultat ? Quant à la référence aux conventions réglementées, on s’étonnera qu’elle n’envisage que la situation de la SA à conseil d’administration. Par ce qui est sans doute un oubli, le droit de vote multiple se trouve maintenu lorsqu’il s’agit d’approuver les conventions réglementées dans le cadre d’une SA à directoire et conseil de surveillance, puisque c’est une disposition qui n’est pas visée – l’article L. 225-88 N° Lexbase : L5631LQM – qui trouve alors à s’appliquer. L’exclusion du droit de vote multiple devrait en revanche  s’appliquer dans le cadre d’une SCA, dès lors qu’un renvoi à l’article L. 225-40 N° Lexbase : L5632LQN est opéré par l’article L. 226-10 N° Lexbase : L2201LY8. La situation des SE est quant à elle relativement mystérieuse, si l’on se souvient que sans qu’elles soient formellement soumises à l’article L. 225-40, il leur est demandé par l’article L. 229-7 N° Lexbase : L3835HBN que leurs statuts « prévoi[ent] des règles similaires à celles énoncées aux articles L. 225-38 N° Lexbase : L8876I37 à L. 225-42 N° Lexbase : L5630LQL et L. 225-86 N° Lexbase : L8878I39 à L. 225-90 N° Lexbase : L5629LQK »… Il nous semble cependant que l’exclusion du droit de vote multiple devrait jouer dans ces sociétés.

13. Exclusion possible en cas d’offre publique et indemnisation. Si la série d’exclusions de l’application du droit de vote multiple des ADVA qui vient d’être évoquée apparaît ne pas pouvoir connaître de dérogations au vu de la formulation employée (« une action de préférence ne donne droit qu'à une voix lorsque l'assemblée générale des actionnaires statue sur […] »), il en va différemment d’une autre série d’hypothèses qui concernent la situation d’une « offre publique ». Ce sont en effet « les statuts de la société » qui dans cette situation « peuvent prévoir » qu’« une action de préférence ne donne droit qu’à une voix ». Cela est possible, d’une part, « lors de l’assemblée générale des actionnaires qui arrête toute mesure prévue par les statuts de la société dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre publique » [29] et, d’autre part, « lors de la première assemblée générale des actionnaires suivant la clôture de l’offre publique lorsque, à l’issue de celle‑ci, son auteur détient au moins les trois quarts du capital social assorti de droits de vote » [30]. Dans l’hypothèse où il est fait application de l’une de ces deux exclusions du droit de vote multiple, il est exigé que « les statuts de la société prévoient une indemnisation équitable des pertes enregistrées par les titulaires d’actions de préférence, dans des conditions et selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État » [31].

b) Rapport avec le droit de vote double

14. Rapport avec le droit de vote double. L’article L. 22-10-46-1, I, écarte expressément et sans ambiguïté la possibilité que les ADVA puissent conférer un droit de vote double en application des articles L. 225-123 du Code de commerce N° Lexbase : L2085LYU (droit de vote double prévu par les statuts) ou L. 22-10-46 N° Lexbase : L6142MMG (droit de vote double prévu par principe par le législateur dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé). Ce dernier texte est même enrichi d’une précision expresse qui fait double emploi avec l’exclusion déjà mentionnée à l’article L. 22-10-46-1, I. On comprend bien l’idée de vouloir éviter que le pouvoir potentiellement gigantesque des ADVA se trouve en outre faire l’objet d’un doublement des droits de vote utilisables.

15. Résurgence du droit de vote double. Le droit de vote double est cependant retrouvé par les ADVA soit ponctuellement, soit définitivement. Il est retrouvé ponctuellement lorsque ces titres sont en situation d’exercer un droit de vote simple, parce que trouvent à s’appliquer soit les cas légaux de privation du droit de vote multiple, soit les cas statutaires de privation du droit de vote multiple en cas d’offre publique, dans les conditions de l’article L. 22-10-46-1, IV [32]. Le droit de vote double est par ailleurs retrouvé définitivement en cas de conversion des ADVA en actions ordinaires, puisque le III de l’article L. 22-10-46-1 dispose que les « actions ordinaires ainsi substituées aux actions de préférence », ce qui vise les différentes hypothèses de conversion automatique, « confèrent un droit de vote double identique à celui conféré aux autres actions lorsqu’elles respectent les conditions prévues aux articles L. 225‑123 et L. 22‑10‑46 », étant précisé que pour l’application de ces deux textes, « il est tenu compte de la durée de l’inscription au nom du titulaire des actions de préférence converties en actions ordinaires » [33].

16. Durée des prérogatives spécifiques. Par une formule trompeuse, l’article L. 22-10-46-1, II, dispose que « les actions de préférence sont créées pour une durée déterminée ou déterminable qui ne peut excéder dix ans », ce qui laisse entendre que l’on aurait affaire à des titres à durée déterminée. En réalité, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, car l’expiration de la durée précitée voit l’ADVA être automatiquement convertie en action ordinaire, aux termes du III du même texte. La durée est donc prévue par les statuts de l’entité concernée, et elle est plafonnée par le législateur à dix ans, avec la possibilité d’un renouvellement, ainsi qu’on le verra.

B. Régime des actions à droit de vote multiple

1°) Création

17. Création. Ainsi qu’on l’a dit précédemment, parce que l’article L. 22-10-46-1 évoque la possibilité de « créer » des actions de préférence sans préciser davantage les modalités de cette création, il doit être possible tant d’émettre de nouveaux titres que de créer les ADVA par conversion de titres existants. Les règles préexistantes régissant la création d’ADP, particulièrement  les articles L. 228-14 N° Lexbase : L8371GQ4 et L. 228-15 N° Lexbase : L2236LYH du Code de commerce, doivent s’appliquer sans dérogation particulière.

2°) Disparition

18. Arrivée du terme et renouvellement. Par une formule dont on a évoqué le caractère trompeur, il est indiqué par l’article L. 22-10-46-1, II, que les ADVA sont « créées pour une durée déterminée ou déterminable qui ne peut excéder dix ans ». Cette durée peut être renouvelée par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires statuant au vu d'un rapport spécial des commissaires aux comptes de la société, dans des conditions qui seront définies par un décret en Conseil d'État. Une exclusion de vote est prévue par le texte précité, à peine de nullité de la délibération : il est en effet prévu que « les titulaires des actions de préférence ne peuvent prendre part, directement ou indirectement, au vote sur le renouvellement de cette durée » et que « les actions de préférence qu'ils détiennent ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum ni de la majorité, à moins que l'ensemble des actionnaires soient titulaires d'actions de préférence ». Cette exclusion de vote suscite une interrogation dans l’hypothèse où une partie des ADVA seulement viendrait à faire l’objet d’une prorogation : faut-il comprendre que sont privées de droit de vote ces seules actions ou bien cela affecte-il l’ensemble des ADVA émises par la société ? Cette dernière lecture nous semble devoir être retenue, à la lettre du texte. Notons encore que le « renouvellement », qui ne doit pas emporter création de nouvelles ADVA, ne peut intervenir qu'une fois et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans.

19. Conversion en actions ordinaires. Les ADVA sont converties en actions ordinaires, de plein droit faut-il comprendre (« chaque action de préférence mentionnée au I du présent article est convertie en action ordinaire », aux termes de l’article L. 22-10-46-1, III), dans plusieurs hypothèses distinctes, mais dont certaines sont plus délicates à appréhender que d’autres. La première hypothèse est celle de l’expiration de la durée de vie des actions de préférence [34]. La deuxième hypothèse est celle de l’« ouverture de l’une des procédures judiciaires régies par les titres III et IV du livre VI du [ Code de commerce] », ce qui désigne les procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire [35]. Le texte ne précise pas qui doit être concerné par l’ouverture de la procédure, mais il nous semble qu’il doit s’agir de la société émettrice des actions de préférence. La troisième hypothèse vise des cas où les actions changent de titulaire, directement ou non, puisque l’on énumère le « transfert en propriété », le « transfert par voie de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux ou de donation entre vifs », et enfin le « changement de contrôle » et la « dissolution de l’actionnaire personne morale » [36].

20. Information particulière. Il est demandé par la loi « Attractivité » que « les informations relatives au nombre et à la durée des actions de préférence » issues de la loi nouvelle ainsi qu’à « l’identité des bénéficiaires desdites actions » et « aux droits de vote qui leur sont attachés en fonction des résolutions d’assemblée générale » soient « publiées selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État » [37].

II. Réforme des augmentations de capital

21. Augmentations de capital avec suppression du DPS. L’article 9 de la loi « Attractivité » apporte différentes retouches au régime des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription (DPS) encadrées par les articles L. 225-135 et suivants du Code de commerce N° Lexbase : L2083LYS.

A. Rehaussement du plafond des augmentations de capital adressées à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d’investisseurs

22. Augmentations de capital avec certaines offres au public. C’est tout d’abord le plafond des émissions de titres de capital sans DPS, réalisées par une offre visée au 1 de l'article L. 411-2 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L3763I3R, qui est rehaussé [38]. Sont concernées les offres réservées exclusivement à un cercle restreint d’investisseurs agissant pour compte propre ou à des investisseurs qualifiés. L’article L. 225-136, 2°, limitait cette émission à 20 % du capital social par an ; le seuil est désormais fixé à 30% [39].

B. Assouplissement du mode de fixation du prix dans les sociétés cotées

23. Dispositif visé. Est ensuite modifié l’article L. 22-10-52 du Code de commerce N° Lexbase : L2096LYB, qui permet aux sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un marché réglementé de bénéficier de règles souples pour procéder à des émissions de titres de capital sans DPS par une offre au public, dans la mesure où les titres de capital à émettre de manière immédiate ou différée sont assimilables aux titres cotés.

24. Fixation du prix par le conseil d’administration ou le directoire. Jusqu’à présent, il était prévu que le prix d'émission de titres de capital sans DPS par une offre au public devait être fixé selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État pris après consultation de l'AMF – en l’occurrence par l’article R. 22-10-32 du Code de commerce N° Lexbase : L7812LZD. Il était par ailleurs permis à l’AGE d’autoriser le conseil d’administration ou le directoire, dans la limite de 10 % du capital social par an, à fixer le prix d'émission selon des modalités que cette assemblée déterminait au vu d'un rapport du conseil ou du directoire et d'un rapport spécial du commissaire aux comptes. Il est désormais prévu que le prix d'émission de ces mêmes titres de capital sans DPS par une offre au public peut, sur délégation de l'assemblée générale extraordinaire, être librement fixé par le conseil d'administration ou le directoire et sans qu’un seuil soit prévu [40]. Ce n’est plus d’autorisation qu’il est question, mais de délégation [41] et c’est lorsqu’il est fait usage de celle-ci que le conseil d'administration ou le directoire doit établir un rapport complémentaire, certifié par le commissaire aux comptes, décrivant les conditions définitives de l'opération et donnant des éléments d'appréciation de l'incidence effective sur la situation de l'actionnaire.

25. Entrée en vigueur. Cette partie de la réforme entre en vigueur trois mois après la promulgation de la loi [42], c’est-à-dire le 13 septembre 2024 (ou le 14 septembre si l’on prend au pied de la lettre l’expression « trois mois après »). Il est par ailleurs prévu par ce même texte que « les modalités de fixation du prix d'émission déterminées par l'assemblée générale des actionnaires avant cette date par référence aux dispositions légales et réglementaires demeurent applicables, le cas échéant dans leur rédaction en vigueur à la date de ladite assemblée ».

C. Augmentation de capital réservée à des personnes nommément désignées

26. Pouvoirs accrus conférés au conseil d’administration et au directoire. Un nouvel article L. 22-10-52-1 N° Lexbase : L6145MMK est inséré dans le chapitre du Code de commerce relatif aux sociétés cotées [43]. Sont concernées les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation soumis au II de l'article L. 433-3 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L9611IZY (Euronext Growth en pratique), et pour lesquelles est mise en œuvre une augmentation de capital dont on souhaite qu’elle soit réservée à une ou à plusieurs personnes nommément désignées. Le nouveau texte permet que l'assemblée générale extraordinaire délègue au conseil d'administration ou au directoire le pouvoir de désigner les personnes bénéficiaires, dans la limite de 30 % du capital social par an. Cette évolution est destinée à accroître le pouvoir de négociation de l’organe de direction lors de la discussion des conditions de l’augmentation de capital avec les bénéficiaires pressentis, en lui permettant de discuter avec plusieurs investisseurs et en lui évitant de devoir solliciter un nouveau vote de l’assemblée générale en cas d’échec des discussions [44].

27. Régime de la nouvelle augmentation. Le régime de cette augmentation bénéficiant à des personnes désignées par le conseil d’administration ou le directoire est encadré par le nouveau texte. Il est d’abord prévu que si la personne nommément désignée est administrateur ou membre du directoire, elle ne peut prendre part ni aux délibérations ni aux votes du conseil d'administration ou du directoire sur l'opération. Il est également précisé que la procédure prévue aux articles L. 225-147 N° Lexbase : L5333MKQ et L. 22-10-53 N° Lexbase : L6146MML du Code de commerce n'est pas applicable. S’agissant du prix d'émission des actions, il est prévu que celui-ci est fixé par le conseil d'administration ou le directoire, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État. Il est enfin prévu que lorsque le conseil d’administration ou le directoire fait usage de la délégation, il établit un rapport complémentaire à l'assemblée générale ordinaire suivante, qui décrit les conditions définitives de l'opération. Ce rapport doit être certifié par le commissaire aux comptes, s'il existe.

28. Entrée en vigueur. Cette partie de la réforme fait l’objet d’une règle particulière, puisqu’il est prévu qu’elle entre en vigueur « à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi » [45].

D. Augmentation de capital par apports en nature à une société cotée

29. Rehaussement du plafond légal. La dernière mesure concernant les augmentations de capital est relative à la délégation que l’assemblée générale extraordinaire d'une société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé pouvait déjà conférer au conseil d'administration ou au directoire, pour une durée maximale de vingt-six mois, aux fins de procéder à une augmentation de capital en vue de rémunérer des apports en nature consentis à la société et constitués de titres de capital ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, ceci lorsque les dispositions de l'article L. 22-10-54 N° Lexbase : L2095LYA ne sont pas applicables [46]. Jusqu’à présent, l’augmentation visée par cette délégation était plafonnée à 10 % du capital social ; ce plafond est porté à 20 % [47].

III. Autres mesures

A. Négociabilité étendue des promesses d’actions

30. Inclusion des SMN. L’article L. 228-10 du Code de commerce N° Lexbase : L6182MMW formule, avant comme après l’entrée en vigueur de la loi « Attractivité », un principe d’interdiction de la « négociation de promesse d’actions ». Le texte comportait une exception visant les actions à créer dont l’admission sur un marché réglementé a été demandée ou l’augmentation de capital d’une société dont les actions anciennes sont déjà admises aux négociations sur un tel marché. Pour l’une et l’autre exception, la loi « Attractivité » inclut désormais les systèmes multilatéraux de négociation [48].

B. Mesures visant les coopératives et les entreprises de l’ESS

31. Différentes mesures. On ne reviendra pas sur les questions de fiscalité applicables aux entreprises de l’ESS [49], mais simplement sur quelques évolutions particulières.

1°) Extension du domaine de l’ESS

32. Quatre conditions plus une nouvelle, ce qui fait… quatre (!). L’article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 N° Lexbase : L8558I3D mentionnait jusqu’à présent quatre domaines qui relevaient de l’utilité sociale – présentés comme « quatre conditions » – et il fallait, pour que les entreprises soient « considérées comme poursuivant une utilité sociale au sens de la [loi n° 2014-856] », que leur objet social satisfasse « à titre principal à l'une au moins des quatre conditions ». Le texte continue à se référer à quatre conditions, mais il en est ajouté par la loi « Attractivité » une cinquième qui porte sur le fait de « concourir à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés » [50]. Cette extension porte aussi sur la possibilité d’obtenir l’agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » [51].

2°) Règles applicables aux coopératives

33. Extension de l’autorisation d’émettre des titres participatifs. L’article L. 228-36 du Code de commerce N° Lexbase : L0059LNI permettait jusqu’à présent le recours au titres participatifs aux seules sociétés coopératives constituées sous la forme de SA ou de SARL. Ce sont également les coopératives ayant choisi la forme de SAS qui peuvent recourir à cet instrument [52]. Se trouve ainsi satisfaite une demande émanant de la doctrine [53].

34. Départ de l’associé de SCIC. La société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) est régie par les articles 19 quinquies et suivants de la loi n° 47-1775, du 10 septembre 1947, portant statut de la coopération N° Lexbase : L4471DIG. L’article 19 nonies soustrait la SCIC à différentes dispositions régissant les coopératives, dont faisait partie le deuxième alinéa de l’article 18 de la loi précitée, qui donne droit à l’associé retrayant, radié ou exclu, dans le silence des statuts, à une part de la réserve que les sociétés coopératives peuvent constituer à cette fin. Cette disposition ne fait désormais plus partie de celles dont les SCIC sont exclues [54].

C. Droit financier

1°) Instruments financiers en général

35. Fractionnement des instruments financiers. L’article 13 de la loi « Attractivité » habilite le Gouvernement à intervenir par voie d’ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, pour prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de créer un régime de fractionnement des instruments financiers », notamment en définissant les modalités de fractionnement d'un instrument financier, en définissant un régime de propriété pour l'acquisition et la détention des instruments financiers fractionnés, en étendant les droits associés aux différentes catégories d'instruments financiers dans les cas de fractionnement, en adaptant les règles de commercialisation et de négociation des instruments financiers aux fins de préciser leur application en cas de fractionnement ou bien encore en déclinant le régime de protection des investisseurs pour prendre en compte le fractionnement.

2°) PEA

36. Emploi des sommes placées sur un PEA. L’article L. 221-31 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L1766IZG est modifié, en ce qu’il prévoit l’emploi possible pour les sommes versées sur un PEA. Sont ajoutés les « droits ou bons de souscription ou d’attribution attachés » aux titres mentionnés aux a) et b) du 1° du I du texte, qui recouvrent notamment les actions ordinaires, les parts de SARL ou de sociétés dotées d'un statut équivalent et titres de capital de sociétés régies par la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération [55]. Est également élargi le champ des sociétés dont les titres sont admissibles [56].

TITRE III : MODERNISER, SIMPLIFIER ET RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DU DROIT EN FAVEUR DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE

I. Faciliter la prise des décisions collectives et des organes d’administration et de surveillance

37. Pas de grand soir des nouvelles technologies – question des SAS. On a reproché à notre droit des sociétés de rester « timoré dans l’accueil des nouvelles technologies » [57]. Il est vrai que l’on n’assiste pas encore au grand soir de l’assemblée dématérialisée des associés, en dépit de l’expérience acquise pendant la pandémie de Covid-19 [58], et qu’il n’y a pas de reconnaissance générale d’une équivalence entre la présence physique et la présence dématérialisée. On regrettera aussi que la SAS, qui a franchi récemment la barre des 1,6 million d’unités en France, ait été entièrement laissée de côté, là où il aurait été simple de mettre en place une règle supplétive d’admission du recours à la convocation électronique ou bien encore, de manière plus audacieuse, de prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les associés qui participent aux décisions collectives par des moyens de télécommunication permettant leur identification, ceci sauf si les statuts en disposent autrement.

38. Entrée en vigueur. Toutes les mesures relatives à la dématérialisation des décisions des assemblées et des organes d’administration et de surveillance figurent à article 18 de la loi « Attractivité », dont il est prévu qu’il entrera « en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi » [59].

A. Sociétés civiles

39. Consultation écrite des associés de société civile par voie électronique. Les sociétés civiles sont la première forme sociale utilisée en France en nombre de sociétés. On pouvait espérer qu’un peu plus soit fait que la simple admission opérée par un ajout à l’article 1853 du Code civil N° Lexbase : L2050ABK de la consultation écrite par voie électronique. Le texte continue à ériger en principe la prise des décisions en assemblée des associés et à requérir une stipulation statutaire particulière pour recourir à la consultation écrite. Simplement, il est désormais expressément affirmé que les statuts qui autorisent cette modalité de décision collective peuvent prévoir qu’elle se fait « y compris par voie électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent » [60]. L’emploi des termes « y compris » laisse entendre que les statuts d’une société civile ne devraient pas pouvoir instituer une consultation écrite intégralement électronique, mais le sens de l’expression est sans doute que les statuts peuvent prévoir une consultation écrite et qu’ils peuvent aussi autoriser que celle-ci se fasse sous format électronique. Il conviendra que le décret d’application à intervenir modifie l’article 42 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 N° Lexbase : L1376AIS, qui impose le recours à la LRAR pour l’envoi du texte des résolutions proposées ainsi que des documents nécessaires à l’information des associés. Ajoutons encore que l’emploi du format électronique devrait valoir aussi bien pour l’envoi aux associés que pour la réponse que ceux-ci adresseront, du moins si les statuts le prévoient.

B. Sociétés en nom collectif

40. Consultation écrite des associés en nom par voie électronique. La même modification qu’en matière de société civile est apportée au régime de la SNC [61]. On notera simplement que le recours à la consultation écrite électronique, s’il est autorisé par les statuts, devrait être écarté dans les mêmes hypothèses que peut déjà l’être la consultation écrite « classique », notamment pour l’approbation annuelle des comptes [62]. On relèvera aussi que le législateur n’a pas cueilli l’occasion qui se présentait à lui de consacrer la solution jurisprudentielle récente qui a vu la Cour de cassation admettre que l’on puisse recourir au panachage, à la condition que les statuts le prévoient [63].

C. SARL

41. Quatre modifications. L’article 18, II, 2°, de la loi nouvelle apporte quatre modifications au droit applicable à la SARL, prenant toute place au sein de l’article L. 223-27 du Code de commerce N° Lexbase : L2428LRD.

1°) Disparition d’un verrou légal

42. Recul du recours imposé à une assemblée générale. La première modification est importante, puisque le législateur fait sauter le verrou légal qui empêchait jusqu’à présent que la décision d’approbation annuelle des comptes prévue par l’article L. 223-26 du Code de commerce N° Lexbase : L2117LGI soit prise par consultation écrite ou par acte unanime des associés. Une stipulation statutaire est toujours nécessaire pour autoriser le recours à l’une ou l’autre de ces modalités, mais il est intéressant de voir reculer l’obligation de recourir à une assemblée générale.

2°) Version électronique

43. Consultation écrite et acte unanime en version électronique. La deuxième modification concerne les deux modalités de prise des décisions collectives que sont la consultation écrite et l’acte unanime : il est précisé que lorsque les statuts autorisent le recours à ces modalités, il est possible de procéder « par voie électronique, selon les délais et les modalités [que les statuts] définissent ». Dans la mesure où les statuts doivent autoriser le recours à la consultation ou à l’acte unanime, il nous semble que les rédacteurs pourraient autoriser le recours à l’une ou l’autre des modalités de prise de décision collective, mais dans le même temps choisir de ne pas admettre le format électronique, qui pouvant le plus pouvant le moins. Plus délicate est la question du silence gardé par les statuts. La formule employée par l’article L. 223-27, alinéa 1er, laisse entendre qu’une intervention des statuts est nécessaire pour que le format électronique puisse être utilisé.

3°) Vote par correspondance

44. Introduction du vote par correspondance. La troisième modification concerne le vote par correspondance, ce qui n’a de sens que si l’on parle de l’assemblée, étant rappelé que l’article L. 223-27 s’ouvre par la phrase « les décisions sont prises en assemblée ». Il est désormais admis que « les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen d'un formulaire dont les mentions sont déterminées par décret en Conseil d'État ». Là encore, le législateur ne traite pas de la question de la possibilité de panacher les différents modes de consultation [64].

4°) Simplification terminologique

45. Simplification bienvenue. La quatrième et dernière modification procède d’une volonté bienvenue de simplifier le texte de la loi. Ce n’est sans doute pas avec ce type de mesure que l’on rendra notre droit des sociétés beaucoup plus clair, mais il serait regrettable de ne pas approuver la démarche. Là où le texte de l’article L. 223-27, 3ème alinéa, permettait aux statuts de prévoir qu’étaient réputés présents les associés qui participaient aux assemblées, hors approbation des comptes, « par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification », il n’est plus fait référence qu’à « un moyen de télécommunication permettant leur identification » [65]. On reviendra un peu plus loin sur le caractère redondant de la formulation initiale [66].

D. SA

1°) Conseil d’administration de la SA

a) Règles applicables à toutes les SA

46. Un mouvement amorcé au début du siècle. Le mouvement avait été lancé avec la loi n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ, qui avait admis, il y a plus de vingt ans, le recours à « des moyens de visioconférence ». Quelques années plus tard, la loi n° 2005-842, du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie N° Lexbase : L5001HGC avait admis l’utilisation par les administrateurs de « moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective ». L’article L. 225-37 du Code de commerce N° Lexbase : L5908AIN prévoyait précisément la possibilité pour le conseil d’administration de la SA que soient réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité des administrateurs présents par visioconférence ou par un moyen de télécommunication à condition que l’instrument utilisé permette en toute hypothèse l’identification et la participation effective de la personne l’utilisant. L’utilisation de cette possibilité était soumise à plusieurs restrictions : (i) il fallait une stipulation spécifique du règlement intérieur – on se souviendra qu’ avait été évoquée la possibilité que les statuts autorisent directement ce recours [67] ; (ii) les statuts pouvaient toujours écarter cette possibilité ; (iii) les décisions d’arrêté des comptes visées aux articles L. 232-1 N° Lexbase : L8724IET et L. 233-16 N° Lexbase : L6319AIU étaient exclues du dispositif. La nouvelle rédaction résultant de la loi « Attractivité » change plusieurs points [68].

47. Absence de nécessité d’une stipulation autorisant la participation à distance. Il n’est désormais plus nécessaire que le règlement intérieur autorise la participation à distance, puisque cette modalité de participation au conseil est directement et expressément autorisée par l’article L. 225-37, 3ème alinéa, en sa nouvelle rédaction N° Lexbase : L2370LR9.

48. Maintien de la possibilité d’une exclusion statutaire ou par le règlement intérieur. Les statuts pouvaient s’opposer à la participation à distance, ils le peuvent encore aujourd’hui, étant précisé que la possibilité d’une stipulation écartant le vote à distance peut aussi se rencontrer désormais dans le règlement intérieur.

49. Suppression de l’exclusion relative à l’arrêté des comptes. L’exclusion du recours à des moyens de télécommunication pour la tenue du conseil d’administration pour les décisions relatives à l’arrêté des comptes ou des comptes consolidés disparaît [69].

50. Recours à un instrument de télécommunication. C’est ici œuvre de simplification terminologique qui est faite par le législateur. Là où le législateur de 2005 avait visé simultanément les « moyens de visioconférence ou de télécommunication », on déduit du caractère redondant de cette référence qu’il n’est pas nécessaire de mentionner la visioconférence qui relève des moyens de télécommunication. Notre éminent collègue et ami Paul Le Cannu écrivait en 2005 « que recouvre la “télécommunication” ? On peut penser qu'elle autorise à communiquer seulement par le son, sans l'image. Autrement, pourquoi la distinguer de la “visioconférence” ? » [70]. Mais il est vrai que la télécommunication devrait aussi inclure la visioconférence, surtout si on ne juxtapose pas les deux termes.

51. Extension du domaine de la consultation écrite. La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 N° Lexbase : L1638LR4 avait introduit la possibilité pour les statuts d’autoriser les administrateurs à faire prendre les décisions du conseil par voie de consultation écrite. Simplement, ce n’était que pour une série de décisions limitativement énumérées que cette modalité était utilisable : convocation de l’assemblée générale des actionnaires ; nomination d’administrateurs à titre provisoire en cas de vacance par décès ou démission ; autorisation des cautions, avals et garanties ; mise en conformité des statuts avec les dispositions législatives ou réglementaires ; transfert du siège social dans le même département. La loi « Attractivité » étend cette possibilité, puisque les statuts peuvent désormais « prévoir que les décisions du conseil d'administration ou certaines d'entre elles peuvent être prises par consultation écrite des administrateurs, y compris par voie électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent » [71]. Ne sont donc plus visées des décisions particulières. Simplement, il est simultanément exigé, si les statuts autorisent la consultation écrite, qu’un droit d’opposition au recours à cette modalité de décision soit prévu par les statuts au bénéfice de tout membre du conseil.

52. Vote par correspondance. La loi « Attractivité » permet par ailleurs aux statuts d’instituer le vote par correspondance pour la participation aux décisions du conseil. Ceci se fera au moyen d'un formulaire dont les mentions seront déterminées par un décret en Conseil d'État à intervenir [72].

b) Règles applicables aux SA cotées

53. Force accrue du recours à la participation par un moyen de télécommunication. Une disposition spécifique est insérée dans le chapitre du Code de commerce consacré aux sociétés commerciales cotées [73]. Le nouvel article L. 22-10-3-1 N° Lexbase : L6137MMA dispose que « nonobstant toute disposition contraire des statuts, sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les administrateurs qui participent à la réunion par un moyen de télécommunication permettant leur identification, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État ». S’il est donc interdit aux statuts de s’opposer à ce que les administrateurs intervenant à distance soient réputés présents, le législateur réserve quand même la possibilité que « les statuts ou le règlement intérieur » prévoient que « certaines décisions ne peuvent pas être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions ».

2°) Directoire et conseil de surveillance de la SA

54. Évolutions comparables à celles connues par le conseil d’administration. Les mêmes évolutions que celles qui viennent d’être vues pour le conseil d’administration[74] se retrouvent dans la SA à directoire et conseil de surveillance pour ce second organe : suppression de l’exclusion de certaines décisions du champ des décisions pouvant être prises de manière dématérialisée [75], là encore avec la possibilité que les statuts ou le règlement intérieur imposent une présence physique [76]. La même règle spécifique est prévue pour les sociétés cotées par un nouvel article L. 22-10-21-1 N° Lexbase : L6138MMB [77].

55. Consultation écrite et vote par correspondance. Les mêmes évolutions que celles instituées pour le conseil d’administration sont mises en œuvre. Une différence réside dans l’indication de ce que, en cas de consultation écrite, ce ne sont pas les statuts qui autorisent aux membres du conseil de surveillance la réponse par voie électronique, contrairement à ce qui est prévu pour le conseil d’administration. S’agissant du conseil de surveillance, c’est le président de cet organe qui « peut décider que les membres du conseil peuvent communiquer leur réponse par message électronique à l'adresse électronique indiquée » [78]. Quant au vote par correspondance, il conviendra que soit publié le décret en Conseil d’État détaillant les mentions du formulaire de vote à utiliser.

3°) Assemblée générale des actionnaires

a) Règles applicables à toutes les sociétés

56. État antérieur : distinction entre participation à distance et assemblée entièrement dématérialisée. Le dispositif légal qui était applicable jusqu’à présent n’était pas facilement lisible ni compréhensible. La loi « NRE » du 15 mai 2001 [79] avait institué à l’article L. 225-107, II, du Code de commerce N° Lexbase : L5978AIA la possibilité que les statuts prévoient la participation à distance des actionnaires (« par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant leur identification »). Une quinzaine d’années plus tard, l’ordonnance n° 2017-747 du 4 mai 2017 N° Lexbase : L1670LEL avait introduit pour les sociétés non cotées le concept d’assemblées « tenues exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication permettant l’identification des actionnaires ». Il n’est pas certain que ce concept, qui doit imposer que le bureau de l’assemblée tienne une réunion dématérialisée, afin de préserver le caractère « exclusif » mentionné par le texte légal et de ne pas créer d’inégalité au profit de tel ou tel actionnaire, ait rencontré un fort succès.

57. Clarification et évolutions de fond importantes. La loi « Attractivité » fait désormais de l’article L. 225-103-1 du Code de commerce N° Lexbase : L2173LY7 le siège des règles sur la tenue d’une assemblée dématérialisée et sur la participation à distance des actionnaires.

58. Les assemblées concernées par la dématérialisation. Le premier alinéa du texte pose d’abord le principe selon lequel les trois assemblées d’actionnaires (AGE mentionnée à l'article L. 225-96 du Code de commerce N° Lexbase : L2084LYT, AGO mentionnée à l'article L. 225-98 N° Lexbase : L2168LYX et assemblée spéciale mentionnée à l'article L. 225-99 N° Lexbase : L2169LYY) « peuvent se tenir par un moyen de télécommunication permettant l'identification des actionnaires ». Il n’est donc pas nécessaire que les statuts comportent une autorisation particulière. Le deuxième alinéa précise que « le recours à un moyen de télécommunication pour la tenue de l'assemblée générale ou de l'assemblée spéciale est indiqué dans l'avis de convocation », avant d’affirmer que « sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée par des moyens de télécommunication permettant leur identification ». Dans la mesure où est supprimé simultanément l’article L. 225-107, II, qui subordonnait cette possibilité à une clause statutaire [80], la participation par visioconférence ou par un autre moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires est désormais de droit. Les statuts ne peuvent pas interdire cela, mais il faut tout de même que la société mette en œuvre les moyens appropriés.

59. La possibilité d’assemblées intégralement dématérialisées. S’il demeure possible de tenir une assemblée « exclusivement par un moyen de télécommunication permettant l'identification des actionnaires », cela suppose toujours une autorisation des statuts. La loi « Attractivité » fait cependant évoluer le dispositif légal sur deux points. Tout d’abord, ce sont également les assemblées spéciales mentionnées à l’article L. 225-99 qui peuvent faire l’objet de cette modalité particulière. Ensuite, là où le droit d’opposition à la tenue d’une AGE exclusivement dématérialisée était ouvert à un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, ce sont désormais 25 % du capital qu’il faudra réunir pour s’opposer à cette modalité de tenue de l’assemblée.

b) Règles applicables aux seules SA cotées

60. Obligations de retransmission de l’assemblée. Un nouvel article L. 22-10-38-1 N° Lexbase : L6141MME inséré dans le chapitre du Code de commerce spécifique aux sociétés cotées fait obligation à celles-ci (précisément à celles dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé) de retransmettre leur assemblée en direct et en différé. La société doit d’abord assurer la retransmission en direct de l'assemblée, « à moins que des raisons techniques rendent impossible ou perturbent gravement cette retransmission ». La retransmission en différé est également demandée, les sociétés devant s’assurer que l'enregistrement de l'assemblée peut être consulté et indiquer, le cas échéant, si cet enregistrement porte sur l'intégralité de celle-ci. Il est prévu qu’un décret en Conseil d'État précisera les modalités de retransmission, d'enregistrement et de consultation.

61. Exclusion maintenue des assemblées générales ou spéciales tenues intégralement de manière dématérialisée. Comme précédemment, les assemblées générales ou spéciales ne peuvent être tenues de manière exclusivement dématérialisée par les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé [81].

E. Société en commandite par actions

62. Admission de la consultation écrite et du vote par correspondance. L’article L. 226-4 du Code de commerce N° Lexbase : L7135LTG, qui n’est pas le texte que l’on penserait le plus adapté pour cela, est complété par un alinéa introduisant la possibilité pour les statuts de permettre au conseil de surveillance de la SCA de prendre ses décisions par voie de consultation écrite, y compris électronique, selon les délais et les modalités qu'ils définissent. Est également introduite la possibilité de prévoir le vote par correspondance, ce qui supposera cependant, là encore, l’adoption d’un décret en Conseil d'État détaillant les mentions devant figurer sur le formulaire de vote [82].

F. Masse des obligataires

63. Simplification terminologique. La loi « Attractivité » substitue à la référence redondante à la visioconférence et aux moyens de télécommunication la seule référence à un moyen de télécommunication, ainsi qu’elle l’a fait pour les autres organes [83]. Ce ne sont pas les seules mesures qui concernent les obligataires [84].

II. Autres mesures de droit des sociétés

A. Fonctionnement de la SA

1°) Enjeux à prendre en considération dans le cadre d’une SA

64. Suppression de la référence aux enjeux culturels et sportifs. Le conseil d’administration et le directoire de la SA s’étaient vu imposer par la loi « PACTE » [85] de « [prendre] en considération les enjeux sociaux et environnementaux de [l’]activité [de la société] », le même ajout ayant été opéré au sein de l’article L. 225-35 N° Lexbase : L6125MMS et de l’article L. 225-64 N° Lexbase : L7196MMH du Code de commerce. Curieusement, la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 N° Lexbase : L7678MBY était venue remanier ces deux textes, en exigeant que l’organe concerné agisse en « considérant les enjeux sociaux, environnementaux, culturels et sportifs de son activité ». On pouvait déjà critiquer l’emploi du verbe « considérer », mais il était surtout étonnant de demander à des sociétés dont l’activité n’était en rien liée au sport ou à la culture quels étaient les enjeux en ces domaines de son activité. Un énergéticien ou un transporteur voit-il son activité dotée d’un enjeu sportif ? La loi « Attractivité » revient en arrière en supprimant dans les deux textes précités la référence aux enjeux culturels et sportifs [86]. Le mot « considérant » n’est cependant pas modifié, ce qui fait que le même texte connaît quatre formulations différentes en moins de six ans...

2°) Convocation de l’assemblée

65. Juridiction compétente en cas de refus d’inscription de points ou projets de résolution à l’ordre du jour. L’article L. 225-105 du Code de commerce N° Lexbase : L6133MM4 permet aux actionnaires de solliciter l’inscription de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée. Il est possible que ces demandes soient refusées par l’organe compétent pour convoquer l’assemblée, notamment parce que cet organe considérera que la demande n’entre pas dans la compétence de l’assemblée. Jusqu’à présent, c’est la juridiction des référés qui semblait devoir être saisie [87]. La loi « Attractivité » complète l’article L. 225-105 en donnant compétence au tribunal de commerce statuant selon la procédure accélérée au fond.

3°) Gouvernance

a) Pouvoirs accrus du conseil d’administration ou de surveillance

66. Pouvoir de mise en conformité des statuts. Le conseil d’administration ou de surveillance se voit reconnaître le pouvoir de mettre en conformité les statuts de la SA avec les dispositions législatives et réglementaires. On comprend bien l’idée : il s’agit de modifier les statuts, mais pour une raison qui ne relève pas de la fantaisie des mandataires sociaux – on pourrait parler de compétence liée – puisqu’il s’agit de déférer à une norme que l’on supposera impérative. Simplement, ce pouvoir était doublement encadré, puisqu’il fallait que le conseil agisse « sur délégation de l’assemblée générale extraordinaire » et que la prochaine AGE ratifie encore ces modifications. La loi « Attractivité » supprime l’exigence d’une délégation, tant pour le conseil d’administration [88] que pour le conseil de surveillance [89].

b) Retouches apportées au régime de la SA à directoire et conseil de surveillance

67. Recours à un directeur général unique dans une SA à directoire. L’article L. 225-58 du Code de commerce N° Lexbase : L6128MMW permet aux SA à directoire de substituer à l’organe collégial une seule personne, dont l’article suivant nous indique qu’elle porte le titre de directeur général unique. N’étaient jusqu’à présent autorisées à procéder ainsi que les SA dont le capital était inférieur à 150 000 euros. Désormais, ce ne sera plus le législateur qui fixera ce montant, mais un décret, et l’on peut supposer que ce montant sera rehaussé, étant encore précisé que la société qui serait en dessous du seuil demeure entièrement libre de se doter d’un directoire collégial [90].

68. Pluralité de vice-présidents du conseil de surveillance. Là où l’article L. 225-81 N° Lexbase : L2082LYR imposait jusqu’à présent que le conseil de surveillance d’une SA désigne en son sein un président et un vice-président, ce texte autorise désormais la désignation de plusieurs vice-présidents, qui doivent toujours être des personnes physiques, à peine de nullité de leur désignation [91]. L’article L. 22-10-25 N° Lexbase : L6139MMC, disposition relative à la détermination de leur rémunération dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, est modifié en conséquence [92].

69. Correction d’une erreur. La référence à l’article L. 22-10-30 du Code de commerce N° Lexbase : L2252LY3, opérée par l’article L. 22-10-59 N° Lexbase : L6147MMM à propos de l’attribution d’actions gratuite aux mandataires sociaux est rectifiée, c’est désormais à l’article L. 22-10-26 N° Lexbase : L2248LYW qu’il faut se reporter [93].

B. Masse des obligataires

69. Sens des formulaires de vote par correspondance ne donnant aucun sens de vote. Il est possible que les obligataires votent par correspondance à l’assemblée de masse, ainsi que le permet l’article L. 228-61, alinéa 3, du Code de commerce N° Lexbase : L6206MMS. L’alinéa suivant du texte formulait une règle relative aux formulaires « ne donnant aucun sens de vote ou exprimant une abstention » : ils étaient « considérés comme des votes négatifs », ce qui était assez curieux. Il est désormais prévu qu’ils « ne sont pas considérés comme des votes exprimés » [94]

70. Calcul de la majorité dans les assemblées de masse. L’article L. 228-65, II, du Code de commerce N° Lexbase : L6207MMT définit les règles de quorum et de majorité applicables aux assemblées de masse. La majorité des deux tiers des voix prévue par ce texte est inchangée sur son quantum, mais il est prévu qu’elle ne se calcule plus sur les voix « dont disposent les porteurs présents ou représentés », mais sur les voix « exprimées par les porteurs présents ou représentés » [95]. Il est par ailleurs précisé que « les voix exprimées ne comprennent pas celles attachées aux obligations pour lesquelles l'obligataire n'a pas pris part au vote, s'est abstenu ou a voté blanc ou nul » [96].

C. Réforme du droit des nullités

71. Réforme à intervenir par ordonnance. Une ordonnance pourrait être adoptée dans les neuf mois suivants la promulgation de la loi, dont l’objet sera de « simplifier et de clarifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés, afin de renforcer la sécurité juridique de la constitution des sociétés, de leurs actes et délibérations ainsi que des règles qui y sont exposées » [97]. Là encore, le HCJP avait produit un rapport appelant à une réforme de notre droit sur ce point [98]. Il faut aussi, bien entendu, signaler la très intense activité de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en ce domaine, qui contribue à faire évoluer la matière de manière significative.

D. Droit des sociétés et OPC

72. Réforme à intervenir par ordonnance. Une autre réforme à intervenir par voie d’ordonnance est annoncée par l’article 22 de la loi « Attractivité ». Le Gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi toute mesure relevant du domaine de la loi pour harmoniser et simplifier les dispositions relatives à la vie sociale des organismes de placement collectif, moderniser la gouvernance des OPC et réformer le cadre de leurs opérations [99].

73. Prise en compte de l’impossibilité de certifier les comptes. Au sein de plusieurs textes du Code monétaire et financier (C. mon. fin., art. L. 214-14, 3° N° Lexbase : L6166MMC, art. L. 214-24-47, 3° N° Lexbase : L6167MMD, art. L. 214-133, 6°, c) N° Lexbase : L6170MMH et art. L. 621-23, 3 N° Lexbase : L6179MMS), est désormais prise en compte, à côté de la situation où les commissaires aux comptes d’un OPCVM, de certains FIA, ou des sociétés de gestion de portefeuille et des prestataires de services de communication de données émettent des réserves ou refusent de certifier les comptes, la situation où ils sont dans l’impossibilité de procéder à cette certification [100].

 

[1] Proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France, n° 2321, déposée 12 mars 2024 [en ligne].

[2] Aux termes de l’article 29, III, de la loi nouvelle, le titre relatif aux titres négociables « entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard neuf mois après la promulgation de la présente loi », étant précisé qu’« il ne s'applique pas aux titres mentionnés au I de l'article 14 établis avant cette date ».

[3] Sur ce sujet, v. Th. Bonneau, Les titres transférables, JCP E, 2024, 1146.

[4] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 3, II et 6, I.

[5] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 3, IV et 8.

[6] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 7.

[7] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 6, II.

[8] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 12.

[9] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 10.

[10] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 24.

[11] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 25. Sur l’entrée en vigueur de cette partie de la loi, v. art. 29, IV.

[12] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 27.

[13] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 11.

[14] HCJP, Rapport sur les droits de vote multiples, 15 septembre 2022 [en ligne].

[15] V. not. Assemblée nationale, compte rendu de la 2ème séance du 9 avril 2024 [en ligne].

[16] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 1er, 5°.

[17] V. ainsi les propos de la ministre O. Grégoire indiquant : « ce texte vise avant tout les entreprises de l’économie réelle, nos petites et moyennes entreprises innovantes, à fort potentiel, et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) ».

[18] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, 2° N° Lexbase : L6143MMH.

[19] V. supra, n° 5.

[20] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 1er, 1°.

[21] C. com., art. L. 22-10-46-1, I , préc.

[22] Guide de légistique, sp. p. 302 [en ligne].

[23] Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-12.205, F-B N° Lexbase : A04952UU, J.-B. Barbièri, Lexbase Affaires, avril 2024, n° 792 N° Lexbase : N8999BZC ; Dalloz Actualité, 24 avril 2024, note J. Delvallée ; JCP E, 2024, 1175, note B. Dondero.

[24] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, a).

[25] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, b).

[26] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, c).

[27] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, d).

[28] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, e).

[29] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, 1°.

[30] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV, 2°.

[31] C. com., art. L. 22-10-46-1, IV.

[32] C. com., art. L. 22-10-46-1, V.

[33] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, dern. al.

[34] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, 1°.

[35] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, 1°.

[36] C. com., art. L. 22-10-46-1, III, 2°.

[37] C. com., art. L. 22-10-46-1, VI.

[38] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 1°.

[39] Sur les modalités de calcul de ce seuil, v. R. Mortier, Opérations sur capital social, LexisNexis, 3ème éd., 2023, n° 446.

[40] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 2°, a).

[41] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 2°, b).

[42] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 29, I.

[43] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 3°.

[44] V. Rapport de la Commission des finances à l’Assemblée nationale du 3 avril 2024, sp. p. 28 [en ligne].

[45] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 29, II.

[46] Ce texte vise le cas où une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé procède à une augmentation de capital à l'effet de rémunérer des titres apportés à une OPE sur des titres d'une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État partie à l'accord sur l'EEE ou membre de l'OCDE.

[47] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 9, 4°.

[48] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 1er, 4°.

[49] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 8, II et IV.

[50] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 8, I.

[51] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 8, III.

[52] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 1er, 2°.

[53] V. D. Hiez, Sociétés coopératives, Dalloz, 3ème éd., 2023, n° 222.11.

[54] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 2.

[55] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 4.

[56] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 5 et 6, II, 1°.

[57] M. Laroche, La société numérique sans les sociétés numériques, Gaz. Pal., 26 juin 2018, n° 325e5, p. 48.

[58] V. HCJP, Rapport sur l’adaptation de la gouvernance des sociétés en valorisant l’expérience de la crise sanitaire, 30 mars 2022 [en ligne].

[59] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 29, II.

[60] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, I.

[61] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II.

[62] V. C. com., art. L. 221-7, al. 1er N° Lexbase : L2153LYE, disposant que « le rapport de gestion, l'inventaire et les comptes annuels établis par les gérants sont soumis à l'approbation de l'assemblée des associés, dans le délai de six mois à compter de la clôture dudit exercice ».

[63] Cass. com., 11 octobre 2023, n° 22-10.646, F-D N° Lexbase : A95471L8, Bull. Joly Sociétés, décembre 2023, p. 18, note B. Saintourens ; Rev. sociétés, 2024, p. 323, note B. Dondero.

[64] V. supra, n° 40. 

[65] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 2°, b).

[66] V. infra, n° 50.

[67] B. Saintourens, Les réformes du droit des sociétés par la loi relative aux nouvelles régulations économiques (1), Defrénois, 30 décembre 2001, p. 1465, sp. n° 43 : « malgré la référence du texte au règlement intérieur, on peut penser que les statuts pourraient très bien contenir de telles stipulations, si les associés ne souhaitent pas élaborer un règlement intérieur de la société ».

[68] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 3°.

[69] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 3°, a).

[70] P. Le Cannu, RTD com., 2005, p. 761.

[71] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 3°, b).

[72] Ibid.

[73] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 10°.

[74] V. supra, n° 46 et s.

[75] L’exclusion portait sur les opérations de contrôle de la gestion du directoire, visées au 5ème alinéa de l’article L. 225-68 du Code de commerce N° Lexbase : L2150LYB.

[76] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 4°, a).

[77] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 9°.

[78] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 4°, b).

[79] Loi n° 2001-420, du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques N° Lexbase : L8295ASZ.

[80] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 6°.

[81] C. com., art. L. 22-10-38 N° Lexbase : L2127LYG.

[82] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 7°.

[83] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 18, II, 8°.

[84] V. infra, n° 69-70.

[85] Loi n° 2019-486, du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises N° Lexbase : L3415LQK.

[86] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 20.

[87] Pour une illustration récente, v. T. com. Nanterre, 23 mai 2024, n° 2024R00551 N° Lexbase : A84225DB, Lexbase Affaires, 6 juin 2024, n° 797, obs. V. Corbet-Picard N° Lexbase : N9442BZQ ; Bull. Joly Sociétés, juin 2024, p. 7, note A. Couret ; BRDA, 13/24, inf. 24, note B. Dondero.

[88] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 1°.

[89] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 3°.

[90] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 2°.

[91] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 4°.

[92] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 7°.

[93] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 8°.

[94] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 5°.

[95] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 6°, a).

[96] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 21, 6°, b).

[97] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 26, I.

[98] HCJP, Rapport sur les nullités en droit des sociétés, 27 mars 2020 [en ligne].

[99] Sur ce thème, v. le rapport du HCJP sur l’adéquation du droit des fonds d’investissement et du droit des sociétés, 3 décembre 2021 [en ligne]

[100] Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024, art. 23, 1°. Le 2° du texte étend une disposition sur l’obligation de révélation à l’AMF pesant sur le CAC d’un fonds au fonds de placement immobilier (C. mon. fin., art. L. 214-24-47 N° Lexbase : L6167MMD).

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