Réf. : TA Nantes, 19 octobre 2022, n° 2012829 N° Lexbase : A68968QH
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N3135BZ7
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par Yann Le Foll
Le 09 Novembre 2022
► Est légale une subvention accordée par une commune à une association d’aide aux migrants.
Faits. Par une délibération du 9 octobre 2020, le conseil municipal de la commune de Saint-Nazaire a attribué une subvention de 10 000 euros à l’association SOS Méditerranée France. M. Bouchet demande au tribunal, en qualité de contribuable de la commune, d’annuler cette délibération.
Position TA. Les dispositions (applicables à la date de la délibération contestée, soit le 9 octobre 2020) du premier alinéa de l’article L. 1115‑1 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L4750L73, aux termes desquelles : « dans le respect des engagements internationaux de la France, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. », permettent de justifier légalement la subvention en litige (voir à l’inverse, pour l'annulation de la convention de financement pour la restauration de la basilique Saint-Augustin d'Hippone à Annaba, CAA Lyon, 3e ch., 7 mars 2013, n° 12LY01489, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6588KBM).
En effet, d’une part, l’association SOS Méditerranée France, qui a pour objet, en particulier, de « sauver la vie des personnes en détresse, en mer Méditerranée », « est une association humanitaire indépendante de tout parti politique et de toute confession », qui poursuit une action internationale à caractère humanitaire.
D’autre part, les tensions diplomatiques qui ont pu exister entre la France et l’Italie en 2018 et 2019, soit antérieurement à la délibération attaquée, n’étaient pas assimilables à un conflit entre ces deux États, et il n’est pas sérieusement contesté que l’association intervient dans le respect des engagements internationaux de la France.
En outre, les dispositions de cet article ne subordonnent pas le soutien de la collectivité, qui peut se manifester par le versement d’une subvention, à l’existence d’un intérêt public local ou d’un quelconque lien avec les compétences dévolues au conseil municipal en vertu de l’article L. 2121-29 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L8543AAN.
Il en résulte la décision précitée (voir pour une décision similaire, TA Montpellier, 19 octobre 2021, n° 2003886 N° Lexbase : A68958QG).
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Réf. : Arrêté du 21 octobre 2022 relatif à la transmission électronique des documents comptables au sein du registre du commerce et des sociétés N° Lexbase : L7715MEH
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N3207BZS
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par Vincent Téchené
Le 09 Novembre 2022
► Un arrêté, publié au Journal officiel du 4 novembre 2022, introduit une nouvelle modalité de dépôt par voie électronique des documents comptables, telle que prévue par le second alinéa de l'article R. 123-111 du Code de commerce, auprès du service informatique mentionné à l'article R. 123-30-14 dudit code.
Plus précisément, à compter du 1er janvier 2023, l’arrêté précise les modalités de dépôt des documents comptables des articles R. 123-111 N° Lexbase : L2584I4H et R. 123-121-4 N° Lexbase : L7590LSW du Code de commerce auprès de l'organisme unique mentionné à l'article R. 123-1 du Code de commerce N° Lexbase : L8274L3T (le guichet unique électronique), lequel est seul habilité à les recevoir par voie électronique, en application du troisième alinéa de l'article R. 123-102 N° Lexbase : L8552ITW et du deuxième alinéa de l'article R. 123-121-4 du Code de commerce.
L’article 1er de l’arrêté effectue une première modification de l’article A. 123-61 du Code de commerce N° Lexbase : L7800MEM, mais dont la durée d’application est très courte (moins de deux mois) : du 5 novembre 2022 (lendemain de la publication de l’arrêté au Journal officiel) au 1er janvier 2023.
En effet, à compter du 1er janvier 2023, l’article 2 de l’arrêté opère une nouvelle modification de l’article A. 123-61 N° Lexbase : L7801MEN. Il sera alors prévu que pour effectuer la transmission électronique des documents comptables, accompagnés le cas échéant de la déclaration de confidentialité des comptes annuels, la société a recours au service informatique mentionné à l'article R. 123-2 N° Lexbase : L4994MDC, c’est-à-dire le guichet unique électronique des formalités d'entreprises.
Un article A. 123-63-1 N° Lexbase : L7802MEP est créé prévoyant la même possibilité pour l’EIRL.
Les articles A. 123-61 et A. 123-63-1 ajoutent, le premier pour les sociétés et le second pour les EIRL, qu’une convention établie entre le directeur des services judiciaires, le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) et le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) détermine les formats d'échange et l'ordre de transmission des documents aux greffes. La réception des documents, la demande de compléments et la validation du dépôt sont effectuées par l'intermédiaire du service informatique, dans les conditions prévues aux articles R. 123-6 N° Lexbase : L8278L3Y et R. 123-7 N° Lexbase : L4996MDE.
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Réf. : Cass. civ. 3, 7 septembre 2022, n° 21-20.312, F-D N° Lexbase : A68478H3
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N3231BZP
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par Dimitri Houtcieff, Agrégé des Facultés de droit
Le 09 Novembre 2022
Mots-clés : contrat • mandat apparent • avantage gratuit • pouvoirs • tiers contractant • croyance légitime
Le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, si la croyance du tiers dans les pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ; l'avantage gratuit consenti par le mandataire apparent impose toutefois de vérifier ses pouvoirs.
Les apparences ne sont pas toujours trompeuses. Elles dispensent même souvent de s’enquérir de la réalité, épargnant de fastidieuses vérifications aux opérateurs : « en fait de meubles, la possession ne vaut titre », dispose l’article 2276 du Code civil N° Lexbase : L7197IAS. Il arrive même, pour que l’agent puisse s’y fier sans crainte, qu’elles l’emportent sur la réalité et deviennent créatrices de droit : ainsi lorsqu’un mandant est engagé par un mandataire apparent dépourvu du moindre pouvoir. Encore faut-il alors que le tiers contractant ait légitimement pu croire en la réalité de la représentation, ce qu’excluent parfois les circonstances : l’invocation d’un avantage gratuit impose ainsi une vérification des pouvoirs du représentant incompatibles avec l’existence d’un mandat apparent, comme en atteste cet arrêt rendu le 7 septembre 2022 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.
Une société civile immobilière avait consenti à une personne physique un bail portant sur maison d’habitation. Après un an et demi, la locataire cessa de régler ses loyers : la bailleresse l’assigna afin d’obtenir la résiliation du bail et sa condamnation au paiement des loyers impayés. La locataire prétendit alors que le bail avait été nové d’un commun accord en convention d’occupation à titre gratuit. La bailleresse opposa que la prétendue novation avait été consentie, non pas par le gérant de la société, mais par une associée dépourvue du pouvoir de l’engager : l’occupante fit valoir qu’elle ignorait ce défaut de pouvoir, ladite associée s’étant toujours comportée à son égard comme la représentante de la société civile… Son argumentation emporta la conviction des juges du fond [1] : par un arrêt confirmatif, la cour d’appel de Paris estima que l’associée s’était comportée comme une mandataire apparente de la société civile immobilière à l’égard de l’occupante et que les liens amicaux qu’entretenaient l’une et l’autre autorisaient à ne pas vérifier les limites exactes de ses pouvoirs, d’autant que l’intention de nover le bail en prêt à usage s’était concrétisée par la restitution des loyers de janvier et mars 2016 et qu’aucun paiement n’avait plus jamais été exigé pendant un an et demi [2]. La société propriétaire se pourvut en cassation, faisant notamment valoir que celui qui a reçu un avantage à titre gratuit ne peut bénéficier de la théorie de l’apparence. Le pourvoi est accueilli par la décision rapportée.
Selon la Cour régulatrice, en admettant que l’associée s’était comportée comme mandataire apparent et que les liens amicaux qui existaient entre les parties autorisaient l’occupante des locaux à ne pas vérifier les limites de ce mandat, alors que l’avantage gratuit imposait de vérifier les pouvoirs de la prétendue mandataire, la cour d’appel a violé l’article 1998 du Code civil N° Lexbase : L2221ABU, dont il résulte, en substance et selon la jurisprudence, que le mandant ne peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent que si la croyance du tiers dans les pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisent le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.
Cet arrêt ne surprend pas : la croyance légitime ne se présume pas et ne peut être admise qu’avec prudence (I). Il n’en mérite pas moins l’attention, en tant qu’il affirme que l’invocation d’un avantage gratuit par le tiers contractant impose la vérification des pouvoirs du mandataire (II).
I. La croyance légitime ne se présume pas
Les conséquences du mandat apparent sont âpres : le mandant ne peut se prévaloir de l’absence –effective – des pouvoirs du mandataire pour échapper à la dette. Il appartient cependant au tiers contractant d’établir que les conditions de mise en œuvre de la théorie de l’apparence sont réunies. Si la jurisprudence n’exige plus l’existence d’une erreur invincible [3], elle n’admet le jeu de ce mécanisme correcteur qu’avec circonscription, sous réserve de ce que les circonstances aient pu dispenser le tiers contractant des vérifications qui auraient pu conduire à la mise au jour de la réalité : la croyance dans l’existence des pouvoirs du mandataire doit être « légitime » [4]. Issu de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations N° Lexbase : L4857KYK, l’article 1156 du Code civil N° Lexbase : L0874KZE consacre cette solution jurisprudentielle : il n’admet l’opposabilité de l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs que « si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté » [5].
En pratique, les juges s’appuient volontiers sur le comportement du mandataire apparent pour caractériser la croyance légitime du tiers contractant : ainsi lorsque le prétendu mandataire s’est lui-même présenté comme tel [6], ou qu’il a, comme en l’espèce, utilisé des papiers d’affaires au nom du mandant [7]. La croyance légitime peut aussi être admise au-delà du comportement du mandataire apparent, pour peu que les circonstances s’y prêtent : ainsi en va-t-il dès lors que le mandataire était assisté par un avocat lors de la signature de l'acte notarié, que sa procuration était mentionnée dans cet acte, et que le notaire, en raison de son devoir de conseil, avait été tenu de vérifier l'étendue des pouvoirs du mandataire [8].
Au-delà de ces exemples, il est évidemment un peu vain de tenter d’énumérer exhaustivement l’ensemble des circonstances susceptibles de fonder la croyance légitime du tiers contractant. À la vérité, au-delà d’une méticulosité nécessaire des juges dans la caractérisation de cette croyance légitime, il n’y a pas à proprement parler, en cette matière, de « jurisprudence » : l’apparence est ordinairement affaire d’espèce et de circonstances. La décision rapportée n’en est que plus frappante, en tant qu’elle admet, par principe et en thèse générale, que le tiers contractant ne peut invoquer l’apparence dès lors qu’il se prévaut d’un avantage gratuit.
II. La gratuité impose la vérification
Quoique la décision ne soit pas rédigée en forme d’arrêt de principe, et bien qu’elle ne soit pas publiée, elle paraît bien reposer sur un principe. La Cour régulatrice affirme en effet sans détour que « l’avantage gratuit dont se prévalait [la défenderesse au pourvoi] lui imposait de vérifier les limites de ce mandat ». Elle ne s’attarde guère sur la contrariété de l’acte considéré à l’intérêt social de la bailleresse, qui aurait pourtant pu participer à faire douter de la croyance légitime de l’occupante : au-delà des circonstances de l’espèce, l’invocation d’un avantage gratuit exclut par principe que le tiers contractant puisse se prévaloir d’un quelconque mandat apparent.
L’éviction systématique de la théorie de l’apparence n’est pas si fréquente : par principe, la croyance légitime n’a pas de frontières. Certes, certaines dispositions législatives en restreignent le jeu. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, l’article 1158 du Code civil N° Lexbase : L2704K7B étrique l’hypothèse de l’apparence, en permettant au tiers qui doute de l'étendue du pouvoir du représentant conventionnel de « demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte » : la vérification des pouvoirs du représentant étant simplifiée en même temps qu’elle est encouragée, l’hypothèse de la croyance légitime est rabotée. Certains droits spéciaux passent par ailleurs pour être rétifs à la théorie de l’apparence : songeons au droit des sociétés, qui protège le tiers contractant sans lui imposer la preuve d’une quelconque croyance légitime dans les pouvoirs du mandataire social [9]. Enfin, certaines exigences sont rétives à la prospérité de la théorie de l’apparence. Le formalisme exceptionnel de certains mandats conduit par exemple à l’exclure [10] : « l’exigence d’un mandat écrit, quand elle a pour raison d’être de protéger le titulaire véritable, crée pour la victime de l'illusion l'obligation de se renseigner » [11]. Encore ne faut-il pas déduire un reflux général de la théorie de l’apparence des remarques qui précèdent. D’abord, comme on l’a dit, la casuistique inhérente à la caractérisation de la croyance légitime rend difficile la perception d’un quelconque mouvement d’ensemble. Ensuite, même dans les matières qui passent pour y être hostiles, l’apparence fait parfois de la résistance [12]. L’hostilité de principe dont semble témoigner cette décision peut donc légitimement surprendre (si l’on peut dire) : elle n’en doit pas moins être approuvée.
La volonté de se dépouiller sans contrepartie est suffisamment inhabituelle pour que les actes juridiques qui la portent fassent fréquemment l’objet d’un contrôle renforcé : il convient de s’assurer de ce qu’ils n’ont pas été consentis à la légère. Les libéralités sont ainsi le plus souvent soumises à un formalisme impératif et protecteur, lequel, comme on vient de le dire, interdit l’invocation d’une quelconque apparence [13]. Au-delà même des hypothèses où l’efficacité de la volonté est soumise à une solennité, on ne saurait admettre qu’une obligation puisse naître à la charge d’un débiteur, non seulement sans aucune volonté de sa part, mais en outre sans qu’il bénéficie de la moindre contrepartie. La sécurité du crédit ne saurait fonder une telle atteinte à la liberté contractuelle et à la protection du débiteur : les relations d’affaires ne sont-elles d’ailleurs pas rétives à la gratuité ? L’incongruité de l’avantage gratuit doit dès lors nécessairement susciter un doute (légitime) quant à la réalité des pouvoirs du représentant : elle impose une vérification de la part du contractant. Somme toute, pour ainsi dire, la gratuité chasse l’apparence !
[1] TI Meaux, 12 décembre 2018, n° 11-18-000364 N° Lexbase : A047049B.
[2] CA Paris, 4-3, 28 mai 2021, n° 19/01007 N° Lexbase : A06484UK.
[3] La jurisprudence s’est longtemps fondée sur le vieil adage : error facit jus : v. par exemple Cass. req., 3 août 1815, S. 1815-1818, p. 83 et s. Adde sur cet adage, E. Valabrègues De la maxime error communis facit jus, RCLJ 1890.30 et s.
[4] Cass. ass. plén., 13 décembre 1962, n° 57-11.569, Bull. n° 2, D. 1963. 277, note J. Calais-Auloy ; JCP 1963. II. 13105, note P. Esmein ; RTD civ. 1963. 572, obs. G. Cornu.
[5] V. sur ce point les observations critiques de A. Danis-Fatôme, Proposition de modification de l’article 1156 du Code civil : le défaut de pouvoir du représentant, RDC, mars 2017, n° 1, 114b0, p. 177.
[6] Par ex. Cass. civ. 1, 6 janvier 1955, JCP G 1955, II, 8731, note A. Besson ; Cass. civ. 1, 28 octobre 1974, n° 73-12.724, publié au bulletin N° Lexbase : A3628CKL ; Cass. com., 8 mai 1978, n° 76-13034, publié au bulletin N° Lexbase : A9861AGC ; Cass. com., 5 décembre 1989, n° 88-14193 N° Lexbase : A8584AHE ; Cass. civ. 1, 22 mai 1991, n° 89-20.596 N° Lexbase : A6210CYN, Contrats, conc., consom., 1991, comm. 220, L. Leveneur.
[7] Cass. civ. 1, 3 juin 1998, n° 96-12.505, publié au bulletin N° Lexbase : A0310AZI ; Cass. civ. 1, 8 avril 2010, n° 09-10.790, FS-D N° Lexbase : A5830EUH ; Cass. civ. 3, 26 novembre 2015, n° 12-19.414, F-D N° Lexbase : A0897NYU.
[8] Cass. civ. 1, 28 septembre 2022, n° 20-21.631, F-D N° Lexbase : A09488M3.
[9] Il est ordinaire que le représentant légal engage la société par les actes entrant dans l’objet social : C. civ., art. 1849 N° Lexbase : L2046ABE ou C. com., art. L. 221-5 N° Lexbase : L5801AIP. Voire, ce représentant engage parfois la société au-delà de l’objet social, sauf à ce qu’il soit démontré que le tiers savait que l’acte dépassait l’objet social ou qu’il ne pouvait l’ignorer : C. com., art. L. 223-18, al. 5 N° Lexbase : L2030KGB, art. L. 225-35, al. 2, N° Lexbase : L7980MB8 L. 225-64, al. 2 N° Lexbase : L7981MB9.
[10] Cass. civ. 1, 2 décembre 2015, n° 14-17.211, F-P+B N° Lexbase : A6930NYC, Contrats, conc., consom., mars 2016, n° 3, p. 59, obs. crit. L. Leveneur ; Cass. civ. 1, 31 janvier 2008, n° 05-15.774, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5980D4A, D. 2008, AJ 485, obs. Y. Rouquet, RTD com. 2008. 616, obs. B. Bouloc, Defrénois 2008. 701, obs. É. Savaux ; Contrats, conc., consomm., mai 2008, n° 5, p. 124, note L. Leveneur ; Cass. civ. 1, 5 juin 2008, n° 04-16.368, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9205D8G ; D. 2008. AJ 1693, obs. Y. Rouquet. V. cep. contra Cass. civ. 1,, 6 janvier 1994, n° 91-22.117 N° Lexbase : A6007AHX, Bull. I, n°1, RTD civ. 1994. 593, obs. J. Mestre, RTD com. 1994. 548, obs. B. Bouloc. Adde en matière de délégation d’un droit de vote dans le cadre d’une copropriété, Cass. civ. 3, 19 juillet 1995, n° 93-17.911 N° Lexbase : A7944ABT, D. 1996. Somm. 91, obs. C. Atias.
[11] M. Boudot, Rép. civ. Dalloz, V° Apparence, mai 2018.
[12] Cass. com., 9 mars 2022, n° 19-25.704, F-D N° Lexbase : A52247QK, Rev. Soc. 2022, p.479 note J. Jullian.
[13] V. en matière de donations, C. civ., art. 931 N° Lexbase : L0088HPX : « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité ».
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Réf. : Cass. com., 26 octobre 2022, n° 20-22.416, FS-B N° Lexbase : A00948RW
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N3187BZ3
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201)
Le 09 Novembre 2022
Mots-clés : déclaration de créance • délai • allongement au profit du créancier demeurant à l’étranger • appréciation de l'extranéité • lieu où se trouve la personne ayant le pouvoir de déclarer la créance
La personne ayant le pouvoir de déclarer la créance de la société créancière, qui ne se trouve pas au sein de son établissement en France mais à son siège social à l'étranger, subit la contrainte résultant de son éloignement. Par conséquent, la société créancière demeurant hors du territoire de la France métropolitaine doit bénéficier de l'allongement du délai de déclaration de créance prévu à l'article R. 622-24, alinéa 2, du Code de commerce.
Les arrêts intéressant la question de l’allongement du délai de déclaration de créance du créancier demeurant à l’étranger ne sont pas légion. D’autant plus intéressante est donc cette décision de la Cour de cassation du 26 octobre 2022, au demeurant appelée à la publication au Bulletin.
En l’espèce, le 12 juillet 2006, la société Citibank International PLC, aux droits de laquelle vient la société Citibank Europe PLC (la société Citibank), a consenti un prêt à la société Findi d'un montant principal de 61 900 000 euros, remboursable in fine le 16 juillet 2011. Le même jour, la société Findi a consenti à une SCI un prêt de 41 958 999,69 euros afin de refinancer son compte courant d'associé et a cédé à la société Fire la totalité des parts sociales qu'elle venait d'acquérir et la créance de refinancement détenue à l'égard de la SCI ainsi que les garanties les accompagnant. Une partie du prix de cession a été stipulée payable à la date d'échéance finale du prêt Citibank.
Le 26 juin 2007, la société Citibank a cédé par voie de titrisation sa créance au titre du prêt consenti à la société Findi le 12 juillet 2006 au fonds commun de créance Europrop, devenu FCT Europrop (le FCT), ainsi que l'intégralité des sûretés et privilèges attachés à cette créance.
Par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 12 juillet 2011, publié au Bodacc le 27 juillet suivant, la société Findi a été mise en procédure de sauvegarde, la société [O] [N] étant désignée mandataire judiciaire. Un plan de sauvegarde a été arrêté le 28 juin 2012 dont la durée a été prolongée jusqu'au 28 juin 2020.
Le 26 septembre 2011, le FCT a déclaré au passif de la société Findi une créance privilégiée de 61 900 000 euros en principal, outre intérêts, au titre du prêt. Puis, le 18 novembre 2011, le FCT a assigné la société Citibank aux fins de résolution du contrat de cession du prêt à son profit et de réparation du préjudice subi. Un arrêt du 6 février 2019 a prononcé la résolution judiciaire de l'acte de cession de créances et des annexes conclu entre la société Citibank et le FCT. Le 25 novembre 2011, la société Citibank a également déclaré au passif de la société Findi une créance « éventuelle » identique à celle déclarée par le FCT, qui a été contestée.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si une personne morale ayant son siège social à l’étranger, mais ayant un établissement en France, pouvait bénéficier de l’allongement du délai de déclaration de créance dont bénéficient les créanciers demeurant à l’étranger. Cela revenait donc à s’intéresser à cette notion de créancier demeurant à l’étranger en présence d’une personne morale ayant un établissement en France.
La 13ème chambre de la cour d’appel de Versailles avait jugé, le 3 novembre 2020 [1], que le créancier anglais était bien un créancier demeurant à l’étranger. Fallait-il faire droit au pourvoi en cassation en considérant que « le lieu où demeure une société est la France si celle-ci y dispose d'un établissement ayant une activité en lien avec le litige », ce qui était incontestablement le cas en l’espèce ?
La Cour de cassation va rejeter le pourvoi et retenir qu’ « il résulte qu'à la date de la publication du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la personne de la société Citibank ayant le pouvoir de déclarer sa créance, qu'elle fût le représentant légal ou un délégataire de celui-ci, ne se trouvait pas au sein de son établissement en France mais à son siège social à l'étranger, de sorte qu'elle subissait la contrainte résultant de son éloignement, la cour d'appel a pu déduire, par un arrêt motivé et sans se contredire, que la société Citibank, créancière demeurant hors du territoire de la France métropolitaine, devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration de créance prévu à l'article R. 622-24, alinéa 2, du Code de commerce N° Lexbase : L6120I33 ».
Nous ne nous intéresserons ici qu’au moyen du pourvoi principal.
Comme l’avait fait la cour d’appel de Versailles, la Cour de cassation va apprécier la notion de créancier demeurant à l’étranger en écartant certains éléments. Tout d’abord, la Cour de cassation ne va pas se focaliser sur le seul positionnement du siège social. La solution s’impose. En effet, l’allongement du délai de déclaration de créance ne profite pas au créancier étranger, mais au créancier qui demeure à l’étranger.
Ensuite, comme l’avait fait la cour d’appel, la Cour de cassation va partir de la finalité de l’allongement du délai de déclaration de créance. Cet allongement du délai de déclaration de créance, nous enseigne la Cour de cassation, dans un arrêt de sa Chambre commerciale du 13 juillet 2010 [2], est prévu par un texte (à l’époque de l'article 66, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985 et aujourd’hui l’article R. 622-24, alinéa 2, du Code de commerce), qui édicte un régime dont la seule finalité est de compenser au profit du créancier domicilié hors de la France métropolitaine la contrainte résultant de l'éloignement.
Le créancier qui demeure à l’étranger est par principe considéré comme étant désavantagé par rapport au créancier demeurant en France.
En matière de déclaration de créance, cette contrainte évoquée par la Cour de cassation a une triple origine. De première part, le créancier demeurant à l’étranger est géographiquement éloigné. De deuxième part, ce créancier peut ne pas maîtriser la langue française. De troisième part, ce créancier ne peut être présumé connaître parfaitement le droit français. La présomption selon laquelle nul n’est censé ignorer la loi française ne peut évidemment concerner que les personnes demeurant en France.
Pour ces trois raisons, il est légitime que le créancier demeurant à l’étranger ne soit pas traité comme le créancier demeurant en France. Et c’est pourquoi la loi présume de manière irréfragable, au regard de l’obligation de traitement identique de tous les créanciers demeurant à l’étranger, que ce créancier doit avoir un délai plus long pour déclarer sa créance que s’il demeurait en France, la contrainte étant plus grande pour lui que pour le créancier demeurant en France. Comme en matière d’allongement en raison des distances, tel qu’il est posé par l’article 643 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6758LEZ, il est ici question de « l’expression d’une égalité des armes permettant le respect du droit à un procès équitable » [3].
L’on comprend alors pourquoi la seule façon d’apprécier si le créancier, personne morale, demeure à l’étranger est de se demander si la personne physique qui a la charge de déclarer la créance, demeure en France ou à l’étranger. Si elle demeure à l’étranger, elle subit bien la contrainte évoquée par la Cour de cassation et mérite donc la protection instituée par les textes, qui prend la forme d’un allongement de deux mois du délai de déclaration de créance, portant ainsi ce délai de deux à quatre mois.
Or, en l’espèce, le dirigeant social investi du pouvoir de déclarer les créances était en Angleterre. Il n’était pas en France. Peu importait dès lors le fait que la société créancière ait eu en France un établissement et que son représentant en France ait été informé de l’ouverture de la procédure collective.
On ne peut qu’approuver la solution de la Cour de cassation, ayant une vision incarnée de la personne morale, et non une vision éthérée, en n’oubliant pas qu’une personne morale a une infirmité et qu’elle n’existe qu’au travers de ses organes, personnes physiques. Nul n’a jamais mangé avec une personne morale.
Il est donc logique d’apprécier en la seule personne de celui ayant le pouvoir de déclarer la créance s’il méritait la protection instaurée au profit du créancier demeurant à l’étranger. Il n’en aurait été autrement que si, en France, une personne avait, par délégation, reçu le pouvoir de déclarer la créance, car cette personne n’aurait alors subi aucune contrainte liée à son éloignement.
[1] CA Versailles, 3 novembre 2020, n° 19/06944 N° Lexbase : A406333U
[2] Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-13.103, FS-P+B N° Lexbase : A6761E48, D., 2010, 1865, note A. Lienhard ; Gaz. Pal. entr. diff., 15-16 octobre 2010, p. 33, note E. Le Corre-Broly ; LPA, 20 décembre 2010, n° 252, p. 6, note A.-F. Zattara-Gros ; JCP E, 2010, 1744, note Ph. Roussel Galle ; Rev. proc. coll., 2011, comm. 37, p. 44, note F. Legrand et M.-N. Legrand ; Leden, 2010/8, p. 2, obs. I. Parachkevova ; E. Le Corre-Broly, in Chron., Lexbase Droit privé, septembre 2010, n° 408 N° Lexbase : N0555BQM).
[3] C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayet et S. Guinchard, Procédure civile, Précis Dalloz , 34ème éd., 2018, n° 1042.
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Le 09 Novembre 2022
Mots clés : eau • sécheresse • agriculture • ressources • environnement
Après un été caniculaire ayant causé une grave sécheresse jusque dans des régions habituellement épargnées, la gestion de la ressource en eau est apparue comme l’un des points majeurs de tensions à venir sur l’ensemble du territoire, concernant autant les particuliers (consommation domestique, remplissage des piscines) que l’activité agricole, comme l’a récemment démontré la polémique autour des « méga-bassines» de Sainte-Soline. Pour savoir si se profile réellement une « guerre de l’eau » en France comme l’a titré un hebdomadaire au mois d’août dernier, Lexbase Public a interrogé Victoria Chiu, Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3 et spécialisée en droit de l’eau*.
Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler le cadre législatif et règlementaire du droit de l'eau en France ?
Victoria Chiu : Le droit de l’eau est une branche du droit de l’environnement qui s’est construite à partir des années soixante même si ces racines profondes doivent être recherchées dans le droit romain.
Le droit de l’eau peut être défini comme « un corps de règles régissant globalement les eaux continentales [...] et constituant un système juridique traitant de l’eau dans tous ses aspects en prenant en compte les interrelations qui existent au sein de ce milieu physique et de son environnement » [1].
Les principales règles juridiques du droit de l’eau ont été posées par le législateur dans trois grandes lois sur l’eau : la loi de 1964, la loi de 1992 et celle de 2006. Toutefois, d’autres lois sectorielles ont apporté des modifications et compléments au droit de l’eau tel qui est aujourd’hui en vigueur : la loi n° 84-512 du 29 juin 1984, relative à la pêche en eau douce et à la gestion des ressources piscicoles, la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004, portant transposition de la Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau N° Lexbase : L1617DYK, la loi « Grenelle II » (loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement N° Lexbase : L7066IMN), la loi « MAPTAM » du 27 janvier 2014 (loi n° 2014-58 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles N° Lexbase : L3048IZW), la loi « NOTRe » du 7 août 2015 (loi n° 2015-991, portant nouvelle organisation territoriale de la République N° Lexbase : L1379KG8), etc..
La loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964, relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, a posé les premières bases pour construire le droit de l’eau en France.
Il s’agit d’une loi très importante puisqu’elle prend en compte la réalité écologique du territoire de l’eau en imposant une lutte contre sa pollution à l’échelle de bassin versant et en créant à ce titre des institutions spécifiques (qui existent toujours) telles que les comités de bassin et les agences financières de l’eau. Il est intéressant de mentionner que cette loi française inspirera plus tard la Directive (CE) 2000/60 du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau N° Lexbase : L8045AUI, qui pose un cadre juridique calqué sur la réalité écologique de l’eau.
Ensuite, la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, sur l'eau N° Lexbase : L8578AGS, qui affirme que cette ressource est un patrimoine commun de la Nation, construit le droit de l’eau autour de quatre principes essentiels : celui de l’unité de la ressource en eau (il s’agit de prendre en compte la réalité physique de la ressource en eau et de son cycle naturel), de la patrimonialisation de l’eau, de l’affirmation du caractère d’intérêt général de la protection de l’eau et le principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau (C. env., art. L. 210-1 N° Lexbase : L6864L7D et suiv.).
Enfin, la dernière grande loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 (loi n° 2006-1772 N° Lexbase : L9269HTH) reprend les principes affirmés en 1992 et elle y affirme l’usage prioritaire de l’eau pour la consommation humaine et consacre le droit d’accès à l’eau potable. Cette loi vient également compléter la transposition de la Directive cadre sur l’eau, en intégrant les standards globaux fixés par le législateur européen et en posant des standards complémentaires.
Les dispositions de ces lois et de leurs décrets d’application sont désormais codifiées au sein des articles L. 210-1 et suivants et R. 211-1 N° Lexbase : L8775HYN et suivants du Code de l’environnement. Toutefois, pour connaître l’ensemble des règles juridiques du droit de l’eau, la seule consultation du Code de l’environnement n’est pas suffisante. Etant donné l’absence d’un Code de l’eau, elles sont dispersées entre plusieurs codes (Code de l’environnement, Code général des collectivités territoriales, Code général de la propriété des personnes publiques, Code de l’urbanisme, Code rural et de la pêche maritime, Code de la santé publique, etc.).
Lexbase : Le droit de l'Union européenne a-t-il eu une influence particulière sur le droit français de l'eau ?
Victoria Chiu : Le droit de l’eau français est fortement influencé par le droit de l’Union européenne. Plus généralement, l’ossature du droit de l’eau en France, comme dans le reste de l’Union européenne, est posée par la Directive cadre sur l’eau de 2000. Cette dernière pose le cadre juridique nécessaire pour une protection globale de la ressource en eau sur l’ensemble du territoire des États membres de l’Union européenne, en tenant compte des aspects qualitatifs et dans une moindre mesure des aspects quantitatifs de celle-ci. Comme le souligne le Conseil d’État, elle « contribue à réintroduire, non sans douleur pour tous les États membres, une cohérence dans le droit de l’eau en ayant changé d’approche : cessant de sédimenter les textes, elle part des résultats à atteindre à long terme et instaure à intervalles réguliers des comptes rendus sur leur atteinte » [2]. Cette Directive énonce des objectifs environnementaux très ambitieux à atteindre pour les eaux de surface et les eaux souterraines. Ces objectifs imposent des obligations positives à l’égard des États membres.
Si l’objectif général du bon état de toutes les masses d’eau n’a pas été atteint, comme prévu, en décembre 2015, les États membres doivent s’y conformer au plus tard en 2027. En effet, un nouveau délai a été fixé par la Commission européenne pour éviter les condamnations en série des États membres pour non-conformité aux objectifs fixés par la Directive.
Avec cette Directive, la ressource en eau est protégée dans la globalité du cycle, depuis son gisement dans la nature jusqu’au robinet du consommateur.
Depuis l’entrée en vigueur de la Directive cadre sur l’eau, elle a subi quelques modifications, mais ces dernières ne sont que les preuves du renforcement continu de la protection de la ressource en eau. Cette Directive est complétée par d’autres directives sectorielles qui font partie du droit de l’eau de l’Union européenne (par exemple la Directive (UE) 2020/184 du 16 décembre 2020, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine N° Lexbase : L7955MED qui a fait l’objet d’une refonte en 2020, la Directive 2006/118/CE du 12 décembre 2006, sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration N° Lexbase : L8986HTY. Plus récemment, pour faire face aux pressions croissantes qui s’exercent sur l’eau entraînant sa rareté, l’Union européenne a adopté le Règlement (UE) 2020/741 du 25 mai 2020, relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau N° Lexbase : L2891LXD. Ce dernier pose les exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau et vise essentiellement le secteur agricole. Cependant, son entrée en vigueur est fixée au 25 mai 2023.
En France, cet aspect a fait l’objet du décret n° 2022-336 du 10 mars 2022, relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées (N° Lexbase : L8611MBK), pris en application de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (N° Lexbase : L8806LUP). À côté d’une procédure assez complexe à respecter pour pouvoir réutiliser ces eaux, il ne prend malheureusement pas en compte le volet « eaux pluviales », ce qui aurait pu permettre une meilleure valorisation de la ressource dans un contexte de stress hydrique récurrent.
Lexbase : Quelles sont les institutions chargées de faire respecter ce droit sur le territoire national ?
Victoria Chiu : Le cadre institutionnel de l’application du droit de l’eau est très complexe. Il y a d’une part l’État, les institutions administratives déconcentrées (notamment le préfet du département qui est l’autorité ayant une compétence exclusive pour mettre en œuvre la police spéciale de l’eau et des milieux aquatiques, le préfet de région) et les collectivités territoriales ainsi que leurs groupements (par exemple dans le domaine des services publics de distribution d’eau potable et d’assainissement ou pour les intercommunalités qui, depuis le 1er janvier 2018, assument une nouvelle compétence dite « GEMAPI » : gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations).
Et d’autre part, il y a des institutions dites spécialisées créée par le législateur dans une logique de protection et de gestion de l’eau à l’échelle du bassin et du sous-bassin telles que les comités de bassin, les préfets coordonnateurs de bassin, les agences de l’eau, les commissions locales de l’eau. À côté de ces institutions locales spécialisées, il existe depuis 1964 un Comité national de l’eau qui est compétent pour donner son avis sur toutes les questions importantes dans le domaine de l’eau (avis sur un projet de loi ou projet de texte réglementaire, etc.).
Par ailleurs, d’autres établissements publics ayant des missions bien plus larges ou plus précises peuvent intervenir dans le domaine du droit de l’eau tel que l’Office français de la biodiversité dont les agents sont compétents pour rechercher et constater sur le terrains les violations au droit de l’eau en vigueur ou encore les Voies navigables de France dont les agents sont compétents pour rechercher et constater les atteintes à l’intégrité du domaine public fluvial et plus précisément les contraventions de grande voirie.
Lexbase : Quelle est son influence sur la gestion du domaine public fluvial par les personnes publiques ?
Victoria Chiu : Les règles qui régissent l’utilisation du domaine public fluvial sont principalement codifiées au sein du Code général de la propriété des personnes publiques.
Aucun travail ne peut être exécuté, aucune prise d'eau ne peut être pratiquée sur le domaine public fluvial sans l’autorisation de la personne publique propriétaire de ce domaine. Les décisions d'autorisation fixent les dispositions nécessaires pour assurer notamment la sécurité des personnes mais également la protection de l'environnement.
La gestion du domaine public fluvial doit respecter le droit de l’eau et plus précisément doit assurer l’intégrité des cours d’eau, leur protection quantitative et qualitative, la protection de la diversité biologique, la continuité écologique (la libre circulation des espèces biologiques et par le bon déroulement du transport naturel des sédiments), mais aussi la valorisation économique de la ressource en eau. Ainsi, la police spéciale de l’eau et des milieux aquatiques qui est exercée par le préfet du département a vocation à s’appliquer sur toutes les masses d’eau y compris sur les eaux du domaine public fluvial. Par ailleurs, la protection du domaine public fluvial est renforcée par le cumul des contraventions de grande voirie avec le délit de pollution des eaux prévu par l’article L. 216-6 du Code de l’environnement N° Lexbase : L7875K9K.
Lexbase : Le juge administratif considère-t-il l'accès à l'eau potable comme un droit fondamental ? Plus généralement, a-t-il une position assez protectrice de cette ressource naturelle selon vous ?
Victoria Chiu : En France, le droit à l’eau est affirmé dans l’article L. 210-1, alinéa 2 du Code de l’environnement depuis 2016. L’article dispose que « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
Certains maires, pour mettre en œuvre le droit à l’eau potable mais aussi le droit à un logement décent ont pris des arrêtés municipaux d’interdiction des coupures d’eau dans les familles en difficultés. Le juge administratif a eu l’occasion de se prononcer sur la légalité de ces arrêtés en les annulant au motif que les mesures d’interdiction étaient trop générales et les risques pour l'ordre public trop éventuels pour entrer dans le champ d’application de la police administrative du maire [3]. Il a fallu attendre l’intervention du législateur en 2007 (loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale N° Lexbase : L5929HU7) et en 2013 (loi n° 2013-312 du 15 avril 2013, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes N° Lexbase : L6155IWU) et notamment la modification de l’article L. 115-3 du Code de l’action sociale et des familles N° Lexbase : L7416MDZ pour voir un certain progrès dans la mise en œuvre du droit à l’eau potable. Ainsi, désormais, l’alinéa 3 de cet article dispose que « du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l'année suivante, les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles ». La dernière phrase de cet alinéa précise que cette interdiction vaut « pour la distribution d'eau tout au long de l'année ». Cette disposition interdit donc les coupures de distribution d'eau en cas d'impayés. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a déclaré la constitutionnalité de cet alinéa dans une décision du 29 mai 2015 en validant l’interdiction d’interrompre la distribution de l’eau dans les résidences principales qu’il a justifié non pas sur le fondement du droit à l’eau potable mais sur le droit à un logement décent [4]. Quant au juge administratif, pour l’heure il ne s’est pas prononcé sur la portée de ce droit pourtant fondamental.
Plus globalement, si le juge administratif dispose de plusieurs moyens et armes pour protéger l’eau et les milieux aquatiques, il ne les déploie pas suffisamment. Sur certains points, il serait souhaitable de voir une évolution de sa jurisprudence pour garantir une telle protection. Par exemple, il pourrait renforcer la portée juridique des documents de planification tels que les SDAGE et les SAGE ou faire évoluer son contrôle de légalité des projets d’utilité publique voire abandonner l’application du principe d’indépendance des législations qui n’a plus de raisons à s’appliquer dans le domaine environnemental.
En allant plus loin, il serait possible d’imaginer qu’un jour, le Conseil d’État reconnaisse le droit à l’eau comme une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative N° Lexbase : L3058ALT, comme il a pu le faire récemment avec le « droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » [5].
*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public.
[1] Y. Jégouzo, Existe-t-il un droit de l’eau ?, in Rapport du Conseil d’État, L’eau et son droit, vol. II, Paris, La Documentation française, 2010, p. 567.
[2] CE, Rapport public, L’eau et son droit, EDCE, n° 61, Paris, La Documentation française, 2010, p. 58.
[3] CAA Nancy, 11 juin 2009, n° 08NC00599 N° Lexbase : A3252EIB ; CAA Paris, 11 juillet 2007, n° 05PA01942 N° Lexbase : A5363DYB.
[4] Cons. const., décision n° 2015-470 QPC du 29 mai 2015 N° Lexbase : A6684NIE.
[5] CE, référé, 20 septembre 2022, n° 451129 N° Lexbase : A67548IY.
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Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 18 octobre 2022, n° 462497, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A89158PU
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par Fabien Durbin, Expert-comptable mémorialiste, Cabinet SYREC - Florent Oliver, Docteur en droit, chercheur associé au Centre d’Études Fiscales et Financières (UR 891) – AMU, élève-avocat
Le 08 Novembre 2022
Mots-clés : SCI • patrimoine • immobilier • associés • déficit foncier
Il était communément admis qu’une société civile immobilière (SCI) trouvait son intérêt principalement en matière d’opérations de construction, de commercialisation, de gestion d’immeubles mais aussi de transmission. Elle permet en outre de faciliter la gestion d’un patrimoine immobilier tout en protégeant le patrimoine personnel de ses associés. La décision rendue par le Conseil d’État le 18 octobre 2022 pourrait apporter à la SCI un intérêt nouveau : l’attribution intégrale du déficit foncier au profit d’un associé.
En l’espèce, le capital social d’une SCI familiale est détenu par les parents [1] à hauteur de 0,5 % chacun, les 99 % restants étant répartis entre les cinq enfants. La SCI soumise au régime des sociétés de personnes relève de l’article 8 du CGI N° Lexbase : L1176ITQ, les associés sont ainsi soumis personnellement à l’impôt sur le revenu en proportion de leurs droits sociaux. L’article 238 II bis K du CGI N° Lexbase : L3844KWB dispose que la part de bénéfice de chaque associé est déterminée et imposée en tenant compte de l’activité et du montant des recettes de la société.
La société a clôturé son bilan durant plusieurs années par des pertes. Les délibérations d’assemblées générales extraordinaires des 30 décembre 2014, 28 décembre 2015 et 30 décembre 2016 ont décidé d’attribuer la totalité des déficits fonciers des années 2014 à 2016 aux parents qui à eux deux ne représentent qu’1% du capital social. Lors de leurs déclarations d’impôt sur le revenu, ces pertes se sont muent en déficit foncier venant alléger significativement l’impôt [2].
L’administration fiscale a alors considéré que l’affectation des déficits devait correspondre à la proportion des parts détenues dans le capital. Dès lors, attribuer l’intégralité des pertes au couple détenant 1 % du capital devait être considéré comme violant le pacte social. L’administration fiscale a contesté l’attribution de la totalité des pertes à un ou plusieurs associés, sous couvert qu’il s’agissait de clauses léonines en vertu de l’article 1844-1 du Code civil N° Lexbase : L2021ABH et ce, malgré le fait que trois assemblées générales avaient valablement délibérée en dérogation du pacte social. Par ces motifs, à l’initiative de l’administration fiscale en contestation de la déductibilité d’une partie de la fraction des déficits fonciers de la SCI immobilière au regard de l’article 8 du Code général des impôts ; les associés minoritaires (les parents) de la société civile immobilière, ont fait l’objet d’une rectification d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, pour les exercices 2014, 2015 et 2016, assortis d’intérêts de retard et de pénalités.
Après un rejet de leur réclamation préalable, les requérants ont demandé la décharge au Tribunal administratif de Paris [3], lequel a rejeté leurs prétentions par jugement du 29 juin 2020. Après avoir interjeté appel, la cour administrative d’appel de Paris a annulé ce jugement en donnant raison aux époux [4]. Le Ministre de l’Économie s’est alors pourvu en cassation.
Par une décision du 18 octobre 2022, le Conseil d’État s’est prononcé sur la validité des décisions prises lors d’assemblées générales extraordinaires d’une SCI attribuant aux parents la totalité des pertes enregistrées par la société pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016.
En outre, le Conseil d’État a considéré, en confirmant l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, que de telles dispositions prises lors d’assemblées générales extraordinaires ne constituaient pas des clauses léonines réputées non écrites en ne dérogeant que de manière ponctuelle au pacte social.
Le Conseil d’État ouvre-t-il dès lors le champ des avantages fiscaux de la SCI ?
Les juges du Palais-Royal ont, d’une part, reconnu l’indépendance entre la répartition du capital et l’attribution du résultat de la SCI (I) et, d’autre part, ouvert la SCI à de potentiels atouts jusque-là non exploités (II).
I. La décorrélation entre la répartition du capital et l’attribution des pertes de l’exercice
A. Le principe : la corrélation de l’actionnariat et de l’affectation des résultats
Le pourvoi du Ministre soulève trois moyens, dont un surabondant qui sera écarté. Les deux premiers soulèvent des questions quant à l’interprétation de l’article 1844-1, du Code civil qui dispose que « La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social […], le tout sauf clause contraire ». La loi ouvre ainsi la voie à une décorrélation entre la répartition du capital et la répartition des bénéfices ou des pertes et par là, une asymétrie possible entre les associés. Dès lors, par une décision des associés ou par des dispositions statutaires la détention du capital pourrait ne pas suivre la distribution ou l’attribution des résultats. En soumettant aux assemblées générales de 2014 à 2016 l’affectation intégrale des déficits, les parents ont ainsi considéré que par dérogation, ils pouvaient modifier la répartition statutairement admise. La question d’une décision d’assemblée prévoyant une affectation différente du pacte social post établissement d’une liasse fiscale attribuant une quote-part de résultat prévu statutairement demeure. Qu’en est-il de l’interprétation de cette dichotomie par l’administration fiscale ? Pour écarter toutes suspicions, il conviendrait de faire délibérer l’assemblée générale sur la répartition du résultat avant le dépôt de la liasse fiscale.
B. La clause léonine écartée
Étymologiquement « semblable au lion » ou « part du lion » [5], la clause léonine incarne la clause abusive venant rompre l’équité entre les associés en créant un déséquilibre injustifié. Le droit des sociétés identifie deux clauses réputées non écrites car inéquitables : l’exclusion d’un associé aux pertes ou l’anéantissement du droit au bénéfice d’un associé.
En l’espèce, la limite vient au second alinéa de l’article 1844-1 du Code civil qui indique que cette dérogation au pacte social est réputée non écrite [6]. Il s’agit là du fondement de l’accusation de clause léonine à laquelle s’attache l’administration pour fonder sa rectification à l’encontre des époux bénéficiaires de l’intégralité des déficits de la société. Effectivement, l’administration a interprété cette situation comme favorable aux parents qui avaient utilisé la SCI comme un outil de transmission mais aussi, au gré d’une ingénierie fort avantageuse, comme un outil de réduction de leur imposition. Les juges du Palais-Royal ont estimé qu’une dérogation ponctuelle au pacte social, sans incidence sur la contribution aux pertes ne pouvait être qualifiée d’abusive ouvrant la porte à d’autres interrogations.
II. Une décision élargissant l’intérêt fiscal de la SCI pour les associés
A. La dérogation « ponctuelle », une notion sibylline
Le Ministre reproche au jugement d’appel d’avoir retenu la « ponctualité » pour écarter la qualification de clause léonine. Il considère en outre que les décisions prises durant trois années n’avaient plus rien de « ponctuelles ». Pourtant les dispositions du Code civil visées ne permettent pas de définir ce qu’il faut entendre par « ponctuel ».
Les juges du Conseil d’État ont ainsi validé la possibilité pour un actionnaire minoritaire de déduire ponctuellement, en l’espère sur trois ans, l’intégralité des déficits. Toutefois la notion reste indéfinie, alors qu’une durée plus longue, ponctuelle au regard de la durée de la société, pourrait être envisagée. La décision du Conseil d’État ne fait dès lors ouvrir plus de portes qu’apporter de précisions.
Par ailleurs l’interprétation de l’article 1844-1 du Code civil emporte plusieurs conséquences analogues. Le juge a validé l’attribution intégrale des pertes à un couple d’associés minoritaire. Dès lors, peut-on par symétrie considérer qu’il en est de même pour l’attribution de l'intégralité du bénéfice ? Pour l’exclusion de l’intégralité du profit ? Pour l’exonération de l’intégralité des pertes ?
La jurisprudence civile a jugé que dans une situation plus favorable, que certains associés d’une SNC pouvaient renoncer à leur part de bénéfices [7]. Le juge du Conseil d’État a ainsi rejoint de bonne grâce son homologue en reconnaissant l’indépendance entre actionnariat et répartition du résultat.
B .L’attribution inégale des déficits, une libéralité déguisée ?
L’attribution intégrale d’un déficit foncier permet dans certains cas des économies d’impôt considérables laissant la place à une ingénierie fiscale profitable. Dès lors, en cédant ce déficit, le bénéficiaire jouit d’un avantage fiscal sur les autres associés. Pourrait-on considérer qu’il incarne une libéralité [8] ? Sur le plan fiscal il n’en est rien mais sous l’angle civiliste le doute est permis. Néanmoins le caractère ponctuel pourrait faire échec à cette conception alors que cette mise à disposition de ses droits en matière fiscale est limitée à trois exercices dans le cas d’espèce. Jouir d’une créance fiscale devient économiquement un avantage indéniable pour l’associé bénéficiaire au détriment des autres.
Par cette décision audacieuse le Conseil d’État a produit un double effet : une interprétation restrictive de la clause léonine mais aussi l’ouverture à d’autres hypothèses menant à une certaine insécurité juridique. S’il faut ajouter l’intérêt fiscal de la SCI à l’avantage en terme de transmission, cet atout est pour l’heure limité dans le temps. L’avenir dira si cette position sera pérenne ou si elle n’est que transitoire vers un élargissement de l’attribution des déficits d'une société civile. |
[1] Formant un seul foyer fiscal.
[2] Le plafond de déficit déductible est fixé à 10 700 euros par an ou à 15 300 euros pour les immeubles relevant des dispositifs « Cosse », « Perissol ».
[3] TA Paris, 29 juin 2020, n° 1903810/2-2.
[4] CAA Paris, 26 janvier 2022, n° 20PA01989 N° Lexbase : A16417ZS.
[5] Dictionnaire CNRTL (en ligne).
[6] L’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil dispose que « Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites ».
[7] Cass. com., 13 février 1996, n° 93-21.140 N° Lexbase : A9491AB7, n° 94-12.225 N° Lexbase : A5011ACL, Bull. 1996 IV n° 53. Voir aussi Cass. civ. 3, 18 avril 2019, n° 18-11.881, F-D N° Lexbase : A5975Y98.
[8] C. civ., art. 893 N° Lexbase : L0034HPX.
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Réf. : MINEFI, communiqué de presse, 27 octobre 2022, n° 259
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par Marie-Claire Sgarra
Le 08 Novembre 2022
► L’accord amiable avec la Suisse concernant l'imposition des travailleurs frontaliers et transfrontaliers en matière de télétravail est prolongé une dernière fois jusqu’au 31 décembre 2022.
Dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19, la France et la Suisse ont conclu un accord amiable le 13 mai 2020 afin que les travailleurs frontaliers et transfrontaliers conservent leur régime d’imposition même s’ils sont conduits à demeurer chez eux et à télétravailler depuis leur domicile.
Considérant le développement du télétravail pendant la crise sanitaire, qui constitue un changement organisationnel appelé à perdurer après la pandémie, la France et la Suisse se sont accordées sur l’importance de définir de nouvelles règles d’imposition pérennes en matière de télétravail afin d’accompagner cette évolution.
Dans l’attente de l’élaboration de ces règles, la France et la Suisse étaient convenues en juin dernier que les mécanismes dérogatoires contenus dans l’accord amiable du 13 mai 2020 continueraient de s’appliquer provisoirement jusqu’au 31 octobre 2022.
Les discussions bilatérales visant à élaborer ces nouvelles règles sont toujours en cours et les deux pays se sont fixés pour objectif d’aboutir à un accord définitif avant la fin de l’année.
Dans ce contexte, la France et la Suisse sont convenues que l’accord amiable sera reconduit à titre exceptionnel jusqu’au 31 décembre 2022.
Du point de vue de la France, ces accords très dérogatoires, puisqu’ils puisaient à l’origine leur justification dans le cas de force majeur constitué par la pandémie, ne pourront en tout état de cause perdurer au-delà du 31 décembre 2022, quelle que soit l’issue des discussions bilatérales.
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Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2022, n° 20-17.501, FS-B N° Lexbase : A01088RG
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par Charlotte Moronval
Le 09 Novembre 2022
► En cas de litige sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail d’un salarié licencié pour motif économique au cours d’un arrêt de travail pour maladie, il appartient au juge de rechercher la véritable cause du licenciement.
Faits et procédure. Un salarié, placé en arrêt maladie depuis plusieurs mois, est licencié pour motif économique en raison de la cessation d’activité de l’entreprise.
Le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement, soutenant que le véritable motif de son licenciement était en lien avec son état de santé. Il saisit alors le conseil de prud’hommes pour que le licenciement soit déclaré nul.
La cour d’appel (CA Paris, 6-5, 20 mai 2020, n° 19/03763 N° Lexbase : A38733NR) accède à la demande du salarié et prononce la nullité du licenciement. Elle relève qu’au moment de la notification au salarié de son licenciement pour motif économique, l’employeur était informé de l’existence d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle par le salarié et de la saisine du médecin du travail. Elle considère que l’employeur disposait donc d’éléments suffisants pour constater que l’état de santé du salarié pouvait faire l’objet d’une inaptitude en lien avec l’activité professionnelle et qu’il ne pouvait donc invoquer un motif économique à l’appui du licenciement.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.
Elle rappelle qu’il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur et reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si la cessation d’activité de l’entreprise invoquée à l’appui du licenciement ne constituait pas la véritable cause du licenciement. Ainsi, en cas de litige sur le bien-fondé du licenciement, le juge doit rechercher quelle est la cause première et déterminante du licenciement.
Pour aller plus loin :
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par Yann-Maël Larher, docteur en droit social et avocat spécialisé dans les relations numériques du travail, co-fondateur du cabinet Legal Brain Avocats
Le 09 Novembre 2022
Mots-clés : surveillance • entreprise • salarié • droit du numérique • vie privée • fiscalité́ • droit du travail • vidéosurveillance • CNIL • RGPD
Dans son rapport annuel 2021, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) rapporte une hausse des cas de surveillance du salarié par l’employeur et souligne que certains dispositifs de contrôle des salariés travaillant à distance sont excessifs. La question de la surveillance des salariés est loin d’être marginale lorsque les nouvelles technologies permettent un contrôle toujours plus poussé de la productivité des travailleurs. Dans le cadre de son pouvoir de direction et disciplinaire, il faut rappeler que l’employeur doit s’assurer de la bonne exécution du travail de ses salariés. « L’employeur a le droit et même le devoir de surveiller l’activité de ses salariés » [1]. Il lui incombe notamment, en matière de durée du travail, l'obligation de fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires qu'il a effectivement réalisés. Mais jusqu’où peut-il aller pour rendre ce contrôle effectif ?
Le contrôle désigne au sens littéral « l’action de contrôler quelque chose, quelqu’un, de vérifier leur état ou leur situation au regard d’une norme » [3]. Dans l’usine, la surveillance du salarié était matérialisée par une pointeuse et un contremaître. La première s’assurait que le salarié arrivait et partait bien à l’heure, le second s’assurait que le salarié suivait bien le rythme imposé par la cadence de la machine. La révolution numérique introduit une nouvelle rupture [4]. « S’ouvre désormais l’ère du ‘‘contremaître virtuel’’ pouvant tout exploiter sans que le salarié en ait toujours parfaitement conscience et permettant, le cas échéant, au-delà des légitimes contrôles de sécurité et de productivité des salariés, d’établir le profil professionnel, intellectuel ou psychologique du salarié » [5]. À la surveillance physique et présentielle, on peut aujourd’hui suppléer la comptabilisation de chaque action du salarié. Le développement des nouvelles technologies a permis à l’employeur d’introduire des dispositifs de contrôle et de surveillance au sein de l’entreprise qui complètent le contrôle humain ou s’y substituent. Se faisant, les technologies numériques et les moyens de surveillance qu’elles offrent opèrent un nouvel équilibre entre les prérogatives de l’employeur et la liberté dont jouit le salarié [6]. L’évolution du rapport de travail tend à entraîner une concentration du pouvoir de l’employeur sur le contrôle de l’activité (II.). Ce pouvoir se heurte toutefois à la prise en compte des libertés des salariés et en particulier la protection de sa vie privée (I.).
I. Les données personnelles et la protection de la vie privée du salarié au travail
La protection des données personnelles est gouvernée par des normes internationales, communautaires et nationales, au premier rang desquelles figure l’article 8 relatif au respect de la vie privée de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L4798AQR [7]. Cet article définit le droit au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Ce droit est toutefois sujet à des restrictions « prévues par la loi » et « nécessaires, dans une société démocratique ».
La protection des données à caractère personnel est devenue un sujet majeur dans les relations sociales. A priori, le pouvoir de contrôle de l’employeur est plus étendu grâce aux technologies de l’information et de la communication. La vidéosurveillance, les puces RFID, la géolocalisation, le fait de pouvoir joindre un salarié partout (notamment sur son portable) représentent autant de moyens qui permettent à l’employeur de savoir ce que le salarié fait. Mais se faisant il pourra potentiellement atteindre à la vie personnelle. C’est d’autant plus vrai lorsque le salarié travaille à son domicile. La dissémination toujours plus importante des données personnelles et la capacité croissante d’un certain nombre d’acteurs, à regrouper les données concernant un même individu, causent une perte de maîtrise de leurs données par les individus et des risques dont ceux-ci ne perçoivent encore qu’imparfaitement la matérialité. En effet, le respect de la vie privée du salarié inclut la protection de ses données personnelles et le respect de la confidentialité des correspondances et communications personnelles. Dès qu’il est possible de rattacher une information à une personne, même par le biais d’un cryptage ou d’un numéro d’identification, cette information constitue une donnée à caractère personnel, et elle est à ce titre protégée par la loi.
A. La correspondance privée du salarié : la jurisprudence de la CEDH
La Cour européenne des droits de l’homme a clairement affirmé que : « le respect de la vie privée doit aussi englober, dans une certaine mesure, le droit pour l’individu de nouer et développer des relations avec ses semblables. Il paraît, en outre, n’y avoir aucune raison de principe de considérer cette manière de comprendre la notion de vie privée comme excluant les activités professionnelles ou commerciales : après tout, c’est dans leur travail que la majorité des gens ont beaucoup, voire le maximum d’occasions de resserrer leurs liens avec le monde extérieur. Un fait, souligné par la Commission, le confirme : « dans les occupations de quelqu’un, on ne peut pas toujours démêler ce qui relève du domaine professionnel de ce qui en sort » [8]. Dans l’affaire Halford c. Royaume-Uni, la CEDH a établi que l’interception d’appels téléphoniques passés par les salariés depuis leur poste de travail constitue une violation de l’article 8 de la Convention. La Cour, dans cet arrêt, affirme qu’« il ressort clairement de sa jurisprudence que les appels téléphoniques émanant de locaux professionnels, tout comme ceux provenant du domicile, peuvent se trouver compris dans les notions de vie privée et de correspondance visées à l’article 8, § 1er. Rien ne prouve que Mme Halford ait été prévenue, en qualité d’utilisatrice du réseau interne de télécommunications [...], que les appels passés sur ce système étaient susceptibles d’être interceptés. La Cour estime qu’elle pouvait raisonnablement croire au caractère privé de ce type d’appels » [9].
🔎 En pratique : respect de la vie privée sur le lieu de travail Il résulte des enseignements de la jurisprudence de la CEDH que les salariés peuvent légitimement s’attendre au respect de leur vie privée sur leur lieu de travail. Ce droit existe même s’ils utilisent des outils de communication ou d’autres équipements professionnels de l’employeur. La CEDH ne juge ni possible ni nécessaire de chercher à définir de manière exhaustive la notion de « vie privée ». Il serait toutefois trop restrictif de la limiter à un «cercle intime» où chacun peut mener sa vie personnelle à sa guise et d’en écarter entièrement le monde extérieur à ce cercle. Dans les occupations de quelqu’un, on ne peut pas toujours démêler ce qui relève du domaine professionnel de ce qui en sort. La protection continue à jouer en faveur d’un individu dont les activités professionnelles et non professionnelles s’imbriqueraient à un point tel qu’il n’existerait aucun moyen de les dissocier comme l’illustre par exemple l’usage de LinkedIn ou encore de certaines messageries. |
B. La protection de l’intimité du salarié au travail
La distinction entre vie personnelle et vie professionnelle du salarié conduit à permettre une surveillance plus stricte du travailleur au temps et au lieu du travail que pendant les périodes où le salarié échappe à l’autorité de l’employeur [10].
La Cour de cassation déclare toutefois que « le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances » [11].
Même lorsqu’il est au travail, une part de la personne du salarié échappe donc au pouvoir de l’employeur. Celui-ci ne saurait, par exemple, interdire toute conversation étrangère au service entre salariés [12].
Dans son questions-réponses sur le télétravail [13], la CNIL rappelle par exemple que lorsqu’il n’est pas possible de flouter l’arrière-plan (où l’on peut voir l’intimité de son domicile), l’employeur ne peut pas exiger d’un salarié qu’il active sa caméra en permanence à l’occasion d’une réunion en visioconférence sauf dans des cas particuliers comme un entretien RH ou une rencontre avec des clients extérieurs.
II. Les grands principes des règles de protection des données personnelles appliqués aux dispositifs de surveillance
Un employeur a le droit de contrôler à tout moment l’activité de son personnel sans le prévenir. Cela fait partie de son pouvoir de direction. Attention toutefois, si un employeur ne veut plus se contenter d’un contrôle humain, mais souhaite installer du matériel de surveillance (caméras, écoutes téléphoniques, GPS dans un véhicule de la société...), il devra alors non seulement se conformer aux exigences de la loi informatique et liberté, informer ses équipes et consulter le CSE. Suivant l’article 6 de la loi « Informatique et Libertés » N° Lexbase : L8794AGS, un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions mentionnées.
Il convient, dès lors, d’évaluer l’incidence de chacun des principes clés de la protection des données personnelles appliquée à la relation de travail : le principe de finalité (A.), le principe de proportionnalité et de pertinence des données (B.), le principe d’une durée de conservation des données limitée (C.), le principe de sécurité et de confidentialité des données (D.), le principe du respect des droits des salariés (E.).
A. Le principe de finalité
Le principe de finalité découle de l’obligation de loyauté des cocontractants. En effet, suivant le premier alinéa de l’article 4 de la loi « Informatique et Libertés », « les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ». Le deuxième alinéa précise qu’« elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. Toutefois, un traitement ultérieur de données à des fins statistiques ou à des fins de recherche scientifique ou historique est considéré comme compatible avec les finalités initiales de la collecte des données ».
🔎 En pratique : la webcam n’est pas un outil de surveillance ! Certains employeurs obligent leur salarié à utiliser leur caméra durant l’intégralité de leur journée de travail. On parle notamment de vidéosurveillance (par webcam). Cette pratique est illégale puisque la surveillance permanente d’un salarié n’intervient que dans des cas exceptionnels dûment justifiés au regard de la nature de la tâche. Un tel un système ne peut donc pas être mis en œuvre, qu’il s’agisse de poursuivre un objectif de sécurité ou un objectif de surveillance du temps de travail. Les enregistrements issus de ces pratiques ne peuvent pas non plus être utilisés contre le salarié. C’est ce que rappelle un arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2021 (Cass. soc., 23 juin 2021, n° 19-13.856, FS-B N° Lexbase : A40994X4). En l’espèce, une cour d’appel avait constaté qu’un salarié, exerçant seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée. Elle avait pu en déduire, à bon droit, que les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle de l’intéressé et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, ne sont pas opposables au salarié. Une surveillance permanente des salariés par la vidéo doit être condamnée dans son principe, en raison de l’atteinte qu’elle porte à l’identité de l’individu. « L’enregistrement continu des faits et gestes du salarié dans son activité professionnelle permet en effet de mettre en évidence des éléments qui ne relèvent pas de la sphère professionnelle, mais ressortent de la personnalité, de l’identité de l’individu » (M. Grévy, Vidéosurveillance dans l’entreprise : un mode normal de contrôle des salariés ?, Droit social, 1995, p. 329). Seules peuvent être envisagées des hypothèses dans lesquelles des raisons objectives et incontestables sont établies : employé manipulant de l’argent par exemple, mais la caméra doit davantage filmer la caisse que le caissier ; entrepôt stockant des biens de valeurs au sein duquel travaillent des manutentionnaires. Les caméras ne doivent pas non plus filmer les zones de pause ou de repos des employés, ni les toilettes (CNIL, délibération n° 2014-307 du 17 juillet 2014 : l’entreprise Providis Logistique a été condamnée à une amende de 5.000 € pour manquements répétés à la loi « Informatique et Libertés ». Elle filmait de manière continuelle et disproportionnée ses employés dans des espaces qui leur étaient pourtant réservés (accès aux vestiaires, salles de repos). Enfin, elles ne doivent pas filmer les locaux syndicaux ou des représentants du personnel, ni leur accès lorsqu’il ne mène qu’à ces seuls locaux (N. Moinet, La boîte à outils de la sécurité économique, Dunod, 2015, p. 23). |
B. Le principe de proportionnalité et de pertinence des données
Le système mis en place doit être proportionnel au but recherché. L’article L. 1121-1 du Code du travail précise que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » N° Lexbase : L0670H9P. L’article L. 1321-3 du Code du travail N° Lexbase : L7923LCG, qui aborde les restrictions possibles des droits des salariés par le règlement intérieur, va également dans le sens de la proportionnalité. Le traitement d’informations faisant apparaître les opinions et convictions qui sont en rapport avec l’état de santé et la vie sexuelle, y compris les données génétiques, est interdit, hormis certaines exceptions énumérées de façon limitative par la loi.
Suivant le troisième alinéa de l’article 4 de la loi « Informatique et Libertés », les données collectées doivent également être « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs ». Le pouvoir « discrétionnaire » laisse ainsi place à un contrôle de la légitimité, à un contrôle des justifications.
🔎 En pratique : géolocalisation des véhicules des entreprises Pourquoi une entreprise aurait-elle besoin de localiser en temps réel un véhicule ? Il apparaît ici que c’est d’abord la sûreté ou la sécurité de l’employé, des marchandises ou du véhicule dont il a la charge qui peut être à l’origine du système de géolocalisation. Si la CNIL reconnaît qu’une finalité accessoire du traitement peut être le suivi du temps de travail lorsqu’il ne peut pas être réalisé par un autre moyen, c’est sous réserve de ne pas collecter ou traiter de données de localisation en dehors du temps de travail des salariés concernés. Cette interdiction vise en particulier les trajets domicile-lieu de travail, ainsi que les temps de pause. Les salariés doivent avoir la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation des véhicules en particulier à l’issue du temps de travail ou pendant les temps de pause (A. Gardin, Géolocalisation du véhicule du salarié : quand finalité, proportionnalité et fiabilité font loi, RDT., 2015, p. 544.). Un salarié peut demander communication des données de géolocalisation de son véhicule de fonction pour faire reconnaître un accident de la circulation comme accident du travail. En cas de refus, l’employeur encourt une sanction pécuniaire pour non-respect du droit de communication des données à caractère personnel. |
Le traitement de données personnelles n'est possible que s'il existe une raison suffisamment légitime pour le justifier, s'il est indispensable pour pouvoir exécuter un contrat, pour respecter une obligation ou assurer la sécurité des biens et des personnes. Le pouvoir patronal est invité à une motivation de plus en plus poussée notamment lorsqu’il vient se heurter aux libertés fondamentales. Les magistrats ont ainsi mis en place ces dernières années un contrôle plus poussé des objectifs fixés par les employeurs.
🔎 En pratique : dispositif biométrique et suivi du temps de travail Bien que postérieures au RGPD, les interprétations de la CNIL restent valables. La mise en place d’un dispositif biométrique apparait, à ce titre, disproportionnée pour opérer le suivi du temps de travail. Dans une délibération n° 2015-087 du 5 mars 2015, la CNIL avait, par exemple, refusé d’accorder à une banque l’autorisation de mettre en œuvre un traitement automatisé de données personnelles reposant sur un dispositif biométrique de reconnaissance de l’empreinte digitale et ayant pour finalité le contrôle et le suivi du temps de travail. Elle a constaté qu’aucune circonstance exceptionnelle n’était démontrée, que le dispositif « ne résult[ait] pas de la mise en œuvre de mesures de sécurité telles qu’identifiées par une analyse de risques », et que le traitement envisagé ne relevait donc pas d’une finalité de sécurité justifiant un recours impératif à la biométrie. Elle a en outre relevé « l’impossibilité pour les personnes concernées de recourir à un dispositif alternatif » et a donc considéré que le recours exclusif à un tel dispositif n’apparaissait « ni adapté ni proportionné à la finalité poursuivie ». |
C. Le principe d'une durée de conservation des données limitée
La proportionnalité réside également dans la question de la durée de conservation des données. Suivant le cinquième et dernier alinéa de l’article 4 de la loi du 6 janvier 1978, les données « sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ». Celle-ci doit être conforme à la finalité poursuivie par le traitement mis en place et ayant fait objet d’une déclaration à la CNIL. La mesure impose ici à la technique une conservation limitée dans le temps. Les informations ne peuvent être conservées de façon indéfinie dans les fichiers informatiques. Une durée de conservation précise doit ainsi être déterminée en fonction de la finalité de chaque fichier. Le législateur a prévu expressément certaines durées de conservation. Les fichiers relatifs à la paie doivent par exemple être conservés cinq ans [14], les documents relatifs à la comptabilisation des jours de travail des salariés sous convention de forfait doivent être conservés trois ans [15]. Finalement, même si le support informatique permet une conservation quasi-illimitée des informations l’employeur doit prévoir en amont leurs suppressions pour rendre ce principe effectif.
🔎 En pratique : durée de conservation des données issues de la vidéosurveillance Dans une délibération n° 2010-112 du 22 avril 2010, la CNIL relève qu’un système de vidéosurveillance était installé dans une société de transport routier. Plusieurs salariés étaient filmés à leurs postes de travail de manière permanente par deux caméras situées chacune à une extrémité de leur bureau commun. Lors d’un contrôle, la délégation de la CNIL constate que la console du poste de gardiennage permettait d’accéder à des enregistrements vidéo datant du 25 décembre 2009, c’est-à-dire conservés depuis plus de deux mois au jour du contrôle sur place. Une telle durée de conservation, outre qu’elle apparaît a priori excessive au regard de la finalité du traitement, constitue une violation des engagements pris dans le cadre de la déclaration effectuée auprès de la CNIL qui visait une durée de conservation d’un mois. Si l’employeur rend les données collectées anonymes, c’est-à-dire qu’il est impossible d’identifier directement ou indirectement une personne physique, alors la durée de conservation peut être illimitée. Un droit à l’oubli est ainsi assuré. |
D. Le principe de sécurité et de confidentialité des données
L’employeur, en tant que responsable du traitement, est également astreint à une obligation de sécurité : il doit définir les mesures nécessaires pour garantir la confidentialité des données. Cette obligation passe par la sécurité des matériels, des mots de passe individuels, des habilitations d’accès définies en fonction des besoins réels de chaque intervenant. Ainsi, les données à caractère personnel ne peuvent être consultées que par les services habilités à y accéder en raison de leurs fonctions. Elles peuvent néanmoins être communiquées à des tiers autorisés en application de dispositions législatives particulières (inspection du travail, services fiscaux, services de police...).
🔎 En pratique : sensibilité particulière des données de santé Les données de santé sont considérées comme des informations sensibles, et à ce titre, doivent être soumises à un haut niveau de sécurité, physique et technique. Les professionnels de santé, ainsi que ceux intervenant dans le système de santé au travail, sont soumis au secret médical (CSP., art. L.1110-4 N° Lexbase : L4479L7Z). Le traitement de ces données, notamment leur collecte, utilisation, communication, stockage, destruction, est soumis à des conditions particulières définies dans la loi « Informatique et Libertés » et le Code de la santé publique. |
E. Le principe du respect des droits des salariés
Il est nécessaire de maintenir un équilibre entre le contrôle de l’activité des salariés et la protection de la vie privée. Cet équilibre passe avant tout par une bonne compréhension des droits et des obligations de chacun, et du cadre légal applicable. Si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de surveillance clandestin et, à ce titre, déloyal [16]. Conformément à l’article L. 1222-4 du Code du travail N° Lexbase : L0814H9Z, « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ». L’information du salarié sur les dispositifs de contrôle de son activité découle directement du principe de loyauté, qui doit exclure les modes de preuves ayant pour objet ou pour effet de piéger le salarié. Selon une formule classique de la Cour de cassation, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés [17].
🔎 En pratique : usage abusif du téléphone de l’entreprise Selon la jurisprudence, la simple vérification des relevés de la durée, du coût et des numéros des appels téléphoniques passés à partir de chaque poste au moyen de l’autocommutateur téléphonique de l’entreprise n’est pas illicite même s’il n’a pas été porté à la connaissance du salarié. C’est pourquoi le licenciement du salarié, pour usage abusif du téléphone de l’entreprise afin de joindre des messageries privées pour adultes, est licite (Cass. soc., 29 janvier 2008, n° 06-45.279, F-D N° Lexbase : A6083D43). |
Le salarié est également en droit d’accéder aux données personnelles le concernant traitées par son employeur et, le cas échéant, de demander la rectification, l’effacement ou le verrouillage des données dont le traitement n’est pas conforme. En effet, suivant le quatrième alinéa de l’article 4 de la loi « Informatique et Libertés », « toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données à caractère personnel qui sont inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans tarder ». S’agissant de l’enquête contradictoire préalable à la délivrance d’une autorisation administrative de licenciement d’un salarié protégé, celui-ci doit, sous peine d’irrégularité de l’autorisation de licenciement, être informé non seulement de l’existence des pièces de la procédure, mais aussi de son droit à en demander la communication [18].
Toute personne a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant soient enregistrées dans un fichier informatique, sauf si celui-ci résulte d’une obligation légale ou réglementaire, comme, par exemple, la tenue du registre du personnel. Un salarié peut ainsi s’opposer à la mise en ligne de ses coordonnées professionnelles ou de sa photographie [19]. Afin d’anticiper les contentieux, il est ainsi recommandé que l’utilisation de photographies de salariés sur l’internet fasse l’objet d’une autorisation préalable écrite.
👉 Conclusion : primauté des droits de la personne L’étude des fondements du pouvoir de contrôle de l’employeur révèle l’ambiguïté entre la prise en compte des impératifs de sécurité de l’entreprise devenus primordiaux, et le contrôle du travail des salariés. Hésitant entre sa qualité de propriétaire et d’employeur, le chef d’entreprise se trouve à la croisée des chemins entre le pouvoir sur les choses et la direction des travailleurs. L’usage d’internet par l’entreprise crée ainsi un conflit entre atteintes aux biens et atteintes aux personnes. Cependant, le droit du travail, dans un contexte de développement des droits et libertés des salariés, a fait le choix de la primauté de la personne. Si un salarié a des raisons de penser que les dispositifs de surveillance sont excessifs, il peut saisir l’inspection du Travail ou adresser une réclamation à la CNIL qui pourra sanctionner l’employeur. En effet, la CNIL peut désormais prononcer des amendes jusque 20 millions d’euros ou, dans le cas d’une entreprise, jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial. Il faut donc vous mettre en conformité pour éviter ce risque. Cette mise en conformité est d’autant plus importante pour les données RH (Y.-M. Larher, RGPD : droit du travail, RH et protection des données, 20 avril 2022). Ces sanctions peuvent être rendues publiques. Dans les cas les plus graves, les dispositifs de surveillance excessifs peuvent également soutenir la démonstration par les salariés d’une situation de harcèlement numérique devant les juridictions. |
[1] F. Favennec-Hery, Vie professionnelle, vie personnelle du salarié et droit probatoire, Droit social, 2004, p. 48.
[2] V. partie santé.
[4] J.-E. Ray, À propos de la révolution numérique, Droit social, 2012, p. 934.
[5] France, CNIL et H. Bouchet, La cybersurveillance des salariés dans l’entreprise, La Documentation française, 2001, p. 4.
[6] Le contrat de travail se caractérise par la constatation de l’existence d’un lien de subordination, par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
[7] A. Grosjean, La surveillance des salariés sur le lieu du travail et les nouvelles technologies de l’information au Grand-Duché du Luxembourg, Journal des tribunaux Luxembourg, no 21, juin 2012, p. 70.
[8] CEDH, 16 décembre 1992, requête n° 72/1991/324/396, Niemietz c. Allemagne N° Lexbase : A6532AWT.
[9] CEDH, 25 juin 1997, requête n° 73/1996/692/884, Halford c. Royaume-Uni N° Lexbase : A8304AWH.
[10] J. Mouly et J. Savatier, Droit disciplinaire, Rép. trav. Dalloz, 2015.
[11] Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942, Bull. civ. V., 2001, n° 291 N° Lexbase : A1200AWD
[12] CE, 25 janvier 1989, n° 64296 N° Lexbase : A1768AQK, Droit social, 1989, p. 201.
[14] C. trav., art. L. 3243-4 N° Lexbase : L1836IEQ.
[15] C. trav., art. D. 3171-16 N° Lexbase : L5925LB3.
[16] Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-45.093, FS-P+B N° Lexbase : A4784D7C, Bull. civ. V., 2008, n° 64.
[17] Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-42.219 N° Lexbase : A5741AGQ, Bull. civ. V., 2001, n° 167.
[18] CE, 4e-5e SSR, 22 février 2012, n° 346307, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3415IDT.
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Réf. : Cass. civ. 2, 27 octobre 2022, 3 arrêts, n° 21-24.424 N° Lexbase : A21038RC, n° 21-24.425 N° Lexbase : A21048RD, n° 21-24.426 N° Lexbase : A21028RB, FS-B
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 23 Novembre 2022
► Lorsque la victime directe d'un acte de terrorisme a survécu, l'indemnisation du préjudice personnel de ses proches n'est pas exclue.
Voici une précision d’importance apportée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans trois arrêts rendus le 27 octobre 2022.
FGTI. Comme le rappelle la Cour dans son communiqué, il existe depuis 1986, un Fonds de garantie, dénommé Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, permettant la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne :
Leurs ayants droit, les agents publics et les militaires bénéficient également de ce dispositif. Le Fonds de garantie repose sur la solidarité nationale : il est financé par un prélèvement sur les primes ou cotisations des contrats d'assurance de biens.
Les affaires. Les affaires concernaient la prise d’otages du magasin Hypercasher de Vincennes, le 9 janvier 2015. Après avoir reçu des provisions du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI), des victimes (prises en otage pour deux d’entre elles, et réfugiée au sous-sol pour la troisième, et ce jusqu'à leur libération, plusieurs heures plus tard, par les services de police), ainsi que leurs proches, avaient assigné le fonds aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
Décision CA Paris. La cour d’appel de Paris, dans ses arrêts rendus le 16 septembre 2021 (v. notamment : CA Paris, 4-12, 16 septembre 2021, n° 20/09346 N° Lexbase : A695544D, et n° 20/09349 N° Lexbase : A7001443), avait déclaré irrecevables les demandes d’indemnisation formées par les proches des victimes, après avoir énoncé que les préjudices subis par les proches de la victime directe non décédée n’étaient pas indemnisés par le FGTI, leur qualité d'ayants droit faisant défaut.
Question soulevée. Ils ont ainsi formé un pourvoi en cassation, amenant la Haute juridiction à se prononcer sur la question suivante : la loi réserve-t-elle l’indemnisation des proches de la victime directe de l’attentat au seul cas où celle-ci est décédée ?
Réponse. La réponse de la Cour de cassation est très claire : aucun des textes en cause (C. ass., art. L. 126-1 N° Lexbase : L7531LPM, L. 422-1 N° Lexbase : L9878I3A et L. 422-2 N° Lexbase : L9486LPZ, dans leur rédaction applicable au litige) n'exclut l'indemnisation des proches de la victime directe d'un attentat, en cas de survie de celle-ci.
Selon la Haute juridiction, interpréter les articles précités comme excluant l'indemnisation des proches d'une victime survivante conduirait à réserver aux proches des victimes d'attentats un sort plus défavorable qu'à ceux des victimes d'autres infractions (v. Cass. civ. 2, 14 janvier 1998, n° 96-11.328 N° Lexbase : A2620ACZ ; Cass. civ. 2, 14 janvier 1998, n° 96-16.255, publié au bulletin N° Lexbase : A3882CHA). Un tel résultat, que ne commande aucune différence rédactionnelle entre les textes qui régissent les droits de ces victimes, n'apparaît pas conforme à l'intention du législateur.
Elle rappelle, en outre, que par un arrêt rendu en Chambre mixte le 25 mars 2022, la Cour de cassation a admis l'indemnisation du préjudice d'attente et d'inquiétude que peuvent subir les proches d'une victime exposée à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, y compris en cas de survie de celle-ci (Cass. mixte, 25 mars 2022, n° 20-17.072 N° Lexbase : A30357RT ; v. V. Rivollier, L’autonomie du préjudice d’angoisse de mort imminente et du préjudice d’attente et d’inquiétude : jusqu’où aller dans la déclinaison des préjudices ?, Lexbase Droit privé, avril 2022, n° 903 N° Lexbase : N1203BZL).
Elle casse ainsi les arrêts rendus par la cour d’appel de Paris, après donc avoir relevé que n'est pas exclue, lorsque la victime directe d'un acte de terrorisme a survécu, l'indemnisation du préjudice personnel de ses proches selon les règles du droit commun.
Il convient de signaler un autre arrêt rendu le même jour par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, se prononçant sur la question des critères permettant de considérer qu’une personne qui s’est trouvée à proximité du lieu d’un attentat puisse être indemnisée par le FGTI : Cass. civ. 2, 27 octobre 2022, n° 21-13.134, FS-B N° Lexbase : A20998R8, et notre brève, Indemnisation des victimes d’attentat terroriste : le cas des témoins N° Lexbase : N3142BZE. Pour aller plus loin : à noter que l'ensemble de ces arrêts fera l'objet d'un commentaire approfondi par le Professeur Christophe Quézel-Ambrunaz, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé. |
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Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2022, n° 21-14.178, FS-B+R N° Lexbase : A01038RA
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N3129BZW
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par Lisa Poinsot
Le 09 Novembre 2022
► Dès lors que le salarié invoque le court délai d’intervention qui lui est imparti pour se rendre sur place après l'appel de l'usager, le juge doit vérifier si ce dernier est soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles ont affecté, objectivement et significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles, ces périodes constituent du temps de travail effectif.
Faits et procédure. Un salarié, engagé en qualité de dépanneur autoroutier dans le cadre d’un CDI, perçoit outre sa rémunération contractuellement prévue, une commission de 3 % pour toute astreinte due et une commission de 10 % pour toutes les heures supplémentaires et le repos compensateur dus au-delà du contingent annuel. Deux ans après avoir saisi la juridiction prud’homale de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes, le salarié est licencié.
La cour d’appel (CA Amiens, 27 janvier 2021, n° 17/04294 N° Lexbase : A72894DC) retient que, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, les dépanneurs de la société sont tenus de se tenir en permanence ou à proximité immédiate des ou dans les locaux de l’entreprise, en dehors des heures et jours d’ouverture, afin de répondre sans délai à toute demande d’intervention. En outre, elle relève qu’il est constitué des équipes de trois ou quatre dépanneurs, munis d’un téléphone qui interviennent à la demande du dispatcheur, lequel contrairement aux autres salariés, était spécialement affecté à la réception continue des appels d’urgence.
Elle en déduit que ces périodes sont des astreintes et non pas des permanences constituant un temps de travail effectif.
Par conséquent, elle déboute le salarié de ses demandes à titre d’heures supplémentaires.
Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel sur le fondement de l'article L. 3121-1 du Code du travail N° Lexbase : L6912K9U, qui définit la durée du travail effectif et de l'article L. 3121-5 du même code N° Lexbase : L6908K9Q, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C, précisant la notion d’astreinte.
En outre, la Haute juridiction se réfère à la définition du temps de travail effectif établie par la Cour de justice de l’Union européenne N° Lexbase : A55804KU, au sens de la Directive n° 2003/88 N° Lexbase : L5806DLM, pour distinguer les périodes d'astreinte des périodes de permanence. La notion européenne de temps de travail effectif couvre l'intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d'astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d'une nature telle qu'elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts.
Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d'une période de garde déterminée n'atteignent pas un tel degré d'intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d'une telle période constitue du « temps de travail ».
→ En pratique, si les contraintes liées à l'astreinte sont trop importantes, les périodes d'astreinte deviennent du temps de travail effectif devant donner lieu à rémunération
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le temps de travail effectif et le décompte, La définition et le régime de l’astreinte, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0286ETR. |
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