La lettre juridique n°545 du 24 octobre 2013 : Filiation

[Jurisprudence] Abandon judiciaire et adoption de l'enfant délaissé par ses parents : le système français validé par la Cour européenne des droits de l'Homme

Réf. : CEDH, 26 septembre 2013, Req. 4962/11 (N° Lexbase : A6553KLB)

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N9141BTQ

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

le 24 Octobre 2013

L'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme, le 26 septembre 2013, illustre la manière dont le droit français utilise l'adoption comme un outil de protection de l'enfance. Il est aussi la manifestation de la recherche difficile mais non impossible, de l'équilibre entre le respect des droits parentaux et la protection de l'intérêt de l'enfant délaissé. Cette décision permet, en outre, de présenter les subtilités du droit français relative à la question particulièrement complexe de la rupture des liens d'un enfant avec ses parents d'origine pour leur substituer des liens avec une nouvelle famille. On pourrait souhaiter que la validation du système français opéré par la Cour européenne des droits de l'Homme incite les travailleurs sociaux à mettre en oeuvre plus fréquemment des procédures semblables à celle de l'arrêt et qui restent encore trop rares... Faits. En l'espèce, la mère de l'enfant avait abandonné sa fille dans le cadre d'un accouchement sous X avant de se rétracter et de reconnaître l'enfant. Celle-ci fut cependant placée en raison de graves difficultés psychologiques de sa mère, qui ont conduit à plusieurs hospitalisations à son placement sous curatelle. Celle-ci n'ayant établi aucun contact avec sa fille, en dehors d'une visite à la pouponnière, une procédure d'abandon judiciaire fondée sur l'article 350 du Code civil (N° Lexbase : L8900G9I) fut intentée un an plus tard. Durant la procédure, la mère, profondément dépressive, envoya une carte et un cadeau d'anniversaire à sa fille, et se fit reconnaître par le juge des enfants un droit de visite qu'elle n'exerça en réalité jamais, même si elle évoquait son enfant avec ses médecins. Le tribunal de grande instance constata le désintérêt de la requérante à l'égard de sa fille, consentit à ce que l'enfant soit admis en qualité de pupille de l'Etat et délégua l'autorité parentale au service de l'Aide sociale à l'enfance. Trois ans après la décision, un appel nullité fut interjeté par la mère, ayant retrouvé sa pleine capacité, au motif que la procédure n'avait pas respecté son droit fondamental d'être assisté de son curateur. Accueillant ce motif, la cour d'appel a annulé la décision de première instance et a repris l'affaire au fond. Elle statua cependant dans le même sens que le jugement de première instance. Le pourvoi intenté contre cette décision fut rejetée par un arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2010 (1). Un après la déclaration judiciaire d'abandon et avant même que la mère intente un recours contre cette décision, le tribunal de grande instance avait prononcé l'adoption plénière de l'enfant au profit de sa famille d'accueil. La mère de l'enfant présenta une requête à la Cour européenne des droits de l'Homme, considérant que la déclaration d'abandon judiciaire et l'adoption plénière qui s'en est suivie constituaient des violations de son droit au respect de sa vie familiale fondé sur l'article 8 de la Convention (N° Lexbase : L4798AQR).

Plan. Dans un arrêt qui constitue un modèle du genre, la Cour européenne examine dans le détail les différentes décisions relatives à l'enfant pour déterminer si l'Etat français a satisfait à ses obligations positives ou négatives qui découlent de l'article 8 de la Convention. Elle s'interroge en premier lieu sur le fait de savoir si les autorités ont mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour développer la vie familiale existant entre la requérante et sa fille (I), pour ensuite examiner si les ingérences dans le droit au respect de la vie familiale que constitue, d'une part, la déclaration judiciaire d'abandon (II) et, d'autre part, le prononcé de l'adoption plénière (III), remplissent les conditions nécessaires pour ne pas constituer une violation de la Convention.

I - Le respect de l'obligation positive de développer les liens familiaux

Fondement. De manière classique, la Cour européenne affirme dans l'arrêt du 26 septembre 2013, qu'au-delà des ingérences arbitraires, l'article 8 met à la charge de l'Etat des obligations positives inhérentes au respect effectif de a vie familiale. "Ainsi, là où l'existence d'un lien familial se trouve établie, l'Etat doit en principe agir de manière à permettre à ce lien de se développer". Logiquement, la Cour considère qu'elle doit s'attacher à vérifier si, préalablement à la déclaration d'abandon et au prononcé de l'adoption, l'Etat avait rempli son obligation de favoriser le développement du lien familial. La Cour consacre ainsi, semble-t-il pour la première fois de manière aussi claire, l'obligation première qui pèse sur les Etats d'aider les parents à développer une relation effective avec leurs enfants avant d'envisager leur séparation et ce, même si, comme le juge européen le constate, le lien entre la mère et l'enfant était ténu. Les seules manifestations d'intérêt ont en effet consisté en une reconnaissance de filiation, une visite à l'enfant quelques mois plus tard, l'envoi d'une carte accompagné d'un colis pour son premier anniversaire et la déclaration d'appel contre la décision prononçant l'abandon judiciaire. La Cour déduit de cette vie familiale réduite une grande marge d'appréciation pour l'Etat. Elle procède cependant au contrôle du respect de l'obligation par les autorités françaises de développer le lien familial.

Appréciation. La Cour constate que les autorités internes n'ont absolument pas fait obstacle aux rencontres entre la requérante et sa fille mais qu'au contraire, les visites sollicitées par la mère ont été rendues possibles, soit par le service de l'Aide sociale à l'enfance, soit par le juge des enfants, lequel a accordé un droit de visite médiatisé bimestriel. De même, la Cour note que si la requérante a été hospitalisée sans son consentement durant une grande partie de la période examinée, il n'est pas allégué que les autorités médicales se seraient opposées à l'exercice de ce droit de visite. La Cour estime donc que l'Etat n'a pas manqué à son obligation de favoriser le développement du lien familial avant d'envisager la solution d'une rupture de ce lien, qui a été suggérée par la requérante elle-même devant l'expert psychologue et dans un courrier adressé au juge des enfants.

Cette analyse conforte la position du droit français qui consacre le principe du maintien des liens de l'enfant avec ses parents, conformément aux exigences du droit européen et international. Sans doute pourrait-on même regretter que cette exigence occupe parfois une place si prépondérante qu'elle devient un obstacle pour envisager une rupture des liens. Tel n'a pas été le cas en l'espèce dans laquelle, très rapidement, les services sociaux ont envisagé une rupture des liens entre l'enfant et sa mère, sans doute pour permettre à la petite fille de construire d'autres liens stables avec la famille auprès de laquelle elle avait été placée.

II - L'abandon judiciaire, ingérence légitime et proportionnée dans le droit au respect de la vie familiale

Deux étapes. La Cour européenne constate que la rupture des liens entre l'enfant et sa mère a été réalisée en deux étapes successives : la déclaration d'abandon et l'adoption plénière. Elle affirme que celles-ci ne peuvent passer pour nécessaires du point de vue des exigences de l'article 8 que si elles ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts de l'enfant et de la mère, l'intérêt de l'enfant devant constituer la considération déterminante, et si le processus décisionnel a permis à la requérante de jouer un rôle assez important pour satisfaire aux exigences de l'article 8. Pour ce qui est de l'abandon judiciaire, deux questions se sont donc posées : celle de savoir si, au fond la décision était motivée par des raisons impérieuses et si les droits procéduraux de la mère avaient été suffisamment respectés.

1° La légitimité de la décision judiciaire d'abandon

Légalité et but légitime. L'article 350 du Code civil permet au tribunal de grande instance de prononcer l'abandon judiciaire d'un enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'Aide sociale à l'enfance dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant plus d'un an. La Cour considère, à juste titre, que cette disposition légale visent à préserver la santé et la moralité des mineurs, et à protéger leurs droits, en permettant de déclarer abandonné l'enfant dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant une durée d'un an et de le rendre adoptable. S'il s'agit à l'évidence d'une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale, celle-ci qui est prévue par la loi et poursuit un but légitime au sens du second paragraphe de l'article 8 de la Convention. Le point décisif est, dès lors, de savoir si elle était nécessaire "dans une société démocratique".

Abandon originel. La Cour relève, tout d'abord, que cette affaire se distingue d'une grande partie de celles dont elle a eu à connaître, en ce que la prise en charge initiale de l'enfant par l'Etat n'a pas pour origine une initiative des autorités internes. En effet, l'enfant, née le 16 septembre 2002, a été immédiatement admise comme pupille de l'Etat à titre provisoire et confiée à l'Aide sociale à l'enfance, en raison de la demande de la mère de conserver le secret de la naissance, et ce antérieurement à la première hospitalisation de cette dernière sans son consentement.

Opportunité de la déclaration judiciaire d'abandon. S'agissant de l'opportunité de la déclaration d'abandon du point de vue de l'équilibre des intérêts en présence, et, surtout, de l'intérêt supérieur de l'enfant, la Cour observe qu'une telle mesure constitue le préalable nécessaire à une éventuelle adoption. Or, elle relève, en l'espèce, que l'enfant avait bénéficié depuis sa naissance d'une prise en charge en pouponnière, puis en famille d'accueil, du fait de la carence de la mère. Cette dernière n'avait pas investi le lien de filiation de manière significative. La famille élargie n'avait, quant à elle, pas manifesté d'avantage d'intérêt, puisqu'elle s'était abstenue de rendre visite à l'enfant -l'article 350 prévoit que l'abandon n'est pas déclaré si dans l'année précédant la demande de déclaration, un membre de la famille de l'enfant a demandé à en assumer la charge et que cette demande est jugée conforme à l'intérêt de l'enfant -. Au regard de ces éléments, la Cour estime que les autorités locales ont pu, sans outrepasser leur marge d'appréciation, estimer que la déclaration d'abandon était une mesure correspondant à l'intérêt supérieur de l'enfant et proportionnée au but légitime poursuivi.

Désintérêt volontaire. En l'espèce, il apparaît que les capacités intellectuelles et affectives de la requérante n'avaient pas été altérées au point que son désintérêt apparaisse comme involontaire et qu'elle puisse invoquer une grande détresse incompatible avec une procédure judiciaire d'abandon. Cette question du caractère volontaire du désintérêt est au coeur de la plupart des débats relatif à la déclaration judiciaire d'abandon. Le désintérêt des parents doit en effet être volontaire pour la permettre. Tel n'est pas le cas lorsqu'un tiers aura empêché le parent d'entretenir des relations avec l'enfant (2) ou que l'Administration n'a pas informé les parents du lieu de placement de l'enfant (3). Les parents qui se défendent d'avoir volontairement abandonné leur enfant doivent rapporter la preuve du caractère involontaire de leur désintérêt. Avant qu'elle ne soit supprimée en 2005 (4), le texte de l'article 350 -applicable en l'espèce- prévoyait une exception de grande détresse des parents qui constituait un obstacle au prononcé de l'abandon judiciaire, en ce qu'elle conduisait à réputer involontaire le désintérêt manifeste des parents. C'est cette exception que la mère invoquait en l'espèce mais que les juridictions saisies, approuvées par la Cour européenne ont refusé de caractériser, en s'appuyant sur la persistance du désintérêt de la mère pour son enfant durant les congés d'essai et les périodes hors hospitalisation, ainsi que sur les expertises psychologiques et psychiatriques dont il ne ressortait pas que les troubles de la mère aient été de nature à altérer son jugement, l'expression de sa volonté ou la manifestation de son sentiment maternel dans les décisions relatives à sa fille. A l'inverse, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 23 novembre 2011 (5) que la condition du caractère volontaire du désintérêt n'était pas satisfaite dès lors que la mère de l'enfant présentait des anomalies mentales atteignant les sphères intellectuelles, affectives et de la volonté, et avait été hospitalisée pendant de longues périodes. La Cour européenne fait, en outre, état de l'analyse de la cour d'appel selon laquelle le placement sous un régime de curatelle ne saurait faire présumer l'impossibilité pour le bénéficiaire de manifester sa volonté ou son intérêt dans les questions qui touchent les rapports avec ses enfants.

2° Le respect des droits procéduraux de la mère

Fondement. Depuis longtemps (6), la Cour a déduit de l'article 8 une protection procédurale des parents en matière d'assistance éducative qui a été étendue à tous les domaines concernant les relations parents-enfants (7). Dès lors que mesure est susceptible de porter atteinte au droit à la vie familiale, le processus décisionnel doit "être équitable et respecter comme il se doit les intérêts protégés par l'article 8". Pour qu'il en soit ainsi, les parents doivent pouvoir jouer un rôle suffisamment important dans la procédure (8). Les mêmes garanties procédurales doivent être respectées dans le cadre des procédures relatives à l'adoption dans lequel il est capital pour le parent biologique de pouvoir s'exprimer devant l'autorité judiciaire et remettre en cause le choix d'abandonner ses enfants (9).

Approche globale de la procédure. Dans l'arrêt du 26 septembre 2013, la Cour observe que l'état de santé de la requérante dont découlait une vulnérabilité particulière appelait de la part des autorités internes une attention spécifique, propre à lui garantir une protection accrue. Or, elle note que la déclaration d'abandon a été prononcée en première instance dans des conditions ne satisfaisant pas aux règles internes applicables aux majeurs protégés, la curatrice de l'intéressée n'ayant pas été convoquée. La question était donc de savoir si la procédure d'appel a permis de rétablir cette irrégularité et d'accorder à la mère une place lui permettant de faire valoir ses intérêts de manière satisfaisante, la curatelle ayant été levée entre temps. A cet égard, la Cour constate que la cour d'appel, après avoir annulé la décision du tribunal de grande instance, a de nouveau statué sur la requête en abandon judiciaire, en tenant compte des éléments de faits relatifs au désintérêt manifeste de la mère pour sa fille durant l'année précédant la requête, mais aussi des arguments avancés par l'appelante, fondés sur ses troubles psychologiques et ses hospitalisations sans consentement. La Cour note que la requérante a comparu en personne, qu'elle a été assistée de son avocat, et qu'elle a pu prendre connaissance de la décision attaquée et présenter de nouvelles pièces. Il ressort de la motivation des juges qu'ils ont analysé ces dernières avec soin. La Cour en conclut que la cour d'appel a procédé à un nouvel examen complet de la demande, ce qui permet de rétablir les droits procéduraux de la requérante qui n'avait pas été respectés en première instance. Le juge européen met ainsi en oeuvre une approche globale de la procédure et fait jouer à la voie de recours en l'occurrence l'appel, un rôle de rétablissement des garanties de la convention (10).

III - L'opportunité de l'adoption rapide de l'enfant

Famille d'accueil. En l'espèce, l'adoption a été prononcée au bénéfice de la famille d'accueil auprès de laquelle l'enfant avait été placé. Le droit français accorde, en effet, dans le cadre de son adoption, une priorité à la famille qui a pris en charge l'enfant. L'article L. 225-2 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L8971G97) énonce d'ailleurs en premier lieu que "les pupilles de l'Etat peuvent être adoptés soit par les personnes à qui le service de l'aide sociale à l'enfance les a confiés pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui se sont établis entre eux justifient cette mesure soit par les personnes agrées". Selon l'article R. 224-16 du même code (N° Lexbase : L7679IUX) aucun autre projet ne peut être examiné tant qu'il n'a pas été statué sur cette demande. L'article L. 225-9 témoigne, en outre, de la faveur faite à ce type d'adoption en prévoyant que "le département accorde une aide financière sous condition de ressources aux personnes adoptant un enfant dont le service de l'aide sociale à l'enfance leur avait confié la garde". La Cour européenne a déjà été confrontée à des hypothèses d'adoption d'un enfant par sa famille d'accueil dans les arrêts du 27 avril 2010 (11) et du 17 janvier 2012 (12).

Prononcé prématuré de l'adoption. La procédure suivie dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 24 septembre 2013 est pour le moins particulière. En effet, si le prononcé de l'adoption a eu lieu avant que les voies de recours contre la déclaration judiciaire d'abandon n'aient été examinées, c'est en réalité parce qu'il s'agissait d'un appel nullité que la mère a intenté seulement trois ans après que la décision ait été rendue, alors même que l'adoption de l'enfant avait déjà été prononcée. En réalité la mère n'a agi que lorsqu'elle a retrouvé sa pleine capacité juridique et qu'elle est sortie de l'hôpital. La Cour européenne s'interroge à la demande de la mère sur le fait de savoir si l'adoption prononcée seulement un an après la décision d'abandon initiale n'était pas prématurée.

Intérêt supérieur de l'enfant. Une fois encore c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui est au coeur de l'analyse de la Cour européenne des droits de l'Homme. La Cour rappelle au préalable, comme elle l'a souvent fait dans les affaires relatives aux relations parents-parents, que l'écoulement du temps peut avoir des conséquences importantes sur la prise en charge de très jeunes enfants. Elle fait primer l'intérêt supérieur de l'enfant a être adopté rapidement, comme elle l'avait déjà fait dans un arrêt du 10 janvier 2008 (13) relatif au délai de rétractation de la mère ayant accouché sous X. Le juge européen considère à juste titre qu'une fois la déclaration d'abandon décidée, l'intérêt supérieur de l'enfant était de voir sa situation personnelle stabilisée et sécurisée par l'établissement d'un lien légalement reconnu avec sa famille nourricière (14), étant observé que l'enfant était alors âgé de trois ans et demi et qu'elle n'avait vu qu'une seule fois sa mère naturelle. La Cour en déduit que le délai d'un an ne paraît pas, en soi, contraire aux exigences de l'article 8. Elle observe, néanmoins, qu'il en est résulté la situation critiquée par la requérante, dans laquelle le réexamen de la requête en déclaration d'abandon a été fait alors qu'une adoption plénière était déjà intervenue sur la base du jugement annulé. Pour autant, la Cour remarque que cette situation est également imputable au fait que l'appel contre la déclaration d'abandon n'a été interjeté par la requérante que tardivement. Compte tenu de son abstention et de la quasi absence de manifestations d'intérêt pour sa fille antérieurement, la Cour considère que les autorités locales ont pu estimer qu'il était déraisonnable, du point de vue de l'intérêt de la mineure, de conserver plus longtemps la situation d'abandon et de prise en charge provisoire. Dès lors, elle juge que l'Etat n'a pas outrepassé sa marge d'appréciation en considérant que l'intérêt supérieur de l'enfant commandait le prononcé de l'adoption plénière avant que les voies de recours contre la décision d'abandon aient été examinées.

Il était particulièrement difficile en l'espèce de reprocher au juge d'avoir prononcé l'adoption un an après la déclaration judiciaire d'abandon alors qu'aucun recours n'était engagé contre cette dernière décision, l'intervention ultérieure de l'appel nullité était particulièrement inattendue. Une solution contraire consistant à imposer d'attendre plusieurs années avant le prononcé de l'adoption serait tout à fait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. La longueur excessive des procédures relatives à ces questions est déjà souvent dénoncée notamment par les travailleurs sociaux et il serait totalement inopportun d'ajouter des conditions supplémentaires de délai entre la déclaration judiciaire d'abandon et l'adoption.


(1) Cass. civ. 1, 23 juin 2010, n° 09-15.129, F-P+B+I (N° Lexbase : A2719E34), AJFam., 2010, p. 433, obs. F. Chénédé.
(2) Cass. civ. 1, 3 octobre 1978, n° 77-13.953 (N° Lexbase : A9136CE4), Bull. civ. I, n° 285, D., 1979, IR, 47.
(3) CA Paris, 8 novembre 1996, Dr. fam. 1997, comm. n° 157, obs. P. Murat ; et Cass. civ. 1, 12 octobre 1999, n° 97-05.002 (N° Lexbase : A1647CSS), Dr. fam., 2000, comm. n° 3, obs. P. Murat, qui illustrent l'hypothèse dans laquelle le placement de l'enfant constitue une première rupture susceptible d'être exploitée pour rendre l'enfant adoptable par le biais de la déclaration judiciaire d'abandon.
(4) Loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 (N° Lexbase : L6312G9N).
(5) Cass. civ. 1, 23 novembre 2011, n° 10-30.714, F-D (N° Lexbase : A0101H37), JCP éd. G, 2012, p. 49, obs. Y. Favier.
(6) F. Sudre (dir.), Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme, PUF, 2011 p. 573.
(7) CEDH, 24 février 1995, Req. 51/1993/446/525 (N° Lexbase : A6655AWE), JCP éd. G, 1996, I, 3910, obs. F. Sudre.
(8) CEDH, 13 janvier 2009, Req. 33932/06 (N° Lexbase : A2469EME) ; CEDH, 5 décembre 2002, Hoppe c/ Allemagne.
(9) CEDH, 13 janvier 2009, préc..
(10) D. Mardon, Convention européenne des droits de l'Homme et Voies de recours, Thèse Grenoble 2013, n° 234 et s..
(11) CEDH, 27 avril 2010, Req. 16318/07 (N° Lexbase : A8222EWG), JCP éd. G, 2010, 578, obs. F. Sudre.
(12) CEDH, 17 janvier 2012, Kopf et Liberda c/ Autriche, Dr. fam., 2013, Etude n° 3, nos obs..
(13) CEDH, 10 janvier 2008, Req. 35991/04 (N° Lexbase : A2492D3P), Dr. fam., 2008, Etude n° 14, nos obs..
(14) La Cour européenne considère que les liens entre la famille d'accueil et l'enfant qu'elle a recueilli pendant une période assez longue sont constitutifs d'une vie familiale : CEDH, 27 avril 2010, préc., JCP éd. G, 2010, 578, obs. F. Sudre.

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