Réf. : Cass. com., 11 mai 2022, n° 19-22.242, FS-B N° Lexbase : A56437WW
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N1523BZG
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par Vincent Téchené
Le 24 Mai 2022
► Méconnaît les exigences du procès équitable résultant de l’article 6, § 1 et 3, de la CESDH le juge qui se fonde, de façon déterminante, sur des déclarations recueillies anonymement pour estimer rapportée la preuve d'une soumission des fournisseurs d'une société aux clauses contractuelles déterminées par cette dernière et, en conséquence, déclarer établie cette condition de caractérisation de la pratique restrictive visée à l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, alors en vigueur.
Faits et procédure. Une société conçoit, fabrique et commercialise des turbines à gaz destinées à la production d'énergie. À compter de l'année 2012, la DGCCRF a mené dans différentes régions, auprès de plusieurs fournisseurs de cette société des enquêtes, portant sur les clauses contractuelles, dont l'une dite « programme TPS », figurant dans les conditions générales d'achat (CGA), les contrats de fourniture de matériel, intitulés contrats SA, et les contrats de prestations de services types, dénommés MSA.
À la suite de l'enquête, le ministre chargé de l’Économie a, le 1er septembre 2015, assigné la société sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce N° Lexbase : L7575LB8, dans sa rédaction alors en vigueur, en cessation de certaines pratiques et en paiement d'une amende civile.
C’est dans ces conditions que la société a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt d’appel (CA Paris, 5-4, 12 juin 2019, n° 18/20323 N° Lexbase : A1582ZEC) reprochant à celui-ci de dire que les auditions anonymisées versées aux débats par le ministre chargé de l'Économie ne portent pas atteinte à ses droits de la défense.
Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 6, § 1 et 3, de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR.
Elle énonce qu’au regard des exigences du procès équitable, le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des déclarations anonymes.
Or, pour écarter les conclusions de la société, qui faisait valoir que les auditions anonymisées versées aux débats par le ministre chargé de l'Économie portaient une atteinte disproportionnée à ses droits de la défense en la privant de la possibilité de vérifier et contredire, le cas échéant, les faits rapportés, puis déclarer établies les pratiques restrictives de concurrence reprochées et prononcer une sanction à son égard, l'arrêt, après avoir reproduit des extraits des déclarations recueillies, par les services de la DREETS, de personnes présentées comme des fournisseurs de la société poursuivie, dont l'identité, l'activité et le chiffre d'affaires qu'elles réalisaient avec elle n'étaient pas mentionnés, relève que tous les témoignages, au nombre de 17, se corroborent entre eux en ce qu'ils font état de ce que les fournisseurs ou sous-traitants de la société ne peuvent négocier les clauses litigieuses avec elle.
La cour d’appel a relevé encore que ces déclarations font référence aux clauses contractuelles litigieuses, qui se retrouvent dans la majorité des contrats liant la société à ses fournisseurs ou sous-traitants. Elle en déduit alors que ces références confirment la crédibilité des procès-verbaux, dressés par des agents assermentés. Elle estime, en conséquence, que ces déclarations des cocontractants établissent que des fournisseurs de la société sont dans l'impossibilité juridique, technique et commerciale de travailler avec celle-ci en cas de refus d'adhésion au programme TPS comme d'acceptation des CGA.
Par conséquent, la Haute juridiction en conclut qu’en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée, de façon déterminante, sur des déclarations recueillies anonymement pour estimer rapportée la preuve de l'existence d'une soumission des fournisseurs aux clauses contractuelles en cause, a méconnu les exigences du texte visé.
Observations. La règle dite « de la preuve unique ou déterminante » a été clairement consacrée par la CEDH, à propos du témoignage anonyme, par les arrêts « Doorson » du 26 mars 1996 (CEDH, 26 mars 1996, Req. 20524/92 N° Lexbase : A0348NDA) et « Van Mechelen » du 23 avril 1997 (CEDH, 23 avril 1997, Req. 21363/93 N° Lexbase : A0349NDB). Il s’agit de la règle selon laquelle « les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l'article 6 de la CESDH lorsqu'une condamnation se fonde, uniquement ou dans une mesure déterminante, sur les dépositions faites par une personne que l'accusé n'a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l'instruction ni pendant les débats ». Ce principe a été appliqué en droit du travail (Cass. soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241, FS-P+B N° Lexbase : A5590XXC, M. Sweeney, Lexbase Social, juillet 2018, n° 751 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 46928928, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Jurisprudence] Les t\u00e9moignages anonymes \u00e0 l\u2019\u00e9preuve des droits de la d\u00e9fense du salari\u00e9", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N5153BX7"}}), la Cour de cassation retenant l’irrégularité de la procédure de licenciement fondée uniquement sur des témoignages anonymes recueillis par la direction de l’éthique. L’arrêt rapporté l’applique donc s’agissant d’enquêtes de concurrence.
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newsid:481523
Réf. : Cass. com., 11 mai 2022, n° 19-22.015, F-B N° Lexbase : A56247W9
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N1529BZN
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
Le 24 Mai 2022
► Un contrat de louage de choses dont les clauses prévoient une reconduction automatique du contrat pour une durée équivalente dès lors que le preneur demande une modification du matériel loué peut être considéré comme étant un engagement « infini » et donc tomber sous le coup de la prohibition des engagements perpétuels.
Contexte. Il est des règles connues de tous mais dont les illustrations sont rares. Ainsi en est-il de la prohibition des engagements perpétuels. Longtemps envisagée dans le seul article 1780 du Code civil N° Lexbase : L1031ABS, relatif au louage de service, la règle a été consacrée en des termes généraux par l’ordonnance du 10 février 2016. Elle trouve dorénavant son siège dans le nouvel article 1210 alinéa 1er du même Code N° Lexbase : L0928KZE. Néanmoins, les faits ayant donné lieu à l’arrêt rendu par la Chambre commerciale le 11 mai 2022 ne relevait pas de cette nouvelle disposition.
Faits et procédure. En l’espèce, deux sociétés avaient conclu un contrat de location portant sur du matériel informatique. Sa durée était fixée à quarante-deux mois, mais il était prévu qu’en cas d’évolution du parc informatique à la demande du preneur, le contrat serait automatiquement reconduit pour une nouvelle durée de quarante-deux mois. Et c’est bien là que résidait la difficulté : de telles stipulations ne faisaient-elles pas de ce contrat un engagement perpétuel ? Le risque était d’autant plus grand qu’était en cause du matériel informatique pour lequel on peut imaginer le souhait du preneur de le remplacer avant l’arrivée du terme. La cour d’appel avait refusé de voir dans cet engagement un engagement perpétuel (CA Paris, 24 mai 2019, n° 17/08357 N° Lexbase : A4891ZC7).
Solution. La Chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1709 du Code civil définissant le contrat de louage de choses. Elle reproche à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si, « s’agissant d’un contrat évolutif de matériels informatiques, dont chaque modification relative aux matériels loués avait pour effet de reconduire la durée du contrat pour 42 mois […], n’était pas de nature à priver [le preneur] de la possibilité d’adapter son matériel aux besoins de son exploitation et donc d’une caractéristique essentielle du contrat, sauf à accepter la reconduction systématique du contrat, la soumettant ainsi à une obligation infinie ». Au-delà du constat d’une perpétuité éventuelle de l’engagement, se pose la question de la sanction, sur laquelle la Cour de cassation ne se prononce pas : nullité de l’engagement comme cela était le cas sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 (en ce sens, Cass. com., 3 novembre 1992, n° 90-17.632 N° Lexbase : A4271ABS) ou faculté de résiliation (C. civ., nouv. art. 1210, alinéa 2 N° Lexbase : L0928KZE) par l’effet d’une application anticipée de la réforme ?
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newsid:481529
Réf. : Cass. soc., 11 mai 2022, n° 20-12.271, FS-B N° Lexbase : A56317WH
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N1509BZW
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par Charlotte Moronval
Le 19 Mai 2022
► Le délai de prescription d'une action en requalification d'une succession de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du dernier contrat, le salarié étant alors en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière ;
La requalification en contrat à durée indéterminée pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d'inactivité, ces dernières n'ont pas d'effet sur le point de départ du délai de prescription.
Faits et procédure. Une salariée est engagée par une entreprise de travail temporaire et mise à disposition d’une entreprise utilisatrice, à compter du 7 janvier 2013, selon plusieurs contrats de mission, dont le dernier a pris fin le 26 février 2016.
La salariée saisit la juridiction prud'homale, le 18 juillet 2016, afin de solliciter la requalification de ses contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'encontre des sociétés de travail temporaire et utilisatrice et de les condamner à lui verser diverses sommes au titre de la requalification et de la rupture du contrat de travail.
La cour d’appel (CA Dijon, 5 décembre 2019, n° 17/00689 N° Lexbase : A0820Z7I) constate que le terme du dernier contrat de mission de l'intéressée au sein de l'entreprise utilisatrice était le 26 février 2016. Elle relève que la salariée avait introduit, le 18 juillet 2016, une action en requalification des contrats de mission souscrits à compter du 7 janvier 2013 en un contrat à durée indéterminée, en soutenant que la conclusion successive de contrats de mission avait pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Dès lors, selon la cour d’appel, l'action de la salariée n'était pas prescrite. L’entreprise utilisatrice forme un pourvoi en cassation.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi et juge que l’action en requalification de la salariée n’était pas prescrite.
Pour aller plus loin :
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newsid:481509
Réf. : CE, 9e ch., 11 mai 2022, n° 450692, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A83167WW
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N1511BZY
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par Marie-Claire Sgarra
Le 24 Mai 2022
► Le Conseil d’État est venu rappeler, dans un arrêt du 11 mai 2022, que le foyer d'un contribuable célibataire s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. En l’espèce le requérant vivait en Arabie Saoudite au cours des années litigieuses.
Les faits :
Principes :
Attention : ces dispositions sont applicables sous réserve des dispositions prévues par les conventions internationales. En l’espèce, le requérant se prévalait des critères de résidence prévus par la convention franco-saoudienne N° Lexbase : E5562EXB. Aux termes de l'article 4 de la convention l'expression « résident d'un État » désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Lorsqu’une personne physique est un résident des deux États, sa situation est réglée de la manière suivante :
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Décision de la CAA. En appel, la cour juge que le requérant, qui travaillait pour le compte d'une société de construction en Arabie Saoudite au cours des années 2012 à 2014, avait son foyer en France en relevant que le requérant :
La cour a relevé par ailleurs qu’il ne résultait pas de l'instruction que le requérant aurait été assujetti à l'impôt en Arabie Saoudite au sens de l'article 4 de la convention franco-saoudienne, sur les revenus des années 2012 à 2014. Dès lors, le requérant ne pouvait utilement se prévaloir des critères posés par la convention.
Solution du CE. Pour le Conseil d’État, ces éléments ne sont pas suffisants à eux seuls pour établir le lieu où le contribuable habitait normalement et avait le centre de sa vie personnelle.
Le foyer d'un contribuable célibataire s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal de ce contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où il ne dispose pas de foyer.
L’arrêt de la CAA de Nantes est annulé.
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newsid:481511
Réf. : CE, 3°-8° ch.-réunies, 12 mai 2022, n° 438121, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A82917WY
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N1525BZI
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par Yann Le Foll
Le 24 Mai 2022
► En vue de la protection de la santé physique et morale, l'autorité administrative doit prendre en compte les propositions d'aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions émises par le médecin du service de médecine préventive justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents.
Faits. Un adjoint technique de deuxième classe au sein d’un syndicat mixte intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SMICTOM) exerçait les fonctions de conducteur de camion de collecte des déchets jusqu'au 5 octobre 2015, date à laquelle il a été affecté sur des fonctions de collecte manuelle des ordures ménagères. À la suite d'un accident survenu, alors qu'il soulevait une poubelle, au cours du service le jour même où il prenait ses nouvelles fonctions, il a demandé que soit ordonnée une expertise médicale, dont le rapport a été déposé le 6 juillet 2017, avant de solliciter le versement, par le SMICTOM, d'une somme de 7 585 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de cet accident.
Première instance. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a relevé que, si la fiche de visite médicale périodique établie par le médecin du service de médecine préventive le 15 juin 2011 concluait à la compatibilité entre le poste de l’agent et son état de santé sous réserve de l'absence de collecte manuelle des déchets, l'attestation de suivi établie par l'infirmier le 19 mai 2012, lors de la dernière visite de prévention précédant l'accident de service, se bornait à mentionner comme seules restrictions le port de protections auditives et la vaccination contre certaines maladies.
Décision CE. En déduisant de ces constatations que, le service de médecine préventive n'ayant pas recommandé l'affectation de l’intéressé sur un poste n'impliquant pas la collecte manuelle de déchets, aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre du SMICTOM, alors que les observations formulées sur l'attestation de suivi infirmier ne sauraient remettre en cause les propositions d'aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions émises par le médecin, le tribunal a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Rappel/agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique. L’agent dont les problèmes de santé ont pour origine le tabagisme passif sur son lieu de travail peut rechercher la responsabilité de la personne publique même en l'absence de lien de causalité direct avec son travail habituel permettant la qualification de maladie professionnelle (CE 1° et 6° s-s-r., 30 décembre 2011, n° 330959, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8312H8D).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Les conditions de travail, Les congés pour raisons de santé, in Droit de la fonction publique (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E13213MU. |
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newsid:481525
Réf. : Cass. civ. 2, 19 mai 2022, n° 21-23.249, F-B N° Lexbase : A41067XD
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N1583BZN
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par Alexandra Martinez-Ohayon
Le 25 Mai 2022
► La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 19 mai 2022, précise qu’aux termes des dispositions de l’article 937 du Code de procédure civile , applicable à la
Faits et procédure. Dans cette affaire, une assurée a saisi un recours devant une juridiction de Sécurité sociale pour contester le nombre de trimestres d’assurance retenus par la caisse pour sa pension retraite.
Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’arrêt (CA Amiens, 4 mars 2021, n° 19/06502 N° Lexbase : A22714KC) d’avoir confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance. L’intéressée relève notamment que la cour d’appel n’a pas recherché si elle avait été effectivement touchée par la convocation. Par ailleurs, elle énonce la violation du principe d’égalité des armes.
En l’espèce, la cour d’appel a relevé que l’appelante avait été destinataire d’une lettre simple de convocation.
Solution. Énonçant la solution précitée aux termes des dispositions de l’article 937 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1431I8I, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel, déclare le moyen non fondé et rejette le pourvoi.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le contentieux de la Sécurité sociale, La procédure devant la cour d'appel du contentieux de la Sécurité sociale, in Droit de la protection sociale Lexbase N° Lexbase : E8053ADM. |
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newsid:481583
Réf. : Cass. civ. 1, 18 mai 2022, n° 20-20.725, F-B N° Lexbase : A33817XI
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N1598BZ9
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 25 Mai 2022
► Les créances qu'un époux séparé de biens peut faire valoir contre l'autre et dont le règlement ne constitue pas une opération de partage se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 du Code civil (soit cinq ans), lequel délai commence à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée.
L’arrêt rendu le 18 mai 2022 par la première chambre civile de la Cour de cassation, tout en rappelant une solution bien connue, selon laquelle le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage (v. Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, n° 11-22.929, F-P+B+I N° Lexbase : A5391ITT), apporte des précisions fort utiles concernant tant le délai de prescription des créances entre époux séparés de biens (en matière personnelle ou mobilière), que son point de départ.
Faits et procédure. En l’espèce, un jugement du 22 octobre 2009 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre des époux mariés sous le régime de la séparation de biens. Un jugement du 1er mars 2012 a prononcé leur divorce et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Le 29 juin 2018, un notaire a établi un projet d'acte de partage faisant apparaître une somme de 850 968,92 euros due par l’ex-époux à son ex-femme au titre des créances entre époux.
Une ordonnance du 4 juillet 2018 a autorisé l’ex-épouse à pratiquer une saisie conservatoire pour sûreté d'une créance de 900 000 euros.
L’ex-époux a saisi le juge de l'exécution d'une demande tendant à la mainlevée de cette mesure, pratiquée le 24 juillet 2018, en raison de la prescription de la créance alléguée par celle-ci. Sa demande avait été rejetée par la cour d’appel d’Amiens.
Pour rejeter la demande de l’ex-époux tendant à la mainlevée de la saisie conservatoire en raison de la prescription de la créance alléguée par celle-ci, la cour d’appel avait retenu que, dès l'ordonnance de non-conciliation, le régime matrimonial devient une indivision post-matrimoniale et que l'action aux fins de partage est imprescriptible.
À tort, selon la Cour suprême qui, sur un moyen relevé d’office, au visa des articles 815 N° Lexbase : L9929HN3, 1479, alinéa 1er N° Lexbase : L1616ABH, 1543 N° Lexbase : L1654ABU et 2224 N° Lexbase : L7184IAC du Code civil :
- rappelle que le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage (solution posée par : Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, n° 11-22.929, F-P+B+I N° Lexbase : A5391ITT) ;
- en déduit alors que ces créances se prescrivent, en matière personnelle ou mobilière et en l'absence de disposition particulière, selon le délai de droit commun édicté par l'article 2224 du Code civil (soit cinq ans).
Pour rejeter encore la demande de l’ex-époux, la cour d’appel avait retenu que, même si une demande relative à une créance entre époux devait être considérée comme une demande connexe, le délai de prescription de cinq ans n’aurait commencé à courir qu'à compter du projet de partage du 28 juin 2018, qui avait fait naître le principe de la créance.
L’ex-époux avait alors formé un pourvoi faisant valoir que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Il soutenait alors que le fait générateur de la créance alléguée par l’ex-épouse était le transfert de valeurs depuis le patrimoine de l'épouse, et que si la prescription n'avait pu courir pendant la durée du mariage, son cours avait repris à compter de la date à laquelle le jugement de divorce était devenu définitif, soit le 26 mai 2012.
L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui énonce qu’il résulte de la combinaison des dispositions des articles 2224 N° Lexbase : L7184IAC et 2236 N° Lexbase : L7221IAP du Code civil que le délai de droit commun par lequel se prescrivent, en l'absence de dispositions particulières, les créances entre époux en matière personnelle ou mobilière commence à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée.
Elle confirme que le fait générateur de la créance alléguée par l’ex-épouse était le transfert de valeurs depuis son patrimoine vers celui de son ex-époux et ne pouvait être recherché dans le projet de partage qui en établissait le compte.
Pour aller plus loin :
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newsid:481598
Réf. : Cass. avis, 18 mai 2022, n° 22-70.003, FS-B+R N° Lexbase : A41077XE
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N1591BZX
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par Laïla Bedja
Le 25 Mai 2022
► L'article L. 3211-10 du Code de la santé publique, qui ne prévoit que l'admission en soins psychiatriques libres à la demande des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ou du tuteur et, par renvoi au seul chapitre III du titre 1er, l'admission en soins psychiatriques contraints sur décision du représentant de l'État, exclut par conséquent l'admission en soins psychiatriques contraints sur décision du directeur d'établissement à la demande d'un tiers ou des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.
Les faits et procédure. Le 27 janvier 2022, une mineure a été admise en hospitalisation complète dans un établissement public de santé mentale à la demande de sa mère. Cette admission a pris la forme d’une décision prise en urgence à la demande d’un tiers par le directeur d’établissement sur le fondement de l’article L. 3212-3 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4893LW7, en l’état d’un risque grave d’atteinte à l’intégrité de la patiente, au vu d’un certificat médical établi le jour même.
Par requête du 28 janvier, le directeur de l’établissement a saisi le JLD aux fins de poursuite de la mesure.
Par décision du 30 janvier, il a maintenu les soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète.
Par ordonnance du 4 février, le JLD a maintenu la mesure et le 14 février, ce dernier s’est saisi d’office de la situation de la mineure, puis a ordonné le sursis à statuer.
La Cour de cassation était alors saisie d’une demande d’avis formée par le JLD.
La demande était ainsi formulée :
« L'article L. 3211-10 du Code de la santé publique N° Lexbase : L6964IQY s'analyse-t-il comme interdisant toute mesure d'hospitalisation d'un mineur à la demande d'un tiers ou limite-t-il la qualité de tiers demandeurs aux seuls titulaires de l'autorité parentale ? »
Avis. La Cour de cassation est d’avis que l'article L. 3211-10 du Code de la santé publique s'analyse comme interdisant toute mesure d'hospitalisation d'un mineur décidée sur le fondement de l'article L. 3212-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4852LWM par le directeur d'établissement à la demande d'un tiers ou des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.
La Cour énonce qu’un mineur peut faire l’objet de soins psychiatriques, sous la forme d’une hospitalisation complète :
Pour aller plus loin :
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newsid:481591