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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe)
le 07 Octobre 2010
Après les deux arrêts statuant sur les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde, objet de nos commentaires dans ces colonnes (Cass. com., 26 juin 2007, deux arrêts, n° 06-20.820, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9315DWW et n° 06-17.821, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9314DWU ; lire La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N9341BBL), l'occasion est donnée, pour la deuxième fois, à la Cour de cassation de faire application des dispositions substantielles de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT). Il est, ici, question de la résolution du plan de continuation après le 1er janvier 2006.
En l'espèce, les sociétés Antoine Moeix et Lebegue "AML", Duhart Embouteillage, Château Lestage Simon, Haut Mayne Gravaillas, Vignoble J. Leprince et Noble Maynard avaient été placées en redressement judiciaire. Un plan unique de continuation avait été arrêté au profit de ces sociétés. Le 28 juillet 2006, le tribunal décidait la résolution du plan de continuation et prononçait la liquidation judiciaire de ces sociétés. Le commissaire à l'exécution du plan était désigné liquidateur. Les sociétés placées en liquidation judiciaire ont relevé appel de ce jugement et saisi le premier président d'une demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire. L'arrêt de l'exécution provisoire a été ordonné.
Le liquidateur a alors formé un pourvoi à l'encontre de l'ordonnance du premier président arrêtant l'exécution provisoire, en soutenant que le premier président de la cour d'appel ne pouvait arrêter l'exécution provisoire du jugement qui prononce la résolution du plan. La question centrale posée à la Cour de cassation porte donc sur le périmètre de l'article 328 du décret du 28 décembre 2005 (décret n° 2005-1677, pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L3297HET), texte qui détermine les décisions susceptibles d'arrêt d'exécution provisoire.
Pour rejeter le pourvoi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation fait d'abord application des articles L. 626-27, alinéa 2, (N° Lexbase : L4076HBL) et L. 631-19 du Code de commerce (N° Lexbase : L4030HBU) issus de la loi de sauvegarde des entreprises et 159 du décret du 28 décembre 2005 en énonçant que, "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal décide sa résolution et prononce, par un même jugement, la liquidation judiciaire ; qu'il s'ensuit que l'arrêt de l'exécution provisoire d'un tel jugement, autorisé dans les conditions prévues à l'article 328 du décret du 28 décembre 2005, dans sa rédaction applicable en la cause, en ce qu'il statue sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire emporte nécessairement arrêt de l'exécution provisoire du jugement en ce qu'il décide la résolution du plan".
Pour comprendre la solution, il convient d'abord d'indiquer que l'article L. 626-27 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises, est, par exception, applicable, à compter du 1er janvier 2006, aux procédures ouvertes avant son entrée en vigueur. Son alinéa 2 dispose que, "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et prononce la liquidation judiciaire". En l'espèce, le tribunal, dans son jugement du 28 juillet 2006, avait prononcé la résolution du plan de continuation et fixé la date de cessation de paiements au 25 novembre 2005. La résolution du plan s'était donc accompagnée de l'état de cessation des paiements. En conséquence, l'application de l'alinéa 2 de l'article L. 626-27 du Code de commerce s'imposait.
La résolution du plan de sauvegarde entraîne nécessairement, par un même jugement, le prononcé de la liquidation judiciaire. L'article L. 631-19-I du Code de commerce rend applicables au plan de redressement les dispositions du chapitre VI du titre II, au rang desquelles figure l'article L. 626-27.
Pour sa part, l'article 159 du décret du 28 décembre 2005, et plus spécialement son alinéa 2, dispose que, "lorsque le tribunal décide la résolution du plan en application du deuxième alinéa du I de l'article L. 626-27 du même code, il prononce, dans le même jugement, la liquidation judiciaire du débiteur". L'article 361 du décret du 28 décembre 2005 prévoit que "le présent décret n'est pas applicable aux procédures en cours, à l'exception des dispositions suivantes : [...] 2° Les articles 158 et 159 en ce qu'ils s'appliquent au redressement judiciaire". L'article 159 du décret du 28 décembre 2005, devenu, avec la codification, l'article R. 626-48, qui est une disposition d'application de l'article L. 626-27 du Code de commerce, est, comme cette dernière disposition, applicable aux procédures en cours à compter du 1er janvier 2006.
L'article 328 du décret du 28 décembre 2005, devenu avec la codification l'article R. 661-1 du Code de commerce, en son alinéa 1er, pose le principe selon lequel "les jugements et ordonnances rendus en nature de sauvegarde, de redressement et de liquidations judiciaires sont exécutoires de plein droit à titre provisoire".
Dans sa rédaction d'origine, l'alinéa 3 de ce même article disposait que, "par dérogation aux dispositions de l'article 524 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L4949GUT), le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire que des jugements mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 661-1 du Code de commerce et au deuxième alinéa de l'article L. 661-9 du même code, et lorsque les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux".
Le I de l'article L. 661-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4167HBX) vise :
"1° les décisions statuant sur l'ouverture des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire".
L'alinéa 2 de l'article L. 661-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L4175HBA) vise, pour sa part, le "jugement statuant sur la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation ou arrêtant ou rejetant le plan de sauvegarde ou le plan de redressement judiciaire".
Ainsi, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement prononçant la résolution du plan n'était pas envisagé. La rédaction de l'article 328, alinéa 3, du décret du 28 décembre 2005 ne peut laisser place à l'incertitude, puisque cet article énonce que le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire que des jugements mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 661-1 et au deuxième alinéa de l'article L. 661-9. Alors toute son importance doit être attachée à la précision apportée par l'alinéa 2 de l'article L. 626-27-I du Code de commerce, selon lequel, "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et prononce la liquidation judiciaire". Est-ce à dire que la liquidation judiciaire prononcée dans le cadre de la résolution du plan pouvait faire l'objet d'un arrêt d'exécution provisoire ? C'est la solution retenue, en l'espèce, par la Cour de cassation. Parce que le jugement prononçant la résolution du plan prononce la liquidation judiciaire, l'arrêt d'exécution provisoire est possible. Il s'agit, dans un premier instant de raison, d'arrêter l'exécution provisoire de la liquidation judiciaire. En arrêtant l'exécution provisoire de la liquidation, il y a dans un second temps, par effet réflexe en quelque sorte, arrêt de l'exécution provisoire du jugement prononçant la résolution du plan de continuation.
Cette construction peut convaincre. Malheureusement, elle nous semble, à la stricte lettre des textes applicables aux faits de l'espèce, reposer sur un postulat erroné.
Reprenons la liste des décisions susceptibles d'arrêt de l'exécution provisoire. N'y figurent pas, on l'a déjà précisé, les jugements prononçant la résolution du plan de continuation, de sauvegarde ou de redressement. Y figurent les jugements statuant sur l'ouverture des procédures de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 661-1-I, 1°). Force est de constater que le jugement prononçant la liquidation judiciaire par suite de la résolution du plan n'est pas un jugement statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire. Le législateur s'est, en effet, efforcé de distinguer très nettement les décisions ouvrant et celles prononçant la liquidation judiciaire. Lorsque le législateur vise les décisions ouvrant la liquidation judiciaire, il s'agit de la liquidation judiciaire immédiate, celle qui n'a été précédée ni d'une sauvegarde, ni d'un redressement judiciaire. Au contraire, lorsque le législateur évoque les jugements prononçant la liquidation judiciaire, il s'agit de décisions intervenues sur conversion d'une sauvegarde ou d'un redressement.
L'alinéa 2 de l'article L. 661-9 du Code de commerce vise, quant à lui, le "jugement statuant sur la liquidation judiciaire au cours de la période d'observation". Très clairement, il ne s'intéresse qu'à l'hypothèse d'un jugement intervenu sur conversion, puisqu'il présuppose une période d'observation.
Au contraire, le 2° de l'article L. 661-I-1 du Code de commerce s'intéresse aux "décisions statuant sur la liquidation judiciaire". Malheureusement, l'article 328, alinéa 3, du décret, devenu l'article R. 661-1, alinéa 3, du Code de commerce, ne met pas au rang des décisions susceptibles d'arrêt de l'exécution provisoire, les décisions statuant sur la liquidation judiciaire, ce qui aurait permis d'englober, non seulement les décisions prononçant la liquidation judiciaire, mais encore celles l'ouvrant.
Ainsi, on le voit, la Cour de cassation, pour parvenir à son résultat, est obligée, implicitement, mais nécessairement, d'assimiler la liquidation judiciaire prononcée dans le cadre d'une résolution du plan à une ouverture de liquidation judiciaire. Il n'est pas anodin de constater le flottement de la Cour de cassation, dans les vocables utilisés. Après avoir d'abord énoncé que "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal décide sa résolution et prononce, par le jugement, liquidation judiciaire", la Cour de cassation poursuit en indiquant que "l'arrêt de l'exécution provisoire d'un tel jugement [...] en ce qu'il statue sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire emporte nécessairement arrêt de l'exécution provisoire du jugement en ce qu'il décide la résolution du plan".
La lettre de l'article L. 626-27-I, alinéa 2, du Code de commerce vise pourtant uniquement le jugement qui prononce la liquidation judiciaire, non celui qui ouvre, ce qui nous semble condamner la solution retenue par la Cour de cassation.
Faut-il pour autant condamner la solution de la Cour de cassation ? Nous ne le pensons pas. Pourquoi le législateur a-t-il voulu permettre l'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement qui ouvre la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire et non de celui qui prononce cette même liquidation judiciaire ? Il y a à cela une raison d'évidence. L'on passe de la situation d'un débiteur in bonis à celle d'un débiteur qui est placé sous procédure collective. La chose est particulièrement grave. Au contraire, lorsque le débiteur, d'abord sous procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, est placé en liquidation judiciaire, il reste sous procédure collective. C'est donc le passage d'une situation in bonis à une situation de procédure collective qui permet de justifier la possibilité de l'arrêt de l'exécution provisoire. Or, lorsque le débiteur obtient un plan de continuation, de sauvegarde ou de redressement, il est remis à la tête de ses affaires. En cas de résolution plan et de prononcé de la liquidation judiciaire, il passe de nouveau d'une situation in bonis à une situation de procédure collective. Tout se passe donc, pour lui, comme s'il y avait ouverture d'une procédure collective et il est, en conséquence, logique d'adopter les mêmes solutions, en ce qui concerne l'arrêt d'exécution provisoire, que dans l'hypothèse d'une procédure collective initiale. C'est donc, a priori, par abus de langage, que l'article L. 626-27-I, alinéa 2, du Code de commerce vise le jugement qui prononce la liquidation judiciaire plutôt que celui qui l'ouvre.
A cet égard, il n'est pas neutre d'observer que l'article L. 626-27-I du Code de commerce envisage deux hypothèses de résolution du plan de sauvegarde et, du fait du renvoi opéré à cette disposition par l'article L. 631-19-I du même code, du plan de redressement. Il est distingué, d'une part, entre la résolution du plan, qui s'accompagne de l'état de cessation des paiements et emporte nécessairement le prononcé de la liquidation judiciaire et, d'autre part, la résolution du plan qui ne s'accompagne pas de la caractérisation de l'état de cessation des paiements et qui n'entraîne pas le prononcé d'une liquidation judiciaire. En ce cas, l'article R. 661-1 du Code de commerce n'autorisera pas l'arrêt de l'exécution provisoire.
Indiquons également que l'article R. 661-1, alinéa 3, du Code de commerce a été modifié par le décret du 23 décembre 2006, qui a ajouté que le premier président de la cour d'appel peut arrêter, lorsque les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux, l'exécution provisoire des décisions qui ne sont pas exécutoires de plein droit (par exemple, les décisions prononçant la faillite personnelle), ainsi que les décisions étendant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire de liquidation judiciaire à une ou plusieurs autres personnes que le débiteur (extension sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité).
Le lecteur aura compris que l'une des difficultés de la présente espèce tient à la technique législative de renvois par un texte à un ou plusieurs autres. Cette technique de rédaction des textes est épouvantable. Un risque majeur dans l'interprétation des textes, contraire à l'intelligibilité du droit, principe supérieur, est alors créé. Tout le monde ne peut identifier, du premier coup, et à coup sûr, dans un texte comportant, comme c'est le cas pour l'article L. 661-1 du Code de commerce, un I, un II, un III, le I comportant lui-même un 1°, un 2°, un 3°, ce qu'est un alinéa. Même si les textes sont un peu plus longs, s'ils sont plus lisibles, personne, à part peut-être les maisons d'éditions, ne s'en plaindra. Il faut en terminer avec ces renvois à l'alinéa x de tel I, de tel article.
Sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, le débiteur personne physique devait avoir une certaine qualité subjective pour être déclaré en redressement ou en liquidation judiciaire : commerçant, personne inscrite au répertoire des métiers (artisan) ou agriculteur. La perte de cette qualité pouvait constituer un obstacle à l'ouverture de sa procédure. L'article L. 621-15 du Code de commerce, dans la rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L6867AI8) (anc. L. 25 janv. 1985, art. 17), avait précisément vocation à régir la difficulté, en énonçant que "le tribunal ne peut être saisi que dans le délai d'un an, à partir de l'un des événements mentionnés ci-après, et lorsque celui-ci est postérieur à la cessation des paiements du débiteur : [...] 2° cessation de l'activité s'il s'agit d'un artisan ou d'un agriculteur".
Le législateur, sans doute pour tenir compte du fait que la procédure de sauvegarde présuppose l'anticipation, ne prévoit pas la possibilité pour le débiteur retiré de bénéficier de la procédure de sauvegarde (F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 149), puisque son retrait rend inutile toute recherche d'anticipation.
En revanche, le législateur de sauvegarde des entreprises maintient la possibilité d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. L'article L. 631-3, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L4014HBB) prévoit ainsi la possibilité, pour une personne physique retirée, de bénéficier d'une procédure de redressement judiciaire. La même solution est posée pour le bénéfice de la liquidation judiciaire, par l'article L. 640-3, alinéa 1er, du même code (N° Lexbase : L4040HBA). Le débiteur peut donc solliciter l'ouverture de la liquidation judiciaire, la demande n'étant pas réservée aux créanciers, contrairement à ce qu'a cru devoir affirmer une juridiction du fond (CA Metz, ch. civ., 6 février 2007, n° 06/02320, Gaz. proc. coll. 2007/3, p. 25, note Ch. Lebel).
L'article L. 631-3, alinéa 1er, du Code de commerce dispose que "la procédure de redressement judiciaire est également applicable aux personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 631-2 (N° Lexbase : L4013HBA) après la cessation de leur activité professionnelle si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière". De même, en application de l'article L. 640-3, alinéa 1er, du Code de commerce, "la procédure de liquidation judiciaire est également ouverte aux personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2 (N° Lexbase : L4039HB9) après la cessation de leur activité professionnelle, si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière".
Le grand changement entre la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises et la loi du 26 juillet 2005 tient à la suppression, par la seconde de ces législations, du délai d'un an à partir de la cessation d'activité pour saisir le tribunal aux fins d'ouverture de la procédure collective, du moins si la saisine est à l'initiative du ministère public, du tribunal d'office ou du débiteur. Le délai d'un an a été maintenu, en revanche, si la saisine est à l'initiative d'un créancier.
Dès lors, une question est née, objet de la demande d'avis émanant du tribunal de grande instance de Bastia : le professionnel ayant cessé son activité avant que la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT) soit applicable peut-il, depuis la date d'entrée en vigueur de ce texte, prendre l'initiative d'une déclaration de cessation des paiements, ce qui lui était refusé sous l'empire de la législation antérieure ?
A cette question, la Cour de cassation, dans son avis, répond que, "à compter du 1er janvier 2006, une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peut être ouverte, sur le fondement de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, à la demande d'un professionnel ayant cessé son activité et qui n'est pas déjà soumis à une procédure collective, dès lors qu'il se trouve en état de cessation des paiements et que tout ou partie de son passif provient de son activité professionnelle, peu important la date à laquelle il a cessé son activité".
La solution posée par l'avis de la Cour de cassation est claire et ne distingue pas selon que le professionnel a cessé son l'activité depuis plus d'un an ou est encore dans le délai d'une année depuis sa cessation d'activité. Il est donc envisageable, à compter du 1er janvier 2006, pour un professionnel ayant cessé son activité depuis de nombreuses années, de saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Trois observations s'imposent.
La première tient à l'obligation de respecter la condition posée par les articles L. 631-3, alinéa 1er, et L. 640-3, alinéa 1er, du Code de commerce : tout ou partie du passif de l'intéressé doit provenir de son activité professionnelle. Par cette exigence, il s'est agi d'éviter que le débiteur ne bénéficie d'une procédure réservée aux professionnels alors que ses dettes sont de nature privée (Rappr. Ph. Roussel Galle, Réforme du droit des entreprises en difficulté par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, Carré droit, Litec 2005, n° 213). Si le débiteur ne remplit pas cette condition, il relèvera du dispositif de traitement du surendettement (Rapp. Xavier de Roux, n° 2095, p. 342).
Le texte n'exige pas davantage. Spécialement, il n'impose pas que le passif soit majoritairement composé d'anciennes dettes professionnelles. La solution doit, ici, être rapprochée de la législation sur le surendettement des particuliers. Pour le professionnel retiré depuis plus d'un, avant la loi de sauvegarde des entreprises, la jurisprudence permettait l'ouverture de la procédure de surendettement si le surendettement était constitué de dettes non professionnelles, peu important en revanche qu'il soit essentiellement constitué de telles dettes.
La législation sur le surendettement est d'application exclusive par rapport à celle des procédures collectives intéressant les professionnels. Une personne relevant de la législation sur les procédures collectives et professionnelles ne peut bénéficier de la procédure de surendettement. On mesure immédiatement la difficulté avec la loi de sauvegarde des entreprises, qui a supprimé le délai d'un an pour saisir le tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Admettra-t-on la concurrence entre la loi sur le surendettement des particuliers et la loi sur les procédures collectives, offrant ainsi un choix au professionnel retiré ? Une réponse positive semble devoir être apportée. Tout sera question de la façon dont est caractérisé l'état de cessation des paiements dans un cas, l'état de surendettement dans l'autre. Si l'état de cessation des paiements a été caractérisé, ne serait-ce que pour partie, à partir de dettes professionnelles, la demande d'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire est possible. Si l'état de surendettement est caractérisé à partir de dettes non professionnelles, la procédure de surendettement est également offerte à l'intéressé. Ainsi, celui qui est tout à la fois en état de cessation de paiements à partir de dettes pour partie professionnelles et tout à la fois en état de surendettement à partir de dettes non professionnelles, a le choix de la procédure. La procédure collective absorbe cependant la procédure de surendettement. En conséquence, une fois la procédure collective ouverte, d'évidence, une procédure de surendettement ne peut prospérer. A l'inverse, l'existence d'une procédure de surendettement ne semble pas faire obstacle à la possibilité de demande d'ouverture d'une procédure collective. L'avis de la Cour de cassation est ici sans ambiguïté, puisqu'il autorise la demande émanant d'un professionnel ayant cessé son activité qui n'est pas déjà soumise à une procédure collective, sans préciser que le professionnel ayant cessé son activité ne doit pas être soumis à une procédure de surendettement. L'ouverture de la procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire, après ouverture de la procédure de surendettement, mettra logiquement fin à cette dernière.
La deuxième observation qui doit être apportée résulte également de la généralité des termes employés par la Cour de cassation. Elle vise le professionnel ayant cessé son activité, sans autre précision. La question qui vient à l'esprit est alors de savoir si un professionnel libéral, qui n'était pas éligible aux procédures collectives avant le 1er janvier 2006, qui aurait cessé son activité avant cette date, pourra néanmoins bénéficier d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire après le 1er janvier 2006. La généralité des termes employés par la Cour de cassation semble devoir conduire, même si la solution n'est pas explicitement posée, à une réponse positive. Ainsi, curieusement, le professionnel libéral en activité ne pouvait pas, avant le 1er janvier 2006, demandé l'ouverture d'une procédure collective. En revanche, après le 1er janvier 2006, ce même professionnel en activité peut demander l'ouverture d'une procédure collective. Il n'y a, dès lors, pas de bonnes raisons d'interdire à un ancien professionnel libéral le bénéfice d'une procédure collective après le 1er janvier 2006.
La troisième observation tient à l'opportunité d'un redressement judiciaire pour un professionnel retiré. L'article L. 631-3, alinéa 1, du Code de commerce prévoit la possibilité, pour le professionnel retiré, de solliciter l'ouverture d'un redressement judiciaire. Cette possibilité existait déjà sous l'empire de la législation antérieure, l'article L. 621-15 du Code de commerce prévoyant la solution. A l'époque, l'ouverture d'un redressement judiciaire à l'encontre d'une personne retirée pouvait apparaître singulier. En effet, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, le redressement judiciaire a pour objectif la sauvegarde de l'entreprise. Or, si l'activité a cessé, on voit mal comment cet objectif peut être atteint. Sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, les données de la question ont changé. Selon une partie de la doctrine (F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7e éd., 2006, n° 405 ; A. Lienhard, Sauvegarde des entreprises en difficulté, 1ère éd., Delmas, 2006, n° 1616), serait admise la possibilité d'un plan de redressement ayant pour seul objectif le paiement du passif. Deux arguments l'étayent. D'une part, le Code de commerce n'exige pas que ce plan de redressement ait une finalité autre que le paiement du passif. D'autre part, il a été observé que la procédure de redressement judiciaire, qui naturellement doit conduire à l'adoption d'un plan de redressement, peut être ouverte au bénéfice d'une personne qui a cessé d'exploiter (F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 133). On peut y ajouter un troisième argument de texte, l'article 209 du décret du 28 décembre 2005 (devenu C. com., art. R. 631-41). Selon ce texte, "lorsque la cession totale ou partielle de l'entreprise a été ordonnée, la procédure est poursuivie dans les limites prévues par l'article L. 621-3 du Code de commerce aux fins, selon le cas, de l'arrêté d'un plan de redressement ou de la liquidation du débiteur". Le texte envisage la possibilité d'arrêter un plan de redressement au profit du débiteur après arrêté d'un plan de cession totale de l'entreprise : d'évidence, ce plan de redressement judiciaire du débiteur ne peut pas tendre à la poursuite de l'activité, mais seulement au paiement de son passif. On voit ainsi, pour un professionnel indépendant retiré, l'intérêt du redressement judiciaire, qui lui permettra, sur certains délais, de payer son passif, par exemple pour éviter la vente de sa maison d'habitation.
Le plus souvent, cependant, le professionnel indépendant sera placé en liquidation judiciaire, du moins s'il en fait la demande. Le tribunal ne pourrait, alors qu'il est saisi d'une demande de redressement judiciaire, d'office le placer en liquidation judiciaire. Il est impératif, en ce cas, si le tribunal veut placer l'intéressé en liquidation judiciaire, qu'il utilise la technique de la saisine d'office. La liquidation judiciaire pourra se terminer par un jugement de clôture pour insuffisance d'actif, qui permettra aux professionnels de bénéficier de la règle de l'interdiction de reprise des poursuites individuelles de la part des créanciers antérieurs. Il se produira alors une purge de dettes, de manière économiquement comparable à celle qui existe dans la procédure de surendettement des particuliers, mais cependant juridiquement distincte. En effet, dans le premier cas, l'interdiction de reprise des poursuites individuelles n'équivaut pas à une extinction de la dette, alors que dans le régime du surendettement des particuliers, la liquidation judiciaire conduira à une suppression des dettes.
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