Le Quotidien du 8 décembre 2023 : Droit rural

[Brèves] Cessation d'activité d'un copreneur : sanction de l’absence de régularisation de la situation du copreneur resté en place ?

Réf. : Cass. civ. 3, 30 novembre 2023, n° 21-22.539, FS-B N° Lexbase : A023317R

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N7687BZQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 07 Décembre 2023

► L'article L. 411-35, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que lorsqu'un des copreneurs d'un bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom, ne crée, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°.

Le présent arrêt rendu le 30 novembre 2023 tranche une question qui méritait d’être clarifiée : en cas de cessation d’activité d’un copreneur, quelles sont les conséquences de l’absence de régularisation de la situation du copreneur resté en place afin de poursuivre le contrat à son seul nom, comme le lui permet l’article L. 411-35, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4458I4U ?

Plus précisément, s’agit-il d’un motif de résiliation judiciaire sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°, du même code N° Lexbase : L8924IWG, qui prévoit que le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ?

Ou bien cela prive-t-il simplement le preneur resté en place de sa faculté de céder le bail dans les conditions de l'article L. 411-35.

Dans son arrêt rendu le 30 novembre 2023, promis aux honneurs du bulletin, la Haute juridiction retient la seconde option aux termes d’une motivation enrichie, alors qu’elle avait retenu l’option inverse dans un précédent arrêt inédit (Cass. civ. 3, 4 mars 2021, n° 20-14.141, F-D N° Lexbase : A02404K4).

En l’espèce, les bailleurs se référaient manifestement à cet arrêt puisqu’ils exposaient l’argument  suivant : l'article L. 411-31, II, 1°, du Code rural et de la pêche maritime permet au bailleur de demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 du même code ; aussi, le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information du propriétaire, en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, qui doit s'entendre comme la cessation de sa participation à l'exploitation de façon effective et permanente, constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation de l'article L. 411-35.

Et l’argument est effectivement convaincant si l’on s’en tient à une lecture stricte des textes. Mais la Haute juridiction choisit de modifier sa position en adoptant ici une interprétation téléologique de la loi.

C’est ainsi qu’en l’espèce, reprochant à la copreneuse restée en place de ne pas leur avoir demandé la poursuite du bail à son seul nom alors que le copreneur aurait cessé de participer à l'exploitation du bien loué, les bailleresses avaient assigné les preneurs en résiliation du bail. Elles n’obtiendront pas gain de cause devant la Cour suprême, qui rejette l’argument aux termes d’une motivation enrichie.

Elle relève ainsi qu’aux termes de l'article L. 411-35, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du Code civil N° Lexbase : L1839ABQ, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. À défaut d'agrément par le bailleur, la cession peur être autorisée par le tribunal paritaire.

Selon l'article L. 411-35, alinéa 3, de ce code, issu de la loi n° 2014-1170, du 13 octobre 2014, lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom.

Selon l'article L. 411-31, II, 1°, du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35.

La formalité prévue par le deuxième de ces textes a pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder dans les conditions de l'article L. 411-35.

En effet, la cessation de la participation à l'exploitation du bien loué par l'un des copreneurs, qui y reste tenu, est de nature à faire obstacle à la cession du bail (Cass. civ. 3, 3 février 2010, n° 09-11.528 N° Lexbase : A6149ER8).

Ce texte ne crée donc, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Cession du bail rural, sous-location et cotitularité du bail, spéc. Cessation d'activité d'un copreneur et poursuite du contrat par l'autre copreneur in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9061E9H.

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