Réf. : CEDH, 6 juin 2024, Req. 36559/19 N° Lexbase : A47765HD
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par Marie Le Guerroué
le 13 Juin 2024
► L’extraction et l’exploitation de données personnelles recueillies dans le téléphone portable d’une avocate réalisées par le juge d’instruction, le dépassement du cadre de sa saisine, le défaut d’application des garanties procédurales attachées au statut d’avocat et au respect du secret professionnel et l’absence de contrôle suffisant, ont porté atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Faits et procédure. L’affaire concerne la conduite d’une information judiciaire menée par un magistrat français détaché auprès des juridictions monégasques. Deux avocats, estimant que le juge d’instruction était sorti du champ des investigations autorisées par sa saisine, et que l’expertise en informatique avait été conduite au mépris du respect du droit au respect du secret professionnel dont l’une jouissait en tant qu’avocate, exercèrent plusieurs recours visant à contester la conduite de l’instruction, en particulier le déroulement et le traitement des résultats de l’expertise en téléphonie. Ces recours furent tous rejetés par la chambre du conseil de la cour d’appel, puis par la Cour de révision.
Devant la Cour européenne des droits de l'Homme, invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée) N° Lexbase : L4798AQR, les requérants se plaignent du recueil massif, indifférencié et disproportionné de la totalité des données à la fois, « visibles », mais aussi effacées, et donc « invisibles ». Selon les requérants ces investigations, hors saisie, ont été menées sans que le secret professionnel auquel l’avocate était en droit de prétendre en sa qualité d’avocate ne soit protégé.
Réponse de la Cour. La Cour estime que le juge d’instruction a étendu le périmètre de ses investigations de manière trop large et que les autorités judiciaires nationales de contrôle n’ont pas procédé à une redéfinition, conformément aux termes de la saisine, des limites de la mission expertale et du périmètre d’investigation. À cette insuffisance de limitation des contours de l’instruction, s’est ajoutée l’absence de mise en place d’un cadre procédural protecteur pourtant dû à la requérante en raison de son statut d’avocat et dont elle aurait dû bénéficier en dépit de son appartenance à un barreau étranger. Ces défaillances dans la conduite de l’instruction n’ont pas fait l’objet d’un redressement par les instances judiciaires de contrôle. L’ingérence dans l’exercice de son droit au respect de sa correspondance et de sa vie privée n’était donc pas proportionnée aux buts légitimes poursuivis et, dès lors, n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ».
La Cour européenne des droits de l’Homme dit, à l’unanimité, s’agissant de la requête de l’avocate, qu’elle était recevable et qu’il y a eu, la concernant violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
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