Réf. : Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007, relative aux libertés et responsabilités des universités (N° Lexbase : L1391HY8)
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
le 07 Octobre 2010
Or, le constat est partagé, aujourd'hui, sur la crise de l'Université française face à ces évolutions structurelles. Plusieurs éléments permettent d'étayer ce constat : la crise d'orientation des étudiants (6), la crise d'insertion professionnelle de ses diplômés (7), la crise des moyens (8) et, enfin, une crise d'adaptation face à l'économie de la connaissance. Celle-ci confère un avantage compétitif aux pays disposant de la capacité d'innover, d'inventer et de déposer des brevets. Or, comme elle n'investit pas assez dans l'enseignement supérieur, la performance de la France en termes de productivité et d'innovation est médiocre.
Le sujet est sensible, en témoignent les textes successifs, adoptés pour les uns, morts-nés pour les autres (9). Mais l'Université doit faire face, de plus en plus, aux évolutions structurelles dont elle fait l'objet qui tiennent tant à l'augmentation considérable des jeunes poursuivant des études supérieures (10) qu'à la participation à la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche (11).
Sans cesse repoussée depuis plus de 20 ans, la réforme de l'Université peut, aujourd'hui, enfin, s'appuyer sur un texte bénéficiant d'une légitimité propre, tant au niveau des besoins en matière de gouvernance et d'autonomie que de l'apport des concertations effectuées au préalable avec les différents acteurs concernés par le projet (12). La loi n° 2007-1199 du 10 août 2007, relative aux libertés et responsabilités des universités (13), a, en vérité, pour ambition de surmonter l'ensemble des blocages tels qu'ils ont pu être décrits. Pour remédier à la massification de l'enseignement supérieur avec des moyens financiers et humains limités, elle redéfinit les instruments et les conditions de la gestion des universités par un renforcement du pouvoir exécutif et un resserrement des instances délibérantes. La gouvernance de toutes les universités sera rénovée dans le délai d'un an pour les rendre plus réactives, simplifier les procédures, clarifier leurs missions et accroître leur capacité d'initiative. Le législateur amène, également, plus d'autonomie et de responsabilité pour pousser les universités à l'excellence et rendre moins biaisée la concurrence avec les universités étrangères.
Nous verrons, donc, en première partie, ce que recouvre la rénovation de la gouvernance des universités (I) pour voir, en seconde partie, en quoi se matérialise leur nouvelle capacité de décision (II).
I. La rénovation de la gouvernance des universités
La loi ouvre sur l'énoncé des missions fondamentales du service public de l'enseignement supérieur (14) pour y ajouter celle d'orientation et d'insertion professionnelle qui s'inscrit dans la droite ligne des propositions pour une "professionnalisation" des études formulées par la commission du débat national université-emploi à l'automne 2006 (15). Pour la suite et concernant l'essentiel, le président devient le pivot du nouveau dispositif (B) et l'on redéfinit, au préalable, le rôle des différents conseils (A).
A. La redéfinition des rôles des conseils
Le législateur révise la composition et le mode de fonctionnement du conseil d'administration pour lui confier un rôle de stratège. Il est, désormais, une instance collégiale qui n'est plus pléthorique et qui est plus ouvert aux personnalités extérieures (7 à 8 membres). Désigné, comme le président pour 4 ans (principe de concordance des mandats), il comporte, au plus, 30 membres (16). Aucune compétence n'est retranchée dans la liste de celles dévolues jusqu'à présent au conseil, de sorte qu'il continuera à décider aussi de la pose de parcmètres dans l'enceinte universitaire ou de l'attribution de subventions de quelques dizaines d'euros à un projet étudiant. Il dispose de compétences supplémentaires. Il peut créer ou supprimer des UFR (17), alors qu'auparavant un arrêté du ministre de l'Enseignement supérieur était nécessaire. Il peut créer des dispositifs d'intéressement permettant d'améliorer la rémunération des personnels. Il définit les règles de répartition des obligations de services des enseignants-chercheurs entre les activités de recherche, d'enseignement et les autres missions.
Le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) sont peu retouchés (18). Leur mandat est, lui aussi, de 4 ans (principe de concordance des mandats). Ils sont confortés dans leur compétence consultative et leur rôle d'appui, mais ils ne disposent plus d'un pouvoir d'initiative et de propositions de mesures adressées au conseil d'administration. C'est ce dernier qui décide, ou non, de les consulter, même si, sur certains points, cette consultation est obligatoire. Passés au tamis de la réforme, leurs responsabilités sont amoindries au profit du nouveau conseil d'administration.
Un nouvel organe consacré au dialogue social est créé par décision du président de l'Université, après délibération du conseil d'administration : le Comité technique paritaire (CTP) (19). Il devra favoriser l'expression du dialogue social à l'Université et permettre, ainsi, de désencombrer les travaux du conseil d'administration des questions sociales (20).
B. Le renforcement des compétences du président
La redéfinition des rôles des conseils s'accompagne d'un renforcement des prérogatives du président de l'Université qui devient, ainsi, le porteur et le pilote du projet d'établissement. Il bénéficie, désormais, d'une plus grande légitimité, ainsi que d'une plus grande autorité. Une plus grande légitimité à travers son nouveau mode d'élection. Le président de l'Université, dont le mandat peut, dorénavant, être cumulé dans le temps, est, désormais, élu pour 4 ans (21) à la majorité absolue par les membres élus du conseil d'administration (22) (23). Alors, certes, son assise électorale se retrouve affaiblie puisqu'au lieu d'être, comme par le passé, l'élu de l'ensemble des membres du conseil d'administration, du conseil scientifique et du CEVU, il ne le sera plus que des professeurs, maîtres de conférences, étudiants et agents administratifs siégeant au conseil d'administration donc 13 personnes dans le schéma de base applicable à défaut de délibération statutaire contraire. Mais, s'il est loin d'être démontré que la réduction de l'assise électorale contribue au renforcement de son autorité, le président devrait néanmoins réussir à obtenir l'appui du conseil d'administration, la majorité dont il dispose au sein de cette instance devrait sortir renforcée de la nomination des personnalités extérieures qui sont, en effet, nommées par le président pendant la durée de son mandat.
Une plus grande autorité aussi à travers le fait que la loi rappelle, notamment, qu'il "assure la direction de l'Université" (24) (25). Cette autorité s'étend sur l'ensemble des personnels de l'Université (26). Mais, en contrepartie de ses nouvelles compétences, la responsabilité du président est aussi renforcée. Son mandat est renouvelable une fois (27), ce qui lui donne la possibilité de mieux inscrire son action dans la durée et renforce sa responsabilité, étant, de ce fait, jugé sur la base des résultats ainsi obtenus (28). En outre, le ministre en charge de l'Enseignement supérieur reste compétent pour prendre toutes dispositions qui seraient imposées par les circonstances, en cas de difficulté grave rencontrée dans le fonctionnement des organes statutaires notamment. Enfin, l'Etat reste garant de la qualité des formations et de l'équité de traitement (29).
II. L'attribution d'une nouvelle capacité de décision
Le titre III de la loi du 10 août 2007 attribue aux universités des responsabilités nouvelles qui sont, pour certaines, exercées dès l'entrée en vigueur de la loi. D'autres constituent des compétences particulières dont les universités pourront se saisir soit directement (30), soit après décision de l'Etat (31). La réforme des universités vers plus d'autonomie s'accompagne, d'abord, d'une redéfinition du rôle de l'Etat fondée sur un contrat pluriannuel (32), un contrôle de légalité renforcé et le suivi attentif de l'application de la loi, mais ce sont surtout la maîtrise de nouvelles compétences en matière budgétaire (A) et en matière de gestion de ressources humaines (B) qui se révèlent significatives.
A. Des compétences nouvelles en matière budgétaire
Au-delà des prérogatives renforcées applicables dans un délai d'un an, les universités pourront se saisir, au plus tard, dans un délai de 5 ans, d'un bloc de responsabilités et de compétences élargies. Celles-ci recouvrent, en premier lieu, la mise en place d'un budget global, incluant la masse salariale dans le cadre du contrat pluriannuel (33). Le législateur donne aussi la possibilité aux universités de mobiliser d'autres sources complémentaires de financement en créant un cadre plus incitatif aux aides et soutiens des acteurs privés. Il est, par exemple, prévu d'encourager le versement des dons (34), si répandu aux Etats-Unis, et qui donne à leur établissement une puissance financière considérable. La procédure d'agrément des ministres chargés du Budget et de l'Enseignement supérieur nécessaire, pour que les universités puissent recevoir des versements de particuliers et d'entreprises déductibles de l'impôt, est supprimée.
Le législateur confie, également, des compétences dites "particulières" aux universités qui accroissent les moyens dont elles peuvent disposer. Ces établissements peuvent, ainsi, créer une ou plusieurs fondations en leur sein par simple délibération du conseil d'administration (35). Ces fondations internes permettront aux universités de collecter des fonds privés à travers des dons d'entreprises ou d'associations d'anciens élèves notamment (36).
En parallèle, les universités peuvent se voir transférer, si elles le demandent, la pleine propriété des biens immobiliers ou mobiliers qui leurs sont affectés ou sont mis à leur disposition. Ce transfert s'effectue à titre gratuit et prend, dans tous les cas ou cela s'avère nécessaire, la forme d'une convention entre les parties visant la mise en sécurité du patrimoine après expertise contradictoire (37).
B. Des compétences nouvelles en matière de gestion des ressources humaines
La procédure de recrutement des enseignants chercheurs est, d'abord, redéfinie, afin d'en renforcer la réactivité et la transparence, à travers l'article L. 952-6-1 du Code de l'éducation. Il existait une liberté laissée à chaque discipline, via sa "commission de spécialistes", dans le choix des heureux élus. Il en va, désormais, différemment. Sur proposition du président, le conseil d'administration nomme un "comité de sélection" composé, au moins pour moitié, d'universitaires extérieurs à l'établissement. Ce comité, dont les membres, "choisis en raison de leurs compétences", doivent l'être "en majorité parmi les spécialistes de la discipline en cause", donne, sur les candidatures dont il a été saisi, un "avis motivé". Au vu de cet avis, le conseil d'administration tranche, mais, à supposer que son choix ne convienne pas au président de l'Université, celui-ci dispose d'un véritable droit de veto. Aucune affectation ne peut être prononcée dans l'établissement dont il a la charge s'il s'y oppose par voie d'"avis défavorable motivé" (38).
Dans le même ordre d'idée, le président de l'Université se voit confier la responsabilité de l'attribution de toutes les primes attribuées aux personnels de l'établissement pour mieux reconnaître et récompenser les mérites individuels (39).
Le législateur autorise, également, le président de l'université à recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels, soit pour occuper des fonctions techniques ou administratives d'encadrement, soit pour assurer, à titre dérogatoire, des fonctions d'encadrement et de recherche (40).
La gestion plus réactive des ressources humaines concerne, enfin, aussi les étudiants, puisque le président peut recruter tout étudiant inscrit en formation initiale dans un établissement d'enseignement supérieur, afin d'exercer des activités de tutorat ou de service en bibliothèque notamment (41).
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