Le Quotidien du 8 juin 2022

Le Quotidien

Délégation de service public

[Brèves] Éviction irrégulière d’une société du contrat de délégation de service public pour la desserte maritime de l’île de beauté : la collectivité de Corse mise à l’amende !

Réf. : CAA Marseille, 6e ch., 24 mai 2022, n° 17MA01655 N° Lexbase : A45047YH

Lecture: 3 min

N1705BZ8

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par Yann Le Foll

Le 07 Juin 2022

► La collectivité de Corse est condamnée à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 5 123 399 euros en réparation du préjudice que celle-ci a subi du fait de son éviction irrégulière du contrat de délégation de service public pour la desserte maritime de la Corse, pour la période 2014‑2023.

Faits. La société Corsica Ferries France a saisi la juridiction administrative en vue d’obtenir réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de son éviction irrégulière de la procédure d’attribution du contrat. Par un jugement du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité de Corse à verser à la société Corsica Ferries France une indemnité de 369 504,56 euros, en remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre. Le tribunal a toutefois rejeté la demande de la société Corsica Ferries France tendant à l’indemnisation de son manque à gagner à n’avoir pas été attributaire de la délégation de service public.

La société Corsica Ferries France a fait appel du jugement du tribunal administratif de Bastia. Par un arrêt avant dire droit du 16 juillet 2018, la cour a considéré que la société Corsica Ferries France avait une chance sérieuse de remporter le contrat et qu’elle avait par suite droit à l’indemnisation de son manque à gagner. Ce manque à gagner correspond au bénéfice net qu’elle aurait tiré de l’exploitation de son offre « Grand Sud » comprenant trois lignes : Marseille‑Ajaccio, Marseille‑Propriano et Marseille‑Porto-Vecchio.

Position CAA. Examinant point par point les postes de recettes et de dépenses et en reconstituant les produits et les charges qui auraient dû être constatés dans le cadre de l’exploitation de l’offre « Grand Sud » proposée par la société Corsica Ferries France, la cour a établi le montant du bénéfice d’exploitation à la somme de 7 193 970 euros pour l’ensemble de la période 2014-2023.

Elle a ensuite contrôlé que ce bénéfice avait un caractère raisonnable au regard des règles européennes encadrant le versement de contributions publiques pour la couverture des coûts occasionnés par les obligations de service public : correction des recettes de transport de véhicules, incidence des fluctuations des coûts de combustible sur les tarifs.

Elle a enfin pris en compte dans l’évaluation du préjudice réel subi par la société Corsica Ferries France le fait qu’entre 2014 et 2016, le titulaire de la délégation de service public a été dans l’impossibilité d’exécuter une partie du service en raison de mouvements de grève. Au cours de cette période, une partie des passagers du service public s’est ainsi reportée sur l’offre commerciale de la société Corsica Ferries France. Pour le calcul de son préjudice réel, la cour a dès lors déduit du bénéfice d’exploitation reconstitué les bénéfices réalisés par la société Corsica Ferries France du fait du report de ces passagers, évalués à la somme de 2 070 571 euros.

Décision. À partir des informations fournies par l’expertise économique et comptable qui avait été ordonnée, la cour a établi le manque à gagner de la société Corsica Ferries France à hauteur de 5 123 399 euros sur l’ensemble de la période 2014-2023.

Rappel. La collectivité de Corse avait déjà été condamnée à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 86 304 183 euros en réparation du préjudice que celle-ci a subi du fait du subventionnement illégal apporté par la collectivité à la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM), entre juillet 2007 et décembre 2013 (lire O. Péjout, Indemnisation record pour Corsica Ferries sur fond de droit des aides d’État, Lexbase Public n° 858, 2021 N° Lexbase : N6788BY3).

newsid:481705

Domaine public

[Brèves] Ouvrage immobilier irrégulièrement implanté sur le domaine public maritime : en avoir la garde équivaut à être propriétaire !

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 31 mai 2022, n° 457886, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A61967Y7

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N1740BZH

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par Yann Le Foll

Le 08 Juin 2022

La personne ayant la garde d'un ouvrage immobilier irrégulièrement implanté sur le domaine public maritime, dès lors qu’elle en a la maîtrise effective, se comporte comme son propriétaire.

Principe. L'article L. 2132-3 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L4572IQE tend à assurer, au moyen de l'action domaniale qu'il institue, la remise du domaine public maritime naturel dans un état conforme à son affectation publique en permettant aux autorités chargées de sa protection, notamment, d'ordonner à celui qui l'a édifié ou, à défaut, à la personne qui en a la garde, la démolition d'un ouvrage immobilier irrégulièrement implanté sur ce domaine.

Rappel. Il a déjà été jugé que le seul fait d'avoir installé un dispositif d'éclairage à l'extrémité de pontons et d'avoir sollicité une autorisation d'occupation du domaine public pour régulariser l'implantation de ces pontons sur le domaine public maritime ne permet pas de regarder une personne qui n'en est ni propriétaire ni constructeur, comme ayant la garde de ces ouvrages, établis depuis plusieurs dizaines d'années (CE 3° et 8° s-s-r., 31 décembre 2008, n° 301378, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0544EIY).

Dans le cas d'un tel ouvrage, le gardien est celui qui, en ayant la maîtrise effective, se comporte comme s'il en était le propriétaire (voir, pour une solution proche, le propriétaire d'un véhicule volé, dès lors qu'il n'a plus la garde de ce véhicule, ne peut par suite être tenu pour l'auteur de la contravention de grande voirie causée par ce véhicule, CE, 5 juillet 2000, n° 207526 N° Lexbase : A3763B7I). 

Faits. Une société a acquis une villa en bord de mer sur le territoire de la commune d'Èze-sur-Mer (Alpes-Maritimes) le 17 septembre 2007. Le 17 mai 2016, elle a demandé au préfet des Alpes-Maritimes l'autorisation d'occuper une dépendance du domaine public maritime située au droit de sa propriété, sur laquelle se trouvaient édifiées plusieurs installations, dont une plate-forme en béton dallée, trois bollards, un plongeoir et une rampe double d'escaliers. Le 6 octobre 2016, le directeur départemental des finances publiques a émis un ordre de versement mettant à sa charge des indemnités pour l'occupation sans titre de cette dépendance, à titre de régularisation, pour les années 2013, 2014 et 2015.

Par une décision du 15 décembre 2016, le préfet, d'une part, a rejeté sa demande d'autorisation d'occupation temporaire, d'autre part, lui a enjoint de démolir toutes les installations en faisant l'objet et de remettre les lieux dans leur état naturel dans un délai de quatre mois, en précisant qu'à défaut d'exécution, une contravention de grande voirie serait dressée à son encontre. La demande d’annulation de cette décision a été rejetée en première instance et en appel.

Faits (suite). La société qui a la jouissance d'installations situées en contrebas de sa propriété en a l'usage exclusif. Des panneaux interdisant l'accès aux piétons étaient apposés à proximité du seul cheminement permettant au public d'y accéder.

La société a, comme l'ancien propriétaire de la villa, demandé à occuper la dépendance sur laquelle elles sont construites, et s'est elle-même acquittée d'indemnités pour occupation sans droit ni titre de cette dépendance.

Décision. C’est donc à bon droit que la cour administrative d’appel (CAA Marseille, 7e ch., 25 juin 2021, n° 19MA03393 N° Lexbase : A66784XM) a jugé qu’elle se comporte à l'égard des installations en cause comme leur propriétaire, et en a dès lors la garde.

newsid:481740

Durée du travail

[Brèves] Heures supplémentaires : éléments de preuve permettant d’évaluer les heures travaillées

Réf. : Cass. soc., 25 mai 2022, 4 arrêts, n° 20-17.700 N° Lexbase : A40567YU, n° 20-23.708 N° Lexbase : A40597YY, n° 20-19.596 N° Lexbase : A41807YH et n° 20-18.897 N° Lexbase : A40927Y9, F-D

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N1686BZH

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par Lisa Poinsot

Le 07 Juin 2022

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments ; après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Faits et procédure. Dans plusieurs litiges, un justiciable saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes dont celle de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

Dans chaque affaire, la cour d’appel (CA Lyon, 7 février 2020, n° 17/08671 N° Lexbase : A86553DW, CA Riom, 5 novembre 2019, n° 18/12710 N° Lexbase : A9593ZTH, CA Paris, 30 juin 2020, n° 18/01464 N° Lexbase : A92613PP et CA Caen, 27 février 2020, n° 19/00499) considère que :

  • n° 20-17.700 : les éléments produits par la salariée ne sont pas suffisamment clairs et précis et ne sont pas de nature à laisser présumer l’accomplissement des heures supplémentaires alléguées. Les juges du fond s’appuient sur les plannings tenus par la salariée qui, selon eux, ne faisaient état que de l’amplitude horaire et ne caractérisaient pas du temps de travail. En outre, ils constatent que l’origine des tableaux horaires que produit la salariée qui émaneraient de son employeur et qui auraient été annotés par deux autres salariées n’est pas certaine ;
  • n° 20-23.708 : les documents versés au débat ne comportent pas d’éléments vérifiables quant aux heures de travail alléguées permettant à l’employeur d’apporter une réponse dans des conditions normales du débat contradictoire. Les juges constatent que le tableau récapitulatif des heures supplémentaires a été élaboré par le salarié postérieurement à la relation contractuelle pour les besoins de la procédure, de sorte qu’il n'a aucune valeur probante en l'absence d'éléments objectifs extérieurs. En outre, les références de courriels figurant sur chaque page du tableau afin de démontrer la réalité d'une activité ne correspondent pas à des pièces versées au débat, à quelques exceptions près, et en toute hypothèse, la réception ou l'envoi de courriels sont insuffisants pour apporter la réalité d'un travail commandé par l'employeur. Enfin, l'exploitation des courriels par la salariée est, selon eux, peu convaincante dès lors qu'à partir d'un courriel adressé dans une journée, elle décompte plusieurs heures de travail, cette méthode affectant la cohérence globale du tableau communiqué ;
  • n° 20-18.596 : le tableau, indiquant les heures d’envoi des premiers et derniers mails, produit par le salarié n’est pas, à lui seul, suffisamment étayé pour justifier qu’il a effectué les heures supplémentaires alléguées. En effet, les juges du fond affirment que le salarié n’a pas produit les emails concernés ;
  • n° 20-18.897 : l’existence des heures supplémentaires est avérée, de sorte que les parties sont renvoyées à effectuer le calcul de ces heures sur la base de décompte du salarié entre ses différents trajets de déplacement, à l’exclusion des trajets domicile/travail.

Les salariés forment chacun un pourvoi en cassation (n° 20-17.700, n° 20-23.708 et n° 20-18.596), en soutenant que les éléments de preuve apportés étaient suffisamment précis et clairs, permettant ainsi d’évaluer les heures travaillées. La charge de la preuve ne devait pas uniquement peser sur eux.

Dans l’affaire n° 20-18.897, l’employeur forme un pourvoi en cassation en arguant que :

  • le rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires pour des temps de déplacement n’est possible qu’à la triple condition que ceux-ci constituent du temps de travail effectif, qu’il ne soient pas déjà inclus dans le temps de travail déjà payé au salarié et qu’ils constituent des heures supplémentaires au-delà de celui-ci. Les juges du fond, en l’espèce, n’ont pas vérifié ni précisé la réalité, la nature voire même l’ampleur des heures qui restaient à payer au salarié ;
  • les juges du fond, en refusant d’évaluer le montant du rappel de salaire, ont commis un déni de justice.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure l’analyse retenue par les cours d’appel, principalement en application des articles L. 3171-2 N° Lexbase : L8718LGY, L. 3171-3 N° Lexbase : L7443K9K et L. 3171-4 N° Lexbase : L0783H9U du Code du travail.

Pour aller plus loin :

  • v. également : Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A48333K9, Cass. soc., 5 janvier 2022, n° 20-16.172, F-D N° Lexbase : A51307IT et Cass. soc., 12 janvier 2022, n° 19-25.428, F-D N° Lexbase : A51307IT : un tableau informatif ne détaillant pas les horaires réalisés jour après jours et se contente de faire état de la réalisation chaque semaine de 15 heures supplémentaires, sans explication, ne peut constituer un élément de preuve suffisamment précis. Au contraire, constituent des éléments suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre, des feuilles d'enregistrement de ses heures de travail faisant apparaître une amplitude de 9 heures par jour et sur une base de 45 heures, sans toutefois faire mention du début et de la fin de la journée de travail ni préciser l'amplitude des pauses déjeuner, un tableau récapitulant les heures de transmission de certains mails en début de journée et en fin de journée de travail et deux témoignages ;
  • lire aussi S. Tournaux, Assouplissement du régime probatoire des heures supplémentaires, Lexbase Social, avril 2020, n° 820 N° Lexbase : N2914BYL ;
  • v. ÉTUDE : Les heures supplémentaires, La charge de la preuve des heures supplémentaires, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0355ETC.

 

newsid:481686

Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Pacte Dutreil et holding animatrice : la Cour de cassation sème le trouble !

Réf. : Cass. com., 25 mai 2022, n° 19-25.513 N° Lexbase : A14897YS

Lecture: 4 min

N1652BZ9

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par Marie-Claire Sgarra

Le 07 Juin 2022

Le fait pour une holding animatrice de cesser, postérieurement à la transmission de ses titres, d’exercer de manière prépondérante son activité éligible n’entraine pas la remise en cause du régime de faveur Dutreil.

Les faits :

  • à la suite du décès de son père, sa fille dépose une déclaration de succession dans laquelle elle a revendiqué, s'agissant des parts de la société X entreprises, qu'elle a qualifiée de holding animatrice de groupe, le bénéfice de l'exonération partielle des droits de succession à hauteur de 75 % de la valeur de ces parts, prévue à l'article 787 B du CGI, en prenant l'engagement de les conserver pendant une durée de quatre ans à compter de leur transmission ;
  • l'administration fiscale a remis en cause cette exonération partielle au motif que, dès le 3 décembre 2010, la société X entreprises avait cédé ses participations dans certaines de ses filiales et que l'activité de la holding était devenue purement financière ;
  • après rejet de sa réclamation contentieuse, la requérante a assigné l'administration fiscale en décharge des rappels d'imposition réclamés.

Principe. Aux termes de l’article 787 B du CGI N° Lexbase : L5936LQW les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs sont, à condition qu'elles aient fait l'objet d'un engagement collectif de conservation présentant certaines caractéristiques, et d'un engagement individuel de conservation pendant une durée de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif, exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur.

En appel, la cour énonce que s'agissant d'une société holding, le bénéfice de l'avantage fiscal Dutreil ne peut se concevoir, au regard de l'objectif fixé par le législateur, que si ladite société conserve, pendant la durée exigée, sa fonction d'animation d'un groupe formé de filiales (CA Rennes, 8 octobre 2019, n° 17/08339). La cour avait ainsi donné gain de cause à l’administration fiscale.

« La cession de la plupart des filiales exerçant une activité économique au sens de l’article 787 B du code général des impôts, sans que le produit de ces cessions ait été réinvesti dans une nouvelle activité économique, a modifié la nature de la société Y Entreprises qui de holding animatrice est devenue essentiellement une holding financière gérant les produits des cessions intervenues. Ayant perdu sa fonction d’animatrice d’un groupe de filiales, elle ne satisfait plus aux conditions légales ».

Lire en ce sens, F. Chidaine, Pacte Dutreil et exigence de conservation pour la société de sa fonction d'animation, Lexbase Fiscal, novembre 2019, n° 804 N° Lexbase : N1359BYY.

La Chambre commerciale rappelle qu’« est assimilée à une telle société la société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, le caractère principal de son activité d'animation de groupe devant être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l'imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total ».

En jugeant que la société avait perdu sa fonction animatrice, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les dispositions de l’article 787 B du CGI précité.

La Chambre commerciale casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Rennes.

En pratique :

  • il suffit (suffirait ?) que la holding soit animatrice au moment de la transmission et pourrait cesser une fois cette transmission faite ;
  • la Cour de cassation, par cette décision, va à l’encontre des derniers commentaires de l’administration fiscale en date du 21 décembre 2021 (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, n° 25 N° Lexbase : X6754ALQ) selon lesquels « la société doit vérifier la condition d’activité pendant toute la durée de l’engagement collectif, le cas échéant unilatéral, et de l’engagement individuel de conservation » ; cette dernière devra certainement (une nouvelle fois) revoir sa position ;
  • cette décision est favorable au contribuable et par ricochet une aide pour les praticiens.

 

    Pour aller plus loin :


     

     

    newsid:481652

    Procédure pénale

    [Brèves] Requête en nullité d’un mandat d’arrêt pour l’exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l’étranger : constitutionnalité réservée de l’article 173 du Code de procédure pénale

    Réf. : Cons. const., n° 2022-996/997 QPC, du 3 juin 2022 N° Lexbase : A91187YD

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    N1762BZB

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    par Adélaïde Léon

    Le 08 Juin 2022

    ► Sous la réserve que la chambre de l’instruction statue à bref délai lorsqu’elle est saisie d’une requête en nullité d’un mandat d’arrêt pour l’exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l’étranger, les dispositions de l’article 173 du Code de procédure pénale, lequel est relatif aux modalités de saisines de la chambre de l’instruction d’une requête en nullité d’un acte ou d’une pièce, sont conformes à la Constitution.

    Rappel de la procédure. Par deux arrêts du 5 avril 2022 (Cass. crim., 5 avril 2022, n° 21-87.393 N° Lexbase : A97487ST et n° 21-87.163, F-D N° Lexbase : A97667SI), la Chambre criminelle a soumis au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité lesquelles ont été jointes afin qu’il y soit statué par une seule décision.

    Par ces questions, le Conseil était saisi de l’article 173 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7455LPS dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC, relatif aux modalités de saisines de la chambre de l’instruction d’une requête en nullité d’un acte ou d’une pièce par le juge d’instruction, le procureur de la République, les parties ou le témoin assisté.

    Portée de la QPC. Il était reproché aux dispositions en cause de ne pas imposer à la chambre de l’instruction de statuer à bref délai lorsqu’elle est saisie d’une requête en nullité formée contre un mandat d’arrêt pour l’exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l’étranger. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté individuelle, des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif. Enfin, les requérants dénonçaient la différence de traitement injustifiée résultant de ces dispositions entre la personne placée sous écrou extraditionnel à l’étranger et celle placée en détention provisoire en France dont le recours doit être examiné à bref délai par la chambre de l’instruction.

    Décision. Le Conseil constitutionnel rappelle dans un premier temps les principes applicables en l’espèce, lesquels résultent des articles 66 de la Constitution N° Lexbase : L1332A99 (prohibition de la détention arbitraire) et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen N° Lexbase : L1363A9D (droit à un recours juridictionnel effectif).

    Le Conseil souligne ensuite qu’en application du deuxième alinéa de l’article 194 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8103MAD, auquel renvoient les dispositions contestées, la chambre de l’instruction dispose généralement d’un délai de deux mois pour statuer sur une requête en nullité. La Haute juridiction ne manque pas de préciser que la méconnaissance de ce délai n’est assortie d’aucune sanction.

    Toutefois, le Conseil rappelle la règle de célérité applicable en matière de privation de liberté. Dans ce domaine, le droit à un recours juridictionnel effectif impose, comme le souligne la Haute juridiction, que le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais.

    Il résulte de ces principes que, dans le cas où elle est saisie d’une requête en nullité d’un mandat d’arrêt pour l’exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l’étranger, il appartient à la chambre de l’instruction de statuer dans les plus brefs délais.

    Dès lors, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus les droits de la défense, ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit et doivent, sous la réserve que la chambre de l’instruction statue à bref délai lorsqu’elle est saisie d’une requête en nullité d’un mandat d’arrêt pour l’exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l’étranger, être déclarées conformes à la Constitution.

    newsid:481762

    Procédures fiscales

    [Brèves] La rayure, dans une réponse au contribuable, de la mention relative à la saisine de la commission départementale des impôts directs entraine l’irrégularité de la procédure d’imposition

    Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 20 mai 2022, n° 441999, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A91387XQ

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    N1739BZG

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    par Marie-Claire Sgarra

    Le 07 Juin 2022

    ► En rayant, dans sa réponse aux observations du contribuable, la mention pré-imprimée relative à la faculté de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs, l’administration fiscale a privé le contribuable de la garantie prévue par l’article L. 59 LPF, entachant de ce fait d’irrégularité la procédure d’imposition suivie à son égard.

    Les faits :

    • une société civile professionnelle a cédé l'intégralité des droits corporels et incorporels de son cabinet médical ;
    • à la suite de la vérification de comptabilité de cette société et du contrôle sur pièces dont le requérant a fait l'objet en sa qualité d'associé, l'administration fiscale a assujetti ce dernier à des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011 ;
    • le TA de Pau a prononcé la décharge de ces impositions, faute pour l'administration d'avoir permis au requérant de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
    • la CAA de Bordeaux a annulé ce jugement (CAA Bordeaux, 20 mai 2020, n° 18BX01248 N° Lexbase : A06243NG).

    Principes :

    • lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (LPF, art. L. 59 N° Lexbase : L8958MCR) ;
    • la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; dans ces domaines, la commission départementale peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit (LPF, art. L 59 A N° Lexbase : L5791MAQ).

    Dans les observations qu’il a adressées à l’administration à la suite de la proposition de rectification qui lui avait été notifiée, le contribuable s’interrogeait notamment sur la méthode de valorisation des parts sociales qu’il détenait dans la SCP mise en œuvre par le vérificateur pour la détermination de la plus-value ou moins-value résultant du transfert de celles-ci dans son patrimoine privé, à la suite de la cessation de son activité.

    La réponse du vérificateur sur ce point était susceptible, à ce stade de la procédure, de donner lieu à des questions de fait au sens du premier alinéa du II de l’article L. 59 A du LPF et entrant donc dans le champ de compétence de la commission départementale des impôts directs.

    Par suite, en rayant, dans sa réponse aux observations du contribuable, la mention pré-imprimée relative à la faculté de demander la saisine de la CDI, l’administration fiscale a privé le contribuable de la garantie prévue par l’article L. 59 LPF, entachant de ce fait d’irrégularité la procédure d’imposition suivie à son égard.

    L’arrêt de la CAA de Bordeaux est annulé.

     

    newsid:481739

    Responsabilité

    [Brèves] Reconnaissance de la perte de chance de participer aux Jeux Olympiques

    Réf. : Cass. civ. 2, 25 mai 2022, n° 20-16.351, F-B N° Lexbase : A25517Y7

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    N1700BZY

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    par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

    Le 07 Juin 2022

    ► Le principe de la réparation intégrale permet d’obtenir réparation de toute perte de chance, laquelle peut résulter de la perte d’une chance de participer aux Jeux Olympiques.

    Faits et procédure. Victime d’un accident à l’étranger, un athlète professionnel s’adonnant à la course, a saisi la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pour obtenir réparation, notamment d’une perte de chance d’être sélectionné et de participer aux Jeux Olympiques. Une telle demande pouvait-elle prospérer ? La cour d’appel l’avait refusé au motif que la victime si elle avait participé à des championnats juniors et à des courses de sélection catégorie espoirs, n’était qu’au début de sa carrière et qu’il ne fournissait aucune explication permettant de penser qu’il aurait pu atteindre le temps nécessaire pour être sélectionné aux Jeux Olympiques (CA Versailles, 19 mars 2020). En somme, la chance était trop faible.

    Solution. Telle n’est pas la solution retenue par la Cour de cassation qui considère qu’ « en statuant ainsi, alors que toute perte de chance ouvre droit à réparation, la cour d’appel a exigé de la victime qu’elle démontre l’existence de la perte de chance sérieuse de participer aux Jeux Olympiques, a violé », notamment le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit. Ainsi, la perte de chance, même minime, doit être réparée (rappr. Cass. civ. 1, 12 octobre 2016, n° 15-23.230 N° Lexbase : A9746R74). Restera alors aux juges du fond à évaluer la perte de chance

    newsid:481700

    Sociétés

    [Brèves] Dissolution-confusion : conditions d’application du principe fraus omnia corrumpit

    Réf. : Cass. com., 25 mai 2022, n° 19-24.470, F-D N° Lexbase : A41717Y7

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    N1664BZN

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    par Vincent Téchené

    Le 07 Juin 2022

    ► Un créancier ne peut se prévaloir du principe selon lequel la fraude corrompt tout pour remettre en cause la dissolution sans liquidation d'une société que si la société bénéficiaire de la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute a mis en œuvre un processus lui ayant permis de priver d'efficacité la faculté d'opposition ouverte par l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil.

    Faits et procédure. L’Urssaf a notifié à une société plusieurs mises en demeure en raison d'impayés de cotisations sociales à compter du mois de décembre 2016, puis l'a informée de sa décision de reprendre les poursuites, compte tenu du non-respect de l'échéancier qu'elle lui avait accordé. Par la suite, la commission des chefs des services financiers a notifié à la société sa décision de ne pas donner une suite favorable à sa demande de plan de règlement des dettes fiscales et sociales.

    Un mois plus tard, les actions de la société débitrice ont été cédées à une société de droit allemand, qui en est devenue l'associé unique. Il a été procédé le même jour à la dissolution sans liquidation de la société débitrice, cette décision étant publiée dans un JAL le 13 novembre 2017. Le 6 décembre 2017, la société débitrice a cédé son fonds de commerce à une troisième société, alors en cours d'immatriculation. Le 11 janvier 2018, la radiation de la société débitrice a été publiée au BODACC.

    Se prévalant d'une créance contre la société débitrice, l'Urssaf l'a assignée en ouverture d'une procédure de redressement et subsidiairement de liquidation judiciaires. Invoquant la perte de la personnalité morale de la débitrice, la société de droit allemand bénéficiaire de la TUP a soulevé la nullité de la procédure.

    Arrêt d’appel. La cour d’appel de Reims a fait droit aux demandes de l’Urssaf retenant que la dissolution de la société débitrice ne lui était pas opposable. Elle a en effet constaté que la dissolution de la société débitrice a certes été publiée dans JAL, mais elle retient qu'une telle formalité apparaît en pratique illusoire, dès lors qu'elle implique une surveillance quotidienne de publications multiples. Elle ajoute que, même si le texte ne l'impose pas, il aurait pu se concevoir, dans un souci de loyauté vis-à-vis de son créancier, que, se sachant poursuivie pour le paiement de sommes très conséquentes, la débitrice avise personnellement l'Urssaf de la dissolution.

    Décision. Énonçant le principe précité, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. En effet, elle retient qu’en se déterminant comme il l’a fait, par des motifs impropres à établir que la société bénéficiaire de la TUP avait mis en œuvre un processus lui ayant permis de priver d'efficacité la faculté d'opposition ouverte à l'Urssaf par l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil N° Lexbase : L2025ABM, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

    Observations. Dans un précédent jurisprudentiel, dans lequel il était également question d’une TUP transfrontalière (appelée parfois « TUP TRANS » en pratique) et d’une action de l’Urssaf, la Cour de cassation (Cass. com., 11 septembre 2012, n° 11-11.141, F-P+B N° Lexbase : A7417ISI) avait retenu la fraude au regard des circonstances de l'espèce, estimant que :

    • l’opération litigieuse était le fruit d'une ingénierie juridique frauduleuse visant à éluder l'application d'une règle d'ordre public, et permettant d'échapper au débat sur l'éventuel état de cessation des paiements de la société débitrice, susceptible d'entraîner l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;
    • le stratagème ainsi mis en œuvre au détriment de l'Urssaf avait également permis de priver d'efficacité la faculté d'opposition prévue par l'article 1844-5, alinéa 3 du Code civil, au profit des créanciers.

    Ce faisant, la Cour de cassation avait adopté une conception assez souple de la fraude, dans le but évident de sanctionner un comportement jugé contraire au droit, reposant sur une ingénierie juridique frauduleuse. Il en résulte que les créanciers sociaux qui n'ont pu former à temps d'opposition à une dissolution confusion transfrontalière peuvent tenter d'invoquer à leur profit la théorie de la fraude, sachant que la fraude sera caractérisée en fonction des circonstances.

    Surtout, dans l’arrêt rapporté du 25 mai, elle rappelle, comme elle l’avait exprimé dans l’arrêt de 2012 (cf. supra), que le stratagème frauduleux doit priver d'efficacité la faculté d'opposition (pour un cas d’annulation de la dissolution et de la TUP pour fraude, v. aussi CA Versailles, 6 avril 2021, n° 18/02928 N° Lexbase : A82984NN).

    newsid:481664