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par Vincent Vantighem
le 11 Mars 2024
Comme une vieille bande de copains qui se connaissent par cœur et se retrouvent. Une bonne quinzaine d’avocats se sont rassemblés, jeudi 7 mars, au 4e étage du tribunal judiciaire pour poser les bases du procès dantesque dit du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Entre deux sourires, ils ont enfilé leurs robes avant d’entrer dans la 32e chambre. Sans enjeu. À ce stade. Et pour cause, le « vrai » procès ne débutera que le 6 janvier 2025. Ici, il ne s’agissait que d’une audience dite « de fixation », de « mise en état » du volumineux dossier judiciaire.
L’objet de l’audience était donc de fixer le cadre de ce procès censé faire la lumière sur les soupçons qui pèsent sur Nicolas Sarkozy. À savoir le financement illégal par des fonds libyens de sa campagne présidentielle de 2007 qui l’a vu accéder au pouvoir. Et aussi sur le rôle d’une palanquée d’intermédiaires qui, selon l’accusation, se sont servis au passage.
Le président de cette audience a d’ailleurs commencé par citer, un à un, les treize prévenus de ce procès et a rappelé ce qu’on leur reproche exactement. Une litanie que les protagonistes présents dans la salle connaissaient déjà. En réalité, ils attendaient tous autre chose : le nom du magistrat appelé à présider ce dossier sensible. Et ils sont repartis insatisfaits. En effet, le président de l’audience de jeudi a indiqué que le nom du président n’était pas encore connu. « Je ne peux pas vous dire le nom, car je ne le connais pas moi-même… »
Dans l’attente du futur président d’audience
Dans les faits, la justice a lancé un appel à candidatures pour trouver celui ou celle qui s’assoira pendant quatre mois sur le siège du président. À Paris, tous les candidats potentiels ont été recalés pour une raison simple : ils ont tous eu à traiter un bout de ce dossier tentaculaire au cours de la décennie d’instruction. Il faut donc aller chercher ailleurs. À Nanterre ou à Versailles par exemple. Là où la justice est susceptible de trouver quelqu’un rodé aux arcanes des dossiers économiques, financiers et politiques et qui n’a jamais eu connaissance de ce dossier au préalable. Pas simple. « Franchement, c’était la seule question intéressante. Et on n’a pas la réponse. On est venus pour rien », soufflait l’un des avocats du dossier.
Le sujet intéresse au plus haut point. Notamment l’équipe de défense de Nicolas Sarkozy qui avait, on s’en souvient, dénoncé le choix de Sophie Clément qui avait présidé le procès en appel des écoutes de Paul Bismuth, au motif qu’elle avait naguère critiqué une réforme de la justice qu’il avait voulue, lorsqu’il était président de la République.
Deux parties civiles et Ziad Takieddine sèment le trouble
Ce n’était toutefois pas la seule question à l’ordre du jour de la 32e chambre, ce jeudi. L’audience a aussi permis de faire le point sur les nouvelles demandes de constitutions de parties civiles. Et c’est le seul point qui a, un peu animé, les débats. En effet, deux proches de victimes de l’attentat du DC10 d’UTA en 1989 ont fait valoir qu’ils entendaient se constituer à cette audience. Quel rapport, pourrait-on penser ? La Libye tout simplement…
Ces deux femmes (la fille d’une hôtesse de l’air et la sœur d’un passager victime de cet attentat qui a coûté la vie à 170 personnes, dont 54 Français) assurent avoir été profondément heurtées par l’accueil en grande pompe en France de Mouammar Kadhafi par Nicolas Sarkozy, celui-là même qui a commandité l’attentat qui a coûté la vie à leurs proches.
Leur constitution de partie civile sera-t-elle validée ? Rien n’est moins sûr. En défense, déjà, de Nicolas Sarkozy, l’un de ses avocats Thierry Herzog n’a pas caché son mécontentement en demandant véhément aux avocats de ces deux femmes si elles n’avaient pas été indemnisées lors d’une procédure conclue en 2004. Et si elles n’avaient pas signé un protocole promettant de n’engager aucune poursuite à l’avenir. Moyen de dire qu’elles n’avaient rien à faire là… « Nous verrons tout ça lors de l’audience », a répondu sobrement, mais sèchement Laure Heinich, avocate de ces deux femmes.
L’audience s’est ensuite poursuivie tranquillement sans réel coup de théâtre. Le parquet a demandé le maintien sous contrôle judiciaire de tous les protagonistes du dossier. Et chacun s’est interrogé sur le statut exact de Ziad Takieddine, renvoyé dans ce dossier, mais au Liban, pays dont il a la nationalité, depuis plusieurs années.
La prochaine audience de mise en état aura lieu le 5 septembre prochain. Les choses sérieuses débuteront quatre mois plus tard. Avec quarante journées d’audience au programme.
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