Lexbase Fiscal n°860 du 1 avril 2021 : Fiscalité des entreprises

[Focus] Extension du remboursement anticipé des créances de carry-back aux entreprises en procédure de conciliation

Lecture: 8 min

N7062BY9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Focus] Extension du remboursement anticipé des créances de carry-back aux entreprises en procédure de conciliation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66293744-documentelastique
Copier

par Guillaume Massé, Avocat à la Cour et Estelle Biemmi, Juriste, D'Alverny Avocats

le 01 Avril 2021


Mots-clés : loi de finances pour 2021 • entreprises • créances de carry-back • procédure de conciliation

En réponse à la crise sanitaire, la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 (loi n° 2020-935, du 30 juillet 2020, de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : N4307BY8) et la loi de finances pour 2021 du 29 décembre 2020 (loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 N° Lexbase : L3002LZ9) sont venues remettre au gout du jour la possibilité du remboursement anticipé des créances de carry-back. Ces mesures ont été récemment commentées au BOFiP du 24 février 2021 (BOI-IS-DEF-20 N° Lexbase : X8716ALE).

Si la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 a prévu de manière exceptionnelle l’extension de ce dispositif à toutes les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés pour l’exercice clos au 31 décembre 2020, la loi de finances pour 2021 est venue étendre, de manière perpétuelle, la possibilité de remboursement des créances de carry back aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation. En effet, cette possibilité n’était jusqu’à présent ouverte que pour les entreprises faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.


 

Pour rappel, le mécanisme de carry-back permet d’imputer le déficit fiscal constaté au titre d’un exercice sur le résultat bénéficiaire de l’exercice précédent dans la limite d’un million d’euros (CGI, art. 220 quinquies N° Lexbase : L9172LNZ). L’imputation du déficit fait naître une créance sur le Trésor qui correspond à l’excédent d’impôt sur les sociétés antérieurement versé (cette créance n’est pas imposable).

En principe, la créance issue du report en arrière pourra être utilisée pour le paiement de l’impôt sur les sociétés durant les cinq années suivant la clôture de l’exercice durant lequel le report en arrière a été exercé. Si elle n’est pas utilisée durant ces cinq années, la créance sera automatiquement remboursée. Si l’administration ne s’acquitte pas spontanément de cette obligation, l’entreprise doit présenter une demande de remboursement dans le délai de prescription quadriennale (suivant l’expiration de la cinquième année).

Par exception, il a été prévu dès 2011 que les entreprises faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire peuvent demander le remboursement anticipé de leurs créances (CGI, art. 220 quinquies, I, al. 5). Cette possibilité était donc déjà ouverte uniquement pour les entreprises en difficultés.

Quelles nouveautés ?

Dans le contexte de la crise sanitaire, le Gouvernement a mis en place, dans la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020, article 5, un dispositif temporaire permettant de demander le remboursement anticipé des créances de carry-back (constatées au plus tard lors de la clôture de l’exercice au 31 décembre 2020) pour l’ensemble des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.

Sont donc visés par cette faculté de remboursement anticipé, le stock de créances de report en arrière des déficits, résultant d’une option déjà exercée à la clôture des exercices 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, ainsi que les créances qui sont constatées en 2020. Les entreprises en conciliation pouvaient donc déjà, sur ce fondement, demander le remboursement anticipé de leurs créances de carry-back.

La loi de finances pour 2021 vient étendre ce dispositif, de manière pérenne, aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation (CGI, art. 220 quinquies, I, al. 5 modifié). À compter du 1er janvier 2021, celles-ci pourront donc désormais aussi solliciter le remboursement de la créance non utilisée à compter de la date de l’ouverture de la procédure de conciliation.

Quelles entreprises concernées ?

L’article 220 quinquies du CGI vise les personnes morales et collectivités passibles de plein droit ou sur option de l’impôt sur les sociétés. Alors même que depuis une loi de 2011  [1]toutes les entreprises répondant à ces critères peuvent bénéficier de la procédure de carry-back, seules certaines peuvent demander le remboursement anticipé. En effet cette possibilité n’était jusqu’alors ouverte qu’aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

La loi de finances pour 2021 étend cette possibilité aux entreprises faisant l’objet de la procédure de conciliation prévue par l’article L. 611-4 (N° Lexbase : L8840INQ) et suivants du Code de commerce. Il s’agit des entreprises non-agricoles qui éprouvent une difficulté juridique, économique, avérée ou prévisible, et qui ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours [2].

Pour quelles créances ?

Le remboursement anticipé pourra concerner les créances non-utilisées à compter de la date de la décision d’ouverture de la procédure de conciliation, mais également pour les créances nées pendant la période couverte par la procédure.

La doctrine administrative l’avait déjà précisé concernant le remboursement anticipé des créances nées pendant la période de couverture par les procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.

Il est admis que les créances de carry-back existantes, et encore non utilisées par les entreprises au 1er janvier 2021 pourront faire l’objet de la demande de remboursement anticipé [3].

Le remboursement sera effectué après déduction d’un intérêt appliqué à la créance au taux d’intérêt légal applicable le mois suivant la demande de l’entreprise.

En cas d’intégration fiscale, la société tête du groupe qui fait l’objet d’une procédure de conciliation peut demander, en application de la présente mesure, le remboursement anticipé :

  • des créances de report en arrière du déficit d’ensemble ;
  • des créances de report en arrière de ses déficits propres subis au titre d'exercices antérieurs à la constitution du groupe intégré ;
  • et des créances de report en arrière des déficits propres des sociétés membres subis antérieurement à leur entrée dans le groupe et qui lui ont été cédées pour leur valeur nominale.

Les créances de report en arrière des déficits subis par une société membre avant son entrée dans le groupe et qui n'ont pas été cédées à la société mère peuvent, quant à elles, être remboursées de manière anticipée à cette société membre si cette dernière fait l'objet d'une procédure de conciliation.

Le saviez-vous ?

L’administration est venue préciser que les entreprises agricoles qui font l’objet d’une procédure de règlement amiable (telle que prévu par les articles L. 351-1 N° Lexbase : L3911AEL et suivants du Code rural et de la pêche maritime) pourront également demander le remboursement anticipé de leurs créances de report en arrière des déficits. La demande de remboursement immédiat pourra intervenir à compter de la date à laquelle le président du tribunal judiciaire nomme un conciliateur conformément à l’article L. 351-4 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L2737LBY).

D’autre part, pour les entreprises dont l’exercice n’est pas celui de l’année civile, il sera possible de demander le remboursement anticipé, jusqu’au 19 mai 2021, pour les créances issues du déficit de leur exercice clos en 2020 sur le fondement de la mesure exceptionnelle mis en place par la loi de finances du 30 juillet 2020 [4].

Quelles modalités ?

La demande de remboursement anticipé devra être réalisée via l’imprimé n° 2573-SD Cerfa n° 12486 disponible sur le site de l’administration impôts.gouv.fr, accompagné d’une copie de la décision d’ouverture de la procédure de conciliation ou du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement, ou de liquidation judiciaire [5]. Il devra également être joint à la demande l’imprimé n° 2039-SD Cerfa n°14471 relatif à l’état de suivi de la créance résultant du report en arrière des déficits du millésime de l’année où la créance a été constatée (CGI, art. 46 quater-0 W, II, annexe III N° Lexbase : L8531HLK).

À retenir

Cette mesure permet aux entreprises soumises au régime de l’impôt sur les sociétés, faisant face à des difficultés économiques donnant lieu à l’ouverture d’une procédure de conciliation, d’augmenter leur trésorerie en sollicitant le remboursement anticipé de leur créance de carry-back auprès de l’administration.

Il s’agit toutefois d’une option laissée à l’entreprise qui constitue une décision de gestion qui lui est opposable [6].

Pour aller plus loin

Il ne s’agit pas de la seule mesure mis en place par la loi de finances pour 2021 pour aider les entreprises en procédure de conciliation. La loi, afin d'encourager les abandons de créance au profit des entreprises en conciliation, a également complété l'article 39, 1-8° du CGI (N° Lexbase : L7516LWB), pour permettre la déduction, sans condition, des abandons de créance à caractère commercial consentis en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L7272IZD). La déduction d'un abandon de créance à caractère commercial consenti par une entreprise créancière de l'entreprise en conciliation n'est donc pas subordonnée à la condition que l'entreprise créancière ait agi dans son propre intérêt. Des créanciers minoritaires pourront ainsi déduire la perte résultant de l'abandon de créance décidé par la majorité des créanciers.

 

[1] Loi n° 2011-1117, 19 septembre 2011, de finances rectificative pour 2011, art 2 (N° Lexbase : L1269IRG).

[2] BOI-IS-DEF-20-20 n° 80 (N° Lexbase : X4772ALC).

[3] BOI-IS-DEF-20-20 (mise à jour du 24 février 2021), § 140.

[4] BOI-IS-DEF-20 n° 1.

[5] BOI-IS-DEF-20-20, mise à jour du 24 février 2021, § 220.

[6] BOI-IS-DEF-20-10 n° 250 (N° Lexbase : X9104ALR).

newsid:477062

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus