Réf. : CJUE, 28 novembre 2023, aff. C-148/22 N° Lexbase : A662914B
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N7564BZ8
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par Lisa Poinsot
le 05 Décembre 2023
► Afin d’instaurer un environnement administratif totalement neutre, une administration publique peut interdire le port visible, sur le lieu de travail, de tout signe révélant des convictions philosophiques ou religieuses ;
Une telle règle n’est pas discriminatoire si elle est appliquée de façon générale et indifférenciée à l’ensemble du personnel de cette administration et se limite au strict nécessaire.
Telles sont les solutions énoncées par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 28 novembre 2023.
Faits et procédure. Une employée, qui exerce ses fonctions de chef de bureau principalement sans contact avec les usagers du service public, se voit interdire de porter le foulard islamique sur son lieu de travail. Par la suite, son employeur (une administration publique) modifie son règlement de travail et impose dorénavant à ses employés de respecter une stricte neutralité : « toute forme de prosélytisme est interdite et le port de signes ostensibles d’appartenance idéologique ou religieuse est interdit à tout travailleur, y compris à ceux qui ne sont pas en relation avec les administrés ».
Soutenant que sa liberté de religion a été violée et qu’elle est victime d’une discrimination, l’intéressée saisit la juridiction nationale compétente qui se demande si la règle de neutralité stricte imposée par l’administration publique engendre une discrimination contraire au droit de l’Union européenne.
Elle décide alors de saisir la CJUE à titre préjudiciel.
La solution. La CJUE estime que la disposition du règlement de travail de l’administration publique peut être considérée comme poursuivant un objectif légitime, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b) de la Directive n° 2000/78, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4.
En effet, chaque État membre et toute entité infra-étatique dans le cadre de ses compétences, disposent d’une marge d’appréciation dans la conception de la neutralité du service public qu’ils entendent promouvoir sur le lieu de travail, en fonction du contexte propre qui est le leur. Cela étant, cet objectif doit être poursuivi de manière cohérente et systématique, et les mesures adoptées pour l’atteindre doivent se limiter au strict nécessaire.
Par ailleurs, la Cour souligne que l’objectif légitime consistant à assurer, à travers une telle politique de « neutralité exclusive », un environnement administratif totalement neutre ne saurait être efficacement poursuivi que si aucune manifestation visible de convictions, notamment philosophiques ou religieuses, n’est admise lorsque les travailleurs sont en contact avec les usagers du service public ou sont en contact entre eux. En effet, le port de tout signe, même de petite taille, compromet l’aptitude de la mesure à atteindre l’objectif prétendument poursuivi et remet ainsi en cause la cohérence même de cette politique.
Enfin, il appartient aux juridictions nationales de vérifier le respect de ces exigences.
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