Le Quotidien du 29 janvier 2024 : Responsabilité

[Brèves] Garantie des vices cachés : qualité de vendeur professionnel et délai de prescription

Réf. : Cass. com., 17 janvier 2024, n° 21-23.909, F-B N° Lexbase : A43352EB

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N8189BZC

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

le 26 Janvier 2024

Il résulte de l'article 1645 du Code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

L’arrêt rendu le 17 janvier 2024 par la Chambre commerciale permet de revenir sur la présomption de mauvaise foi qui pèse sur le vendeur professionnel et sur la prescription de l’action en garantie des vices cachés, en particulier le délai-butoir dans lequel doit être exercée l’action en garantie des vices cachés.

Faits et procédure. La société Sogedep a vendu à la société STDA un engin agricole que celle-ci a donné en location-vente à l’exploitant d'une entreprise de débardage. Lors du ravitaillement en carburant, l'engin prend feu. Le tracteur est détruit mais l’incendie occasionne également des dégâts aux propriétés environnantes. Une expertise conclut à l’existence d’un vice caché, le moteur de la pompe d'aspiration du carburant ne répondant pas aux normes anti-déflagrations.  La société assureur de l’entreprise de débardage assigne les sociétés Sogedep et STDA en garantie des vices cachés sur le fondement de l'article 1645 du Code civil N° Lexbase : L1748ABD et la société STDA fait une action récursoire contre la société Sogerep. La cour d’appel rejette cette dernière car, en application de l’article L. 110-4 du Code de commerce N° Lexbase : L4314IX3, l’action en garantie des vices cachés ne pouvait être exercée qu’à l’intérieur d’un délai-butoir de cinq ans.

La société STDA forme un pourvoi en cassation en avançant deux arguments. D’abord, seul le vendeur professionnel, présumé connaitre les vices de la chose, ou celui qui connaissait ces vices au moment de la vente est tenu, outre à restitution du prix, des tous les dommages-intérêts envers l’acquéreur. Or, la société STDA, professionnelle des travaux forestiers, n’est pas un vendeur professionnel.

Ensuite, la société STDA reproche à la cour d’appel de déclarer irrecevable car prescrite l'action récursoire visant la société Sogedep alors « que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, sans avoir à être intentée dans un délai de prescription de cinq ans à compter du jour de la vente ».  En retenant, que la vente intervenue entre la Sogedep et la société STDA remontant au mois d'avril 2007, aucune action en garantie pour vice caché n'est plus recevable depuis le mois d'avril 2013, soit cinq ans après la date de la vente, la cour d'appel aurait violé les articles 1648, alinéa 1er N° Lexbase : L9212IDK, 2224 N° Lexbase : L7184IAC et 2232 N° Lexbase : L7744K9P du Code civil, et l'article L. 110-4 du Code de commerce.

Solution. La Cour de cassation était invitée à se prononcer sur la qualité de vendeur professionnel et sur le délai-butoir dans lequel doit être exercée l’action en garantie des vices cachés.

L’action indemnitaire fondée sur l’article 1645 du Code civil a pour avantage de permettre une réparation de l’entier préjudice. Elle ne peut toutefois être mise en œuvre que si le vendeur est de mauvaise foi. La jurisprudence opère une distinction entre le vendeur professionnel et le vendeur non professionnel. Pour ce dernier, doit être rapportée la preuve qu’il avait connaissance des vices cachés – question sur laquelle les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation (v. par ex. Cass. civ. 1, 5 novembre 2014, n° 13-23.147 N° Lexbase : A9280MZQ). En revanche, la Cour de cassation a assimilé à un vendeur professionnel à un vendeur de mauvaise foi (Cass. civ. 1, 12 octobre 2016, n° 15-19.638 N° Lexbase : A9690R7Z). Cette présomption de connaissance du vice caché est irréfragable (Cass. com., 15 novembre 1971, n° 70-11.036 N° Lexbase : A6098CHC ; Cass. com., 1er février 2011, n° 10-30.037 N° Lexbase : A3709GRS). Encore faut-il qu’il s’agisse d’un vendeur professionnel, la Cour de cassation opérant un contrôle de la qualification. En l’espèce, était en cause la qualité de vendeur professionnel de la STDA. Or, si la STDA est un professionnel, ce n’est que des travaux forestiers et pas nécessairement un vendeur professionnel. Aussi l’arrêt d’appel est-il cassé pour défaut de base légale, les juges du fond ayant à tort assimilé un peu rapidement professionnel et vendeur professionnel. Ils auraient dû rechercher « si la société STDA se livrait de façon habituelle à la vente d’engins agricoles ». Cet arrêt illustre par ailleurs le contrôle par la Cour de cassation de la qualification de vendeur professionnel retenue par les juges du fond (v. par ex. Cass. civ. 1, 24 octobre 2019, n° 18-14.720 N° Lexbase : A6427ZST ; Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-21.387 N° Lexbase : A2384R3P).

Quant au délai-butoir dans lequel doit être exercée l’action en garantie des vices cachés, la Chambre commerciale se soumet à la solution donnée par la Chambre mixte (Cass. ch. mixte, 21 juillet 2023, n° 20-10.763 N° Lexbase : A85511BC) qu’elle rappelle, au visa des articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du Code civil : « En application de ces textes, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie ». Elle confirme donc que l’action récursoire en garantie des vices cachés peut être exercée dans le délai-butoir de vingt ans de l’article 2232, peu important que la vente, commerciale ou mixte, soit antérieure à 2008. La première chambre civile s’était déjà prononcée en ce sens (Cass. civ. 1, 6 décembre 2023, n° 22-23.487 N° Lexbase : A8666174 et n° 21-21.899 N° Lexbase : A862417K).

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