Lexbase Fiscal n°860 du 1 avril 2021 : Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Absence d’investigation approfondie du notaire et incidence fiscale : la perte de chance ne peut être équivalente à 100 % du préjudice

Réf. : CA Rennes, 23 mars 2021, n° 19/07631 (N° Lexbase : A10644MD)

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par Marie-Claire Sgarra

le 31 Mars 2021

La perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée et ne peut être équivalente à 100 % du préjudice allégué.

 

Les faits :

⇒ les époux X, tous deux agriculteurs, étaient propriétaires de parcelles de terres, provenant d’une donation, avant de faire l’objet d’un apport en communauté par acte notarié,

⇒ les époux X ont été approchés par une société, intéressée par ces terrains constructibles,

⇒ ils ont consulté leur notaire à propos de la fiscalité applicable à la vente et ont signé une promesse de vente ; quelques jours plus tard, ils ont été informés par leur comptable que l’opération était soumise à un impôt sur la plus-value professionnelle à long terme et aux prélèvements sociaux, car les biens vendus étaient inscrits au bilan de leur exploitation agricole,

⇒ le notaire a reconnu qu’à l’occasion des différents entretiens ayant précédé la promesse de vente, il n’avait pas vérifié si les terres vendues étaient ou non inscrites à l’actif du bilan de leur exploitation ; il a régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur, dans laquelle il a admis être parti du principe que les biens vendus étaient détenus dans le patrimoine personnel des vendeurs depuis plus de trente ans et donc non soumis à l’impôt sur les plus-values en cas de vente,

⇒ les époux X estiment que le faute du notaire est en relation directe avec cette plus-value,

⇒ le TGI de Quimper a retenu la faute du notaire.

📌 Sur le devoir d’information et de conseil du notaire.

✔ Le notaire habituel des époux X, était tenu d’un devoir de conseil et d’information à leur égard, s’agissant des conséquences fiscales de la vente de leurs parcelles à la SNC LIDL.  Le notaire doit s’informer auprès des parties pour remplir son devoir de conseil et d’information.

✔ En l’espèce le notaire ne s’est pas suffisamment renseigné sur le statut des terrains vendus, en partant du postulat que ceux-ci relevaient du patrimoine personnel de ses clients. Cette absence d’investigation approfondie l’a conduit à délivrer aux époux X une information erronée sur l’incidence fiscale de l’opération envisagée.

La faute professionnelle du notaire est donc établie.

📌 Sur le montant du préjudice.

✔ Les époux X revendiquent un préjudice consommé égal au montant de l’imposition qu’ils ont acquittée et contestent la perte de chance retenue par le tribunal, en affirmant qu’il est certain que mieux informés, ils auraient renoncé à la vente de leurs parcelles.

👉 Le préjudice induit par la faute du notaire dans son obligation de conseil et d'information ne peut s'analyser que comme une perte de chance de ne pas avoir pu renoncer à la vente.

👉 Il ne saurait être égal au montant de l'imposition acquittée compte tenu de l’aléa qui s'attache nécessairement à la volonté des parties.

👉 Il convient donc de déterminer avec quelle probabilité, les époux, même mieux informés, auraient poursuivi la vente de leurs terrains aux mêmes conditions.

La cour d’appel confirme le jugement du tribunal de grande instance de Quimper, mais réévalue la somme due au titre des dommages et intérêts, la cour estimant que le préjudice résultant de cette perte de chance ne saurait excéder 45 000 euros et non 100 000 comme l’avait jugé le TGI.

 

 

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