Le Quotidien du 26 février 2024 : Durée du travail

[Brèves] Décompte des heures supplémentaires : l’employeur a le droit d’apporter tout élément de preuve en l’absence d’un système formel de mesure du temps de travail

Réf. : Cass. soc., 7 février 2024, n° 22-15.842, FS-B N° Lexbase : A66172KB

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[Brèves] Décompte des heures supplémentaires : l’employeur a le droit d’apporter tout élément de preuve en l’absence d’un système formel de mesure du temps de travail. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/104882168-0
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par Lisa Poinsot

le 14 Février 2024

L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible, permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur, travaillant selon un horaire individualisé, ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies.

Faits et procédure. Une salariée saisit la juridiction prud’homale de demandes en résiliation judiciaire et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.  

À l’appui de ses demandes, la salariée invoque l’obligation pour son employeur de mettre en place un système objectif, fiable et accessible ayant pour finalité de mesurer sa durée de travail journalière.

La cour d’appel (CA Bourges, 4 mars 2022, n° 21/00626 N° Lexbase : A62507P8) examine les éléments produits. La salariée apporte les éléments suivants :

  • des relevés des heures de travail quotidiennes, mentionnant les heures de récupération et les heures supplémentaires ;
  • les attestations de deux témoignages ;
  • un tableau récapitulant les heures invoquées par la salariée ;
  • un décompte hebdomadaire.

L’employeur, quant à lui, apporte :

  • le cahier de relevés d’heures accomplies quotidiennement par la salariée, établi de manière manuscrite ;
  • des attestations de témoignages contredisant les témoignages de la salariée ;
  • les bulletins de salaire.

Après cet examen, elle estime que la salariée n’a pas accompli d’heures supplémentaires. La salariée est ainsi déboutée de ses demandes en résiliation judiciaire et en paiement de sommes à titre d’heures supplémentaires et de contrepartie obligatoire en repos.

Rappel. Selon l’article D. 3171-8 du Code du travail N° Lexbase : L9137H9B, lorsque les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :

  • quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies
  • chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.

    La salariée forme alors un pourvoi en cassation en soutenant que :

    • l'employeur a l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ;
    • en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences posées par les dispositions des articles L. 3171-2 N° Lexbase : L8718LGY et L. 3171-3 N° Lexbase : L7443K9K du Code du travail, qui imposent à l'employeur, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés, et de tenir à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ;
    • dans ces conditions, le juge ne peut prendre en considération, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, les documents produits par l'employeur que si ceux-ci proviennent d'un système objectif, fiable et accessible de mesure de la durée du travail du salarié mis en place par l'employeur

    La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement des articles L. 3171-2, alinéa 1er , L. 3171-3 et L. 3171-4 N° Lexbase : L0783H9U du Code du travail.

    La Haute juridiction rappelle la jurisprudence de la CJUE selon laquelle les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE, 14 mai 2019, aff. C-55/18, point 60 N° Lexbase : A1560ZBE).

    Autrement dit, l’employeur qui n’a pas respecté ses obligations en matière de décompte et de contrôle du temps de travail par la mise en place d’un système objectif fiable et accessible pour les salariés ne travaillant pas selon le même horaire collectif peut, lors d’un litige tenant au rappel des heures supplémentaires, verser des éléments de preuves autres que les documents dont la tenue est obligatoire.

    À noter. Le non-respect à ses obligations expose l’employeur a une amende administrative dont le montant maximal est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés par le manquement (C. trav., art. L. 8115-1 N° Lexbase : L6970LLQ et L. 8115-3 N° Lexbase : L0314LML).

    Pour aller plus loin :

    • lire aussi S. Tournaux, Assouplissement du régime probatoire des heures supplémentaires, Lexbase Social, avril 2020, n° 820 N° Lexbase : N2914BYL ;
    • v. ÉTUDE : Les heures supplémentaires, La charge de la preuve des heures supplémentaires, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0355ETC.

     

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