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N1970BZY
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par Vincent Vantighem
Le 23 Juin 2022
Habituellement, tout le monde préfère rester très discret au sujet des Conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP). Mais celle conclue, jeudi 16 juin, aux dépens de McDonald’s a fait beaucoup réagir. D’abord, Jean-François Bonhert, le procureur national financier, qui s’est félicité d’une « sanction réelle » qui permet de « répondre aux fraudes transnationales ». Et puis aussi, la Direction générale des finances publiques (DGFIP), qui a estimé que l’accord répondait « à une double exigence d’équité fiscale et de justice », l’égalité des concitoyens devant l’impôt étant « plus que jamais une priorité de l’action de l’État ».
Il faut dire que l’addition est très salée pour la chaîne de fast-food. Afin d’éviter des poursuites pour fraude fiscale, McDonald’s a accepté de payer 1,25 milliard d’euros aux autorités françaises, à travers cette Convention judiciaire. Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, a, en effet, validé, jeudi 16 juin, le paiement d’une amende d’intérêt public d’un montant de 508 millions d’euros. Au surplus, le géant de la restauration rapide a également reconnu qu’il allait verser 737 millions d’euros au fisc au titre de l’impôt sur les sociétés, auquel il avait échappé entre 2009 et 2020 grâce au schéma de fraude fiscale dont il était soupçonné. Conclue donc avec le parquet national financier, cette Convention est la plus importante à ce jour, en matière de fraude fiscale. Les mauvaises langues n’hésitant pas à lier le montant de l’amende acceptée par McDonald’s au fait que la multinationale avait visiblement des choses à se reprocher en la matière…
Des redevances entre la France et le Luxembourg pour éluder l’impôt
Pour bien comprendre toute cette affaire, il faut en réalité remonter à janvier 2016. À l’époque, le parquet national financier avait ouvert une enquête préliminaire pour « fraude fiscale » après le dépôt de deux plaintes : l’une du comité d’entreprise de McDonald’s Ouest Parisien et l’autre de la CGT McDonald’s Ile-de-France.
Les investigations ont permis d’établir que la chaîne de restauration, dans le collimateur du fisc depuis 2014, avait diminué artificiellement ses bénéfices en France, à partir de 2009. Comment ? Au moyen de redevances versées par les restaurants français à la maison mère européenne basée au Luxembourg, au motif de « l’exploitation de la marque McDonald’s ». En clair : les restaurants français versaient à la maison-mère une obole pour pouvoir prétendument mettre une pancarte McDonald’s sur leurs devantures.
La martingale n’était pas innocente : elle conduisait « à absorber une grande partie des marges dégagées par les restaurants et à minorer les impôts payés par les différentes structures du groupe », a précisé Stéphane Noël, le président du tribunal judiciaire de Paris.
Il a fallu pousser l’entreprise « dans ses retranchements »
À l’annonce de la décision, McDonald’s, qui avait provisionné 500 millions de dollars dans ses comptes du premier trimestre 2022, a salué « la fin » d’un litige « sans reconnaissance de faute » et a assuré « tout mettre en œuvre pour se conformer aux lois ». Une déclaration d’intention qui est restée en travers de la gorge de Guillaume Hézard, le patron du puissant Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCCIF), qui a mené l’enquête pendant des années.
« La collaboration avec McDonalds [pour aboutir à cette Convention] est très tardive, elle date de 2020 », a-t-il indiqué à l’Agence France Presse, rappelant que l’enquête avait été « longue » et « complexe » et qu’il avait fallu pousser « l’entreprise dans ses retranchements » pour l’emmener vers cet accord plutôt que vers un procès public. Une prise de parole rare autant que nécessaire afin de rétablir la vérité dans ce dossier. Car au final, l’amende record que McDonald’s va devoir verser représente « 2,5 fois le montant de l’impôt éludé » pendant des années par le groupe, selon Jean-François Bonhert, le patron du Parquet national financier.
Et l’affaire n’en restera sans doute pas là. En parallèle de ce dossier, Antoine Jocteur-Monrozier, vice-procureur du PNF, a indiqué que la firme rendue célèbre par le personnage de Ronald McDonald’s était « en train de négocier un accord préalable de prix de transfert avec les différents pays concernés pour assurer ou encadrer la façon dont les taux de redevance [problématiques] vont être établis à l’avenir ». Autrement dit, que McDonald’s allait tout faire pour entrer dorénavant dans le droit chemin.
Lésés, les salariés pourraient désormais réclamer des comptes « à titre individuel »
Et puis, le géant peut aussi s’attendre désormais à des attaques venant directement de ses salariés. « Cette décision ouvre pour les salariés la possibilité de recours civils, qu’ils sont assez sûrs de gagner sur la base des fautes commises par leurs dirigeants qui les ont privés de leurs chances d’avoir une participation », a indiqué Eva Joly, avocate et ancienne candidate à l’élection présidentielle en France et qui défend avec sa fille, Caroline, des plaignants lésés dans ce dossier.
« Avec ce système, on était condamné à ne pas pouvoir toucher les fruits de notre travail », a rappelé Gilles Bombard, ancien secrétaire du Comité d’entreprise qui a confirmé l’intention des plaignants d’ouvrir « un nouveau volet » procédural « au niveau individuel. Une coalition de syndicats européens (EPSU, EFFAT) et américain (SEIU) ont évoqué, de leur côté, un « camouflet » pour la firme et une « victoire » pour les salariés. Quant aux finances publiques françaises, elles savent désormais que les impôts de McDonald’s n’arriveront plus dans leurs caisses par hasard.
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newsid:481970
Réf. : Cass. soc., 15 juin 2022, n° 21-13.312, FS-B N° Lexbase : A468677P
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N1945BZ3
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par Charlotte Moronval
Le 22 Juin 2022
► Dans les entreprises divisées en établissements distincts, l'exercice du droit d'alerte prévu à l'article L. 2312-63 du Code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités sociaux et économiques d'établissement ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul comité social et économique central.
Faits et procédure. En l’espèce, une société invoque la nécessité d'une restructuration ayant des conséquences directes sur le site de l'établissement dont le principe de la fermeture avait été arrêté et la recherche d'un repreneur mise en œuvre. Le CSE de l’établissement concerné par la fermeture déclenche le droit d’alerte économique, ce que ne fait pas le CSE central.
Le tribunal judiciaire retient que lorsque le CSE central n'a pas mis en œuvre la procédure d'alerte économique, un CSE d'établissement peut exercer la procédure d'alerte économique s'il justifie de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, ce qui est le cas en l'espèce, la société invoquant la nécessité d'une restructuration ayant des conséquences directes sur le site de l'établissement concerné, dont le principe de la fermeture a été arrêté et la recherche d'un repreneur mise en œuvre dans le cadre du plan d'ajustement des effectifs compris comme un plan de licenciement collectif.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par le tribunal judiciaire.
En statuant comme il l’a fait, le président du tribunal judiciaire a violé les articles L. 2316-1 N° Lexbase : L6667L73, L. 2312-63 N° Lexbase : L8296LGD, L. 2312-64 N° Lexbase : L8297LGE, L. 2315-92, I, 2° N° Lexbase : L2829LTX du Code du travail.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les attributions du comité social et économique dans les entreprises d'au moins 50 salariés, Le droit d'alerte économique du comité social et économique, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1983GAP. |
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newsid:481945
Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 9 juin 2022, n° 445023, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A790274G
Lecture: 6 min
N1895BZ9
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par Marie-Claire Sgarra
Le 22 Juin 2022
► Le Conseil d’État est revenu dans un arrêt du 9 juin 2022, sur le traitement des provisions pour dépréciation de titres de participation dans le cas d’un groupe ayant été dissout.
Les faits :
Principes :
Solution du Conseil d’État
Par les dispositions du CGI précitées, le législateur a instauré un principe général de neutralisation des opérations internes à un groupe fiscalement intégré, visant à éviter une double prise en compte, dans le résultat d’ensemble, du résultat des sociétés intégrées.
À cet égard, la neutralisation des provisions pour dépréciation de titres de participation et des reprises de provisions portant sur ces titres ne se justifie que si les sociétés concernées demeurent membres du groupe intégré.
► Il résulte ainsi des articles 223 B et 223 D du CGI que le résultat d'ensemble d’un groupe fiscalement intégré est majoré du montant des dotations complémentaires aux provisions constituées par une société après son entrée dans le groupe, à raison de la dépréciation des titres de participation, soumis au régime des plus et moins-values à long terme, qu’elle détient sur une autre société du groupe.
► Lors de la reprise ultérieure de tout ou partie de la provision par la société du groupe qui l’avait initialement constituée, la fraction correspondante de cette provision est déduite du résultat d'ensemble.
► En cas de dissolution du groupe fiscal intégré avant la reprise de la provision par la société qui l’avait initialement constituée, il n’y a pas lieu de déduire du dernier résultat d’ensemble du groupe la fraction de la provision non encore reprise, sauf dispositions expresses en ce sens.
La cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, dès lors que la société V. ne se trouvait dans aucun des cas dérogatoires prévus par l'article 223 L du CGI, que, faute pour la société clinique et la SCI du C. d'avoir rejoint, à la clôture de l'exercice clos en 2013, le groupe fiscalement intégré constitué par la société V., cette société ne pouvait se prévaloir de ces dispositions et que, par suite, il n'y avait pas lieu de déduire du dernier résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré formé par la société C., clos le 31 décembre 2013, la fraction de la provision comptabilisée en 2011 par la clinique à raison de la dépréciation des titres de la SCI du C. et qui avait majoré le résultat d'ensemble du groupe en 2011.
Le pourvoi de la société est rejeté.
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newsid:481895
Réf. : CE référé, 21 juin 2022, n° 464648 N° Lexbase : A983877I
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N1947BZ7
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par Yann Le Foll
Le 22 Juin 2022
► Est confirmée la suspension du nouveau règlement des piscines de la ville de Grenoble qui autorise le port du « burkini », la dérogation très ciblée apportée, pour satisfaire une revendication religieuse, aux règles de droit commun de port de tenues de bain près du corps édictées pour des motifs d’hygiène et de sécurité, est de nature à affecter le bon fonctionnement du service public et l’égalité de traitement des usagers dans des conditions portant atteinte au principe de neutralité des services publics.
Faits. En mai 2022, la ville de Grenoble a adopté un nouveau règlement intérieur pour les quatre piscines municipales dont elle assure la gestion en affirmant vouloir permettre aux usagers qui le souhaiteraient de pouvoir davantage couvrir leur corps. L’article 10 de ce règlement, qui régit, pour des raisons d’hygiène et de sécurité, les tenues de bain donnant accès aux bassins en imposant, notamment, qu’elles soient ajustées près du corps, comporte une dérogation pour les tenues non près du corps moins longues que la mi-cuisse.
Après la suspension de cette disposition par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble le 25 mai 2022 (TA Grenoble, 25 mai 2022, n° 2203163 N° Lexbase : A42047YD), la commune a fait appel de cette décision devant le Conseil d’État. C’est la première application du nouveau « déféré laïcité » issu de l’article 5 de la loi n° 2021-1109, du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République N° Lexbase : L6128L74, à savoir la possibilité, pour les préfets, de demander la suspension de l'exécution d'un acte d'une collectivité qui porterait « gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics ».
Position CE. La dérogation à la règle commune ici contestée, édictée pour des raisons d'hygiène et de sécurité, de port de tenues de bain près du corps, est destinée à satisfaire une revendication de nature religieuse. Ainsi, il apparaît que cette dérogation très ciblée répond en réalité au seul souhait de la commune de satisfaire à une demande d'une catégorie d'usagers et non pas, comme elle l'affirme, de tous les usagers. Si, une telle adaptation du service public pour tenir compte de convictions religieuses n'est pas en soi contraire aux principes de laïcité et de neutralité du service public, d'une part, elle ne répond pas au motif de dérogation avancé par la commune, d'autre part, elle est, par son caractère très ciblé et fortement dérogatoire à la règle commune, réaffirmée par le règlement intérieur pour les autres tenues de bain, sans réelle justification de la différence de traitement qui en résulte.
Il s'ensuit qu'elle est de nature à affecter tant le respect par les autres usagers de règles de droit commun trop différentes, et ainsi le bon fonctionnement du service public, que l'égalité de traitement des usagers (alors que l’usage de cette faculté ne doit pas porter atteinte à l’ordre public ou nuire au bon fonctionnement du service, CE, 11 décembre 2020, n° 426483 N° Lexbase : A653039Q, pour les menus de substitution à la cantine).
Décision. La requête de la commune de Grenoble tendant à l’annulation de l’ordonnance du 25 mai 2022 est donc rejetée (pour une décision inverse concernant une interdiction des tenues regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages, CE référé, 26 août 2016, n° 402742, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6904RYD et sur ce sujet lire Quelle présence (ou pas) des emblèmes religieux sur le domaine des personnes publiques ? Questions à Clément Benelbaz, Maître de conférences en droit public, Université Savoie Mont-Blanc, Lexbase Public n° 899, 2022 N° Lexbase : N0877BZI).
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newsid:481947
Réf. : Cass. civ. 2, 9 juin 2022, n° 20-20.936, FS-B N° Lexbase : A791574W
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N1906BZM
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 22 Juin 2022
► La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 9 juin 2022 énonce que si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité ; dès lors, la cour d’appel relevant que la déclaration d’appel se borne à mentionner en objet que l’appel est total, sans référence à l’indivisibilité de l’objet du litige, en déduit exactement qu’elle n’est saisie d’aucun chef de dispositif du jugement.
Faits et procédure. Dans cette affaire, dans un litige opposant les propriétaires de biens voisins, l’un a assigné l’autre afin de voir constater son préjudice et ordonner une expertise. Ses demandes ont été déclarées irrecevables par un tribunal d’instance en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt d'une cour d'appel. Le demandeur a interjeté appel à l’encontre du jugement.
Devant la cour d’appel, les intimés ont soutenu que la cour d’appel n’était saisie d’aucune demande, faute pour l’appelant d'avoir indiqué dans la déclaration d'appel les chefs du jugement critiqués.
Le pourvoi. Le demandeur fait grief à l’arrêt (CA Douai, 9 juillet 2020, n° 19/00304 N° Lexbase : A87083QL) d’avoir constaté que sa déclaration d'appel ne dévolue à la cour aucun chef du jugement critiqué du tribunal d'instance et qu'elle n'a été ainsi saisie par l'appelant d'aucune demande régulière d'infirmation de ce jugement.
Solution. La Cour de cassation avant d'énoncer la solution précitée, valide le raisonnement de la cour d'appel, a indiqué que :
Dès lors, les Hauts magistrats déclarent le moyen non fondé et rejettent le pourvoi.
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newsid:481906
Réf. : Cass. civ. 1, 15 juin 2022, n° 21-12.742, F-B N° Lexbase : A470177A
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N1905BZL
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par Laïla Bedja
Le 22 Juin 2022
► Selon les articles L. 1142-1, II, et D. 1142-1 du Code de la santé publique, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret qui est apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire et qui est notamment retenu dans le cas d'un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique fixé à 24 % ; lors de l'appréciation du taux d'atteinte permanente lié à la survenue d'un accident médical au sens du premier de ces textes, il ne peut être tenu compte du taux préexistant à l'acte médical en cause, lorsque cet acte aurait permis d'y remédier en l'absence d'accident.
Les faits et procédure. Une patiente a été opérée au sein d’une clinique d’une arthrose du genou et une prothèse a été posée. Après ablation du cathéter crural posé pour les besoins de l’anesthésie générale par le médecin anesthésiste, la patiente a conservé des troubles moteurs de membre inférieur gauche.
Elle a alors assigné la clinique et l’ONIAM et mis en cause la CPAM. L’anesthésiste et la clinique ont été mis hors de cause.
La cour d’appel. Pour rejeter la demande d’indemnisation au titre de la solidarité nationale, après avoir constaté que ses préjudices étaient au moins pour partie imputables à la mise en place d’un cathéter crural et avaient eu des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci, l’arrêt retient qu’elle présente un déficit fonctionnel permanent de 40 % qui doit être diminué du taux d’incapacité de 20 % résultant de son état de santé antérieur à l'intervention, tant physique en raison de troubles fonctionnels nécessitant de recourir à des cannes anglaises, que psychologique, qu'elle ne rapporte pas la preuve d'un déficit fonctionnel permanent de 24 % et en déduit que la condition de gravité du dommage n'est pas remplie.
La patiente a alors formé un pourvoi en cassation.
La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond. Il appartenait à la cour d’appel de rechercher, comme il lui était demandé, la part du déficit fonctionnel permanent préexistant lié à l’arthrose auquel il avait été remédié par la pose de la prothèse (CSP, art. L. 1142-1, II N° Lexbase : L1910IEH, et D. 1142-1 N° Lexbase : L2332IP3).
Pour aller plus loin :
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newsid:481905
Réf. : Décret n° 2022-888, du 14 juin 2022, relatif à l’identification des actionnaires, la transmission d’informations et la facilitation de l’exercice des droits des actionnaires N° Lexbase : L1310MDU
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N1934BZN
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par Kévin de Amorim
Le 22 Juin 2022
► Un décret, publié au Journal officiel du 16 juin 2022, vient modifier le droit à l’information des sociétés émettrices de titres financiers et précise les informations communiquées aux actionnaires par les intermédiaires.
La loi n° 2021-1308, du 8 octobre 2021 N° Lexbase : L4586L8D est venue porter diverses dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne, notamment en matière économique et financière. Elle transpose notamment la Directive n° 2017/828, du 17 mai 2017 N° Lexbase : L6905LTW. Le décret n° 2022-888, du 14 juin 2022 porte donc application des dispositions des articles du Code de commerce issus de la loi n° 2021-13308, du 8 octobre 2021.
Les nouvelles obligations d’information des intermédiaires. Le décret du 14 juin 2022 modifie les articles R. 228-3 N° Lexbase : L1582MDX et R. 228-4 N° Lexbase : L1583MDY du Code de commerce. Les intermédiaires, au sens de l’article L. 228-2 du Code de commerce N° Lexbase : L4883L8D, sont désormais tenus de fournir une série d’informations à destination des sociétés émettrices sur chaque propriétaire de titre. Sur ce point, elles doivent communiquer :
Les intermédiaires sont tenus de respecter des délais de transmission. Le nouvel article R. 228-4 du Code de commerce renvoie au règlement d’exécution n° 2018/1212 de la Commission du 3 septembre 2018, précité. Selon le texte européen, l’intermédiaire est tenu de respecter certains délais :
Les intermédiaires sont tenus de fournir des services aux actionnaires. Pour que les actionnaires puissent exercer au mieux leur droit politique, les intermédiaires sont tenus de communiquer certaines informations (C. com., art. R. 228-32-1 N° Lexbase : L1584MDZ et article 4 du règlement d’exécution n° 2018/1212, du 3 septembre 2018) :
Pour les convocations aux assemblées générales, les actionnaires doivent recevoir certaines informations (quelques mentions exposées) :
L’actionnaire peut solliciter une confirmation, de réception, mais également sur la prise en compte de ses droits et du droit de vote auprès de l’intermédiaire.
Pour les demandes de confirmation d’enregistrement et de prise en compte des votes, la confirmation comprend notamment le nom de l’actionnaire, le cas échéant son tiers, les modalités portant sur la manière dont les votes ont été enregistrés et pris en compte ou reçus par l’émetteur, notamment s’ils ont été exprimés avant ou pendant l’assemblée générale. Il y figure la date et l’heure de réception et l’identifiant unique de vote.
Pour les confirmations de vote, une attestation de vote doit être remise à l’actionnaire, qui comprend notamment la date de l’assemblée générale, le nom de la partie confirmant le vote, le nom de la personne ayant voté et le nom de l’actionnaire. L’actionnaire dispose d’un délai de trois mois pour solliciter une confirmation de son vote (C. com., art. R. 228-32-1, II).
L’actionnaire se voit également transmettre des informations sur des événements touchant la société émettrice, autres que les assemblées générales. L’intermédiaire respecte une série d’obligations vis-à-vis de l’actionnaire (article 8 du règlement d’exécution n° 2018/1212 de la Commission du 3 septembre 2018).
Les intermédiaires sont par ailleurs tenus de garantir la confidentialité des informations transmises par la société émettrice des titres et des actionnaires. Ils sont également tenus de mettre en œuvre des moyens techniques d’authentification portant sur les demandes ou les informations transmises émanant de l’émetteur.
Entrée en vigueur. Le décret est entré en vigueur le 17 juin 2022.
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newsid:481934
Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 20 juin 2022, n° 441707, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9070773
Lecture: 2 min
N1957BZI
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par Yann Le Foll
Le 22 Juin 2022
► La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) peut s'autosaisir des projets ayant déjà atteint le seuil de 20 000 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet.
Principe. Il résulte de la combinaison des III, IV et V de l'article L. 752-17 du Code de commerce N° Lexbase : L5111I3P, éclairés par les travaux préparatoires de la loi n° 2014-626, du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises N° Lexbase : L4967I3D, dont elles sont issues, que le législateur a entendu, en prévoyant que la CNAC est systématiquement informée des projets dont la surface de vente est supérieure ou égale à 20 000 mètres carrés et de ceux ayant déjà atteint ce seuil ou devant le dépasser par la réalisation du projet, que la Commission nationale puisse s'autosaisir de l'ensemble de ces projets, et non seulement de ceux dont la surface de vente devant être autorisée est supérieure ou égale à 20 000 mètres carrés.
Application. Le projet litigieux consiste en une extension de 1 450 mètres carrés d’un magasin exploité sous l'enseigne « Espace culturel E. Leclerc » dans l'ensemble commercial, ne nécessitant pas la délivrance d'un nouveau permis de construire, d'un magasin d'une surface de vente de 800 mètres carrés, situé dans un ensemble commercial dont la surface de vente totale est de 40 630 mètres carrés.
Censure de la cour administrative d'appel. Dès lors, en jugeant que la CNAC ne pouvait légalement se saisir de ce projet au motif que sa surface de vente propre est inférieure à 20 000 mètres carrés, la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 13 mai 2020, n° 19NT00846 N° Lexbase : A57067ZD) a entaché son arrêt d'erreur de droit.
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newsid:481957
Réf. : Cass. civ. 3, 15 juin 2022, n° 21-13.286, FS-B N° Lexbase : A4696773
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N1949BZ9
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 22 Juin 2022
► Viole l’article 1137 du Code civil pour ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d’appel qui rejette la demande de nullité de la vente pour dol, alors qu'elle avait constaté que le vendeur avait apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de l'acquéreur relatives à la présence d’algues sargasses, avec la volonté de tromper, sans qu’il soit nécessaire d’établir que le vendeur savait que ce mensonge portait sur un élément déterminant pour son contractant et avait été informé de sa santé fragile et de celle de son fils ;
► de même, viole l'article 1641 du Code civil en ajoutant à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas, la cour d'appel qui, pour rejeter l'action en garantie des vices cachés engagée par l'acquéreur d'une maison en raison de nuisances provenant de l'échouage saisonnier d'algues sargasses, retient qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible ne constitue pas un vice caché.
En l’espèce, le litige portait sur la vente d’une maison d’habitation, située près de l'océan, en Martinique. Invoquant un défaut d'information sur les nuisances liées à l'échouage saisonnier d'algues sargasses, l'acquéreure avait assigné la venderesse en annulation de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.
La cour d’appel l’avait déboutée sur chacune de ces demandes. Elle forme un pourvoi et obtient la cassation sur chacun de ces points.
La solution n’a rien ici de novateur, mais a le mérite de rappeler les principes en la matière, tels que posés par l’article 1137, aliénas 1 et 2, du Code civil N° Lexbase : L1978LKH, aux termes duquel :
« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ».
Pour rejeter la demande de nullité de la vente pour dol, la cour d’appel de Fort-de-France (CA Fort-de-France, 24 novembre 2020, n° 19/00276 N° Lexbase : A151538M) avait retenu que, si la venderesse avait volontairement omis d'informer l'acquéreur sur le phénomène des échouages des algues sargasses qui affectait le bien vendu, il n'était pas établi qu'elle savait que ce mensonge portait sur un élément déterminant pour son contractant et avait été informée de sa santé fragile et de celle de son fils.
La décision est censurée, au visa de l’alinéa 1er de l’article 1137 précité, par la Cour suprême qui reproche à la cour de ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations, alors qu'elle avait constaté que la venderesse avait apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de l'acquéreure relatives à la présence des algues sargasses, avec la volonté de tromper.
La solution précitée de la Cour de cassation sur le terrain de l’action en nullité pour vice caché apporte en revanche une précision utile, contribuant à mieux définir la notion de « vice caché ».
Pour rejeter la demande en résolution de la vente, la cour d’appel avait retenu qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible, ne constituait pas un vice caché.
La Haute juridiction censure, car c’est alors ajouter à la loi (plus précisément à l’article 1641 du Code civil N° Lexbase : L1743AB8) une restriction qu'elle ne comporte pas.
Elle rappelle en effet la teneur de ce dernier article : « le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
Pour aller plus loin : sur cet arrêt, v. E. Meiller, obs. in Chronique de jurisprudence du droit de la vente d’immeubles (avril à juin 2022), à paraître dans Lexbase Droit privé, n° 912, 30 juin 2022. |
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N1894BZ8
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par Denis Talon, avocat honoraire au Barreau de Paris, ancien membre du Conseil de l’Ordre et du Conseil national des Barreaux, ancien Président de Droit & Procédure, et Charles Simon, avocat au Barreau de Paris, administrateur de l’AAPPE et de Droit & Procédure
Le 22 Juin 2022
Mots-clés : licitation • indivision • vente forcée • mise à prix • vente aux enchères • bien indivis
La licitation, c’est la vente aux enchères d’un bien indivis pour permettre le partage de son prix et la fin de l’indivision. Comme en matière de saisie immobilière, la mise à prix est le point de départ des enchères, mais ce n’en est pas le point d’arrivée. Le risque en matière de licitation est qu’il n’y ait aucun enchérisseur, empêchant de mettre fin à l’indivision. C’est pourquoi, comme en matière de saisie immobilière, les auteurs des présentes lignes proposent une fourchette basse pour le montant de la mise à prix, de l’ordre de 30 % de la valeur vénale raisonnablement prévisible du bien. Cela a pour but d’attirer les amateurs, mais peut aussi permettre à un indivisaire de garantir que la vente se fasse, en prévoyant de se porter adjudicataire du bien pour un prix qu’il peut payer.
Cet article est le second d’une série sur la mise à prix. Il traite de la mise à prix en matière de licitation. Le premier traitait de la mise à prix en matière de saisie immobilière (D.Talon, Ch. Simon, La mise à prix : le cas de la saisie immobilière, Lexbase Droit privé, n° 908
I. Rappel sur la notion de licitation
A. Définition de la licitation
Si la notion de saisie immobilière est largement connue et s’explique d’elle-même (c’est la saisie d’un immeuble), ce n’est pas le cas de la licitation. Son régime général est fixé aux articles 1686 N° Lexbase : L1796AB7 à 1688 N° Lexbase : L1798AB9 du Code civil. Ces articles se trouvent au Livre III (« Des différentes manières dont on acquiert la propriété ») ; Titre IV (« De la vente ») ; Chapitre VII (« De la licitation »).
L’article 1686 du Code civil délimite à la fois le cadre dans lequel la licitation intervient et la façon dont elle se résout :
« Si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ;
Ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre,
La vente s'en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires. »
Trois éléments fondamentaux se dégagent de cet article :
L’article 1688 du Code civil précise les conditions de la vente aux enchères :
« Le mode et les formalités à observer pour la licitation sont expliqués au titre " Des successions " et au code de procédure. » On avouera que ce double renvoi ne nous avance guère sur le régime de la licitation, tant il est général.
B. Domaines de la licitation
Le renvoi au titre « Des successions » du Code civil indique toutefois l’un des terrains d’élection de la licitation : les indivisions successorales. L’autre type d’indivisions où la licitation se rencontre fréquemment est l’indivision à la suite de la séparation du couple. Se pose alors fréquemment la question du devenir du domicile familial qui a été, tout aussi fréquemment, acheté en commun, quel que soit l’habillage juridique adopté par le couple pour l’organisation de la vie commune avant la séparation (concubinage ; pacte civil de solidarité avec ou sans contrat ; mariage et régime matrimonial choisi dans ce cas).
L’idée fondamentale, exprimée à l’article 815 du Code civil N° Lexbase : L9929HN3 concernant les successions, est que « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention ». L’objectif est bien la dissolution de l’indivision afin que chacun puisse reprendre sa liberté.
De façon originale, la licitation se rencontre également fréquemment dans un cas où les indivisaires ne veulent pas sortir de l’indivision. C’est l’action oblique du créancier qui ne peut pas procéder à la vente du bien par la voie de la saisie immobilière. Cette situation se rencontre quand le créancier ne dispose pas d’une créance commune à l’ensemble des indivisaires ou quand le bien en indivision n’est pas un bien commun au sens des régimes matrimoniaux. En effet, dans ce dernier cas, le créancier d’un seul des époux peut toujours réaliser le bien commun par la voie d’une saisie immobilière, en application de l’article 1413 du Code civil N° Lexbase : L1544ABS (Cass. civ. 2, 16 mai 2012, n° 11-18.278, F-D N° Lexbase : A7063IL8). La saisie est alors poursuivie contre les deux époux, aux termes de l’article L. 311-7 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5871IRU, quand bien même un seul serait débiteur.
C. Acteurs de la licitation
À l’issue de ce rappel, deux types d’acteurs paraissent donc intéressés à poursuivre une procédure de licitation :
II. Fixation de la mise à prix et risques associés
A. Qu’est-ce que la mise à prix ?
Comme en matière de saisie immobilière, la mise à prix n’est définie nulle part dans les textes réglementant « le mode et les formalités à observer pour la licitation », que ce soit dans le Code civil ou dans le Code de procédure civile. Nous renvoyons donc, sur ce point, à notre premier article sur la mise à prix en matière de saisie immobilière (D. Talon, Ch. Simon, La mise à prix : le cas de la saisie immobilière, Lexbase Droit privé, n° 908 N° Lexbase : N1589BZU).
Il suffit de rappeler que la mise à prix est le point de départ des enchères lorsque la vente forcée d’un bien intervient. Ce n’est cependant pas le point d’arrivée des enchères, sauf en cas de défaut d’enchère.
Pas plus qu’en matière de saisie immobilière, la mise à prix en matière de licitation ne présage de ce que le prix d’adjudication sera.
B. Textes encadrant la mise à prix
Comme en matière de saisie immobilière, les textes régissant la licitation sont allusifs quant à la fixation du montant de la mise à prix. Le titre « Des successions » du Code civil n’en dit pas un mot. Quant au Code de procédure civile, il organise un jeu de piste.
Il contient un paragraphe de deux articles (CPC, art. 1377 N° Lexbase : L1631IUX et 1378 N° Lexbase : L6332H7N) consacré à la licitation. Celui-ci se trouve au Livre III (« Dispositions particulières à certaines matières »), Titre III (« Les régimes matrimoniaux – Les successions et les libéralités »), Chapitre II (« Les successions et les libéralités »), Section IV (« Le Partage »), Sous-section II (« Le partage judiciaire »), Paragraphe 3 (« La licitation »). Mais ces articles indiquent uniquement :
« Le tribunal ordonne, dans les conditions qu'il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.
La vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 N° Lexbase : L2150H4E à 1281 N° Lexbase : L2177H4E. »
Il faut donc se reporter aux articles 1271 à 1281 du Code de procédure civile qui concernent « La vente des immeubles et des fonds de commerce appartenant à des mineurs en tutelle ou à des majeurs en tutelle ». En pratique, pour ce qui nous intéresse, le texte pertinent est l’article 1273 N° Lexbase : L2153H4I. Il dispose :
« Le tribunal détermine la mise à prix de chacun des biens à vendre et les conditions essentielles de la vente. Il peut préciser qu'à défaut d'enchères atteignant cette mise à prix, la vente pourra se faire sur une mise à prix inférieure qu'il fixe.
Le tribunal peut, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, faire procéder à leur estimation totale ou partielle. »
À nouveau, ce texte ne nous avance guère, même s’il fait apparaître deux différences avec le mécanisme de fixation de la mise à prix en matière de saisie immobilière déjà étudié.
C. Personnes fixant la mise à prix
La première différence concerne la personne qui fixe la mise à prix.
En matière de saisie immobilière, c’est le créancier poursuivant et lui seul qui fixe la mise à prix, sous réserve de la possibilité pour le débiteur de demander au juge de l’augmenter en cas d’insuffisance manifeste. Nous en avons vu les raisons dans notre premier article.
En matière de licitation, c’est le tribunal qui détermine la mise à prix. La Cour de cassation lui reconnaît un pouvoir discrétionnaire ici. Il n’a même pas à exprimer les motifs de sa décision (Cass. civ. 1, 14 mai 1996, n° 94-14.895 N° Lexbase : A1063CTK).
Mais le tribunal est extérieur à la situation. De plus, si les textes lui en donnent la possibilité, il n’a pas l’obligation de faire procéder à une estimation et on imagine bien que, dans tous les cas, ce n’est pas lui qui va la payer. En pratique, il est donc évident que, si « le tribunal détermine la mise à prix », c’est sur la base de la ou des propositions des parties et des estimations de la valeur du bien qu’elles ont éventuellement versées aux débats.
Le tribunal a ainsi un pouvoir plus grand qu’en matière de saisie immobilière mais ce pouvoir est largement de façade. La principale différence est donc, au final, que toutes les parties peuvent proposer une mise à prix et non une seule, comme en saisie immobilière, à raison de sa qualité (créancier poursuivant). Le tribunal, quant à lui, tranchera.
D. Possibilité de baisse de la mise à prix
La deuxième différence est que les textes prévoient expressément une possibilité de baisse de la mise à prix à défaut d’enchères.
Cela se pratique aussi en saisie immobilière, malgré l’absence de texte (par exemple, CA Besançon, 1er septembre 2009, n° 09/01511 N° Lexbase : A1476UBB ; CA Agen, 2 mars 2016, n° 15/00901N° Lexbase : A9353QDR). Cela ne nous semble cependant pas dans l’esprit de cette procédure, alors que la baisse de la mise à prix est naturelle en matière de licitation.
Cette différence s’explique par les risques attachés à la fixation de la mise à prix dans ces deux procédures qui ne sont pas les mêmes.
E. Risques associés à la mise à prix
Nous avons vu dans notre premier article que, en matière de saisie immobilière, c’est le créancier poursuivant qui court le risque lié à la fixation de la mise à prix. À défaut d’enchère, il est déclaré adjudicataire pour le montant de celle-ci, en application de l’article L. 322-6 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5884IRD. Accepter qu’il puisse baisser ce montant à défaut d’enchères n’est cependant pas satisfaisant. Car, si c’est dans son intérêt pour permettre à un éventuel amateur de se découvrir après la remise en vente du bien sur baisse de sa mise à prix ou pour diminuer le prix qu’il devra payer à défaut d’enchère, une autre personne est intéressée au montant de la mise à prix : le débiteur saisi. Accepter de la baisser, c’est accepter de porter atteinte aux intérêts de celui-ci, son bien pouvant partir pour un prix plus faible que le prix minimum initialement escompté. Or, c’est bien le débiteur saisi plus que le créancier poursuivant qui a le plus à perdre à une mauvaise vente.
Il n’y a rien de tel en matière de licitation. À défaut d’enchère, personne n’est déclaré adjudicataire. Cela signifie cependant que le bien indivis n’est pas liquidé et que l’indivision se poursuit. Or, la licitation est la procédure visant à mettre fin à l’indivision en permettant la liquidation du bien et le partage du prix. Un défaut d’enchère est donc un constat d’échec. Du temps, de l’argent et de l’énergie ont été dépensés en vain.
Dans ces conditions, permettre une baisse de la mise à prix semble se justifie à nos yeux. Certes, le bien va, potentiellement, se vendre à un prix inférieur au prix minimum initialement escompté mais cette décote est le prix de la liberté pour les indivisaires. Pour sortir de l’indivision, ils doivent potentiellement accepter de « brader » le bien.
III. Recommandations concernant la fixation de la mise à prix
A. Fourchette proposée
Ce risque présent à l’esprit, nous sommes d’avis que, comme en matière de saisie immobilière, une fourchette comprise entre un quart et un tiers du prix du marché peut être retenue. Ici encore, comme en matière de saisie immobilière, cette fourchette peut être justifiée par la nécessaire « attractivité » de la mise à prix, mise en avant aussi bien par la doctrine (S. Guinchard, M. Moussa, Dalloz Action Droit et pratique des voies d’exécution 2022|2023, Dalloz, 10e éd., 2022, 1422.121) que par la jurisprudence (CA Nîmes, 8 janvier 2015, n° 13/03861 N° Lexbase : A9438M83 ; CA Riom, 1er avril 2014, n°13/01442 N° Lexbase : A3404MIW).
Pour les créanciers agissant par le biais de l’action oblique, la voie de la saisie immobilière leur étant bloquée, les mêmes raisons qui nous amènent à proposer cette fourchette dans notre premier article s’appliquent ici mutatis mutandis.
Pour les indivisaires qui souhaitent mettre fin à l’indivision, cette fourchette basse permet d’espérer atteindre effectivement le but poursuivi, potentiellement en acceptant une décote. Nous ne sommes pas favorables à la solution intermédiaire consistant à prévoir une mise à prix plus haute, en se laissant la possibilité d’une baisse à défaut d’enchère. En effet, l’expérience montre que, dans ce cas, les amateurs ont tendance à ne se découvrir qu’après baisse de la mise à prix, quitte à ce que le prix d’adjudication final soit supérieur au montant de la mise à prix initiale avant baisse. Autant donc partir de plus bas, plutôt que de descendre pour remonter.
B. Réflexions finales
Deux autres raisons nous amènent à proposer une mise à prix basse en matière de licitation.
Tout d’abord, il existe un moyen simple d’éviter un défaut d’enchère et la survie de l’indivision : qu’un indivisaire se porte adjudicataire du bien. Pour parer tout reproche à la suite d'un défaut d’enchère, l’avocat chargé de mettre en place une licitation a d’ailleurs tout intérêt à informer systématiquement son ou ses clients de cette possibilité, en leur proposant de fixer la mise à prix à un montant qu’ils peuvent acquitter. Ce d’autant que son ou ses clients pourront compenser une partie du prix avec leur créance sur l’indivision, résultant de la part leur revenant à la suite de la liquidation du bien. S’il n’y a pas d’amateur, un ou plusieurs indivisaires pourraient donc faire une bonne affaire et, s’il y en a, ils contribueront à faire monter le prix, au moins jusqu’au niveau qu’ils sont prêts à payer.
Ensuite, hors le cas de la licitation par voie oblique, succédanée à une saisie immobilière impossible, la licitation a habituellement lieu dans un cadre conflictuel au sein de l’indivision. Un ou plusieurs indivisaires empêchent le partage amiable et la sortie de l’indivision. Une mise à prix basse, associée à la mauvaise réputation des ventes aux enchères dans le public, peut être de nature à ramener les récalcitrants à de meilleurs sentiments vis-à-vis des autres indivisaires.
Ces deux dernières raisons ne doivent cependant pas laisser penser qu’une mise à prix basse serait un subterfuge en matière de licitation.
D’abord, comme en matière de saisie immobilière, la mise à prix n’est qu’un point de départ, pour autant qu’il y ait des amateurs en salle des ventes. Notre première réflexion tend à assurer qu’il y en ait au moins un.
Ensuite, dans la vaste majorité des cas, la licitation remplit son office en se concluant par la vente à un tiers, à un prix parfois même supérieur au prix du marché en cas de marché immobilier tendu. Même en cas de retour à meilleur sentiment du réfractaire, il peut donc y avoir un intérêt à poursuivre la licitation qui permet d’organiser la vente sans intermédiaire et en coupant court aux marchandages.
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