Réf. : TA Pau, 25 avril 2013, n° 1101426 (N° Lexbase : A0258KMI)
Lecture: 6 min
N8939BTA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
le 17 Octobre 2013
Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les règles en matière de déclaration de comptes bancaires ouverts à l'étranger ?
Catherine Taurand : La levée du contrôle des changes depuis le 1er janvier 1990 a permis aux personnes physiques résidant en France d'ouvrir des comptes à l'étranger et de transférer librement des fonds hors de France.
C'est pour éviter que cette libération constitue une source d'évasion fiscale que l'obligation de déclaration de comptes bancaires ouverts à l'étranger a été introduite.
L'article 1649 A du CGI (N° Lexbase : L1746HMM) impose aux personnes domiciliées ou établies en France métropolitaine et dans les DOM de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Il est à noter que sont également soumises à cette obligation, les personnes de nationalité française qui ont établi à Monaco leur résidence habituelle depuis le 14 octobre 1957.
De facto, les personnes physiques non astreintes à l'obligation de souscrire une déclaration de revenus ne sont pas tenues à cette obligation, ce qui, à mon sens, est très contestable car ces personnes ne sont pas moins susceptibles de commettre une fraude fiscale.
C'est l'article 344 A de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L3569HM7) qui précise les règles en matière de déclaration de comptes bancaires ouverts à l'étranger.
D'abord, il donne la définition du compte étranger : il s'agit de tout compte ouvert auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces et dont le siège se situe à l'étranger.
Il rappelle également que les comptes visés sont ceux qui sont ouverts mais aussi ceux qui sont utilisés ou clos au cours de l'année fiscale.
Un compte est réputé avoir été utilisé dès lors qu'a été effectuée au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, que la personne ayant effectué cette opération soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident.
La déclaration doit être souscrite pour chacun des comptes ouverts ou utilisés à l'étranger. On y indique la désignation de l'établissement, le numéro de compte et ses caractéristiques : nature (compte ordinaire, épargne, à terme...), usage (utilisation à titre privé et/ou professionnel), type (compte simple, compte joint entre époux ou compte collectif, c'est-à-dire ouvert au nom de plusieurs titulaires, compte de succession...) et adresse communiquée au gestionnaire du compte si elle est différente de celles indiquées aux cadres 2 ou 3. La déclaration est effectuée sur un imprimé 3916 ou sur papier libre reprenant les mentions de cet imprimé.
Les infractions aux obligations de déclaration sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte non déclaré (750 euros pour les revenus antérieurs à l'année 2008). L'amende est portée à 10 000 euros lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires.
Attention, on parle ici d'une amende pour défaut de respect de l'obligation déclarative de comptes et non de taxation des sommes figurant sur lesdits comptes.
Lexbase : Que pensez-vous du jugement rendu par le tribunal administratif de Pau ?
Catherine Taurand : Dans cette affaire, un antiquaire s'est vu infliger, à l'issue d'un contrôle fiscal sur sa situation personnelle et sur son activité professionnelle, une amende de 750 euros pour défaut de déclaration de son compte Paypal (amende qui, depuis, a été portée par l'article 1736, IV du CGI N° Lexbase : L0106IWT, à 1 500 euros par compte non déclaré).
Saisi d'une demande de décharge de cette amende, le tribunal administratif de Pau a considéré, dans ce jugement du 25 avril 2013, qu'un compte Paypal doit bien être déclaré à l'administration fiscale au titre de l'article 1649 A, dès lors que la société Paypal Europe a son siège social au Luxembourg et que l'ouverture d'un compte auprès de Paypal permet notamment d'avoir accès à des services de paiement électronique et que le titulaire d'un tel compte peut procéder à des achats en ligne au moyen des fonds disponibles sur ce compte.
Le jugement n'est pas davantage motivé.
Et, en cela il est très critiquable. En effet, le cas de l'antiquaire qu'il avait à connaître semblait très litigieux mais, au lieu d'être rédigé comme un simple arrêt d'espèce s'appliquant au cas de cet antiquaire compte tenu des circonstances de l'espèce, il est rédigé comme un jugement de principe laissant sous-entendre que le seul fait de détenir un compte Paypal oblige à le déclarer quel que soit l'usage ou le non usage que l'on en fait.
C'est à mon avis une interprétation très extensive de l'article 344 A de l'annexe III au CGI.
En effet, il existe une différence de taille entre un compte à l'étranger et un service de paiement en ligne.
Le compte Paypal est un compte purement technique et Paypal n'intervient que comme un intermédiaire entre un acheteur et un vendeur.
Les sommes ne font que transiter par Paypal.
On a appris que le jugement avait été frappé d'appel. Il sera très intéressant de voir dans quel sens la cour administrative d'appel va statuer (courant 2014 en principe).
En tout état de cause, à la suite de la publication de mon article sur ce jugement (voir mon blog), les journalistes et les administrés ont demandé à l'administration des impôts de se positionner.
Dans la journée du 7 octobre 2013, face au tollé général, la Direction générale des finances publiques a tenu à rassurer les personnes détentrices d'un compte Paypal en assurant qu'elle n'infligerait pas d'amende à des personnes françaises qui utilisent une solution de paiement dématérialisée (de type Paypal ou autre) pour faire des achats ou des transactions de vie courante.
Cette position n'est pas écrite et ne peut pas encore être considérée comme une doctrine fiscale au sens strict, mais c'est déjà un premier pas salutaire de l'administration fiscale.
Elle implique que seules les personnes faisant un usage professionnel de ces solutions de paiement seraient soumises à l'obligation de déclaration.
Mais même cette solution est critiquable puisque l'usage professionnel ou non de Paypal ne modifie en rien la nature du compte, qui, encore une fois, n'est qu'un compte technique, un porte-monnaie électronique dans lequel les fonds ne font que transiter.
Lexbase : Tous les dépôts d'argent effectués sur internet (via des sites de jeux en ligne, notamment, ou des sites de banque en ligne), doivent-ils être déclarés ?
Catherine Taurand : C'est parce que tout paiement via Paypal (en émission ou en réception) suppose l'ouverture d'un compte, que ledit compte a à être déclaré.
Ainsi, si les jeux en ligne supposent une ouverture de compte virtuel auprès d'une banque, dont le siège se situe à l'étranger et qu'ils brassent beaucoup d'argent, le conseil est de déclarer ces comptes.
En outre, bien entendu, une banque, qu'elle soit en ligne ou non, est une banque.
Lexbase : Qu'en est-il de la monnaie virtuelle ? L'argent déposé sur des sites comme Bitcoin doit-il faire l'objet d'une déclaration ? Y'a-t-il un risque que ce type de "placement" entre dans l'assiette de la taxe sur les transactions financières ?
Catherine Taurand : Même réponse que précédemment. Ce ne sont pas les mouvements de fonds qui doivent être déclarés, mais l'existence du compte.
Quant à la TTF, c'est un autre débat. Elle concerne en priorité les échanges d'actions et d'obligations, ainsi que les contrats dérivés (loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, art. 5 N° Lexbase : L4518IS7, qui crée les articles 235 ter ZD N° Lexbase : L5714IXW, 235 ter ZD bis N° Lexbase : L4597IS3 et 235 ter ZD ter N° Lexbase : L9897IWH du CGI).
La taxation des transactions financières va évoluer mais il y a encore trop de questions qui se posent sur son champ d'application, tant matériel que territorial.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:438939