Réf. : Cass. com., 5 juin 2024, n° 23-15.741, FS-B N° Lexbase : A14555GY
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par Vincent Téchené
le 24 Septembre 2024
► La notion de « commerce de détail » ne peut être entendue au sens de la seule vente de marchandises à des consommateurs et peut couvrir des activités de services auprès de particuliers, telle une activité d'agence immobilière ;
La clause de non-réaffiliation contenue dans un contrat de franchise, en ce qu'elle porte atteinte au principe de la liberté du commerce, doit être justifiée par la protection des intérêts légitimes de son créancier quant à la protection du savoir-faire transmis et à la faculté de concéder à un autre franchisé la zone d'influence concernée, ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de son débiteur, c'est-à-dire être limitée quant à l'activité, l'espace et le lieu qu'elle vise, et, au terme de la mise en balance de l'intérêt légitime du créancier et de l'atteinte portée au libre exercice de l'activité professionnelle du débiteur, être proportionnée.
Faits et procédure. Une société (la franchisée) a conclu avec un franchiseur un premier contrat de franchise pour une agence. Elle a ensuite signé avec la même société quatre contrats de franchise pour d'autres agences également situées dans le centre de Paris. Ces contrats ont été conclus ou renouvelés entre 2014 et 2017.
Par lettre du 12 mars 2019, la franchisée a résilié les contrats de franchise, la cessation des relations ayant pris effet le 31 août 2019.
Elle a ensuite apporté son activité « transaction immobilière » par contrat d'apport partiel d'actif du 9 mai 2019, puis adhéré à un nouveau réseau.
Après mise en demeure restée vaine, le franchiseur d’origine a assigné la franchisée, la bénéficiaire de l’APA et la tête du réseau afin d'obtenir la cessation de leurs relations commerciales et le versement d'une indemnité contractuelle pour violation des clauses de non-réaffiliation insérées aux contrats. Les défenderesses ont contesté la validité desdites clauses.
Les juges d’appel ayant fait droit aux demandes de ces dernières (CA Paris, 5-4, 8 février 2023, n° 20/14328 N° Lexbase : A76219CA), le franchiseur a formé un pourvoi en cassation.
Décision. Le franchiseur reprochait aux juges du fond d’avoir que retenu que les agences immobilières sont des commerces de détail pour l'application des articles L. 341-1 N° Lexbase : L1571KGB et L. 341-2 N° Lexbase : L1572KGC du Code de commerce et que la clause de non-affiliation contrevenait aux dispositions d'ordre public de ce dernier texte.
Les dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-2 du Code de commerce ne s'appliquent qu'aux contrats conclus entre une tête de réseau et une personne exploitant « un magasin de commerce de détail » et ayant pour but l'exploitation de ce magasin.
Or, comme le relève la Cour, aucune définition de la notion de « commerce de détail » n'est donnée dans ce texte, ni dans les autres textes du Code de commerce utilisant cette notion.
Faute de précision dans la loi « Macron » (loi n° 2015-990, du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC) ou dans les travaux parlementaires ayant précédé son adoption, il convient d'interpréter la notion de « magasin de commerce de détail » au regard de la finalité du texte.
Selon la Haute Cour, l'article L. 341-2 du Code de commerce vise à mettre un terme aux pratiques contractuelles des réseaux de distribution commerciale qui restreignent la liberté d'entreprendre de leurs affiliés, exploitants de commerce de détail, en dissuadant les changements d'enseigne. Son objectif est de faciliter les changements d'enseigne en vue d'augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs, de diversifier l'offre, tout en permettant aux commerçants de faire jouer la concurrence entre enseignes, notamment au niveau des services que celles-ci proposent. Ainsi, elle retient que le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général qui ne justifie aucune différence de traitement entre les réseaux, selon qu'ils exercent une activité de vente de marchandises ou une activité de services.
Il en résulte que la notion de « commerce de détail » ne peut être entendue au sens de la seule vente de marchandises à des consommateurs et peut couvrir des activités de services auprès de particuliers, telle une activité d'agence immobilière.
La Cour de cassation retient ensuite que la clause post-contractuelle de non-réaffiliation en ce qu'elle imposait l'interdiction d'affiliation « à toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l'exécution du contrat exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée » et à « tout ayant cause, à titre universel ou particulier », n'était pas indispensable à la protection du savoir-faire du franchiseur et qu'elle portait une atteinte excessive au libre exercice de l'activité du franchisé. Ainsi la cour d’appel en a exactement déduit que la clause devait être réputée non écrite en son entier.
La Haute juridiction approuve enfin l’arrêt d’appel d’avoir retenu que la clause de non-réaffiliation, en ce qu'elle porte atteinte au principe de la liberté du commerce, doit être justifiée par la protection des intérêts légitimes de son créancier quant à la protection du savoir-faire transmis et à la faculté de concéder à un autre franchisé la zone d'influence concernée, ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de son débiteur, c'est-à-dire être limitée quant à l'activité, l'espace et le lieu qu'elle vise, et, au terme de la mise en balance de l'intérêt légitime du créancier et de l'atteinte portée au libre exercice de l'activité professionnelle du débiteur, être proportionnée. Or, en l’espèce tel n’est pas le cas de la clause qui :
Le pourvoi est don rejeté.
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