Le Quotidien du 14 mars 2024 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Logiciels : la cession du droit d’utilisation constitue un acte de vente

Réf. : Cass. com., 6 mars 2024, trois arrêts, n° 22-22.651, FS-B N° Lexbase : A29722SU, n° 22-18.818, FS-B N° Lexbase : A29642SL et n° 22-23.657, FS-B N° Lexbase : A29662SN

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par Perrine Cathalo

le 13 Mars 2024

► L'article L. 122-6, 3°, du Code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix implique le transfert du droit de propriété de cette copie.

Faits et procédure. Le 9 avril 2008, une SA a conclu avec une SAS un contrat d'affacturage par lequel cette dernière transférait à la première, par subrogation, la propriété de ses créances à l'égard de sa clientèle. 

Le 29 mars 2013, la SAS a passé commande de différents logiciels auprès d’une société, qui les a aussitôt livrés au client final.

La SAS ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 juin 2013 et 11 juin 2014, son fournisseur de matériel informatique, a, en application de la clause de réserve de propriété insérée au contrat, revendiqué auprès de l'administrateur judiciaire de la SAS divers biens, services et logiciels et, à défaut, leur prix. La demande a été déclarée bien fondée et la SA a été déclarée irrecevable à intervenir à la procédure en revendication.

La SA ayant obtenu par subrogation le paiement de certaines créances à l'égard de sous-acquéreurs, le fournisseur, se présentant comme le réel titulaire des créances du prix de revente, l'a assignée en restitution de diverses sommes.

Par plusieurs arrêts, la cour d’appel a déduit l’existence d’une clause de réserve de propriété opposable à la SA pour soit condamner la société à payer au fournisseur une certaine somme (CA Versailles, 23 juin 2022, n° 20/05907 N° Lexbase : A618978Q), soit rejeter sa demande en paiement à l’encontre du client final (CA Versailles, 12 mai 2022, n° 21/00963 N° Lexbase : A80047WD ; CA Paris, 5-11, 7 octobre 2022, n° 20/02983 N° Lexbase : A42018PB).

La SA, qui soutient que  l'octroi de licences portant sur les logiciels ne relève pas de la vente, car il n'y a pas de transfert de propriété sur celui-ci, mais du contrat de louage de choses, a formé plusieurs pourvois devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction rejette les trois pourvois.

La Cour énonce tout d’abord que le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d'un logiciel par tout procédé (CPI, art. L. 122-6, 3° N° Lexbase : L3364ADX et L. 122-6-1 N° Lexbase : L5290L9S), étant précisé que la première vente d'un exemplaire d'un logiciel dans le territoire d'un État membre de l’Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen par l'auteur ou avec son consentement épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les États membres à l'exception du droit d'autoriser la location ultérieure d'un exemplaire.

La Chambre commerciale poursuit sa motivation en rappelant que, selon une définition communément admise, la vente est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d'un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant, et que, dans le cas particulier de la vente d'une copie d'un logiciel informatique, le téléchargement d'une copie d'un programme d'ordinateur et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation se rapportant à celle-ci forment un tout indivisible car le téléchargement d'une copie d'un tel programme est dépourvu d'utilité si ladite copie ne peut pas être utilisée par son détenteur. Ces deux opérations doivent, dès lors, être examinées dans leur ensemble aux fins de leur qualification juridique (v. CJUE, 3 juillet 2012, aff. C-128/11, UsedSoft N° Lexbase : A1914IQX ; Directive n° 2009/24, du 23 avril 2009, concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, art. 4 N° Lexbase : L1676IES). 

Plus précisément, la Cour constate qu’il est couramment admis que la mise à disposition d'une copie d'un logiciel informatique, au moyen d'un téléchargement, et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par les clients, de manière permanente, et moyennant le paiement d'un prix destiné à permettre au titulaire du droit d'auteur d'obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l'œuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie (v. CJUE, 12 octobre 2016, aff. C-166/15, Aleksandrs Ranks N° Lexbase : A6543R7H ; CJUE, 16 septembre 2021, aff. C-410/19, The Software Incubator N° Lexbase : A558544M).

En résumé, la mise à disposition d'une copie d'un logiciel par téléchargement et la conclusion d'un contrat de licence d'utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d'un prix implique le transfert du droit de propriété de cette copie.

Pour en savoir plus : v. K. Beider, La création logiciel dans le monde du travail, Lexbase Social, mars 2022, n° 899 N° Lexbase : N0841BZ8.

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