La lettre juridique n°539 du 12 septembre 2013

La lettre juridique - Édition n°539

Éditorial

Changement de résidence de l'un des parents : "couvrez ce sein que je ne saurais voir"*

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N8463BTM

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"L'île [de Sein] peut être assurément regardée comme étant un lieu de vie relativement hostile pour les enfants". Que n'avait-il pas dit, ce magistrat montpelliérain, rejetant ainsi, en août dernier, la demande, formulée par une mère divorcée, d'aller s'installer sur l'île bretonne ancrée au large de la pointe du Raz ?

La formulation, sans ambages, manque, elle, assurément de subtilité ; alors qu'il eut suffi de préciser simplement que l'installation de la mère et ses enfants à Sein rendrait les trajets des enfants vers Montpellier, où vit leur père, extrêmement difficiles en raison de l'insularité et des marées. Or, selon l'article 373-2 du Code civil, "chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent". C'est pourquoi le même article dispose que "tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent". Aussi, "en cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant". Sauf que l'intérêt de l'enfant peut, tout simplement, être de ne pas déménager dans un lieu trop distant et difficile d'accès de celui dans lequel réside son autre parent.

La solution n'est évidemment pas nouvelle en soi. On pourrait s'étonner de cette restriction à la liberté nouvellement conquise du conjoint divorcé, mais l'exercice conjoint de l'autorité parentale, malgré la séparation, n'est pas un vain acquis de l'enfant. L'article 373-2 du Code civil est parfaitement explicite : "la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale". Et, plus largement, on comprendra que cette séparation doit revêtir le moins d'incidence néfaste sur la vie quotidienne de l'enfant en quête d'une nouvelle stabilité -d'où les tentatives de développer la garde alternée, bien que l'organisation majoritaire demeure la garde associée à un droit de visite-. C'est ainsi qu'en 2012 la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion rejeta l'installation d'une mère brésilienne et de ses enfants, dans son pays d'origine, trop éloigné du domicile du père réunionnais. Le motif invoqué n'était pas, pour le coup, l'hostilité du pays, bien que ses principales agglomérations soient considérées comme les plus dangereuses du monde ; mais, le magistrat rappelait (sic) le choix originel de la mère d'élever ses enfants sur l'île de la Réunion et le besoin de stabilité de l'enfant. Une décision de la cour d'appel de Nîmes, rendue en 2011, statuait d'ailleurs dans le même sens (étrangement le Brésil était, là aussi, de la partie).

Mais que l'on ne s'y méprenne pas. Il est tout à fait permis au parent séparé de s'installer dans un autre pays ou dans un lieu éloigné de celui où réside son ex-conjoint malgré les difficultés d'exercice du droit de visite. La cour d'appel de Montpellier, justement, avait en 2006 accordé à une mère le droit de s'installer aux Baléares (encore une île), alors que le père résidait à Perpignan. La cour a, toutefois, revu les conditions d'exercice du droit de visite et la participation de la mère aux coûts des trajets engendrés par cet éloignement.

Non, la seule originalité du jugement montpelliérain d'août dernier réside dans la motivation orchestrée par le magistrat. Taxer un territoire de la République (Une et Indivisible) d'hostile pour les enfants en raison de l'insularité, du climat, des marées, etc. n'était pas du meilleur goût ; non seulement au regard de la continuité territoriale que s'efforce d'assurer l'Etat et la région de Bretagne, mais également au regard de l'image touristique que se forge cette petite île de 140 habitants à l'année, dont six enfants sont inscrits en primaire et sept au collège. Compagnon de la Libération -les pêcheurs de l'île de Sein ayant été les premiers français à rejoindre le Général de Gaulle à Londres après l'appel du 18 juin-, l'île ne s'attendait certainement pas à connaître pareil camouflet.

"Par de pareils objets, les âmes sont blessées"*.

La "pilule" est d'autant plus difficile à faire passer que la loi du 29 juillet 1881 prévoit que ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Et, même si les faits diffamatoires étrangers à la cause pourront donner ouverture soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers, la motivation de la décision d'un magistrat, ni le moyen développé par l'avocat du père, ne peuvent être considérés comme "étrangers à la cause", bien au contraire. Le maire de l'île, tout courroucé qu'il soit, ne pourra donc pas engager d'action sur ce terrain-ci. Tout au plus peut-il y avoir rectification du jugement ; mais là encore ce sont les motifs mêmes de la décision qui seraient en cause et non une simple erreur matérielle.

L'île de Sein n'est assurément pas "l'île aux enfants", mais quand on pense que l'une de ses probables étymologies est "l'île aux fées"... On aurait pu penser que le magistrat eut été sensible aux charmes enchanteurs des lieux...

* Molière, in Tartuffe

newsid:438463

Avocats/Champ de compétence

[Questions à...] Présentation de l'association des avocats mandataires en transactions immobilières (AAMTI) : les nouvelles compétences de l'avocat en matière immobilière - Questions à Michel Vauthier, avocat à la cour

Lecture: 3 min

N8354BTL

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef

Le 27 Mars 2014

L'association des avocats mandataires en transactions immobilières (AAMTI), créée en 2009, est une association ayant pour vocation de fédérer les avocats intéressés par l'activité de mandataire en transactions immobilières. En effet, cette activité a été ouverte aux avocats, en plus des notaires, par une délibération du Conseil national des barreaux des 5 et 6 février 2010. Ainsi, l'avocat peut recevoir, notamment, des mandats d'achat, de vente et de location de biens immobiliers et mobiliers. L'avis déontologique du CNB invite les avocats à se regrouper, afin de mettre en commun les divers moyens leur permettant d'assurer à leur clientèle un service amélioré en matière de négociation. L'AAMTI s'inscrit dans cette optique, en soutenant les avocats qui souhaitent se lancer dans cette nouvelle activité, en défendant leurs intérêts et en organisant des formations sur cette activité. Afin d'en savoir davantage sur cette association impliquée aux côtés de ses adhérents, Lexbase Hebdo - édition professions a interrogé Michel Vauthier, avocat à la cour, qui est à l'origine de la création de l'AAMTI.

Lexbase : L'accès à l'activité de mandataire en transactions immobilières était-il un souhait de la profession d'avocat ?

Michel Vauthier : Le CNB et l'Ordre des avocats de Paris ont longuement mûri leur réflexion sur les nouveaux métiers de l'avocat. Accéder à l'activité de mandataire en transactions immobilières était le souhait d'avocats soucieux de répondre à une attente de leur clientèle. De nombreux clients, en raison de la relation de confiance développée avec leur conseil habituel, voulaient pouvoir lui confier le suivi de leurs intérêts immobiliers dans son ensemble. Pour nombre d'avocats, cette activité n'est que le prolongement naturel de compétences qu'ils exercent déjà : immobilier d'entreprise, conseil fiscal, en droit immobilier ou patrimonial, accompagnement de leurs clients à des moments ou l'acquisition ou la cession d'un bien immobilier s'avère cruciale...

Lexbase : En quoi consiste cette activité ?

Michel Vauthier : Complémentaire du conseil et des prestations juridiques constituant le coeur de notre métier, l'activité de mandataire en transactions immobilières permet à tout avocat de recevoir des mandats de vente, de recherche ou de location de biens immobiliers dans le monde entier. Les avocats peuvent ainsi accompagner plus souvent leurs clients autour de l'acquisition ou de la location d'un bien, acte juridique essentiel pour leur patrimoine personnel ou professionnel.

Lexbase : Pouvez-vous nous présenter les vocations de l'AAMTI ?

Michel Vauthier : Notre association a pour but de réunir les confrères qui souhaitent investir ce nouveau marché. Nous voulons leur donner des moyens de travailler avec des outils techniques, des formations, servir la défense de leurs intérêts et développer cette activité pour les avocats. Attachés à leur déontologie autant qu'à la qualité de leurs prestations, ces derniers ne veulent pas se lancer dans cette activité tête baissée, mais de façon réfléchie et responsable. Se regrouper sur le plan national au sein d'une telle association leur permet de se former et de s'informer, mais aussi de mettre en commun leurs moyens et leurs forces dans un esprit confraternel. Notre objectif est de devenir un vrai réseau professionnel d'avocats.

Lexbase : Comment cette association est-elle organisée ?

Michel Vauthier : L'AAMTI compte aujourd'hui plus de 430 avocats répartis sur toute la France. Elle s'est organisée en sections locales dotées chacune d'un Président. Le nombre de ces sections s'accroît progressivement et régulièrement en région ainsi que dans les DOM-TOM. L'AAMTI s'est aussi dotée de commissions travaillant sur des secteurs d'activité spécifiques : International, Agricole et forestier, Immobilier et entreprise... Autant de sujets sur lesquels il est productif d'échanger, de débattre et de proposer pour progresser. L'association met en commun des moyens, comme cela a été demandé par les institutions. Le site internet avocat-immo.fr permet ainsi d'être présent de façon spécifique sur la toile. Les avocats peuvent y retrouver des informations mais aussi y publier des annonces. Ce site est sans aucun doute un outil utile et pratique, mais ce n'est pas sa seule vocation. C'est aussi un réseau interne, un lieu d'échange, de convivialité et de confraternité entre les membres de l'association.

Lexbase : Quels sont les souhaits de l'association pour permettre le développement de l'activité de mandataire en transactions immobilières ?

Michel Vauthier : Une association telle que l'AAMTI peut apporter beaucoup au développement de l'activité de mandataire pour les avocats si ces derniers gardent bien à l'esprit qu'ils constituent la première richesse de l'association en utilisant les moyens qu'elle leur propose et en oeuvrant ensemble. C'est avant tout leur investissement qui la rend plus forte au service de leurs propres intérêts. De la mise en commun d'idées, d'informations et de compétences naissent des synergies entre confrères pour favoriser un développement conjoint de cette nouvelle activité. Plus nous sommes nombreux et investis au sein de l'AAMTI, plus nous sommes à même de développer notre compétence en matière d'intermédiation immobilière et de donner ainsi toute satisfaction à nos clients grâce à un haut niveau de qualité dans ce domaine. C'est comme cela que nous construirons, à terme, une image de fiabilité auprès de nouveaux publics que nous ferons venir vers nous et que nous fidéliserons. C'est un cercle vertueux.

newsid:438354

Procédure

[Jurisprudence] Compétence du juge judiciaire en cas de méconnaissance des stipulations d'un PSE invoquée par un salarié protégé

Réf. : T. confl., 8 juillet 2013, n° 3919 (N° Lexbase : A8360KIH)

Lecture: 6 min

N8431BTG

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 12 Septembre 2013

Il n'est guère besoin de rappeler que la rupture du contrat de travail d'un salarié protégé à l'initiative de l'employeur ne peut intervenir sans l'autorisation de l'inspecteur du travail. Une décision administrative devant obligatoirement être sollicitée, le principe de la séparation des pouvoirs trouve à s'appliquer et interdit, en conséquence, au juge judiciaire de se prononcer sur les questions sur lesquelles l'autorité administrative s'est nécessairement et régulièrement prononcée. Pour être solidement, et de longue date, ancrée dans notre droit positif, cette exigence pose de récurrentes difficultés, dont témoigne la décision du Tribunal des conflits rendu le 8 juillet 2013. Sans que cela constitue une surprise, celui-ci vient affirmer que sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle sur la légalité de l'autorisation administrative afférente à sa mise à la retraite, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître des demandes d'un salarié tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables des manquements imputés à son employeur dans l'application du plan de sauvegarde de l'emploi adopté dans la société.
Résumé

Sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle sur la légalité de l'autorisation administrative afférente à sa mise en retraite, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître des conclusions présentées par un salarié contre son ancien employeur, en ce qu'elles tendent à l'indemnisation des conséquences dommageables des manquements imputés à celle-ci dans l'application du plan de sauvegarde de l'emploi adopté dans la société.

Observations

I - La séparation des autorités administratives et judiciaires

Principe. Conformément au principe de la séparation des pouvoirs, il est fait interdiction aux tribunaux judiciaires de connaître des actes d'administration. Appliqué à la question qui nous intéresse ici, cette exigence fait obstacle à ce que la juridiction prud'homale porte le regard sur l'autorisation de licencier ou, en l'occurrence et nous y reviendrons plus tard, de mise à la retraite d'un salarié protégé délivrée par cette autorité administrative qu'est l'inspecteur du travail. C'est ce que rappelle en l'espèce le Tribunal des conflits, en affirmant que "la juridiction judiciaire ne peut, sans méconnaître le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, contrôler les appréciations portées par l'autorité administrative lorsqu'elle autorise un employeur à rompre le contrat de travail qui le lie à un salarié protégé".

Il résulte de cela que le juge judiciaire ne saurait se prononcer sur le caractère réel et sérieux du motif du licenciement, qu'il ait été autorisé ou non par l'administration (1), ou sur le respect des règles (légales et conventionnelles) de procédure qui devaient être suivies avant la saisine de l'inspecteur et dont ce dernier devait contrôler l'observation (2). Dans tous les cas, il s'agit, au fond, de déterminer ce qui a été nécessairement pris en compte par l'autorité administrative au moment de prendre sa décision. Sur ces éléments, le juge judiciaire ne peut revenir.

Exceptions. Ainsi que le précise le Tribunal des conflits dans l'arrêt rapporté, la juridiction judiciaire demeure compétente "pour connaître, le cas échéant après appréciation par le juge administratif de la légalité de l'autorisation délivrée, de conclusions à fin d'indemnisation présentées par le salarié contre son ancien employeur et fondées sur un manquement de ce dernier à ses obligations nées du contrat de travail, qui, antérieur à la rupture, n'a pas été nécessairement pris en considération par l'autorité administrative lors de la procédure d'autorisation". Pleinement justifiée, cette exception au principe précédemment décrit est également retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation, même si elle est moins clairement formulée (3).

Là encore, tout dépend des éléments qui ont été pris en compte par l'inspecteur du travail pour arrêter sa décision. Par exemple, si l'autorisation de licenciement accordée par l'autorité administrative ne prive pas le salarié protégé du droit d'obtenir réparation des préjudices résultant, pour la période antérieure à son licenciement, des manquements de l'employeur à ses obligations, notamment à son obligation de sécurité de résultat, elle ne lui permet plus toutefois de contester pour ce motif la validité ou la cause de la rupture de son contrat de travail.

II - La mise en oeuvre du principe

L'affaire. En l'espèce, par décisions non frappées de recours, l'inspecteur du travail puis le ministre du Travail avaient autorisé un employeur à mettre à la retraite M. A., salarié protégé, en application des dispositions de l'article L. 1237-5 du Code du travail (N° Lexbase : L3091INS) et de l'accord de branche conclu dans le secteur des assurances le 14 octobre 2004 et étendu le 29 juin 2005. Mis à la retraite en 2009, le salarié avait alors saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui aurait causé le comportement fautif de son employeur durant l'exécution du contrat de travail. A cet égard, il avait fait valoir que son employeur l'aurait privé du bénéfice du dispositif de départ volontaire mis en place dans l'entreprise en application du plan de sauvegarde de l'emploi signé en juillet 2008.

Par jugement du 2 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a rejeté le déclinatoire de compétence dont l'avait saisi le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, et a sursis à statuer. Sur appel de la société employeur, la cour d'appel de Paris a rejeté, par un arrêt du 20 septembre 2012 (CA Paris, Pôle 6, 2ème ch., 20 septembre 2012, n° S 11/12172 N° Lexbase : A1267IT4), le déclinatoire de compétence dont l'avait saisie le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, et sursis à statuer. Le préfet a élevé le conflit par un arrêté du 17 octobre 2012.

Le Tribunal des conflits décide d'annuler cet arrêté. Après avoir rappelé les termes de l'article L. 1237-5 du Code du travail, il souligne, ainsi que nous l'avons déjà indiqué, que "si la juridiction judiciaire ne peut, sans méconnaître le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, contrôler les appréciations portées par l'autorité administrative lorsqu'elle autorise un employeur à rompre le contrat de travail qui le lie à un salarié protégé, elle n'en demeure pas moins compétente pour connaître, le cas échéant après appréciation par le juge administratif de la légalité de l'autorisation ainsi délivrée, de conclusions à fin d'indemnisation présentées par le salarié contre son ancien employeur et fondées sur un manquement de ce dernier à ses obligations nées du contrat de travail, qui, antérieur à la rupture, n'a pas été nécessairement pris en considération par l'autorité administrative lors de la procédure d'autorisation". Le Tribunal des conflits affirme, en conséquence, que "sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle sur la légalité de l'autorisation administrative afférente à sa mise en retraite, la juridiction judiciaire est compétente pour connaître des conclusions présentées par M. A. contre son ancien employeur, en ce qu'elles tendent à l'indemnisation des conséquences dommageables des manquements imputés à celle-ci dans l'application du plan de sauvegarde de l'emploi adopté dans la société".

Une solution justifiée. Au même titre que son licenciement, la mise à la retraite d'un salarié protégé ne peut intervenir sans l'aval de l'inspecteur du travail. En l'espèce, il apparaît qu'une telle autorisation avait bien été sollicitée et obtenue par l'employeur.

Saisie d'une telle demande, il appartenait à l'autorité administrative de vérifier que les conditions requises par l'article L. 1237-5 du Code du travail pour qu'un salarié puisse être mis à la retraite étaient remplies. Par suite, et conformément à ce qui a été énoncé précédemment, le salarié ne pouvait contester cette mise à la retraite devant le juge judiciaire en arguant par exemple qu'il n'avait pas atteint l'âge requis ou qu'il n'avait pas cotisé suffisamment. Ces éléments ont, en effet, été nécessairement pris en compte par l'autorité administrative lors de la procédure d'autorisation. Mais tel n'était pas l'objet de la demande du salarié. Celui-ci se plaignait de n'avoir pu bénéficier des mesures de départ volontaire prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi (4). Or, et à l'évidence, il y a là une question qui n'a rien à voir avec la décision de l'inspecteur du travail et qui, de ce fait, ne peut aboutir à un contrôle de celle-ci par le juge judiciaire. On en vient d'ailleurs à se demander ce qui avait pu motiver la décision du préfet de la région Ile-de-France.

Il est à remarquer que le Tribunal des conflits admet la compétence du juge judiciaire, sous la réserve d'une éventuelle question préjudicielle sur la légalité de l'autorisation administrative relative à la mise à la retraite du salarié. On peut comprendre ici que, si une telle question est posée, le juge judiciaire doit nécessairement surseoir à statuer. Telle n'est sans doute pas l'interprétation à retenir. A notre sens, le Tribunal des conflits entend ainsi renvoyer à l'hypothèse dans laquelle le juge judiciaire ne pourrait statuer sur la demande du salarié sans que la légalité de l'acte administratif soit d'abord examinée.


(1) V., à titre d'ex., au sein d'une jurisprudence abondante, Cass. soc. 7 juin 2005, n° 02-47.374, F-D (N° Lexbase : A6427DIU) : JCP éd. S, 2005, 1158, note P. Morvan.
(2) Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-40.071, publié (N° Lexbase : A5232DCR), Bull. civ. V, n° 159.
(3) V. notamment, Cass. soc., 15 novembre 2011, n° 10-18.417, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9352HZE), Dr. soc., 2012, p. 103, obs. Ch. Radé ; Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 10-20.584, FP-D (N° Lexbase : A5532IYK).
(4) Il faut ici rappeler que les stipulations du plan de sauvegarde de l'emploi engagent l'employeur, qui doit en faire bénéficier ses salariés : Cass. soc., 20 octobre 2004, n° 02-42.645, inédit (N° Lexbase : A6433DDM).

Décision

T. confl., 8 juillet 2013, n° 3919 (N° Lexbase : A8360KIH)

Texte concerné : C. trav., art. 1237-5 (N° Lexbase : L3091INS)

Mots-clés : salarié protégé, mise à la retraite, plan de sauvegarde de l'emploi, application, contestation par le salarié, compétence du juge judiciaire

Liens base : (N° Lexbase : E9336ESL)

newsid:438431

Procédure pénale

[Chronique] Chronique de procédure pénale - Septembre 2013

Lecture: 17 min

N8428BTC

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par Guillaume Beaussonie, maître de conférences en droit privé, membre du CRDP de l'Université François-Rabelais de Tours (EA 2116), et Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice

Le 12 Septembre 2013

Lexbase Hebdo - édition privée, vous invite à retrouver la chronique de procédure pénale de Guillaume Beaussonie, maître de conférences en droit privé, membre du CRDP de l'Université François-Rabelais de Tours (EA 2116), et de Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice. Au sommaire de cette chronique, on reconnaîtra quelques affaires notoires, dans lesquelles il a cependant pu être posé des questions importantes. Les arrêts retenus apportent ainsi des précisions sur le régime de la notification d'une convocation en justice (Cass. crim., 29 mai 2013, n° 12-82.033, F-P+B), sur la liberté dont dispose le juge d'instruction dans l'appréciation du degré de suspicion (Cass. crim., 11 juin 2013, n° 13-80.159, FS-P+B) ; Cass. crim., 25 juin 2013, n° 13-82.485, F-D), sur le devoir d'information de l'enquêteur à l'égard du magistrat (Cass. crim., 25 juin 2013, n° 13-81.977, FS-P+B) ainsi que sur le contenu de l'article 6-1 du Code de procédure pénale (Cass. crim., 25 juin 2013, n° 12-82.718, FS-P+B). I - La notification d'une convocation en justice
  • La notification d'une convocation en justice ne constitue pas un acte d'enquête (Cass. crim., 29 mai 2013, n° 12-82.033, F-P+B N° Lexbase : A5789KGI)

Un acte d'enquête est un acte encadré, en ce sens qu'il s'inscrit dans un cadre normatif : l'enquête. Plus encore, c'est un acte exceptionnel, parce que le cadre dans lequel il s'inscrit est, au moins potentiellement, restrictif des libertés de tous et de chacun. On comprend, alors, toute l'importance d'une telle qualification : si l'enquêteur agit dans ce cadre, son action est nécessairement limitée ; s'il agit en dehors de ce cadre, son action est plus libre.

Selon la Chambre criminelle de la Cour de cassation, "la notification d'une convocation en justice ne constitue pas un acte d'enquête", les dispositions de l'article 77-1-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3463IGD) ne lui étant donc pas applicables. En conséquence, "l'officier ou agent de police judiciaire chargé, sur instructions du procureur de la République, de notifier une convocation en justice à un prévenu doit, de sa propre initiative, faire toutes diligences pour parvenir à la délivrance de cet acte à la personne de son destinataire" ; jusqu'à, comme c'était le cas en l'espèce, adresser seul des réquisitions à la caisse d'allocations familiales pour obtenir d'elle l'adresse de la personne à convoquer.

Cette solution doit être approuvée : d'une part, une convocation en justice est plus un acte de poursuite que d'enquête ; d'autre part, les officiers et agents de police judiciaire se voient ainsi dotés d'un pouvoir qui, par ailleurs, a déjà été reconnu aux huissiers de justice (1).

Guillaume Beaussonie, MCF Tours, CRDP (EA 2116)

II - La liberté du juge d'instruction dans l'appréciation du degré de suspicion

  • Le juge d'instruction peut, à tout moment, mettre en examen un témoin assisté (Cass. crim., 11 juin 2013, n° 13-80.159, FS-P+B N° Lexbase : A5732KGE) ; l'ordonnance de mise en accusation relevant l'existence de charges suffisantes à l'encontre d'un mis en examen ne constitue pas une atteinte à la présomption d'innocence (Cass. crim., 25 juin 2013, n° 13-82.485, F-D N° Lexbase : A3926KIA)

Par deux décisions, en date des 11 et 25 juin 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation s'intéresse aux pouvoirs du juge d'instruction dans l'appréciation des éléments de preuve recueillis contre un individu et des décisions qui peuvent en découler.

L'affaire concernée par le premier de ces deux arrêts est la suivante : le 10 novembre 2008, les deux occupants d'une cabine d'ascenseur qui s'était bloquée dans sa course ont été gravement blessés lors de l'intervention effectuée sur cette cabine par un technicien de maintenance salarié par une société. Au cours de l'information ouverte contre personne non dénommée, du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois, ladite société, qui avait conçu et livré l'ascenseur, a fait l'objet, le 18 janvier 2012, d'un interrogatoire de première comparution, à l'issue duquel elle a bénéficié du statut de témoin assisté, avant d'être mise en examen du chef susvisé, par courrier recommandé avec avis de réception du 2 mai 2012. Le 8 juin 2012, la société a saisi la chambre de l'instruction d'une requête aux fins d'annulation de cette mise en examen, notamment au motif qu'elle considérait qu'aucun élément nouveau apparu depuis le placement sous le statut de témoin assisté ne justifiait son passage vers celui de mis en examen. La Cour de cassation rejette ce pourvoi en rappelant que "la mise en examen d'un témoin assisté peut être décidée à tout moment de la procédure par le juge d'instruction, la loi n'imposant pas d'autre condition que l'existence, à l'encontre de la personne concernée, [d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la société, comme auteur ou comme complice, à la commission de l'infraction], quel que soit le moment de leur apparition". La solution s'imposait.

Dans la seconde affaire, le demandeur au pourvoi reproche à l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz, en date du 21 mars 2013, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Moselle sous l'accusation de meurtres aggravés, d'avoir porté atteinte au principe de la présomption d'innocence en affirmant qu'il avait "vraisemblablement commis les meurtres objets de la procédure et vraisemblablement tué les deux victimes concernées", portant ainsi un jugement sur sa culpabilité. La réponse de la Chambre criminelle ne surprend pas : elle rejette le pourvoi, estimant que c'est sans méconnaître la présomption d'innocence que la chambre de l'instruction a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre le mis en examen pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de meurtres aggravés. La terminologie retenue par la juridiction du fond, qui retient l'expression de "vraisemblance" de commission d'une infraction, appelle toutefois à la réflexion.

En effet, la vraisemblance est communément définie comme une "apparence de vérité" (2), littéralement, comme ce qui semble être vrai. N'est donc pas vraisemblable ce qui est certain ou, à l'inverse, ce qui est invraisemblable, c'est-à-dire ce qui semble être contraire à la vérité. Or, pendant la phase de recherche probatoire, en l'espèce, pendant celle de l'instruction préparatoire, ni la culpabilité, ni l'innocence ne sont certaines. Au contraire, le procès correspond à une avancée, dans la probabilité, vers l'une ou l'autre de ces deux issues. "La phase préliminaire du procès pénal (à tout prendre : tout le procès pénal) n'est jamais qu'une suite d'approximations progressivement vérifiées" (3).

Les deux décisions des 11 et 25 juin 2013 illustrent le fait que le vocabulaire employé par le législateur, pour justifier l'évolution des règles de procédure applicables à un individu, est révélateur d'une progression liée au renforcement des soupçons, conditionnant ici les pouvoirs du juge d'instruction. Un auteur emploie avec justesse l'expression de "paliers de la vraisemblance" (4) pour en parler. Le premier niveau est logiquement constitué par l'absence de soupçon de commission d'une infraction. Ensuite, existent les indices ou les raisons plausibles de soupçonner qu'une personne a commis ou tenté de commettre une infraction. Au niveau de soupçon supérieur, le législateur prévoit l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation d'une personne à la commission d'une infraction. Ils correspondent notamment à la suspicion minimale autorisant la mise en examen par le juge d'instruction (5). Enfin, le Code de procédure pénale évoque les charges. Ainsi, le suspect a, en vertu de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, le droit d'être informé des "charges retenues" contre lui, et le procureur de la République qui souhaite, par dérogation au secret de l'instruction, rendre publics des éléments tirés de la procédure, peut le faire sous réserve de ne pas porter d'appréciation sur "le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause" (6). Les charges semblent alors se confondre avec les indices, puisqu'elles peuvent exister dès l'ouverture d'une enquête et perdurer sous l'empire d'une information judiciaire ; elles revêtent une certaine généralité.

Le niveau le plus élevé de vraisemblance de culpabilité, soit le dernier avant la certitude résultant du jugement, est enfin atteint lorsque les charges sont telles qu'elles justifient le renvoi devant une juridiction de jugement. En effet, le législateur réserve au juge d'instruction l'examen des charges existant à l'encontre du mis en examen (7). A partir du moment où les charges sont suffisantes, le suspect change de nom, il devient prévenu ou accusé. Le fait de réserver ce vocable aux phases les plus sérieuses du procès pénal est le reflet de sa correspondance avec un très haut degré de vraisemblance de culpabilité. C'est lui qui était concerné par la seconde des deux décisions examinées et qui justifie l'emploi de l'expression "vraisemblance" de commission d'une infraction, puisque c'est bien de cela dont il s'agit dans le cadre d'un examen des charges. En effet, à ce stade, pas de certitude. La preuve, de la culpabilité ou de l'innocence du mis en cause, ne surgira qu'à l'issue du procès. Jusque là, elle n'est que l'objet de la recherche probatoire. "Les charges ne sont pas des preuves [...]. Est preuve, non ce qui est convaincant, mais ce qui a convaincu et, bien plus, a convaincu le juge" (8). Ce panel des expressions indiquant les différentes strates de suspicion rappelle qu'il faut donc parler, par préférence, d'élément de preuve plutôt que de preuve, la première de ces expressions signifiant simplement que l'élément en question peut servir à prouver l'innocence ou la culpabilité. Seule la juridiction de jugement est apte à les convertir en preuve, ce vers quoi, dans les deux décisions des 11 et 25 juin 2013, le juge d'instruction n'avait pas prétendu tendre, dès lors qu'il s'était limité à une appréciation des éléments de preuve relevant de sa compétence.

Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice

III - Le devoir d'information de l'enquêteur à l'égard du magistrat

  • Dans le procès-verbal informant le procureur de la République d'un placement en garde à vue, le défaut de mention des motifs dudit placement fait nécessairement grief au gardé à vue (Cass. crim., 25 juin 2013, n° 13-81.977, FS-P+B N° Lexbase : A8752KIY)

Deux modalités principales sont envisageables lorsqu'il s'agit, pour un magistrat, de contrôler la recherche probatoire menée par la police judiciaire : l'information ou l'autorisation. Le devoir d'information consiste à renseigner le magistrat concerné, à lui donner connaissance d'un acte en cours ou à venir. Le magistrat peut alors laisser faire, interdire ou interrompre la mesure coercitive selon qu'elle a débuté ou non. Exiger de l'enquêteur l'obtention d'une autorisation est plus rigoureux puisque, à défaut ou dans l'attente de l'accord, l'enquêteur ne peut pas agir, à peine d'irrégularité. Cette modalité de contrôle est réservée aux actes d'investigation les plus coercitifs, comme la prolongation d'une garde à vue au-delà des 24 premières heures. L'autorisation précède l'action policière, qu'elle conditionne, alors que l'information, qui intervient le plus souvent a priori, peut également être attendue a posteriori.

Dans l'affaire jugée le 25 juin 2013 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, l'un des points litigieux et le seul qui ait donné lieu à cassation, portait sur le degré de précision de l'information qu'un enquêteur doit délivrer au procureur de la République lorsque cette obligation est prescrite par la loi, en l'espèce par la combinaison des articles 62-2 (N° Lexbase : L9627IPA) et 63, alinéa 2 (N° Lexbase : L9743IPK), du Code de procédure pénale, à l'occasion d'un placement en garde à vue.

Le pourvoi était formé par deux individus, faisant l'objet d'une information judiciaire du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants, contre un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 22 février 2013, qui avait rejeté leur demande d'annulation de pièces de la procédure. Cette juridiction avait estimé que l'absence de mention, dans le procès-verbal relatant l'information donnée au procureur de la République de leur placement en garde à vue, des motifs justifiant cette mesure, n'emportait pas une telle annulation. Selon la chambre de l'instruction, il se déduisait de la pièce en cause qu'en rendant compte à ce magistrat des investigations ayant abouti à l'interpellation des intéressés, l'officier de police judiciaire l'avait nécessairement informé de la qualification des faits notifiée à ceux-ci. En outre, le procureur de la République avait prescrit à l'officier de police judiciaire de poursuivre l'enquête et de différer l'avis aux familles sollicité par les mis en cause, ce dont il se déduisait encore qu'il avait été avisé des motifs de la garde à vue et qu'il en avait exercé dès le début un contrôle effectif. En conséquence, la chambre de l'instruction estimait qu'il n'avait pas été porté atteinte aux droits des requérants.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation, au visa des articles 62-2 et 63, alinéa 2, du Code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 (N° Lexbase : L9584IPN), a au contraire jugé "qu'il résulte de ces textes que lorsque l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République d'un placement en garde à vue, il doit lui donner connaissance des motifs de ce placement et en faire mention dans le procès-verbal ; [...] le défaut d'accomplissement de ces formalités fait nécessairement grief à la personne concernée". Elle a ajouté que les éléments retenus par la chambre de l'instruction pour motiver le rejet de la demande d'annulation "étaient insuffisants à établir que le procureur de la République avait reçu l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de ses prérogatives". Que penser de cette analyse ?

L'information occupe une place centrale dans la phase de la recherche probatoire et le devoir de rendre compte est la principale charge des enquêteurs à l'égard du parquet. En effet, elle est propre à garantir l'effectivité du contrôle judiciaire sur la mission de police judiciaire.

Or, s'agissant précisément de la décision de placement en garde à vue en cause en l'espèce, ce contrôle doit être efficace puisqu'il est le seul contrôle existant de l'opportunité d'une telle mesure. En effet, le 4 janvier 2005, la Cour de cassation a décidé que la décision de placement en garde à vue "relève d'une faculté que l'officier de police judiciaire tient de la loi et qu'il exerce [...] sous le seul contrôle du procureur de la République ou, le cas échéant, du juge d'instruction", refusant tout droit de regard à la chambre de l'instruction et aux juridictions de jugement (9). Cette décision, rendue sous l'empire de l'ancienne rédaction des articles relatifs à la garde à vue, n'a pas, depuis, fait l'objet d'un revirement. Au contraire, la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 rappelle au premier alinéa de l'article 63 que le placement en garde à vue dans le cadre d'une enquête de flagrance peut être opéré d'office -ou sur instruction du procureur de la République-.

La rédaction issue de la nouvelle loi apporte des indications intéressantes et attendues sur le devoir d'information dont il est question, puisqu'elle précise que l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République, "par tout moyen" -mention préalablement inexistante- et elle détaille le contenu de l'information qu'il doit délivrer, soit le placement en garde à vue lui-même, les motifs justifiant ce placement et la qualification des faits qu'il a notifiée au gardé à vue. La loi ne précise pas expressément qu'il doit en faire mention dans le procès-verbal, mais c'est pourtant bien ce que déduit la Chambre criminelle de la formulation de cette exigence dans le présent arrêt, ledit procès-verbal étant le seul moyen d'opérer un véritable contrôle du respect des exigences légales. En pratique, il est vrai qu'il ne peut se déduire d'une information relative aux investigations ayant abouti à l'interpellation de mis en cause, la nécessaire information de la qualification juridique précise des faits notifiés à l'intéressé, sans méconnaître les contraintes de la permanence téléphonique du Parquet. Le magistrat de permanence donne des orientations, après avoir procédé à des vérifications, sans forcément entrer dans un tel détail faute de temps. L'article 63, alinéa 2, dispose que le Procureur de la République peut modifier la qualification retenue et notifiée par l'enquêteur, qui doit alors faire l'objet d'une nouvelle notification à l'intéressé, montrant l'importance de cette information. Elle est destinée à se conformer aux exigences de l'article 6-3, a) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) en vertu duquel tout accusé a droit à "être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui".

Enfin, il faut constater que, par cette décision, la Chambre criminelle porte à un haut niveau son exigence relativement au devoir d'information de l'enquêteur en cause en l'espèce dès lors qu'elle juge que le défaut d'accomplissement des formalités en cause "fait nécessairement grief à la personne concernée". Par l'emploi de cette formule, elle classe cette cause de nullité parmi les nullités assimilées aux nullités d'ordre public, c'est-à-dire parmi celles qui, nécessitant un grief pour emporter l'annulation, n'en nécessite toutefois pas la démonstration, la Cour de cassation considérant que le grief est présumé.

Madeleine Sanchez, docteur en droit, auditrice de justice

IV - L'article 6-1 du Code de procédure pénale

  • En vertu de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, l'action publique engagée pour un délit commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire et impliquant la violation d'un disposition de procédure pénale ne peut l'être qu'après qu'une décision définitive a été rendue à cet égard (Cass. crim., 25 juin 2013, n° 12-82.718, FS-P+B N° N° Lexbase : A3894KI3)

Bien qu'il ne marque pas l'achèvement de l'interminable affaire dite "des fadettes", l'arrêt rendu le 25 juin 2013 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation ne manque pas d'intérêt. Il apporte effectivement une précision utile à l'interprétation d'une disposition peu connue du Code de procédure pénale : l'article 6-1 (N° Lexbase : L9880IQY), en vertu duquel "lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie. Le délai de prescription de l'action publique court à compter de cette décision". Pour le dire plus clairement, cette disposition "instaure un obstacle à l'action publique si les agissements délictueux reprochés à une personne concourrant à la procédure constituent, à la fois, l'un des éléments d'une infraction, criminelle ou délictuelle, et une irrégularité procédurale, tant que cette dernière n'aura pas été constatée définitivement par la juridiction répressive saisie de l'affaire au cours de laquelle elle a eu lieu" (10).

Rappelons rapidement le contexte : un journal notoire publie un article dans lequel sont relatées l'audition d'une milliardaire non moins notoire, ainsi que la perquisition effectuée à son domicile, ces actes s'étant déroulés dans le cadre d'une procédure engagée du chef d'abus de faiblesse de ladite milliardaire. En réaction, celle-ci engage à son tour une procédure du chef de violation du secret professionnel et du secret de l'instruction. Les enquêteurs alors saisis procèdent, sur requête du procureur de la République, à des réquisitions téléphoniques, qui leur permettent d'identifier les numéros des appels émis et reçus par certains journalistes. Ces réquisitions font cependant l'objet d'une annulation, durant l'instruction consécutivement ouverte. Un premier pourvoi formé contre la décision rendue par la chambre de l'instruction à cet égard est rejeté par la Cour de cassation le 6 décembre 2011 (11).

Parallèlement, les journalistes "écoutés" engagent une procédure à l'encontre du procureur "écouteur", des chefs de collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite, atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l'autorité publique, violation du secret professionnel et recel. Mis en examen avec son adjointe, le procureur présente néanmoins, dans ce nouveau cadre, différentes requêtes en nullité. Il soutient essentiellement, qu'en l'espèce, une information ne pouvait être ouverte sans qu'il soit contrevenu à l'article 6-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9880IQY), les infractions dénoncées supposant la commission d'une irrégularité de procédure définitivement constatée par la juridiction répressive saisie. Soulignons ici, car c'est fondamental, que la procédure qui allait mener à l'annulation des réquisitions téléphoniques n'était pas encore achevée, bref qu'il n'existait pas encore, sur ce point précis, de décision définitive.

La chambre de l'instruction fait droit aux requêtes des mis en examen, au terme du raisonnement suivant : l'atteinte à la protection des sources, telle que dénoncée par les parties civiles, impliquait bien la violation d'une disposition de procédure pénale au sens de l'article 6-1 du Code de procédure pénale. Toutefois, à la date de mise en mouvement de l'action publique, aucune décision définitive n'avait encore constaté le caractère illégal des réquisitions du procureur de la République (c'est ce que nous avons précisé juste avant). Et la circonstance que, postérieurement à l'engagement des poursuites, ce caractère illégal ait été définitivement reconnu (par l'arrêt rendu le 6 décembre 2011), n'a pas eu pour effet de valider a posteriori la plainte avec constitution de partie civile. Au surplus, précisent encore les juges du fond, un recours en indemnisation est ouvert devant le juge civil à quiconque aurait été mis dans l'incapacité de poursuivre l'annulation de l'acte à l'origine du délit ou crime prétendument commis.

Ce raisonnement est finalement conforté par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi formé par les parties civiles. "D'une part, [selon elle], les délits dénoncés impliquant la violation de dispositions de procédure pénale, l'action publique ne pouvait être engagée qu'après la constatation définitive du caractère illégal des actes accomplis" ; "d'autre part, les demandeurs disposaient d'un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4746AQT)".

Cette motivation est sans aucun doute trop lapidaire, mais elle n'est pas pour autant lacunaire. Les auteurs du pourvoi prétendaient notamment que ce n'était qu'incidemment que les infractions commises par le procureur avaient participé à la procédure. Il est vrai que l'arrêt qui prononce l'annulation des actes requis par le procureur ne se réfère pas à la commission d'infractions par ce dernier. Pour autant, les juges du fond n'étaient alors pas saisis pour effectuer un tel constat, qui échappait donc à leur office. Il n'appartenait qu'aux juges saisis de ces infractions, puis de la fin de non-recevoir que constitue l'article 6-1, de déterminer une causalité qu'il paraît, en l'occurrence, très difficile de dénier : le comportement infractionnel et l'irrespect des règles de procédure ne sont ici que les deux faces d'une même pièce.

Plus pertinemment, les auteurs du pourvoi mettaient également en avant le caractère en principe rétroactif d'une annulation, celui-ci étant cependant neutralisé par les termes mêmes de l'article 6-1 du Code de procédure pénale. La démonstration du caractère illégal des actes accomplis représente, en effet, la condition préalable de la mise en oeuvre de l'action publique dans la situation précisée par le texte. Aussi les journalistes auraient-ils dû attendre, avant d'agir, l'issue du premier procès. La sanction est radicale, puisque seul importe le moment de leur action qui, parce qu'il n'a pas été le bon, les empêche de la "régulariser" ou encore d'agir de nouveau, en raison de l'autorité de la chose jugée.

En définitive, la seule chose qui peut être discutée n'est pas tant la bonne application de l'article 6-1 du Code de procédure pénale en l'espèce, que l'opportunité de sa rédaction actuelle. Si, en l'état, cet article remplit bien son rôle de protection du bon déroulement des procédures et des personnes y concourant, il paraît bien déséquilibré et le paraît d'autant plus à l'heure où la Chambre criminelle marque de nets reculs dans l'ouverture de la qualité à agir en annulation d'un acte (12).

Guillaume Beaussonie, MCF Tours, CRDP (EA 2116)


(1) Voir C. proc. civ. exécution, art. L. 152-1 (N° Lexbase : L5827IRA). Ce pouvoir leur a été reconnu par la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (N° Lexbase : L9762INU).
(2) Le grand Robert de la langue française.
(3) C. Lombois, De la compassion territoriale, Rev. sc. crim., 1995, p. 399, spéc. p. 402.
(4) C. Guéry, Les paliers de la vraisemblance pendant l'instruction préparatoire, JCP éd. G, 1998, I, 140.
(5) C. proc. pén., art. 80-1, al. 1er (N° Lexbase : L3711IGK) (en deçà, il est loisible à ce magistrat de recourir au statut de témoin assisté : C. proc. pén., art. 154-2, al. 2 (N° Lexbase : L5552DYB) ; C. proc. pén., art. 113-8, al. 1er (N° Lexbase : L3293IQZ) pour la mise en examen du témoin assisté.
(6) C. proc. pén., art. 11, al. 3 (N° Lexbase : L7022A4T).
(7) C. proc. pén., art. 176 (N° Lexbase : L3709IGH).
(8) C. Lombois, La présomption d'innocence, Pouvoirs, 1990, n° 55, p. 81, spéc. p. 89.
(9) Cass. crim., 4 janvier 2005, n° 04-84.876, F-P+F+I (N° Lexbase : A0950DGB), Bull. crim., n° 3.
(10) Voir M. Sanchez, Contribution à l'étude de la preuve pénale, thèse Toulouse 1-Capitole, 2010, n° 85.
(11) Cass. crim., 6 décembre 2011, n° 11-83.970, FS-P+B (N° Lexbase : A1902H49).
(12) Voir M. Sanchez, Contribution à l'étude de la preuve pénale, préc., n° 86 ; et nos obs. in Chronique de procédure pénale - Mars 2012, Lexbase Hebdo n° 476 du 8 mars 2012 - édition privée ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 5969865, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Chronique] Chronique de proc\u00e9dure p\u00e9nale - Mars 2012", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N0622BT9"}}).

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Sociétés

[Jurisprudence] Le sort de la décision collective d'exclusion pour laquelle l'associé exclu est privé du droit de vote

Réf. : Cass. com., 9 juillet 2013, deux arrêts, n° 11- 27.235, FS-P+B (N° Lexbase : A8650KI9) et n° 12-21.238, FS-P+B (N° Lexbase : A8660KIL)

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N8424BT8

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par Bernard Saintourens, Professeur à l'université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur de l'Institut de recherche en droit des affaires et du patrimoine - IRDAP

Le 12 Septembre 2013

Par deux décisions du 9 juillet 2013, importantes et bien articulées, la Cour de cassation perfectionne la position qui est la sienne à propos de la décision d'exclusion d'un associé d'une société par actions simplifiée. La Haute juridiction y réaffirme les exigences requises lorsqu'une telle décision relève de la compétence de la collectivité des associés. S'appuyant sur le droit de tout associé de participer aux décisions collectives et de voter que lui reconnaît l'article 1844 du Code civil (N° Lexbase : L2020ABG), la Chambre commerciale confirme que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi. En conséquence, doit être annulée la décision d'exclusion prise par la collectivité des associés alors que l'associé concerné a été écarté du vote par l'effet d'une stipulation statutaire. Enfin, se trouve clairement écartée la possibilité pour le juge de se substituer aux organes de la société en ordonnant la modification de la clause statutaire contraire aux dispositions impératives imposant le droit pour l'associé visé par l'exclusion de prendre part au vote. Si chacune de ces trois propositions mérite d'être examinée en ce qu'elle contribue à fixer le cadre juridique de l'exclusion de l'associé de SAS, l'ensemble des enseignements retirés des arrêts ici rapportés devrait peut-être conduire en pratique à préférer un mode d'exclusion d'un associé qui ne suppose pas une décision collective des associés.

I - L'associé visé par l'exclusion doit participer à la décision et voter

On sait depuis un arrêt du 23 octobre 2007 (Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.537, FS-P+B+I N° Lexbase : A8236DYP, D., 2007, AJ, p. 2726, obs. A. Lienhard ; D., 2008, Jur. p. 47, note Y. Paclot ; D., 2009, Pan., p. 323, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Rev. Sociétés, 2007, p. 814, note P. Le Cannu ; RTDCom., 2007, p. 791, obs. P. Le Cannu et B. Dondero) que, puisque tout associé a le droit de participer aux décisions collectives, il ne peut être privé du droit de participer à la délibération des associés destinée à se prononcer sur son exclusion.

Par l'arrêt n° 11-27.235, la Cour de cassation reprend la même position, venant ainsi renforcer cette vision de l'interprétation de l'article 1844 du Code civil. S'agissant de ce texte, la décision commentée confirme qu'au-delà d'une simple "participation de l'associé à la décision collective", il s'agit bien de lui reconnaître le droit de voter, ce qui est évidemment une conception bien plus rigoureuse de la lettre de cet article du Code civil qui ne fait état, dans son alinéa premier, que du droit de "participer" aux décisions collectives. On constate donc que coexistent deux interprétations de cet alinéa. Lorsqu'il s'agit de déterminer la répartition du droit de vote entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, la Cour de cassation admet la dissociation entre "participer" et "voter", puisque le nu-propriétaire peut être totalement privé du droit de vote alors même qu'il doit conserver le droit de participer aux décisions collectives (Cass. civ. 2, 13 juillet 2005, n° 02-15.904, FS-P+B N° Lexbase : A9112DIC ; Bull. Joly, 2006, p. 217, note P. Le Cannu). En revanche, lorsqu'il s'agit de se prononcer sur une décision relative à l'exclusion d'un associé, il n'est plus question de dissocier le droit reconnu à tout associé par l'article 1844 du Code civil : il doit tout à la fois pouvoir participer à la décision et voter. Dans l'hypothèse où l'exclusion devrait viser un associé nu-propriétaire, il faut sans doute imaginer que la conception unitaire de l'alinéa premier de l'article 1844 du Code civil l'emportera sur la vision dualiste et que, même si le nu-propriétaire est valablement privé du droit de vote en général, il récupère ce droit lorsqu'il s'agit de se prononcer sur son exclusion de la société.

II - La décision collective ayant prononcé l'exclusion doit être annulée

Le raisonnement de la Cour de cassation se poursuit fort logiquement. Après avoir rappelé que les statuts ne peuvent déroger aux dispositions de l'article 1844 selon lesquelles tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter, une décision d'exclusion prise sans que l'associé visé ne prenne part au vote doit être annulée.

Dans l'affaire ayant donné lieu aux arrêts ici rapportés, une clause des statuts prévoyait en effet que "l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote et ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité". La clause était aussi habile que dangereuse. Habile en ce qu'elle prenait le soin de faire abstraction des actions détenues par l'associé visé par la décision d'exclusion, évitant ainsi que les conditions de quorum et de majorité requises pour l'adoption d'une décision collective ne soient, le cas échéant, hors d'atteinte, compte tenu des droits détenus par ledit associé. Dangereuse, la clause l'était aussi puisqu'elle pouvait aboutir à ce que des associés minoritaires puissent évincer de la société l'associé majoritaire, réalisant ainsi une sorte de mutinerie, passant le capitaine par-dessus bord et s'appropriant la conduite du navire.

Dès lors que l'exclusion est intervenue sur le fondement d'une clause statutaire contraire à une disposition légale impérative, la délibération des associés ayant prononcé cette exclusion doit être annulée. Il s'agit là d'une stricte application de l'article 1844-10 du Code civil (N° Lexbase : L2030ABS), dont l'alinéa trois, indique que la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition du titre du Code civil dans lequel figure justement l'article 1844. On peut relever que la Cour de cassation prend le soin de préciser qu'une telle clause doit être "pour le tout réputée non écrite". Il n'est pas très évident d'identifier avec assurance ce que la Cour de cassation entend par cette formule. Si l'on comprend que le mode de décision, écartant du vote l'associé visé, est dans la ligne de mire de la Haute juridiction puisqu'il s'agit d'une violation de la conception qu'elle retient de l'alinéa premier de l'article 1844 du Code civil, il est plus douteux que soit aussi visée la partie de la clause qui identifie les causes d'exclusion. En l'espèce, la clause statutaire permettait l'exclusion en cas d'exercice par un associé d'une activité concurrente à celle de la société, ce qui paraît être un motif légitime d'exclusion. La question peut dès lors se poser de savoir ce qu'il adviendrait d'une décision d'exclusion, prise en considération d'un tel comportement de l'associé, mais à laquelle l'associé visait aurait participé, nonobstant la privation de droit de vote comprise dans la clause statutaire. Si la clause est invalidée pour le tout parce qu'elle comporte une privation du droit de vote, faut-il juger que la décision d'exclusion l'est aussi alors même qu'elle repose sur un cas d'exclusion légitime et que l'associé n'a pas été privé de son droit de vote ? On voit bien que le thème des conditions de validité des décisions relatives à l'exclusion d'un associé n'est pas encore totalement saturé.

III - Le juge ne peut ordonner la modification des statuts pour modifier la clause écartant l'associé du vote relatif à son exclusion

Dès lors qu'il est établi, sur le terrain jurisprudentiel, qu'une stipulation statutaire écartant du vote de l'exclusion l'associé visé par une telle décision est invalidée comme contraire à l'alinéa premier de l'article 1844 du Code civil, les associés doivent réagir et procéder à la correction nécessaire des statuts afin de se mettre en conformité avec le droit positif.

En l'espèce, postérieurement à l'assignation en annulation de la décision de l'assemblée générale ayant prononcé l'exclusion contestée, les associés de la SAS, réunis en assemblée générale extraordinaire, avaient adopté à la majorité une résolution supprimant la stipulation statutaire selon laquelle l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote. L'associé visé par l'exclusion a alors demandé en justice qu'il soit constaté que cette résolution n'avait pas été valablement adoptée, faute d'avoir été votée à l'unanimité, règle pourtant prévue pour toute résolution relative à ce sujet. Les juges du fond ayant fait droit à cette demande, le pourvoi entendait voir juger que le juge pouvait lui-même sauver ladite décision en considérant qu'il lui fallait corriger la stipulation statutaire invalidée.

La position adoptée par la Chambre commerciale, dans l'arrêt n° 12-21.238, complète utilement la construction jurisprudentielle en précisant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de se substituer aux organes de la société en ordonnant une modification d'une clause statutaire au motif que celle-ci serait contraire aux dispositions légales impératives applicables. Le message est on ne peut plus clair et devra être pris en compte par la pratique. L'irrégularité qui affecte la clause statutaire privant de droit de vote l'associé visé par la décision d'exclusion demeure tant que les associés eux-mêmes, en application des règles légales et statutaires applicables, n'ont pas procédé à la correction requise. Si, comme en l'espèce, une telle correction ne peut être réalisée que par un vote unanime des associés, il n'y a pas de solutions alternatives et le juge ne dispose du pouvoir de procéder, proprio motu, à la modification qui serait nécessaire, même pour ramener les statuts dans le giron de la légalité.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] Mise à disposition d'un immeuble par une société au profit de son gérant : application de la TVA, peu importe le caractère onéreux ou gratuit de l'opération

Réf. : CJUE, 18 juillet 2013, aff. C-210/11 et C-211/11 (N° Lexbase : A0850KKP)

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N8426BTA

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par Guy Quillévéré, Président-assesseur à la cour administrative d'appel de Nantes

Le 12 Septembre 2013

La CJUE vient, à la suite d'une question préjudicielle introduite par la Cour de cassation belge, de juger que les articles 6, § 2, al. 1, a et 13, B, b de la 6ème Directive-TVA (Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de TVA : assiette uniforme N° Lexbase : L9279AU9) doivent être interprétés dans le sens que la mise à disposition, par une société propriétaire d'un immeuble, d'une partie de ce bien au profit de son gérant est soumise à la TVA, qu'elle soit opérée à titre onéreux ou à titre gratuit. Les faits dans les deux affaires portées devant la Cour sont les suivants : deux litiges opposent l'Etat belge à respectivement, Medicom SPRL et à Maison Patrice Alard SPRL, qui sont toutes deux des sociétés de droit belge, au sujet de la déduction de la TVA payée en amont concernant des biens immobiliers utilisés en partie pour des besoins privés des gérants de ces sociétés. S'agissant de la première affaire, il ressort de la décision de renvoi que Medicom est une société dotée de la personnalité juridique et assujettie à la TVA pour une activité d'étude, d'organisation et de conseil en matière de dactylographie, de traduction et d'édition de rapports médicaux pour des firmes pharmaceutiques, ainsi que pour l'exploitation d'une pension pour chevaux. Cette société a fait construire un immeuble où elle exerce son activité et où, par ailleurs, ses gérants résident avec leur famille sans acquitter de loyer. Dans ses déclarations de TVA, Medicom a procédé à la déduction intégrale de la TVA relative aux frais de construction de cet immeuble. Dans le cadre de la procédure d'imposition, les gérants de Medicom ont reconnu qu'ils avaient utilisés les deux tiers de l'immeuble en question pour des besoins privés. L'administration fiscale compétente a alors rejeté la demande de déduction de la TVA et fait signifier une contrainte à Medicom. Dans la seconde affaire, la société Maison Patrice Allard (MPA) a fait construire un immeuble dans lequel elle exerce son activité et où, par ailleurs, son gérant réside avec sa famille sans acquitter de loyer non plus. Dans ses déclarations fiscales, MPA a procédé à la déduction intégrale de la TVA relative aux frais de construction et d'aménagement de l'immeuble. Considérant que la TVA ne pouvait être déduite que partiellement, puisqu'une partie de l'immeuble était affecté au logement du gérant, l'administration fiscale a décerné une contrainte à l'encontre de MPA. Dans les deux litiges, l'administration s'est pourvue en cassation. La Cour de cassation décide de surseoir à statuer et de poser à la CJUE les questions préjudicielles suivantes (rédigées dans les deux affaires en des termes identiques) :

- les articles 6, § 2, al. 1, a et 13, B, b) de la 6ème Directive-TVA doivent-t-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que soit traitée comme une prestation de service exonérée, en tant qu'affermage ou location d'un bien immeuble au sens dudit article 13, B, b), l'utilisation, pour les besoins privés des gérants, administrateurs ou associés et de leur famille d'une société assujettie dotée de la personnalité juridique, de tout ou partie d'un immeuble faisant partie du patrimoine de cette société et ainsi affecté dans sa totalité à son entreprise, dans le cas ou aucun loyer payable en argent n'est stipulé en contrepartie de cette utilisation, mais ou celle-ci s'analyse en un avantage en nature imposé comme tel dans le cadre de l'impôt sur les revenus auxquels les gérants sont soumis, cette utilisation étant de ce fait considérée fiscalement comme la contrepartie d'une fraction de la prestation de travail effectuée par les gérants, administrateurs ou associés ?

- Ces dispositions doivent-elles être interprétées en ce sens que cette exonération s'applique dans ladite hypothèse lorsque la société ne prouve pas l'existence d'un lien nécessaire entre l'exploitation de l'entreprise et la mise de tout ou partie de l'immeuble à la disposition des gérants, administrateurs ou associés et, dans ce cas, l'existence d'un lien indirect est-elle suffisante ?

A ces deux questions, la CJUE répond que ces articles s'opposent à ce que la mise disposition d'un bien immeuble, appartenant à une personne morale pour les besoins privés du gérant de celle-ci, sans que soit prévu à la charge des bénéficiaires, à titre de contrepartie de l'utilisation de cet immeuble un loyer payable en espèces, constitue une location d'immeuble exonérée. Le fait qu'une telle mise à disposition soit considérée, au regard de la règlementation nationale relative à l'impôt sur le revenu, comme un avantage en nature découlant de l'exécution par ses bénéficiaires de leur mission statutaire ou de leur contrat d'emploi n'a pas d'incidence à cet égard. De plus, dans ces situations, la circonstance que la mise de tout ou partie de l'immeuble, entièrement affecté à l'entreprise à disposition des gérants, des administrateurs ou des associés, de celle-ci a ou non un lien direct avec l'exploitation de l'entreprise est dépourvue de pertinence pour déterminer si cette mise à disposition relève de l'exonération de TVA.

Cette décision illustre une nouvelle fois la volonté de la Cour de s'appuyer sur une définition communautaire autonome des locations de biens immeubles, dont elle avait déjà indiqué qu'elle était plus large que la notion de location dans différents droits nationaux (notamment, CJCE, 12 septembre 2000, aff. C-358/97 N° Lexbase : A1931AWG). La CJUE juge que la mise à disposition d'une partie d'un bien immeuble appartenant à une personne morale, pour les besoins privés du gérant de celle-ci, sans que soit prévu à la charge des bénéficiaires à titre de contrepartie de l'utilisation de cet immeuble un loyer payable en espèces ne constitue pas une location d'immeuble exonérée de TVA. Ce faisant, elle ne retient pas la notion de location d'immeubles en l'absence de contrepartie à l'utilisation de l'immeuble, nonobstant la circonstance qu'une telle mise à disposition soit considérée au regard de la règlementation nationale relative à l'impôt sur le revenu comme un avantage en nature découlant de l'exécution par ses bénéficiaires de leur mission statutaire ou de leur contrat d'emploi. Ainsi, les juges de l'Union distinguent la location d'un bien de la prestation de services fournie sur un bien ou à l'aide d'un bien.

I - N'est pas une location d'immeuble exonérée, la mise à disposition du bien immeuble appartenant à une personne morale pour les besoins privés du gérant, même si elle s'opère à titre gratuit

Une location ou une sous-location est, en principe, une prestation de services entrant dans le champ d'application de la TVA, mais l'article 13 B de la 6ème Directive-TVA permet, sous certaines conditions, d'y échapper.

A - La mise à disposition par une société d'un immeuble à titre gratuit ou onéreux pour un besoin privé est assimilable à une prestation de services

Aux termes de l'article 6, § 2, al. 1, a de la 6ème Directive-TVA : "Sont assimilés à des prestations de services effectuées à titre onéreux : a) l'utilisation d'un bien affecté à l'entreprise pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou plus généralement à des fins étrangères à son entreprise lorsque ce bien a ouvert droit à déduction complète ou partielle de TVA". Aux termes de l'article 13, B, b) de la 6ème Directive-TVA, les Etats membres exonèrent "l'affermage et la location de biens immeubles".

La CJUE a élaboré une définition communautaire autonome de l'exonération des locations de biens immeubles, en retenant une définition plus large que la notion de location dans différents droits nationaux (CJCE, 12 septembre 2000, aff. C-358/97, point 54, précité). C'est en précisant progressivement les éléments caractéristiques d'une location immobilière que la CJUE a abouti à une conception extensive de la notion fiscale de location immobilière. Ainsi, pour qu'il y ait location d'un bien immeuble au sens de l'article 13, B, b) de la 6ème Directive-TVA, il faut que toutes les conditions caractérisant cette opération soient remplies, à savoir que le propriétaire d'un bien immeuble ait cédé au locataire, contre un loyer et pour une durée convenue, le droit d'occuper son bien et d'en exclure d'autres personnes (CJUE, 9 octobre 2001, aff. C-409/98 N° Lexbase : A4484AWY et C-108/99 N° Lexbase : A4483AWX).

La CJUE prend aussi en compte la finalité de l'exonération pour définir une location immobilière comme l'opération consistant à conférer à une personne, pour une durée convenue et contre rémunération, le droit d'occuper un immeuble comme s'il en était propriétaire, et d'exclure toute autre personne du bénéfice d'un tel droit. En l'espèce, la mise à disposition par une société propriétaire de l'immeuble d'une partie d'un bien au profit de son gérant ne peut être assimilée à une location. La Cour exclut de la notion de location d'immeubles les contrats caractérisés par l'absence de prise en compte, notamment pour la détermination du prix, de la durée de jouissance du bien immeuble.

B - La construction prétorienne et progressive des conditions de déduction de la TVA pour un bien affecté à l'entreprise pour les besoins privés de l'assujetti

Un assujetti a, tout d'abord, la possibilité de choisir d'intégrer ou non à son entreprise la partie d'un bien qui est affectée à son usage privé, dit la Cour de l'Union (CJUE, 4 octobre 1995, aff. C-291/92 N° Lexbase : A7278AHZ et CJUE, 8 mai 2003, aff. C-269/00 N° Lexbase : A9186B4Y). En application des dispositions précitées, un assujetti qui choisit d'affecter la totalité d'un bâtiment à son entreprise et qui utilise, par la suite, une partie de ce bâtiment pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel a, d'une part, le droit de déduire la TVA acquittée en amont sur la totalité des frais de construction dudit bâtiment et, d'autre part, l'obligation de payer la TVA sur le montant des dépenses engagées pour l'exécution de cette utilisation privée.

Lorsqu'un assujetti choisit de traiter des biens d'investissement utilisés à la fois à des fins professionnelles et à des fins privées comme des biens d'entreprise, la TVA due en amont de ces biens est en principe déductible intégralement et immédiatement (CJUE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90 N° Lexbase : A7275AHW). Dès lors, les dispositions des articles 6, § 2, al. 1, a et 11, A, § 1, c de la 6ème Directive-TVA prévoient que, lorsque le bien affecté à l'entreprise a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA acquittée en amont, son utilisation pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel ou à des fins étrangères à son entreprise est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux et taxée sur la base des dépenses engagées pour l'exécution de ladite prestation de service.

La CJUE, dans un arrêt du 29 mars 2012 (aff. C-436/10 N° Lexbase : A8582IGX), est venue préciser la portée de sa jurisprudence "Seeling" (CJUE, 8 mars 2003, précité), qui avait exonéré de la TVA des personnes physiques mettant à la disposition d'un gérant ou d'un associé un bien immeuble affecté en totalité au patrimoine de l'entreprise. La CJUE a ainsi souligné, dans l'arrêt du 29 mars 2012 (précité) que, pour qu'il y ait exonération, encore faut-t-il que l'on soit en présence d'une location d'un bien immeuble au sens de l'article 13, B, b de la 6ème Directive-TVA.

II - Non incidence des circonstances particulières de la mise à disposition

Le fait que la mise à disposition de l'immeuble soit, au regard de la règlementation nationale, regardée comme un avantage en nature, ou que la mise à disposition de l'immeuble n'ait pas de lien direct avec l'exploitation de l'entreprise est inopérant pour déterminer si cette mise à disposition relève de l'exonération de TVA.

A - L'absence du paiement d'un loyer ne saurait être compensée par le fait que le bien mis à disposition constitue un avantage en nature pour son bénéficiaire

La circonstance que la mise à disposition soit considérée, au regard de la règlementation nationale relative à l'impôt sur le revenu, comme un avantage en nature découlant de l'exécution par ses bénéficiaires de leur mission statutaire ou de leur contrat d'emploi n'a pas d'incidence au regard de l'exonération de TVA.

L'article 13, B, b de la 6ème Directive-TVA est une dérogation au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti, et ses termes sont d'interprétation stricte. Cette disposition ne peut notamment pas être appliquée par analogie, au motif que l'utilisation privative à des fins d'habitation d'un bien immeuble attribué à une entreprise s'apparente le plus, sous l'angle de la consommation finale, à une location au sein de cette disposition.

Ainsi, l'absence de paiement d'un loyer ne saurait être compensée par la circonstance que, au titre de l'impôt sur le revenu, cette utilisation privée d'un bien immeuble affecté à l'entreprise est considérée comme constituant un avantage en nature quantifiable et donc, en quelque sorte, comme une fraction de la rémunération à laquelle le bénéficiaire aurait renoncé en contrepartie de la mise à disposition du bien immeuble en question. L'article 13, B, b de la 6ème Directive-TVA ne saurait être appliqué par analogie en assimilant, ainsi que le proposait le Gouvernement belge, l'avantage en nature évalué pour le calcul de l'impôt sur le revenu dû à un loyer.

B - L'existence d'un lien direct avec l'exploitation de l'immeuble mis à disposition est sans incidence sur l'exonération

La rétribution reçue par le prestataire constitue la contre-valeur effective du service fourni au bénéficiaire. Dans l'espèce jugée par la CJUE, il n'existe pas de lien direct entre la mise à disposition de l'immeuble et une diminution de salaire des gérants, tout comme il n'est pas établi qu'une fraction du travail effectué par lesdits gérants puisse être considérée comme constituant une contrepartie de la mise à disposition de l'immeuble (CJUE, 16 octobre 1995, aff. C-285/95 N° Lexbase : A9685AUA).

La jurisprudence de la CJUE est venue préciser que c'est l'acquisition d'un bien par un assujetti agissant en tant que tel qui détermine l'application du système de TVA et donc du mécanisme de déduction. L'utilisation qui est faite du bien ne détermine pas l'étendue de la déduction initiale à laquelle l'assujetti a droit, en vertu de l'article 17 de la 6ème Directive-TVA (CJUE, 11 juillet 1991, aff. C-97/90 N° Lexbase : A7275AHW). Au contraire, lorsqu'un assujetti acquiert un bien exclusivement pour des besoins privés, il agit à titre privé et non pas en tant qu'assujetti au sens de cette Directive (CJUE, 6 mai 1992, aff. C-20/91 N° Lexbase : A9604AUA).

Un assujetti n'a pas l'obligation de prouver que la mise à disposition de ses gérants, administrateurs ou associés de tout ou partie de l'immeuble entièrement affecté à l'entreprise est effectué "pour les besoins de ses opérations taxées", au sens de l'article 17, § 2 de la 6ème Directive-TVA. En effet, dès lors qu'un assujetti a choisi d'affecter la totalité de l'immeuble à son entreprise, il peut, ainsi qu'il ressort de l'article 6, § 2, b de la 6ème Directive-TVA, l'utiliser à des fins étrangères à son entreprise, et ne saurait en conséquence être contraint d'établir que cette utilisation est effectuée pour les besoins de ses opérations taxées.

L'assujetti ne doit donc pas prouver l'existence d'un lien direct entre l'utilisation à des fins privatives de l'immeuble et ses activités économiques taxables. Ainsi, pour les juges de l'UE, la circonstance que tout ou partie de l'immeuble entièrement affecté à l'entreprise à disposition des gérants, des administrateurs ou des associés de celle-ci a, ou non, un lien direct avec l'exploitation de l'entreprise est dépourvu de pertinence pour déterminer si cette mise à disposition relève de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 13.

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Urbanisme

[Chronique] Chronique de droit de l'urbanisme - Septembre 2013

Lecture: 25 min

N8430BTE

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen

Le 12 Septembre 2013

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit de l'urbanisme d'Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen. Le premier arrêt commenté rappelle les conditions dans lesquelles le maire, agissant au nom de l'Etat peut prendre légalement un arrêté d'interruption de travaux (CE 1° et 6°. s-s-r., 26 juin 2013, n° 344331, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le second arrêt précise la notion d'urgence en matière de référé suspension contre une décision opposant le sursis à statuer sur une demande de permis de construire (CE 1° et 6° s-s-r., 12 juin 2013, n° 358922, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le troisième arrêt énonce les conditions dans lesquelles un plan local d'urbanisme peut contenir des dispositions contraignantes en matière de mixité sociale (CE 1° et 6°. s-s-r., 26 juin 2013, n° 353408, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • Un arrêté d'interruption de travaux, pris par le maire au nom de l'Etat, engage la responsabilité de l'Etat dès lors qu'il est fondé sur une non-conformité entre les travaux autorisés et le document d'urbanisme (CE 1° et 6°. s-s-r., 26 juin 2013, n° 344331, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1209KIM)

L'essentiel des contrôles opérés par l'autorité administrative sur les demandes d'autorisation d'urbanisme se déroule en amont de la décision. A l'occasion de l'instruction de la demande, l'administration est, en effet, amenée à vérifier la conformité du projet du pétitionnaire avec les dispositions d'urbanisme applicables et, notamment, avec les dispositions du règlement d'urbanisme. La phase d'instruction détermine donc l'application de ces règles. En revanche, dès lors que la décision a été édictée, celle-ci est présumée conforme aux règles d'urbanisme. Les actes administratifs sont réputés légaux, tant que le juge compétent n'a pas déclaré le contraire. En matière d'urbanisme, cette présomption de légalité interdit à l'autorité administrative de revenir sur une décision qu'elle a précédemment édictée. En dehors des règes particulières relatives au retrait ou à l'abrogation des actes, l'administration ne peut, en effet, utiliser d'autres pouvoirs pour contester la légalité d'un acte. L'autorité dispose donc du pouvoir de contrôler la conformité de l'exécution du projet avec l'autorisation accordée au pétitionnaire (I). Elle ne peut, en revanche, utiliser ce pouvoir en invoquant le fait que cette autorisation serait contraire aux règles d'urbanisme (II).

I - Le contrôle de la conformité de la réalisation avec l'autorisation

Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt du 26 juin 2013, une SCI avait obtenu deux autorisations. Un permis de démolir avait été accordé par un arrêté du maire de Boulogne-Billancourt en date du 29 décembre 2009. Par un arrêté du 9 octobre 2000, le maire ne s'était pas opposé à une déclaration de travaux. La SCI pouvait donc se prévaloir de deux décisions, manifestement définitives, qui lui permettaient d'exécuter ses travaux. Toutefois, le maire, par deux arrêts successifs des 26 avril 2001 et 27 juin 2001 avait ordonné la suspension des travaux, au motif que les travaux n'étaient pas conformes aux autorisations. Un permis de construire du 8 septembre 2001 a cependant mis la société en mesure de continuer les travaux. Par arrêté du 1er avril 2005 (1), la cour administrative d'appel de Versailles avait jugé que les travaux étaient bel et bien conformes aux autorisations et avait donc relaxé le gérant de la SCI des poursuites engagées contre lui. La société avait alors introduit une action en responsabilité contre l'Etat, en sollicitant la réparation du préjudice causé par l'arrêté d'interruption de travaux du 26 avril 2001. Les juges du fond ont rejeté cette demande.

L'article L. 480-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L3512HZ4) permet au maire de prendre un arrêt interruptif de travaux. Cette faculté est encadrée par l'article L. 480-2 qui dispose que "l'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel [...] dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public".

Les infractions spécifiques prévues à l'article L. 480-4 (N° Lexbase : L3514HZ8) concernent deux hypothèses : soit les travaux interviennent en violation des règles relatives aux autorisations prévues par le titre IV du Code de l'urbanisme ; soit les travaux ne sont pas conformes à l'autorisation accordée. L'article L 480-4 disposait en effet, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits (N° Lexbase : L5533C8G), que "l'exécution de travaux ou l'utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier, II, IV et VI du présent livre, par les règlements pris pour son application ou par les autorisations délivrées en conformité avec leurs dispositions, exception faite des infractions relatives à l'affichage des autorisations ou déclarations concernant des travaux, constructions ou installations, est punie d'une amende comprise entre 8 000 francs et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 40 000 francs par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 2 000 000 de francs [...]".

Ces dispositions appellent plusieurs observations.

Tout d'abord, il faut rappeler que le pouvoir dévolu ainsi au maire ne peut être mis en oeuvre que si un procès-verbal relevant l'infraction a été établie préalablement. L'acte doit être établi en bonne et due forme et porter sur l'infraction commise par le pétitionnaire. Il est, en effet, indispensable que l'infraction soit établie. Un procès-verbal qui se limite à relater la plainte du maire au sujet de travaux effectués sans permis ne suffit pas à justifier légalement l'arrêté interruptif de travaux pris ultérieurement (2). De même, l'infraction n'est pas constituée, dès lors que la hauteur des constructions est conforme au permis de construire délivré, ce dernier étant lui-même conforme aux dispositions du POS (3).

Il faut ensuite également préciser que le maire, lorsqu'il interrompt les travaux, agit au nom de l'Etat. L'arrêt interruptif constitue en effet un acte administratif, bien qu'il s'intègre dans une procédure judiciaire répressive (4). Si la responsabilité de l'Etat doit être recherchée devant les juridictions judiciaires lorsqu'est mise en cause la décision d'engager des poursuites (5), le juge administratif demeure compétent pour apprécier la responsabilité de l'Etat à la suite de l'édiction d'un arrêt interruptif de travaux.

Enfin, depuis la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976, portant réforme de l'urbanisme (N° Lexbase : L2014IXU), le maire ne dispose d'aucun pouvoir discrétionnaire en ce domaine. Dès lors que le procès-verbal d'infraction est établi, il se trouve en situation de compétence liée, et doit, dès lors, prendre l'arrêté interruptif de travaux (6). Par conséquent, les moyens invoqués contre l'arrêté sont inopérants (7).

II - L'arrêté interruptif de travaux et la contrariété aux règles d'urbanisme

Les dispositions de l'article L. 480-2 recouvrent plusieurs hypothèses.

Tout d'abord, le maire peut prendre un arrêté interruptif de travaux lorsque ceux-ci sont réalisés en dehors de toute autorisation administrative préalable exigée par le Code de l'urbanisme. Cette situation simple ne pose pas de difficultés particulières. Un changement de destination imposant la délivrance d'un permis de construire, la réalisation de travaux malgré l'absence de délivrance d'un tel permis autorise le maire à prendre un arrêté interruptif de travaux (8). Un permis frappé par la péremption n'ouvrant aucun droit, la réalisation de travaux qu'il avait autorisés est donc constitutive d'une infraction et justifie l'interruption administrative des travaux (9). Le juge vérifie, bien entendu, qu'une autorisation était imposée par le Code de l'urbanisme et, dans l'affirmative, que l'auteur des travaux n'en était pas titulaire (10).

Ensuite, l'infraction peut être constituée lorsque les travaux réalisés ne sont pas conformes aux prescriptions du permis de construire. Cette deuxième hypothèse ne soulève, non plus, pas de difficulté particulière. L'infraction est établie dès lors que la non-conformité à l'autorisation est constatée (11). L'implantation d'une façade qui n'est pas conforme au plan de masse du permis de construire justifie ainsi l'interruption des travaux (12).

Enfin, l'interruption des travaux n'est pas conditionnée par la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Un arrêt du 14 décembre 1981 énonçait de manière un peu laconique que "la procédure prévue à l'article L. 480-2 ne peut être mise en oeuvre qu'à la suite d'infractions commises lors de la réalisation des travaux et non pour des motifs tirés de l'illégalité du permis autorisant ces travaux" (13). La compatibilité de cette décision avec l'article L. 160-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L6084IS7) n'était pas cependant évidente. L'article L. 160-1 prévoit en effet qu'"en cas d'infraction aux dispositions des projets d'aménagement et des plans d'urbanisme maintenus en vigueur dans les conditions énoncées soit à l'article L. 124-1, soit à l'article L. 150-1 (deuxième alinéa), ou en cas d'infraction aux dispositions des plans d'occupation des sols, des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations visées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des projets et plans mentionnés ci-dessus. Les sanctions édictées à l'article L. 480-4 s'appliquent également : a) En cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les articles L. 111-1 à L. 111-1-4, L. 111-3 et L. 111-5-2 ainsi que par les règlements pris pour leur application".

Cette technique de "pénalisation par renvoi" pouvait laisser penser que la violation d'un document d'urbanisme, tel qu'un POS ou un PLU, justifiait l'interruption administrative des travaux. En effet, le renvoi d'autres articles du Code de l'urbanisme à l'article L. 480-2 a conduit le juge administratif à admettre l'édiction d'arrêté interruptifs de travaux dans des cas autres que ceux évoqués dans les deux premières hypothèses. C'est le cas de la réalisation de travaux de défrichement, en dehors de l'autorisation prévue à l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1581IWH) (14) ou de l'extension de l'activité d'une entreprise de traitement des déchets de bois, en dehors de toute autorisation d'urbanisme et en violation des règles du POS (15).

Il convient cependant de noter que, dans ces exemples, les personnes visées par les arrêtés interruptifs de travaux n'étaient pas bénéficiaires de l'une des autorisations d'urbanisme prévues par le livre IV du Code de l'urbanisme. La cour administrative d'appel de Bordeaux avait jugé que l'autorité administrative n'est pas tenue de faire dresser un procès-verbal, dès lors que "l'infraction alléguée résulterait de la méconnaissance d'un plan local d'urbanisme par une autorisation devenue définitive" (16). On pouvait en conclure que le recours à l'interruption de travaux était impossible. Toutefois, cette impossibilité provenait, avant toute autre chose, de l'absence de procès-verbal.

L'arrêt du Conseil d'Etat clarifie désormais la situation. L'arrêt du 26 juin 2013 dispose en effet "que si le maire, agissant au nom de l'Etat en sa qualité d'auxiliaire de l'autorité judiciaire, peut, en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 480-2 du Code de l'urbanisme, interrompre les travaux pour lesquels a été relevée, par procès-verbal dressé en application de l'article L. 480-1 du même code, une infraction mentionnée à l'article L. 480-4, résultant soit de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du Code de l'urbanisme, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées, il ne peut légalement prendre un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision et ce même s'il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d'urbanisme et notamment le document local d'urbanisme".

Le champ d'application de la procédure de l'arrêt interruptif est donc clairement délimité. Il ne peut intervenir qu'en cas d'absence d'autorisation ou de non-conformité des travaux avec l'autorisation. En revanche, il ne peut intervenir en cas de non-contrariété avec les dispositions d'un document d'urbanisme. La situation à l'égard des infractions prévues par l'article L. 160-1 se présente donc de la manière suivante. Si le contrevenant n'est titulaire d'aucune autorisation, dans la continuité de la jurisprudence antérieure, il peut faire l'objet d'un arrêté interruptif de travaux. En revanche, s'il est titulaire d'une autorisation, cette procédure n'est pas applicable, quand bien même une infraction mentionnée à l'article L. 160-1 du Code de l'urbanisme pourrait lui être reprochée. Il se trouve en effet protégé par la légalité présumée de son autorisation. Cette solution vient donc confirmer, en des termes plus précis, l'arrêt du 14 décembre 1981. Elle traduit le fait que la conformité de l'autorisation aux documents d'urbanisme applicables est réputée établie. En dehors des cas particuliers dans lesquels l'autorité administrative est en mesure de retirer ou d'abroger un acte individuel créateur de droit, elle n'est pas en droit de contester la légalité dudit acte. Seul le juge administratif est compétent pour apprécier cette légalité. Or, la solution inverse revenait précisément à donner au maire le moyen de bloquer les effets d'une décision qu'il avait prise. Elle pouvait également, en cas de changement de municipalité, permettre au nouveau maire de contester la légalité d'une autorisation accordée par son prédécesseur.

En l'occurrence, la cour administrative d'appel avait estimé que la responsabilité de l'Etat n'était pas engagée postérieurement au second arrêté interruptif de travaux. Elle avait en effet relevé que ce second arrêté, qui était fondé sur la méconnaissance de diverses dispositions du PLU de Boulogne-Billancourt, constituait une décision nouvelle insusceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. L'arrêt avait toutefois relevé expressément que les travaux réalisés par la SCI étaient parfaitement conformes aux autorisations qui lui avaient été accordées. Le Conseil d'Etat censure ainsi l'arrêt pour erreur de droit et renvoie l'affaire devant la cour.

  • L'urgence à prononcer la suspension d'une décision de sursis à statuer sur une demande de permis de construire n'est constituée que si cette décision affecte gravement la situation du requérant (CE 1° et 6° s-s-r., 12 juin 2013, n° 358922, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5898KGK)

Le référé-suspension de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS) est fréquemment employé à l'appui de recours en matière d'urbanisme, en particulier à l'appui des recours dirigés contre les décisions accordant une autorisation. Les requérants tentent, en effet, de mettre toutes les chances de leur côté, sans compter que la décision du juge des référés, bien que ne préjugeant pas du sens de la décision des juges du fond, donne cependant une indication particulièrement précieuse sur le sens probable de celle-ci. L'arrêt du 12 juin 2013 apporte une contribution supplémentaire précieuse quant à l'appréciation de l'urgence qui, avec l'exigence d'un moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l'acte attaqué, est l'une des deux conditions posées par l'article L. 521-1. Il énonce le critère de l'urgence en cas de référé-suspension visant une décision de sursis à exécution (I) et précise les modalités de mise en oeuvre de ce critère (II).

I - L'urgence à suspendre une décision de sursis à exécution

L'article L. 521-1 du Code de justice administrative subordonne le prononcé de la suspension de la décision attaquée, à la condition de l'urgence. Le texte ne définit pas cette notion dont la jurisprudence a maintenant bien délimité les contours. Depuis l'arrêt du 19 janvier 2001, "la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre" (17). Le Conseil d'Etat a également précisé "qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue" (18).

L'urgence est considérée comme remplie lorsque l'application immédiate de la mesure contestée contraint le requérant à cesser son activité professionnelle (19). Il a également été jugé qu'eu égard aux conséquences qu'aurait l'exécution d'une décision ordonnant l'abattage d'un troupeau de bovins sur une exploitation agricole, et alors que la suspension de cette décision n'est pas inconciliable avec l'objectif d'éradication de la tuberculose bovine, la condition d'urgence était remplie (20).

L'urgence peut également être reconnue, même dans le cas où les conséquences de la décision pourraient faire l'objet d'une réparation pécuniaire. La condition d'urgence doit ainsi être regardée comme remplie même si l'objet de la décision est financier et que, en cas d'annulation, ses effets pourraient être réparés par une condamnation pécuniaire (21).

Le Conseil d'Etat n'avait cependant pas eu l'occasion de formuler de considérant de principe sur la façon le juge des référés doit apprécier la condition d'urgence lorsque le maire a opposé, à la demande du pétitionnaire, le sursis à statuer. Cette procédure, prévue à l'article L. 111-7 (N° Lexbase : L6292HIU), peut être utilisée dans l'hypothèse prévue à l'article L. 123-6 (N° Lexbase : L6952IRW) en cas de demande alors que l'élaboration du PLU a été prescrite. Dans ce cas, "à compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer [...] sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan". Un arrêt du 15 novembre 2010 avait pris en compte plusieurs éléments pour reconnaître l'urgence à suspendre une décision opposant le sursis à statuer : la durée écoulée depuis le dépôt de la demande initiale du pétitionnaire ; l'existence d'un prêt bancaire d'un million d'euros contracté par la société requérante et venant à échéance et ne pouvant être remboursé sans réalisation de l'opération, objet de la demande, et la circonstance que la partie de l'immeuble déjà réalisée se trouve exposée aux dégradations du fait de l'inachèvement du bâtiment (22).

L'arrêt du 12 juin 2013 précise que, pour démontrer l'existence d'une urgence à prononcer la suspension de la décision de sursis à statuer, le juge doit justifier "en invoquant des circonstances particulières, que cette décision affecte gravement sa situation". On notera que le pétitionnaire est toujours placé en situation défavorable en matière de référé-suspension. En effet, il y a, a priori, toujours urgence à suspendre une autorisation, puisque l'absence de suspension risque de provoquer la réalisation de l'opération autorisée. En revanche, il est beaucoup plus rare qu'il y ait urgence à suspendre une décision de refus, les recours contre ce genre de décisions étant beaucoup plus aléatoires.

II - Les modalités d'appréciation de l'urgence

Après avoir enrichi la jurisprudence par un considérant de principe relatif à l'hypothèse du sursis à statuer en cas d'élaboration du PLU, l'arrêt apporte des précisions supplémentaires.

D'une part, le Conseil censure l'appréciation portée par le juge des référés sur la question de l'urgence. La chose est suffisamment rare pour être soulignée. En effet, la réalisation de la condition de l'urgence relève du pouvoir d'appréciation souveraine des juges du fond et ne peut donc être censurée que par le biais du grief de la dénaturation qui est assez rarement reconnu, de manière générale, mais plus encore lorsqu'il s'agit de l'urgence de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative.

En l'espèce, le Conseil censure l'ordonnance pour être demeurée à la surface du dossier. L'arrêt relève, en effet, "qu'en estimant que la condition d'urgence était remplie au seul motif que la SCI [...] avait conclu avec M. X, antérieurement à la décision de sursis à statuer, une promesse synallagmatique portant sur la conclusion d'un bail à construction en vue de la réalisation du projet, comportant une clause de caducité et ayant donné lieu au versement au bailleur, à titre définitif, d'une somme d'argent, alors que les demandeurs ne précisaient pas en quoi l'éventuelle caducité de cette promesse était de nature à affecter gravement leur situation, le juge des référés a porté sur les intérêts en présence une appréciation entachée de dénaturation".

Ce faisant, il insiste sur l'office du juge des référés. Ce dernier ne doit pas limiter son analyse à la seule étude des pièces et, en l'espèce, des stipulations des contrats. L'appréciation qu'il porte sur la situation ne doit, pas, en effet, être simplement théorique. Le requérant doit donc démontrer en quoi l'exécution de cette clause, du fait de l'opposition du sursis à statuer, porterait une atteinte grave à sa situation, et le juge des référés doit donc vérifier l'existence de cette démonstration et en contrôler le bien-fondé.

D'autre part, le Conseil d'Etat profite de la possibilité de statuer au fond que lui donne l'article L. 821-1 du Code de justice administrative pour finir son travail pédagogique et mettre en oeuvre de manière concrète la méthode qu'il a dégagée. En l'occurrence, les requérants invoquaient le risque de caducité de la promesse de bail à construction qu'ils avaient obtenue de la part du propriétaire du terrain. L'arrêt relève "que, compte tenu tant de l'absence d'obstacle à la reconduction de cette promesse que de l'intérêt public qui s'attache à l'exécution du futur plan local d'urbanisme, lequel prévoit notamment de renforcer la préservation du caractère naturel de la zone en cause, comprise dans une zone de protection spéciale Natura 2000, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie".

On doit en déduire que le demandeur au référé-suspension ne peut se limiter, pour établir que la décision affecte gravement sa situation, à invoquer l'existence d'un risque. La réalisation du dommage causé par l'exécution de la décision attaquée doit être certaine, faute de quoi il se verra opposer le même genre de considération que dans l'arrêt en cause. En l'espèce, le requérant n'a pas établi que l'application de la décision de sursis à statuer, et l'impossibilité de réaliser son projet qui en découlait, lui interdisait d'obtenir la reconduction de la promesse du bail à construction. L'argumentaire du requérant doit donc être d'une extrême précision factuelle et juridique et il y a fort à parier que le Conseil d'Etat interprètera le silence d'une clause quant au renouvellement de l'acte comme n'interdisant pas ce renouvellement. Il faut donc développer une argumentation précise et circonstanciée, sous de voir le juge des référés refuser de reconnaître l'existence de l'urgence.

Il faut noter, de plus, que le Conseil relève également l'existence d'un intérêt public. Il constate, en effet, la nécessité de mettre à exécution le futur plan afin de préserver le caractère naturel de la zone. Le travail pédagogique du juge de cassation s'arrête là car les deux considérations relevées vont dans le sens du refus de reconnaître l'urgence. Il sera intéressant d'analyser la situation dans laquelle le requérant pourrait se prévaloir d'un véritable intérêt de nature à établir l'urgence. Etant donné que toute décision administrative poursuit, par nature, un intérêt public, le juge sera amené à établir une hiérarchie entre les deux afin de prendre sa décision. Suite au prochain épisode...

  • Le PLU, qui, notamment en ce domaine, doit être compatible avec le SCOT, peut fixer des objectifs précis en matière de mixité sociale afin de mettre en oeuvre l'objectif poursuivi par la loi du 13 décembre 2000 (CE 1° et 6°. s-s-r., 26 juin 2013, n° 353408, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1249KI4)

Le Conseil d'Etat a profité d'un pourvoi formé contre un arrêt particulièrement fourni rendu par la cour administrative d'appel de Nantes (23) pour délivrer un arrêt assez dense apportant plusieurs précisions sur la composition et la procédure régissant l'élaboration des PLU. En l'occurrence, un particulier avait attaqué la délibération du conseil communautaire approuvant le plan local d'urbanisme de La Chapelle-sur-Erdre. Le plan fixait, pour deux parcelles, l'obligation de construire un minimum de 3 200 m² de SHON et de 43 logements, dont 800 m² de SHON destinés à la réalisation de logements sociaux. La collectivité avait donc intégré ces contraintes traduisant les exigences de la mixité sociale imposée par la loi "SRU" (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY) dans le PLU. Le Conseil d'Etat profite de cette occasion pour fixer les relations entre les PLU et ces exigences (II) et pour préciser deux aspects de la procédure d'élaboration du PLU (II)

I - PLU et mixité sociale

Ainsi que le rappelle le Conseil d'Etat, "la loi du 13 décembre relative à la solidarité et au renouvellement urbains, le législateur a entendu doter les communes de prérogatives nouvelles pour favoriser, dans un but d'intérêt général, la prise en compte dans les documents d'urbanisme d'objectifs de mixité sociale". La mixité sociale permet donc à la collectivité d'intégrer des règles contraignantes au sein des PLU. L'article L. 123-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7630IDX) précise que "dans les zones urbaines ou à urbaniser, le plan local d'urbanisme peut instituer des servitudes consistant : b) A réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit". L'article R. 123-12 (N° Lexbase : L2924DZC) précise pour sa part que les documents graphiques présentés en annexe du PLU "[...] font également apparaître, s'il y a lieu : [...] c) Les emplacements réservés en application du b de l'article L. 123-2 en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements en précisant la nature de ces programmes". Les propriétaires des terrains voient ainsi leur droit de propriété très largement réduit puisque l'affectation des terrains n'est plus libre. Comme d'habitude, la seule compensation qui leur est offerte réside dans la perte définitive de leur droit de propriété puisqu'ils peuvent exiger, en application de l'article L. 123-7 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7534IMY), que la collectivité fasse l'acquisition de leur terrain, à un prix qui est évidemment tributaire de la future affectation de celui-ci, ce que ne précise évidemment pas le code.

Pour la première fois, à notre connaissance, le Conseil d'Etat énonce, dans un considérant de principe, la portée exacte de ces dispositions et leur mise en oeuvre dans les documents graphiques du PLU. L'arrêt précise "que ces dispositions ont pour objet d'habiliter les auteurs des plans locaux d'urbanisme, d'une part, à définir dans les zones urbaines ou à urbaniser des programmes de logements répondant à des préoccupations de mixité sociale, dont les plans et les documents graphiques qui y sont annexés précisent la nature, et, d'autre part, à constituer, dans ces zones, des réserves foncières afin de permettre la mise en oeuvre de ces programmes ; que les plans locaux d'urbanisme peuvent, à cette fin, imposer des contraintes précises à ces terrains et fixer notamment un pourcentage minimum de surface hors oeuvre nette affecté à la réalisation des logements prévus par ces programmes ou un nombre minimum de logements à édifier, éventuellement en indiquant les catégories de logements concernés ; que les propriétaires peuvent, au demeurant, faire usage du droit de délaissement prévue par l'article L. 123-17 du Code de l'urbanisme".

Deux éléments doivent être soulignés. D'une part, le PLU et ses annexes peuvent donc contenir des dispositions très précises afin de poursuivre l'objectif de mixité sociale et imposer, par conséquent, des contraintes importantes aux propriétaires. Il appartient aux collectivités de gérer cette possibilité avec une certaine clairvoyance car le droit de délaissement qui demeure, malgré tout, ouvert aux propriétaires concernés, est de nature à faire peser sur le budget une charge imprévue.

D'autre part, l'arrêt précise implicitement que l'objectif de mixité sociale constitue l'une des politiques visées à l'article L. 300-1 (N° Lexbase : L4059ICC). En effet, l'article L. 221-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9826IA8) précise que les réserves foncières sont constituées "en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1". Le Conseil d'Etat avait déjà eu l'occasion de préciser que la référence à une délibération du conseil municipal visant à "développer et mieux répartir l'offre de logements sociaux et à conduire une politique du logement social qui favorise le relogement des populations en difficulté en garantissant les principes de la mixité sociale" constituait une motivation suffisante d'une décision exerçant le droit de préemption urbain (24).

Le Conseil d'Etat profite également de l'occasion pour rappeler le rapport de compatibilité qui doit exister entre les PLU et les SCOT. Le délai de droit commun applicable à la mise en comptabilité est fixé à trois ans. La mise en compatibilité est une obligation puisque l'administration est tenue d'abroger, d'office ou à la demande d'une personne intéressée, tout règlement illégal, même si cette situation résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à la date de publication du règlement (25). Le Conseil d'Etat a développé une approche assez stricte du rapport de compatibilité, même si ce dernier n'impose pas une parfaite adéquation (26). Le rapport de compatibilité implique que le document inférieur ne remette pas en cause les options fondamentales du document supérieur (27). Un projet de barrage n'est pas incompatible avec les orientations d'un schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux dès lors que celui-ci n'interdit pas la réalisation d'un équipement de cette nature, mais a seulement pour objet d'en limiter les effets négatifs (28).

En l'occurrence, le Conseil d'Etat relève que "le plan répondait aux orientations du schéma en matière d'accueil de la population, de diversification de l'offre, de mixité sociale et spatiale et respectait la volonté d'un développement urbain cohérent privilégiant le renouvellement urbain, les extensions en continuité des zones agglomérées". Le rapport de compatibilité est donc assuré. Par conséquent, le fait que, dans trois secteurs, les extensions urbaines à destination d'habitat ne respectaient pas les orientations du schéma est jugé sans conséquences. Ces secteurs représentent, en effet, une très faible superficie et correspondent à des poches non urbanisées mais appelées à se développer. Le Conseil d'Etat écarte donc ici toute erreur de qualification juridique des faits.

II - Précisions sur l'élaboration du PLU

L'arrêt du 26 juin 2013 apporte deux précisions relatives à la procédure d'élaboration du PLU.

D'une part, il écarte un moyen tiré d'un défaut d'évaluation environnementale. En application de l'article L. 121-10 (N° Lexbase : L7497IMM), font l'objet d'une évaluation environnementale "les plans locaux d'urbanisme : a) qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001 [...] compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés". Le champ d'application de l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme a été redéfinit par le décret n° 2012-995 du 23 août 2012 (N° Lexbase : L9884ITA).

En l'occurrence, il était soutenu que la procédure d'adoption du PLU était irrégulière, faute d'avoir fait l'objet de cette évaluation, au motif des incidences du PLU sur un site "Natura 2000". Le Conseil considère que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'atteinte à ce site n'était pas établie, dès lors que celle-ci "s'est fondée sur ce que la partie en eau de l'Erdre était classée en zone NE, dans laquelle le règlement n'autorise que les ouvrages et installations directement nécessaires à l'entretien des plans d'eau, à la navigation ainsi que les ouvrages et équipements de service public ou d'intérêt collectif, sous réserve qu'ils ne portent atteinte ni à la sauvegarde des sites, ni à celle des milieux naturels et paysages". Ce faisant, elle a bien pris en compte les critères de l'article L. 121-10 "sans y ajouter illégalement d'autres exigences".

Il faut en conclure que les critères de l'article L. 121-10 ne sont pas cumulatifs. En effet, les dispositions du règlement ne sont pas le seul critère fixé par cet article qui impose également la prise en compte de la sensibilité du milieu et de la superficie du territoire. La mise en oeuvre de l'évaluation environnementale dépend donc, de manière prioritaire, des dispositions du règlement. Si ce dernier, comme en l'espèce, interdit toute atteinte à la sauvegarde des sites et des milieux naturels, il n'y a pas lieu de faire application des deux autres critères.

D'autre part, le Conseil confirme sa jurisprudence traditionnelle relative à l'information des membres des assemblées délibérantes locales. Les élus locaux disposent en effet d'un droit à l'information prévu par l'article L. 2121-13 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8562AAD), étendu aux membres des autres assemblées, qui précise que "tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération". Le respect formel de ce droit à l'information impose que l'exécutif se conforme strictement aux délais de communication imposés par les textes. Le respect matériel impose qu'une information suffisante et adaptée soit transmise aux conseillers.

Le Conseil d'Etat précise "qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 5211-1, L. 2121-12 et L. 2121-13 du Code général des collectivités territoriales, applicables aux établissements publics de coopération intercommunale, que la convocation aux réunions du conseil communautaire doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour ; que le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le président du conseil communautaire n'ait fait parvenir aux intéressés, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat ; que cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et d'apprécier les implications de leurs décisions". Ce droit à l'information n'est cependant pas absolu. En effet, il "n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises". Ce faisant le Conseil reprend sa jurisprudence antérieure (29).

En l'espèce, le juge de cassation, qui exerce sur cette question un contrôle limité à l'erreur de droit et à la dénaturation, a estimé que la cour avait justement pu considérer que les conseillers communautaires avaient disposé d'une information suffisante dès lors que "le projet de délibération joint aux convocations comprenait, outre un tableau récapitulant les observations émises durant l'enquête publique, l'avis du commissaire-enquêteur sur ces observations, ainsi que la décision proposée par le conseil communautaire et un tableau comportant les avis des personnes publiques associées, un rappel du déroulement chronologique de la procédure et des objectifs et enjeux du futur plan local d'urbanisme, un exposé des principales observations et demandes formulées pendant l'enquête publique, les réponses et les conclusions du commissaire-enquêteur ainsi que les modifications du plan proposées en conséquence et l'explication des choix effectués par la communauté urbaine". Après avoir écarté l'ensemble des moyens invoqués contre l'arrêt d'appel, le Conseil d'Etat rejette donc le pourvoi.


(1) CAA Versailles, 2ème ch., 3 août 2010, n° 09VE01013, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1530GBB).
(2) CE 1° et 4° s-s-r., 10 janvier 1996, n° 125314, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7116ANU).
(3) CAA Nancy, 1ère ch., 30 avril 2008, n° 07NC00536, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4550D8Z).
(4) CE, S., 16 novembre 1992, n° 96016, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8250ARY).
(5) T. confl., 27 novembre 1952, Lebon, p. 642.
(6) CE 1° et 4° s-s-r., 11 juin 1993, n° 89119, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0178ANW).
(7) CE 3° et 5° s-s-r., 26 mai 1993, n° 90149, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9744AMT).
(8) CE 9° et 10° s-s-r., 6 février 2002, n° 235242, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1152AYC).
(9) CAA Douai, 1ère ch., 14 juin 2001, n° 97DA01664, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0682BM9).
(10) CE 2° et 6° s-s-r., 24 février 1992, n° 89626, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5505ARC).
(11) CE, S., 9 novembre 1983, n° 41872 (N° Lexbase : A9309ALD) et n° 43663 (N° Lexbase : A9310ALE).
(12) CE 3° et 5° s-s-r., 1er octobre 1993, n° 129861, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0836ANB).
(13) CE 1° et 4° s-s-r., 14 décembre 1981, n° 15499, 15500, 15001, 15502 (N° Lexbase : A7745AK3).
(14) CE 2° et 6° s-s-r., 19 mars 1990, n° 84379, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6854AQW).
(15) CAA Douai, 1ère ch., 24 novembre 2011, n° 10DA01276, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9697IBR).
(16) CAA Bordeaux, 1ère ch., 20 décembre 2011, n° 11BX01050, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5341KKZ).
(17) CE, S., 19 janvier 2001, n° 228815, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6576APA).
(18) CE, S., 19 janvier 2001, n° 228815, publié au recueil Lebon, préc. ; CE référé, 16 novembre 2011, n° 353541 (N° Lexbase : A9310HZT).
(19) CE, S., 28 février 2001, n° 230112, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9116AR3).
(20) CE, S., 16 mai 2001, n° 230631, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7142ATP).
(21) CE, S., 19 janvier 2001, n° 228815, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6576APA).
(22) CE 10° s-s., 15 novembre 2010, n° 342672, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4314GKY).
(23) CAA Nantes, 2ème ch., 15 juillet 2011, n° 10NT02554, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7801HX9).
(24) CE 1° et 6° s-s-r., 24 juillet 2009, n° 316694, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1105EK7).
(25) CE, Ass., 3 février 1989, n° 74052, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0651AQ8).
(26) CE, 1° et 6° s-s-r., 21 mai 2008, n° 290241, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7204D8C).
27) CE 2° et 7° s-s-r., 2 juin 2010, n° 328916, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2060EYX).
(28) CE 9° et 10° s-s-r., 10 novembre 2006, n° 275013, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2881DSI).
(29) CE 1° et 6° s-s-r., 14 novembre 2012, n° 342327, mentionné aux tables du recueil Lebon ([LXB=A8643IWZ)]).

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