Réf. : CE, 9e-10e ch. réunies, 17 juin 2024, n° 471531, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A67335I9
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par Yann Le Foll
le 24 Juin 2024
► La mise à disposition d'un immeuble à un parti politique est incompatible avec l'objet statutaire d'une association qui poursuit un but de bienfaisance à l'égard des personnes physiques les plus démunies.
Textes. Il résulte de l'article 910 du Code civil N° Lexbase : L9133KBU et de l'article 1er du décret n° 2007-807, du 11 mai 2007 N° Lexbase : L5075HXA que les libéralités consenties au profit des associations qui satisfont aux conditions légales exigées leur donnant capacité juridique pour recevoir des libéralités, doivent pouvoir être utilisées conformément à leur objet statutaire. Ces libéralités peuvent être grevées de charges et de conditions, sous réserve toutefois que l'association légataire soit apte à les exécuter compte tenu de son objet.
Par le b du 3° de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 N° Lexbase : L3076AIR, dont la portée est éclairée par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi n° 2014-856, du 31 juillet 2014, relative à l'économie sociale et solidaire N° Lexbase : L8558I3D, le législateur a entendu permettre aux associations déclarées depuis trois ans au moins, et dont l'ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l'article 200 du Code général des impôts N° Lexbase : L5207MMS, de posséder et d'administrer des immeubles acquis à titre gratuit afin d'augmenter et de diversifier leurs ressources, sans que puisse alors leur être opposée la condition tenant à une utilisation des biens immeubles conforme à l'objet statutaire de l'association.
Principe. S'agissant des dons et legs consentis à ces associations et portant sur un immeuble, le représentant de l'État dans le département ne saurait légalement s'y opposer au seul motif que cette condition ne serait pas remplie.
Il peut, en revanche, dans l'hypothèse où l'immeuble ne serait pas destiné à être utilisé pour l'accomplissement de l'objet statutaire de l'association, s'opposer à une telle libéralité si les charges et conditions dont elle est, le cas échéant, grevée font obstacle à ce que l'association en retire un avantage économique suffisant, ou si l'association n'apparaît pas en mesure de les exécuter, ou encore si ces charges et conditions sont incompatibles avec l'objet statutaire de l'association.
Faits. Une personne a institué l'association Fraternité française légataire universelle de ses biens meubles et immeubles, à charge pour l'association de suivre ses dernières volontés, lesquelles prévoient que l'association donnera la jouissance exclusive sans indication de limite de temps, à titre gratuit, au mouvement Front national pour l'unité française (FN) – devenu Rassemblement national – de ses quatre biens immobiliers à l'exception du deuxième étage et des greniers de sa propriété de Sanary-sur-Mer (Var), du 1er août au 31 janvier de chaque année, de la jouissance de sa propriété du Cap Ferret (Gironde) au bénéfice de sa nièce, jusqu'à son décès et du 2e étage et de la chambre sous comble de sa propriété de Versailles (Yvelines).
Position CE. D'une part, la mise à disposition d'un immeuble à une autre personne morale, en l'espèce d'un parti politique, est incompatible avec l'objet statutaire d'une association qui poursuit un but de bienfaisance à l'égard des personnes physiques les plus démunies.
D'autre part, les charges dont sont grevés, en très grande partie, les immeubles en cause, consistant en leur mise à disposition gratuite, pour un temps illimité, font obstacle à ce que cette association retire des biens en cause un avantage économique suffisant.
Décision. L'association Fraternité française n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 22 mars 2018 du préfet de l'Isère de ne pas s'opposer au legs (annulation CAA Lyon, 4e ch., 22 décembre 2022, n° 21LY00303 N° Lexbase : A390684G).
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