Le Quotidien du 19 janvier 2024 : Actualité judiciaire

[A la une] La Cour de cassation ouvre la voie à un procès de Lafarge pour « complicité de crimes contre l’humanité »

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par Vincent Vantighem

le 18 Janvier 2024

L’un des anciens fleurons de l’industrie française jugé pour « complicité de crimes contre l’humanité ». Il y a quelque chose d’incongru dans cette phrase et pourtant c’est sans doute le sort qui attend désormais le cimentier Lafarge (désormais détenu par le groupe suisse Holcim). La Cour de cassation a, en effet, validé, mardi 16 janvier, la mise en examen du groupe industriel après des années de procédures. Si longues qu’elles nous amènent aujourd’hui à nous replonger dans une des périodes les plus troubles de l’histoire récente. Celle de la mainmise de l’État islamique (Daesh) en Syrie et les conséquences qu’elle a entraînées.

L’ancien fleuron de l’industrie française est accusé d’avoir maintenu jusqu’en 2014 une cimenterie sur le site syrien de Jalabiya, alors même que le pays s’enfonçait dans une crise sans précédent. Pour se faire, elle est soupçonnée d’avoir versé, entre 2013 et 2014, par le biais d’une filiale locale, plusieurs millions d’euros à des groupes djihadistes appartenant à la galaxie de Daesh. En contrepartie, le groupe terroriste se serait abstenu de s’en prendre à ses installations alors qu’il ravageait par ailleurs le pays et même ses plus hauts sites archéologiques.

Sur ce site de Jalabiya mis en service en 2010 et qui lui avait coûté plusieurs centaines de millions d’euros, Lafarge avait fait travailler jusqu’en 2014 des salariés syriens, exposés aux risques d’extorsion et d’enlèvement, tandis qu’il avait fait évacuer ses employés de nationalité étrangère en 2012. Preuve, selon l’accusation, qu’il n’ignorait rien du risque encouru et de la situation autour de l’usine. Finalement, Lafarge avait abandonné le site en 2014, laissant ensuite l’État islamique en prendre possession.

La « mise en danger de la vie d’autrui » écartée par la Cour de cassation

Dans ce dossier, la justice française avait ouvert une information judiciaire en 2017. Lafarge SA, la maison-mère de l’entreprise, avait été mise en examen l’année suivante pour « complicité de crimes contre l’humanité », « financement d’entreprise terroriste » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Au total, huit cadres, dont l’ex-patron Bruno Lafont, sont mis en examen personnellement dans cette affaire.

Soupçonner une entreprise de complicité de crimes contre l’humanité est un fait rarissime. Qui a un impact énorme en termes de notoriété. Et qui explique donc les recours multiples engagés par l’entreprise pour faire annuler les mises en examen. Mais finalement, au terme d’une longue bataille procédurale, la Cour de cassation a donc validé l’analyse juridique initiale, faisant désormais planer la menace d’un procès pour le groupe industriel.

Deux procès même. Puisque la mise en examen pour « financement d’entreprise terroriste » devrait faire l’objet d’un procès séparé. Ne reste finalement que la mise en danger de la vie d’autrui (les salariés syriens) qui a été abandonnée par la justice. En dépit de plusieurs plaintes de salariés syriens et du soutien de plusieurs organisations non gouvernementales, la Cour de cassation a annulé cette mise en examen, partant du principe que le droit français ne pouvait, à l’époque, pas s’appliquer à ces salariés.

Mais c’est bien le seul point de satisfaction pour le groupe industriel qui risque, donc, de devoir rendre des comptes devant la justice française d’un des conflits les plus sanglants et traumatisants ayant eu lieu ces dernières années. Car, désormais avalé par le géant suisse Holcim, Lafarge avait annoncé, en octobre 2022, avoir accepté de payer une sanction financière de 778 millions de dollars aux États-Unis et de plaider coupable pour avoir aidé des « organisations terroristes », dont l’État islamique entre 2013 et 2014. Seule solution pour pouvoir échapper à un procès outre-Atlantique.

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