Réf. : Cass. com., 2 juin 2004, deux arrêts, n° 02-13.940, Société Gaussin c/ Société Alstom Power Turbomachines, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5104DCZ) et n° 02-18.700, Société Industry c/ Société Alstom Power Turbomachines, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5138DCB)
Lecture: 3 min
N1849AB4
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Cécile Petitjean, SGR - Droit des entreprises en difficulté
le 07 Octobre 2010
Dans la première affaire (Cass. com. 2 juin 2004, n° 02-13.940), la société a invoqué cette clause aux fins de fixation de sa créance. Les sociétés débitrices n'ont pas répondu à sa mise en demeure tendant à la désignation d'un arbitre. La société créancière a alors saisi la président du tribunal. Ce dernier ayant considéré qu'il n'y avait pas lieu à désignation d'un arbitre, le créancier s'est présenté devant la cour d'appel de Paris (CA Paris, 14ème ch., sect. A, 13 février 2002, n° 2001/21101, SA Alstom Power Turbomachines c/ Société Gaussin N° Lexbase : A8633A7U).
Selon les juges d'appel, "la règle d'ordre public de la suspension des poursuites individuelles et l'obligation pour le créancier de se soumettre à la procédure de vérification de sa créance ne s'opposent pas à la mise en oeuvre de la clause d'arbitrage pour l'opération de constitution du tribunal arbitral, celui-ci étant, en application de l'article 1466 du Nouveau Code de procédure civile, seul juge pour statuer sur la validité et les limites de son investiture".
Cette décision a été cassée, au motif que "le principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites individuelles interdit, après l'ouverture de la procédure collective, la saisine du tribunal arbitral par un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture sans qu'il soit soumis au préalable à la procédure de vérification des créances".
La cassation est parfaitement justifiée, la cour d'appel ayant oublié la valeur du principe de suspension des poursuites prévue à l'article L. 621-40 du Code de commerce (N° Lexbase : L6892AI4). Par cette décision, la Haute cour rappelle, une nouvelle fois, le caractère d'ordre public interne et international que revêt le principe d'arrêt des poursuites individuelles, comme elle l'avait déjà fait précédemment (Cass. civ. 1, 5 février 1991, n° 89-14.382, Société Almira films c/ M Pierrel, ès qualités de liquidateur de la société N° Lexbase : A4485AHL, Cass. civ. 1, 8 mars 1988, n° 86-12.015, Société Thinet et Cie et autre c/ M Labrely, syndic de la liquidation des biens de la société revêtement du sol, dite SRS N° Lexbase : A7680AAP). Elle permet aussi d'apercevoir le lien indissoluble entre l'arrêt des poursuites individuelles et la déclaration des créances.
Dans la seconde affaire (Cass. com, 2 juin 2004, n° 02-18.700), la société a déclaré ses créances au passif de la procédure collective. Lors des opérations de vérification des créances, elle a cherché à se prévaloir de la clause d'arbitrage.
Selon les juges d'appel, le juge-commissaire est incompétent au regard de cette clause. Les sociétés débitrices, le représentant des créanciers et le commissaire à l'exécution du plan se sont alors pourvus en cassation.
Ils invoquaient le fait que seule une instance en cours au jour du jugement d'ouverture enlève au juge-commissaire le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet d'une créance, rappelant ainsi la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation (Cass. com., 14 mars 2000, n° 96-21.222, SCP Brouard-Daude c/ société Caisse industrielle d'assurance mutuelle (CIAM), inédit N° Lexbase : A0290CTW, Cass. com., 14 mars 1995, n° 93-12.489, Société Maison Paul Perrigault c/ M Berkowicz, ès qualités d'administrateur du redressement judiciaire N° Lexbase : A1139ABS).
Cet argument est écarté par la Cour de cassation, celle-ci considérant que "lorsque l'instance arbitrale n'est pas en cours au jour du jugement d'ouverture, le juge-commissaire, saisi d'une contestation et devant lequel est invoquée une clause compromissoire doit, après avoir, le cas échéant, vérifié la régularité de la déclaration de créance, se déclarer incompétent à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ou inapplicable".
Il ne s'agit ici que de l'application de l'article L. 621-104 du Code de commerce, aux termes duquel le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate son incompétence. Dans ce dernier cas, il s'agit de l'hypothèse où la matière n'est pas de la compétence du tribunal qui a ouvert la procédure collective (Cass. com., 19 mai 1998, n° 96-13.958, Société OCP Répartition c/ Pharmacie Pottiez et autre N° Lexbase : A2692ACP, a contrario). Ainsi en est-il lorsqu'elle relève du juge administratif (J. Vallansan, J.-cl. Commercial, Procédures collectives, fasc. 2500, n° 184) ou d'un tribunal arbitral lorsque les parties ont inseré une clause compromissoire dans la convention qui a donné naissance à la créance (B. Soinne, Traité des procédures collectives, Litec, 2ème édition, 1995, p. 1779, n° 2191), tel que c'était le cas en l'espèce.
Ainsi, si le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire n'a pas pour effet de priver d'efficacité une convention d'arbitrage relative à une créance antérieure, c'est à la condition que cette dernière ait été régulièrement déclarée.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:11849