Le Quotidien du 28 mai 2024 : Avocats/Procédure pénale

[Brèves] Enquête préliminaire : pas d’avocat pour le témoin

Réf. : Cass. crim., 23 mai 2024, n° 23-85.888, F-B N° Lexbase : A86185C8

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N9372BZ7

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par Marie Le Guerroué

le 29 Mai 2024

►L'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition au cours d'une enquête préliminaire constitue une irrégularité touchant aux conditions d'administration de la preuve, ce dont il résulte que toute partie qui a intérêt à obtenir l'annulation de l'acte peut s'en prévaloir ; cette irrégularité ayant irrévocablement affecté les droits de la personne mise en examen, elle lui fait nécessairement grief ;

Il résulte des dispositions de l'article 10-4 du Code de procédure pénale, issues de la loi n° 2015-993, du 17 août 2015, aux termes desquelles, à tous les stades de l'enquête, la victime peut, à sa demande, être accompagnée par son représentant légal et par la personne majeure de son choix, que la victime a le droit d'être assistée par un avocat lors de son audition au cours d'une enquête préliminaire.

Faits et procédure. Une société spécialisée dans la conception, le développement, la fabrication et la distribution de casques de motocyclette, avait déposé plainte contre plusieurs autres sociétés dénonçant différents faits de contrefaçon de ses casques intégraux. Au cours de l'enquête préliminaire, les enquêteurs ont procédé aux auditions en qualité de témoins du conseil en propriété industrielle de la société plaignante et de son dirigeant, en présence d'un avocat de celle-ci.

Mise en examen des chefs de contrefaçon en bande organisée, blanchiment et association de malfaiteurs, une des sociétés mises en cause forme un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté son moyen de nullité tiré de la présence de l'avocat de la partie civile lors de différentes auditions de témoins dans le cadre de l'enquête préliminaire.

En cause d’appel. Pour rejeter la requête en annulation, l'arrêt attaqué relève, après avoir rappelé que les deux auditions se sont effectivement déroulées en présence de l'avocat de la société plaignante, l'avis favorable du procureur de la République ayant été recueilli, qu'aucune règle ne proscrit la présence d'un avocat lors d'une audition de témoin durant l'enquête préliminaire, ni ne prévoit que cette pratique devrait être sanctionnée par une nullité de l'audition. Les juges soulignent que l'avocat présent à ces auditions n'y a pris aucune part, sa présence muette n'ayant eu aucune incidence sur le déroulement de l'audition, ni aucun effet tangible sur l'équité de la procédure. Ils retiennent que la demanderesse n'établit pas en quoi ces auditions ont porté une atteinte substantielle à ses intérêts. Ils ajoutent qu'en application de l'article 82-2, alinéa 1er, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7152A4N, elle peut saisir le juge d'instruction d'une demande d'audition d'un témoin ou d'une partie civile en présence de son propre avocat, et qu'elle pourrait ainsi bénéficier durant l'instruction de la même faculté que celle offerte au conseil de la société plaignante en enquête préliminaire, pour entendre les témoins en présence de son propre conseil.

Réponse de la Cour. La Cour rend sa décision au visa des articles 62 N° Lexbase : L3155I3A et 78 N° Lexbase : L4984K84 du Code de procédure pénale. Elle déduit de ces textes que les témoins ne peuvent être assistés au cours de leur audition dans le cadre d'une enquête préliminaire par un avocat, dont l'intervention vise à garantir l'exercice des droits de la défense et ne peut bénéficier à une personne contre laquelle n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elle ait commis ou tenté de commettre une infraction. L'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d'administration de la preuve, ce dont il résulte que toute partie qui a intérêt à obtenir l'annulation de l'acte peut s'en prévaloir. Cette irrégularité ayant par ailleurs irrévocablement affecté les droits de la personne mise en examen, elle lui fait nécessairement grief.
En revanche, aux termes de l'article 10-4 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6517MGH, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-993, du 17 août 2015 N° Lexbase : L2620KG7, applicable aux faits de la cause, à tous les stades de l'enquête, la victime peut, à sa demande, être accompagnée par son représentant légal et par la personne majeure de son choix. Il en résulte que l'assistance de la victime par un avocat lors de son audition au cours d'une enquête préliminaire constitue l'exercice d'un droit.

Dès lors, en statuant comme elle l'a fait, et dès lors que l'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition en enquête préliminaire constitue une irrégularité dont il est nécessairement résulté un grief pour la personne mise en examen, la chambre de l'instruction a, selon la Haute Cour, méconnu le principe susvisé et les textes ci-dessus rappelés.
Cassation. Cependant, l'arrêt n'encourt la censure qu'en ce qu'il rejette l'exception de nullité de l'audition du conseil en propriété intellectuelle, dès lors qu'est régulière l'audition du dirigeant de la société, en ce qu'elle s'analyse comme celle de la victime assistée d'un avocat.
 

 

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