Réf. : Cass. soc., 25 mai 2004, n° 03-42.063, Mme Nadia Begue c/ CGEA Centre Ouest AGS-Rennes, FS-P+B (N° Lexbase : A2895DC9)
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le 07 Octobre 2010
Décision
Cass. soc., 25 mai 2004, n° 03-42.063, Mme Nadia Begue c/ CGEA Centre Ouest AGS-Rennes, FS-P+B (N° Lexbase : A2895DC9) Rejet de CA Orléans, 23 janvier 2003. Textes sollicités : C. trav., art. L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8) et L. 321-1 (N° Lexbase : L6105AC4). Salariés protégés ; licenciement pour motif économique ; motivation de la lettre de notification. Lien base : |
Faits
A la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de l'association dans laquelle ils travaillaient, plusieurs salariés qui y exerçaient des mandats représentatifs ont été licenciés pour motif économique. La lettre de notification énonçait, en se référant au jugement prononçant la liquidation judiciaire, une cessation d'activité et la suppression de tous les postes, mais ne mentionnait pas l'autorisation administrative de licenciement. Les salariés en cause ont alors saisi le juge de demandes d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse... demandes rejetées par les juges d'appel. |
Solution
"Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le licenciement des salariés protégés avait fait l'objet d'une autorisation administrative contre laquelle aucun recours n'avait été formé et que la lettre de licenciement qui leur a été adressée visait expressément la décision prononçant la liquidation judiciaire de l'association, a légalement justifié sa décision, le seul défaut de mention dans la lettre de l'autorisation administrative de licenciement ne pouvant avoir pour effet de le priver de cause réelle et sérieuse". |
Commentaire
On doit sans doute voir, dans cet arrêt du 25 mai 2004, une précision de la Cour de cassation à l'attention de certains salariés qui, ayant mal interprété sa jurisprudence antérieure, pensaient obtenir à bon compte de substantielles indemnités, postérieurement à leur licenciement. Si la Chambre sociale vient indirectement rappeler la nécessité de motiver la lettre de licenciement des salariés protégés, elle précise en revanche expressément les conséquences du défaut de mention, dans cette même lettre, de l'autorisation administrative de licenciement. 1. La nécessité de motiver la lettre de licenciement du salarié protégé On sait que les salariés investis d'un mandat représentatif bénéficient d'une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun, exigeant notamment et principalement que leur licenciement soit autorisé par l'inspecteur du travail (1). Cela étant, cette procédure statutaire se cumule avec la procédure ordinaire applicable à tout licenciement. Il s'en déduit, tout d'abord, que le salarié protégé menacé d'un licenciement doit être convoqué à un entretien préalable, dans les formes requises habituellement. Ensuite, et c'est là l'objet de nos propos, l'employeur devra faire parvenir au salarié, après avoir lui-même reçu notification de l'autorisation de l'inspecteur du travail, une lettre lui signifiant son licenciement (2). En application de l'article L. 122-14-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5567AC8), cette lettre doit énoncer le ou les motifs du licenciement. Toutefois, la Cour de cassation considère que la lettre de licenciement qui vise l'autorisation de l'inspecteur du travail est suffisamment motivée (Cass. soc., 10 janvier 1995, n° 93-42.020, Société aux Galeries de la Croisette c/ Mme Loison, publié N° Lexbase : A1339AB9 ; Cass. soc., 12 novembre 2002, n° 00-44.435, F-D N° Lexbase : A7333A3Y). La Chambre sociale n'exige ainsi nullement que l'employeur reprenne dans la lettre de licenciement les motifs qui l'ont conduit à prendre cette mesure à l'encontre du salarié protégé. Il lui suffit de se référer à l'autorisation administrative. Cette possibilité, certains diront "facilité", se justifie sans doute par l'application des règles spécifiques (spéciales) au licenciement des salariés protégés. En effet, aux termes de l'article R. 436-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0360ADP), "la décision de l'inspecteur du travail est motivée. Elle est notifiée à l'employeur et au salarié". Par suite, le salarié sera suffisamment informé et ses droits garantis par le contenu de la décision de l'inspecteur du travail, à laquelle l'employeur aura fait référence dans la lettre de notification du licenciement. 2. Les conséquences du défaut de mention dans la lettre de notification de l'autorisation administrative Ainsi que le souligne la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, le seul défaut de mention dans la lettre de notification de l'autorisation administrative de licenciement ne peut le priver de cause réelle et sérieuse. Cette précision est on ne peut plus logique. En effet, la Chambre sociale n'a jamais exigé et imposé que la lettre de notification mentionne l'autorisation de l'inspecteur du travail. Faisant preuve d'une certaine souplesse, elle se contente d'affirmer que cette mention suffit à motiver le licenciement. En réalité, cette jurisprudence aboutit à donner un choix à l'employeur : soit celui-ci se réfère à l'autorisation administrative, soit il indique expressément les motifs du licenciement. Tel était le cas en l'espèce, l'employeur ayant expressément visé, dans la lettre de notification, la décision prononçant la décision judiciaire de l'association employeur, ce qui -on le sait- suffit à assurer la motivation du licenciement (Voir C. Willmann, Liquidation de la société et motivation de la lettre de licenciement, N° Lexbase : X1064ACE et la jurisprudence citée). Lorsque l'employeur choisit de préciser expressément les motifs du licenciement dans la lettre de notification, il se doit d'être prudent, au risque d'être condamné pour avoir procédé au licenciement du salarié pour un motif autre que celui pour lequel l'autorisation a été accordée. Dans une telle hypothèse, le licenciement devra être annulé (Cass. soc., 11 juin 2002, n° 00-41.073, M. Marcel Clausmann c/ Compagnie Eiffel, publié N° Lexbase : A8987AYI) (3). Ces solutions s'expliquent si l'on a égard au fait qu'en vertu de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement (Cass. soc., 30 avril 1997, n° 94-42.155, Société technique méthode gestion c/ M. Milite et a., publié N° Lexbase : A4465AGH ; Cass. soc., 12 novembre 2002, préc.). Il lui appartient cependant d'apprécier si le licenciement du salarié protégé a été prononcé de manière régulière, ce qui suppose qu'il soit mis à même de vérifier que l'autorisation a bien été délivrée et que les motifs invoqués devant l'inspecteur du travail soient bien ceux allégués au soutien du licenciement, soit que l'employeur ait repris expressément ces motifs, soit qu'il se soit référé à l'autorisation administrative. Ainsi que l'a souligné la Cour de cassation, il appartient seulement au juge judiciaire de "vérifier que le motif du licenciement est bien celui pour lequel l'autorisation a été donnée" (Cass. soc., 28 octobre 2003, n° 01-46.168, FS-P+B N° Lexbase : A0006DAH). Ce faisant, les juges du fond pourront être amenés, ainsi qu'il a été dit, à prononcer la nullité du licenciement si les motifs invoqués à l'appui du licenciement ne sont pas ceux qui ont été allégués devant l'inspecteur du travail. En outre, et à lire la décision commentée, le juge pourrait être amené à décider que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Selon la Cour de cassation, il ne pourra en aller ainsi en raison du seul défaut de mention dans la lettre de licenciement de l'autorisation administrative. Mais il reste encore à savoir dans quelles hypothèses une telle sanction serait envisageable et pourrait être prononcée par le juge judiciaire, sans pour autant porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Plus précisément, on peut se demander s'il pourrait en être ainsi lorsque l'employeur n'aura invoqué aucun motif dans la lettre de licenciement ou si, ayant choisi d'énoncer ceux-ci, il se sera montré imprécis.
Gilles Auzero (1) En outre, et s'agissant à tout le moins du licenciement des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, celui-ci doit être soumis pour avis à ce dernier. (2) Il est à noter que la décision de l'inspecteur du travail est immédiatement exécutoire. L'employeur peut donc notifier le licenciement dès qu'il a reçu l'autorisation de l'inspecteur du travail. (3) "Attendu, cependant, que le licenciement d'un salarié protégé ne peut être prononcé que pour les faits qui ont motivé l'autorisation administrative de licenciement ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que, selon ses propres constatations, l'autorisation administrative de licenciement du 27 janvier 1994 avait été demandée et accordée pour un motif économique tiré de la fermeture de l'établissement de Strasbourg, tandis que le licenciement était prononcé pour faute grave, et qu'en conséquence, le licenciement était nul faute d'autorisation administrative, la cour d'appel a dénaturé les termes et la portée de la décision administrative du 27 janvier 1994 et a violé les textes susvisés". |
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