La lettre juridique n°904 du 5 mai 2022

La lettre juridique - Édition n°904

Affaires

[Brèves] Nouveau statut de l’entrepreneur individuel : délimitation du patrimoine professionnel et mentions obligatoires

Réf. : Décret n° 2022-725, du 28 avril 2022, relatif à la définition du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel et aux mentions sur les documents et correspondances à usage professionnel N° Lexbase : L6209MCX

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N1340BZN

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par Vincent Téchené

Le 04 Mai 2022

► Un décret, publié au Journal officiel du 29 avril 2022, vient préciser l'article 1er de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, en faveur de l'activité professionnelle indépendante N° Lexbase : L3215MBP, en définissant le patrimoine professionnel, d’une part,  et mettre à jour les mentions sur les documents et correspondances à usage professionnel, d’autre part.

L’article 1er du décret modifie, en premier lieu, l’article R. 123-237 du Code de commerce : un 9° est ajouté à ce texte prévoyant que l’entrepreneur individuel doit indiquer sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par lui ou en son nom, la dénomination utilisée pour l'exercice de l'activité professionnelle incorporant son nom ou nom d'usage précédé ou suivi immédiatement des mots : « entrepreneur individuel » ou des initiales : « EI ». Ces nouvelles mentions sont calquées sur celles exigées pour les EIRL (8° de l’art. R. 123-237). On rappellera que le non-respect de cette obligation est sanctionné pénalement par une amende de quatrième classe (C. com., art. R. 123-237, dern. al.), soit 750 euros.

Est également modifié en ce sens l’article R. 134-12 concernant les documents et correspondances à usage professionnel de l’agent commercial qui doivent comporter les mêmes mentions.

L’article 2 du décret insère une nouvelle section dans le chapitre VI du titre II du livre V de la partie réglementaire du Code de commerce composée de deux articles.

Tout d’abord, le nouvel article R. 526-26 détermine les éléments susceptibles d'être inclus dans le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel en raison de leur utilité. Le I de cet article précise ainsi que les biens, droits, obligations et sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l'activité professionnelle, s'entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité, tels que :

  • le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d'un professionnel libéral ;
  • les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l'outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
  • les biens immeubles servant à l'activité, y compris la partie de la résidence principale de l'entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l'entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l'entrepreneur individuel, les actions ou parts d'une telle société ;
  • les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l'enseigne ;
  • les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d'exercice de l'activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

Le II de l’article R. 526-26 pose ensuite une présomption lorsque l'entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires : dans ce cas, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l'ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu'ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. En outre, sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l'activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel.

Le nouvel article R. 526-27 N° Lexbase : L6477MCU est relatif à la dénomination de l’entrepreneur individuel. Il prévoit que pour l'exercice de son activité professionnelle, ce dernier doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou nom d'usage précédé ou suivi immédiatement des mots : « entrepreneur individuel » ou des initiales : « EI ». Cette dénomination doit figurer sur les documents et correspondances à usage professionnel de l'intéressé. De même, chaque compte bancaire dédié à son activité professionnelle ouvert par l'entrepreneur individuel doit contenir la dénomination dans son intitulé.

Enfin, on rappellera que l'article L. 526-23 du Code de commerce N° Lexbase : L3667MBG fait naître la distinction entre les deux patrimoines à compter de la date d’immatriculation de l’entrepreneur au registre dont il relève. C’est donc à cette date que les créanciers se voient distinguer en deux catégories : les créanciers personnels et les créanciers professionnels. Toutefois, le texte envisage divers cas de figure dont celui dans lequel la date d'immatriculation est postérieure à la date déclarée du début d'activité. Ici, il est prévu que la distinction entre les deux patrimoines prend effet à compter de la date déclarée du début d'activité, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. Le dernier alinéa de l’article R. 526-27 issu du décret du 28 avril précise alors qu’à défaut d'immatriculation, la première utilisation de la dénomination vaut date déclarée de début d'activité pour identifier le premier acte exercé en qualité d'entrepreneur individuel.

Pour rappel, le nouveau dispositif entre en vigueur le 15 mai 2022.

Pour aller plus loin : v. B. Brignon et H. Leyrat, L’entrepreneur individuel nouveau, in Dossier spécial « La réforme de l'entrepreneur individuel par la loi du 14 février 2022 », Lexbase Affaires, mars 2022, n° 709 N° Lexbase : N0750BZS.

 

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Avocats/Champ de compétence

[Brèves] « Conseil en ressources humaines » pour les TPE/PME : les cabinets d’avocats peuvent être prestataires

Réf. : CE, 5e-6e ch. réunies., 7 avril 2022, n° 448296 N° Lexbase : A02467TB

Lecture: 3 min

N1275BZA

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par Marie Le Guerroué

Le 04 Mai 2022

► En excluant par principe les cabinets d’avocats des prestataires auxquels les entreprises peuvent faire appel pour bénéficier de la prise en charge par l’État de la prestation « conseil en ressources humaines », l’instruction du 4 juin 2020 relative à la prestation « conseil en ressources humaines » pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) porte en l’espèce une atteinte injustifiée au principe de libre concurrence.

Procédure. Par une instruction du 4 juin 2020 (Instr. DGEFP, n° 2020/90, du 4 juin 2020, relative à la prestation « conseil en ressources humaines » pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) N° Lexbase : L3978LXM), la ministre du Travail avait défini les objectifs, les caractéristiques, les modalités de suivi et de mise en œuvre ainsi que les conditions financières et de gestion de la prestation de « conseil en ressources humaines » pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), destinée à financer l'intervention d'un professionnel visant à « la sensibilisation, l'accompagnement, la professionnalisation et l'outillage de la TPE-PME en matière de ressources humaines » grâce à l'accompagnement réalisé par le prestataire cofinancé par l'État. Cette instruction instaure en particulier un contrôle de la qualité du prestataire lors de l'instruction de la demande et fixe les conditions auxquelles ces prestataires doivent satisfaire, en précisant que les opérateurs de compétences (OPCO), les chambres consulaires, les organisations professionnelles, les cabinets d'experts comptables et les cabinets d'avocats ne peuvent pas être prestataires. Le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'État l'annulation de cette instruction en tant qu'elle exclut les cabinets d'avocats de la possibilité d'être prestataire.

Réponse du CE. Si la ministre du Travail soutient que les thématiques d’intervention dans lesquelles doit s’inscrire l’action des prestataires se rapportent à des matières concrètes de gestion des ressources humaines et que la prestation de « conseil en ressources humaines » ne saurait être réduite à une prestation de conseil juridique, il résulte cependant de ces dispositions que plusieurs de ces thématiques comportent une dimension juridique et que les connaissances sur l’environnement institutionnel et l’expertise en matière de droit du travail sont des critères de contrôle de la qualité des prestataires auxquels les entreprises peuvent faire appel. Il ressort en outre des pièces du dossier que de nombreux cabinets d’avocats disposent d’une expérience en matière de conseil et de gestion des ressources humaines en entreprise. Si la ministre fait valoir que l’instruction doit être lue comme n’excluant pas le bénéfice de la prestation dans le cas où le cabinet d'avocats dispose d'une filiale spécialisée dans le conseil en ressources humaines, sous réserve que les consultants répondent aux conditions fixées par le cahier des charges, une telle distinction repose sur un critère d’organisation sans lien avec l’objet de la prestation. Par suite, en excluant par principe les cabinets d’avocats des prestataires auxquels les entreprises peuvent faire appel pour bénéficier de la prise en charge par l’État de la prestation « conseil en ressources humaines », l’instruction attaquée porte en l’espèce une atteinte injustifiée au principe de libre concurrence.

Annulation. Les mots « et les cabinets d’avocats » cités au neuvième alinéa du point 2 du II et au huitième alinéa du point 2 du II de l’annexe 1 de l’instruction du 4 juin 2020 sont par conséquent annulés.

 

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Avocats/Statut social et fiscal

[Textes] La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante et les avocats

Réf. : Loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante N° Lexbase : L3215MBP

Lecture: 22 min

N1277BZC

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par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre Avocats

Le 04 Mai 2022

Mots-clés : texte • loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante • avocat • patrimoine

La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante concerne plusieurs millions d’entreprises individuelles dont elle affecte profondément l’organisation. L’apport essentiel de cette loi est de doter tout entrepreneur individuel, que son entreprise soit commerciale, artisanale, agricole ou libérale, d’un second patrimoine dit « patrimoine professionnel », au sein duquel on trouve les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité professionnelle indépendante. La question de l’application de cette nouvelle organisation se pose pour les avocats, comme pour toutes les professions libérales.


 

La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante (loi n° 2022-172 du 14 février 2022 - ci-après « loi API ») est remarquable avant tout en ce qu’elle concerne plusieurs millions d’entreprises individuelles dont elle affecte profondément l’organisation. L’apport essentiel de cette loi est de doter tout entrepreneur individuel (EI), que son entreprise soit commerciale, artisanale, agricole ou libérale, d’un second patrimoine dit « patrimoine professionnel », au sein duquel on trouve les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à son activité professionnelle indépendante [1].

La question de l’application de cette nouvelle organisation va se poser pour les avocats, comme pour toutes les professions libérales. La loi API institue une organisation patrimoniale qui concernera toutes les entreprises individuelles, à compter du 14 mai 2022 à 0h00. La loi est en effet applicable « à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi » [2]. Notons que la formule est lue par certains comme imposant un jour de plus et ne faisant démarrer l’entrée en vigueur du texte que le 15 mai (c’est la solution retenue par le site « Légifrance » et par le décret n˚ 2022-725 du 28 avril 2022 relatif à la définition du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel et aux mentions sur les documents et correspondances à usage professionnel), mais il nous semble que c’est la date du 14 mai qui aurait dû être retenue. Il est par ailleurs précisé que les nouveaux textes s’appliquent aux créances nées après l'entrée en vigueur des articles 1er à 5 de la loi "API", ce qui donne encore plus d’importance à l’identification précise de cette date.

Il faut insister sur la différence essentielle que présente cette réforme par rapport à la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 N° Lexbase : L5476IMR qui avait institué l’EIRL. Ce n’était alors qu’une possibilité qui était donnée aux EI de se doter d’un ou plusieurs patrimoines affectés, s’ajoutant à leur patrimoine personnel. Des démarches particulières étaient requises (déclaration, dépôt d’un état descriptif du patrimoine affecté). La loi "API" procède différemment puisqu’elle dote tout EI d’un second patrimoine, sans qu’aucune démarche particulière ne soit requise de la part de cet entrepreneur. Toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante se trouve placée sous le nouveau régime, sans possibilité de s’y soustraire.

Notons que le chapitre de la loi API qui met en place le nouveau statut de l’entrepreneur individuel, intitulé « De la simplification de différents statuts de l’entrepreneur », comporte trois sections. La première est relative au nouveau statut, la deuxième à la mise en extinction du statut de l’EIRL, et la troisième est intitulée « Des dispositions applicables aux professions libérales réglementées ». L’article unique qui compose cette section habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des dispositions qui permettront notamment de « clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règles relatives aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, d'une part, en précisant les règles communes qui leur sont applicables et, d'autre part, en adaptant les différents régimes juridiques leur permettant d'exercer sous forme de société ». Il n’est pas possible de deviner, à la lecture de cette habilitation, si elle conduira à l’adoption de dispositions spécifiques à l’application du nouveau régime (que nous appellerons « EI2P », pour « Entrepreneur Individuel à 2 Patrimoines) aux avocats. L’ordonnance devra intervenir, aux termes de l’habilitation, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi API, soit au plus tard le 14 février 2023. Il serait cependant souhaitable que ces mesures interviennent plus tôt, si elles doivent adapter les règles propres aux professions libérales au nouveau régime patrimonial de l’entreprise individuelle.

Dans l’attente tant de l’adoption du décret d’application annoncé par la loi "API" que d’éventuelles dispositions spécifiques aux avocats, on peut tout de même évoquer le principe de la dualité de patrimoines de l’avocat (I), avant d'envisager différents aspects de l'application de ce nouveau régime la future application de ce nouveau régime à la profession d’avocat (II).

I. Le principe de l’avocat à deux patrimoines

Cela fait longtemps que la question se pose de la limitation de l’engagement patrimonial de l’avocat. Jusqu’à présent, cette limitation pouvait se faire par plusieurs mécanismes juridiques distincts (A). La loi nouvelle inclut l’avocat dans le champ des entreprises individuelles concernées par le dispositif de dualité de patrimoines (B).

A. Les mécanismes préexistants de protection patrimoniale de l’avocat

1. Les sociétés à responsabilité limitée

La loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L3046AIN a permis à l’avocat de s’associer au sein de structures où la responsabilité des associés est limitée aux apports, avant que la loi "Macron" du 6 août 2015 n'accroisse la liste des groupements accessibles aux avocats [3]. Mais si des avocats constituent une société d’exercice libéral dont le régime limite la responsabilité des associés (SELARL, SELAFA, SELAS), cette limitation de responsabilité n’est pas absolue, puisqu’elle trouve une limite dans la responsabilité professionnelle de l’avocat. L’article 16 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 dispose en effet en son premier alinéa, par une règle qui doit s’appliquer à toutes les SEL, que « Chaque associé répond sur l'ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu'il accomplit ». La loi « Macron » n° 2015-990 du 6 août 2015 a ensuite permis aux avocats d’exercer « au sein d'entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant »  [4]. Si le législateur n’a pas repris pour ces sociétés (SARL, SA, SAS particulièrement) la règle de responsabilité personnelle des associés pour les actes professionnels qu’ils accomplissent, il est vraisemblable que cette règle trouve également à s’appliquer dans le cadre de ces structures [5].

2. Les déclarations d’insaisissabilité

Le législateur a entrepris, à compter de 2003, de protéger les EI par des mécanismes d’insaisissabilité. Aujourd’hui coexistent une insaisissabilité de droit, portant sur la résidence principale [6], et des insaisissabilités résultant d’une déclaration et pouvant porter sur un ou plusieurs biens immobiliers qui ne sont pas affectés à un usage professionnel [7]. L’avocat doit bénéficier de l’ensemble de ces protections, soit parce qu’il en remplit les conditions (résidence principale) soit parce qu’il a procédé à la déclaration requise et en remplit les conditions (autres biens immobiliers non affectés à un usage professionnel). La jurisprudence a eu l’occasion de préciser les conditions d’application de ce régime aux avocats [8].

3. L’EIRL

En 2010 a été introduite en droit français l’institution de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Ce statut, créé par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, permet à un EI d’« affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale », ce patrimoine étant « composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle », ainsi que de ceux qu’il décide d'affecter à ce patrimoine professionnel [9]. Ce dispositif de patrimoine affecté, en dépit du fait qu’il figurait dans le Code de commerce, concernait aussi les avocats puisqu’il s’appliquait aux « entrepreneurs individuels » sans plus de précision. Il ne semble pas que l’avocat EIRL soit une figure très répandue, sans doute parce que les dispositifs d’insaisissabilité, à la fois plus simples et plus discrets, suffisent à protéger les biens les plus importants de l’avocat [10].

La loi API a mis fin, dès sa publication, à la possibilité de s’instituer EIRL, et ce pour toute personne, y compris les avocats. En revanche, ceux qui avaient choisi ce statut le conservent et il continuera à produire ses effets [11].

B. Le choix opéré par la loi API

Les travaux parlementaires de la loi API montrent que les avocats ainsi que d’autres professionnels libéraux ont été proches de ne pas bénéficier complétement de la limitation de responsabilité applicable à l’EI. Un amendement présenté par le rapporteur du projet de loi au Sénat et adopté en commission [12], prévoyait en effet d’insérer dans le Code de commerce une disposition selon laquelle, « par dérogation [au principe de séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel], les personnes physiques exerçant en nom propre une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé répondent sur l’ensemble de leurs biens des actes professionnels qu’ils accomplissent ». Cette dérogation propre aux professions libérales réglementées était justifiée tout à la fois par la nécessité de « préserver la confiance entre les professionnels libéraux et leurs clients ou patients », par l’existence d’une obligation d’assurance à la charge de ces professionnels et par la règle propre à la responsabilité des associés de SEL évoquée précédemment [13].

La loi adoptée n’a pas repris cette dérogation particulière. Par conséquent, la dette de responsabilité civile professionnelle de l’avocat qui, comme on le verra, fait partie du patrimoine professionnel, doit rester dans les limites de ce patrimoine, les biens figurant dans le patrimoine personnel étant par principe hors d’atteinte du créancier [14].

C. Les avocats concernés

Il faut tout de même procéder à un travail de sélection parmi les avocats susceptibles de bénéficier du nouveau statut d’EI2P.

Relève tout d’abord sans discussion du nouveau statut l’avocat qui « [exerce] sa profession […] à titre individuel », selon les termes de l’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

La situation des avocats membres d’une structure est moins simple. On comprend avant tout que l’avocat associé d’une structure d’exercice professionnel, que celle-ci soit une SEL ou une société de droit commun, ne relève pas de ce statut, puisqu’il n’est pas un EI mais l’associé d’une société qui exerce l’activité professionnelle. En revanche, les avocats associés au sein d’une structure de mise en commun de moyens, du type société civile de moyens, devraient accéder au statut d’EI2P, puisqu’ils n’exercent pas en commun. Enfin, la situation des avocats réunis au sein d’une structure sans personnalité morale (société en participation, association d’avocats) est particulièrement délicate. S’il s’agit là d’une structure permettant l’exercice en groupe, il serait tentant d’en déduire que les avocats qui en sont membres n’exercent pas individuellement. Pour autant, l’absence de personnalité morale de la structure empêche de considérer que c’est elle qui exerce la profession, ce qui conduit selon nous à conserver aux avocats qui en sont membres la qualité d’entrepreneurs individuels, au moins au sens de la loi API.

Une autre question importante est celle de la situation de l’avocat collaborateur et de l’avocat salarié. Il nous semble que le premier doit bénéficier sans hésitation du nouveau régime, dès lors que la collaboration libérale implique l’exercice de l’activité professionnelle en toute indépendance [15]. Différente est la situation de l’avocat salarié qui, aux termes de l’article 7 de la loi de 1971, « ne peut avoir de clientèle personnelle », et se voit simplement garantir par ce texte son indépendance « dans l'exercice des missions qui lui sont confiées ». Il ne nous semble pas que l’on doive voir dans cet avocat salarié, qui n’assume pas le risque d’entreprise, un EI au sens de l’article L. 526-22 du Code de commerce.

II. L’application de la nouvelle organisation à l’avocat

A. La composition du patrimoine professionnel

Comme tout autre EI soumis au nouveau dispositif, l’avocat devra désormais se poser - et ses créanciers avec lui - la question de la composition de son patrimoine professionnel, et par répercussion celle de son patrimoine personnel. Pour rappel, le patrimoine personnel est constitué des « éléments du patrimoine de l'entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel » [16]. Le législateur avait déjà indiqué à l'article L. 526-22 que le critère à prendre en compte était celui de « l'utilité à l'activité professionnelle », et il avait précisé que « Les dettes dont l'entrepreneur individuel est redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont nées à l'occasion de son exercice professionnel » [17]. Le décret n˚ 2022-725 du 28 avril 2022 relatif à la définition du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel et aux mentions sur les documents et correspondances à usage professionnel a précisé que les éléments utiles à l'activité professionnelle « s'entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité », et il a donné une liste d'exemples, parmi lesquels on cherchera en vain le fonds d'exercice libéral, pour n'y trouver que le « droit de présentation de la clientèle d'un professionnel libéral »... En toute hypothèse, il appartiendra à l'avocat d'être vigilant et d'être en mesure d'identifier, au-delà de ses obligations comptables, le contenu de chacun de ses patrimoines.

Concrètement, l’avocat devra, apprend-on au détour de l’article L. 526-23 du Code de commerce N° Lexbase : L3667MBG relatif aux EI qui ne sont pas soumis à une obligation d’immatriculation [18], faire apparaître sa « qualité d'entrepreneur individuel » « sur les documents et les correspondances à usage professionnel ». Cela est précisé par le nouvel article R. 526-27 du Code de commerce, issu du décret précité du 28 avril 2022. Il est demandé au professionnel d'utiliser une dénomination « incorporant son nom ou nom d'usage précédé ou suivi immédiatement des mots : 'entrepreneur individuel' ou des initiales 'EI' ».

Le sort d’une éventuelle dette de responsabilité civile professionnelle a déjà été évoqué [19] : cette dette figure dans le patrimoine professionnel, et le client de l’avocat qui entend engager la responsabilité de ce dernier verra son droit de gage par principe limité aux seuls actifs professionnels de l’avocat.

Notons que si l’avocat exerce une ou plusieurs activités professionnelles en plus de son activité d’avocat, les actifs et les passifs de ses différentes activités se mélangeront au sein de son patrimoine professionnel, et il ne sera pas possible de distinguer entre les créanciers de l’une ou de l’autre activité s’agissant de leur droit de gage.

La situation de séparation des patrimoines prend fin lorsque l’avocat « cesse toute activité professionnelle indépendante ». Dans cette hypothèse, il est prévu que « le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis » [20]. La même solution s’applique en cas de décès, sous réserve des dispositions relatives au traitement des difficultés des entreprises. Si les deux patrimoines sont réunis, il doit s’en déduire que les créanciers retrouvent un droit de gage général sur le patrimoine désormais unique de leur débiteur. Il est enfin à noter que la cessation d’activité de l’avocat pourrait ne pas être volontaire et résulter d’une sanction disciplinaire comme la radiation.

B. La situation des créanciers

Les deux patrimoines étant en place, les créanciers verront en principe leur droit de gage limité, en fonction de l’origine de leur créance, à l’un ou l’autre des patrimoines de l’avocat. Les créanciers « dont les droits sont nés à l'occasion de son exercice professionnel » ne pourront poursuivre leur débiteur avocat que sur son patrimoine professionnel, sous réserve d’une série d’exceptions [21]. Une exception notable est la renonciation à laquelle l’avocat pourra procéder, au bénéfice d’un créancier et pour un engagement déterminé ou déterminable. Aucune distinction n’étant faite en fonction de la qualité de l’entrepreneur concerné, l’avocat bénéficiera des délais de réflexion [22] fixés par l’article L. 526-25 du Code de commerce N° Lexbase : L3669MBI sans que sa qualité professionnelle justifie une dérogation particulière, et le créancier prendra un risque en abrégeant le délai de réflexion par rapport à ce que prévoient les textes, y compris avec l’accord de l’avocat EI2P. Les créanciers dont le droit n’est pas lié à l’activité professionnelle de l’avocat voient également leur droit de gage limité, mais pour eux, cette limite concerne de manière logique les biens compris dans le patrimoine personnel [23]. Il n’est pas prévu qu’une renonciation puisse intervenir au profit de l’un de ces créanciers « personnels », étant précisé que leur droit de gage peut s'exercer par exception sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos, lorsque le patrimoine personnel est insuffisant [24].

Un point particulier est relatif à la condition d’immatriculation à un registre formulée par l’article L. 526-23 du Code de commerce. Ce texte dispose que la séparation des patrimoines « ne s'applique qu'aux créances nées à compter de l'immatriculation au registre dont relève l'entrepreneur individuel pour son activité, lorsque celle-ci est prévue ». Une question se posera pour les avocats, dont on ne peut dire avec certitude si l’inscription au tableau est constitutive d’un « registre » auquel l’avocat serait « immatriculé » au sens de l’article L. 526-23. La Cour de cassation a, à propos des déclarations d’insaisissabilité, approuvé une cour d’appel d’avoir jugé que « le tableau des avocats inscrits auprès d'un barreau ne constituait pas un registre de publicité légale à caractère professionnel au sens de l'article L. 526-2, alinéa 2, du Code de commerce et que la déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale d'un avocat, outre les formalités de publicité au bureau des hypothèques, était, en conséquence, subordonnée à une publication [alors requise] dans un journal d'annonces légales » [25]. Si l'on fait application de cette solution au dispositif de l'EI2P, il faut considérer que la séparation des patrimoines s’applique dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article L. 526-23, qui dispose : « A défaut d'obligation d'immatriculation, la dérogation court à compter du premier acte qu'il exerce en qualité d'entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel ».

Pour faciliter la tâche des créanciers de l’EI, déjà confrontés à une réduction de leur gage par rapport à la situation précédant l’adoption de la loi « API », le législateur a allégé la charge de la preuve les concernant. En cas de contestation par l’EI de mesures d'exécution forcée ou de mesures conservatoires, contestation portant sur l'inclusion ou non d’un bien ou d’un droit dans le périmètre du droit de gage général du créancier, il appartiendra à l’EI d’établir la localisation exacte du bien ou droit concerné [26]. Le créancier pourra donc exercer une mesure d’exécution ou une mesure conservatoire sur n’importe lequel des biens de son débiteur, sauf pour l’EI à pouvoir établir que le bien en question n’est pas localisé dans le patrimoine sur lequel s’exerce le droit de gage du créancier. Le créancier doit tout de même rester raisonnable, car s’il venait à cibler un « élément d'actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général », il est expressément prévu qu’il pourrait voir sa responsabilité engagée [27].

C. Le transfert du patrimoine professionnel

Le législateur a en outre traité par une série de dispositions spécifiques de la question du transfert du patrimoine professionnel de l’EI2P. Les articles L. 526-27 N° Lexbase : L3671MBL à L. 526-31 N° Lexbase : L3675MBQ du Code de commerce concerneront aussi l’avocat exerçant à titre individuel. Précisons que ce régime spécial ne concerne pas le transfert ponctuel (« transfert non intégral ») d’éléments du patrimoine professionnel [28].

Une question qui se posera avec une acuité particulière, s’agissant de l’avocat exerçant à titre individuel, est relative à l’étendue des éléments pouvant être transmis lors d’une opération relevant du régime spécifique de transfert du patrimoine professionnel. Ce régime concerne la situation où l’EI2P cède, transmet à titre gratuit ou apporte en société « l’intégralité de son patrimoine professionnel » [29]. C’est d’ailleurs là une condition de validité du transfert, sanctionnée par la nullité de celui-ci [30]. Mais si l’idée est celle d’un transfert universel de patrimoine, encore faut-il que les contrats que l’avocat souhaite transférer puissent seulement l’être, ce qui repose la question des conditions de transfert de la clientèle libérale [31]. Une relation en cours avec un client, particulièrement, est suffisamment teintée d’intuitus personae pour que l’avocat ne puisse librement la transférer à un confrère parce qu’il souhaiterait lui céder son patrimoine professionnel et que la relation avec ce client figure dans ce patrimoine. Pour autant, cette situation n’est envisagée par les nouveaux textes que de manière approximative, lorsqu’est évoquée la situation où « le cédant s'est obligé contractuellement à ne pas céder un élément de son patrimoine professionnel ou à ne pas transférer celui-ci à titre universel », situation que le législateur résout de la manière suivante : « l'inexécution de cette obligation engage sa responsabilité sur l'ensemble de ses biens, sans emporter la nullité du transfert » [32]. S’il fallait considérer que la relation de l’avocat et de son client relève de la catégorie pour laquelle un engagement contractuel de non-transfert a été pris, ce qui ne correspond généralement pas à la réalité, le transfert serait donc tout de même possible, y compris contre la volonté du client, ce qui serait tout de même assez étonnant, tant s’agissant des avocats que des autres professions libérales où la liberté de choix du client/patient est essentielle. Il faut espérer que l’ordonnance attendue sur les professions libérales viendra formuler une solution plus raisonnable.

On relèvera enfin que l’avocat exerçant individuellement devrait bénéficier, comme les autres EI, des possibilités d’apporter à une société son patrimoine professionnel. Parmi les curiosités du nouveau régime, on relèvera le contour délicat à tracer de l’obligation de recourir à un commissaire aux apports. Cette intervention n’est normalement pas requise lorsque l’apport en nature est effectué au bénéfice d’une société civile, comme une SCP. La loi API formule cependant une exigence de portée générale, aux termes de laquelle « lorsque le patrimoine professionnel apporté en société contient des biens constitutifs d'un apport en nature, il est fait recours à un commissaire aux apports » [33]. Il est toutefois précisé que les dérogations bénéficiant aux SARL, SA et SAS s’agissant du recours à un commissaire aux apports demeurent effectives (renvoi aux articles L. 223-9 N° Lexbase : L7636LBG, L. 225-8-1 N° Lexbase : L5712ISD et L. 227-1 N° Lexbase : L2397LR9 du Code de commerce). Les modalités de l’intervention du commissaire aux apports devraient en toute hypothèse être précisées par le décret à intervenir.

En conclusion, l’avocat exerçant à titre individuel ou dans une structure non dotée de la personnalité morale est vivement invité à s’intéresser au changement de statut qu’impliquera pour lui l’entrée en vigueur de la loi API du 14 février 2022. En plus des décrets d'application de cette loi, le dispositif pourrait être enrichi de mesures particulières prises dans le cadre de l’ordonnance devant être adoptée avant le 14 février 2023, tout ceci pouvant encore être complété par les instances de la profession [34].


[1] Sur cette loi v. déjà S. Piédelièvre, JCP éd. N, 2022, act. 301 ; C. Favre-Rochex, Le nouveau patrimoine professionnel, JCP éd. E 2022, 1136 ; N. Jullian, La transmission du patrimoine de l’entrepreneur, de nouvelles opérations au service des entrepreneurs individuels, JCP éd. E, 2022, 1137 ; P. Rossi, Entrepreneur individuel et procédure collective - A propos de l’article 5 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante ; B. Dondero, Place à l’entrepreneur individuel à deux patrimoines (EI2P) !, Rev. Sociétés, 2022, p. 199.

[2] L. API, art. 19, I.

[3] V. G. Parleani, L’exercice en société des professions libérales - essentiellement juridiques - dans la loi « Macron », Rev. Sociétés, 2015, p. 638.

[4] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 7 N° Lexbase : L6343AGZ.

[5] V. en ce sens, Cass. com., 23 mars 2010, n° 09-10.791, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9782ETH, Bull. IV, n° 60, concernant des commissaires aux comptes, mais transposable.

[6] C. com., art. L. 526-1, al. 1er N° Lexbase : L2000KG8.

[7] C. com. art. L. 526-1, al. 2.

[8] Cass. civ. 1, 15 mai 2007, n° 05-19.189, FS-P+B N° Lexbase : A2452DWQ, Bull. I, n° 183 ; RJDA, 2007, n° 1009.

[9] C. com., art. L. 526-6 N° Lexbase : L2004IPW.

[10] Des auteurs s’interrogent même sur l’existence d’avocats EIRL (R. Martin et D. Landry, JurisClasseur Civil Annexes, v° Avocat, Fasc. 25 : Avocats – Modes d’exercice de la profession, n° 214) et les statistiques du ministère de la Justice ne le mentionnent pas [En ligne].

[11] v., Décret n˚ 2022-709 du 26 avril 2022 relatif à la mise en extinction du régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ; L. API. art. 6, II.

[12] N° COM-9 rect.

[13] V. supra, n° 7.

[14] V. infra, n° 19.

[15] Loi n° 2005-882 du 2 août 2005, art. 18 N° Lexbase : L7582HEK ; V., également, S. Bortoluzzi, D. Piau et Th. Wickers, Règles de la profession d’avocat, 17ème éd., Dalloz, 2022, n° 812.21.

[16] C. com., art. L. 526-22, al. 2 N° Lexbase : L3666MBE.

[17] C. com., art. L. 526-22, al. 2 et 5.

[18] V. infra, n° 23.

[19] V. supra, n° 12.

[20] C. com., art. L. 526-22, al. 8.

[21] C. com., art. L. 526-22, al. 4.

[22] Aux termes de l’art. L. 526-25, al. 2 C. com., ce délai est par principe de sept jours francs à compter de la demande de renonciation, mais il est réduit à trois jours francs si l’EI fait précéder sa signature d’une mention manuscrite qui sera énoncée par décret et uniquement de celle-ci.

[23] C. com., art. L. 526-22, al. 6.

[24] C. com., art. L. 526-22, al. 6.

[25] Cass. civ. 1, 15 mai 2007, n° 05-19.189, FS-P+B N° Lexbase : A2452DWQ, Bull. I, n° 183 ; RJDA, 2007, n° 1009.

[26] C. com., art. L. 526-22, al. 7.

[27] C. com., art. L. 526-22, al. 7.

[28] C. com., art. L. L. 526-27, al. 1er.

[29] C. com., art. L. 526-27, al. 1er.

[30] C. com., art. L. 526-30 : « A peine de nullité du transfert prévu à l'article L. 526-27 : 1° Le transfert doit porter sur l'intégralité du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel, qui ne peut être scindé (…) ».

[31] Le principe a été reconnu par la Cour de cassation, not. par Cass. civ. 1, 7 novembre 2000, n° 98-17.731 N° Lexbase : A7780AHM, Bull. I, n° 283 : « Mais attendu que si la cession de la clientèle médicale, à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un fonds libéral d’exercice de la profession, n’est pas illicite, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient ».

[32] C. com., art. L. 526-27, al. 4.

[33] C. com., art. L. 526-31.

[34] V., R. Martin et D. Landry, op. cit., n° 214.

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Clause résolutoire d'un bail commercial soumise à l’arrêt des poursuites individuelles

Réf. : Cass. civ. 3, 13 avril 2022, n° 21-15.336, FS-B N° Lexbase : A41187TP

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N1331BZC

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par Bastien Brignon, Maître de conférences à Aix-Marseille Université, Directeur du master professionnel Ingénierie des sociétés (IGS), Membre du centre de droit économique (UR 4224) et de l’institut de droit des affaires

Le 05 Mai 2022

Mots-clés : procédure de sauvegarde • procédures collectives • action en résolution du bail commercial • clause résolutoire • non-paiement des loyers à l'échéance • défaut de paiement • interruption des poursuites individuelles (oui)

L’action en résolution d’un contrat de bail commercial pour non-paiement à l’échéance convenue est une action fondée sur le défaut de paiement, de sorte qu’elle tombe sous le coup de l’interruption des poursuites individuelles contre le débiteur en procédure collective.


 

1. L'action introduite par le bailleur avant le placement en sauvegarde du preneur en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure peut-elle être poursuivie après ce jugement ?

2. Alors que l’on aurait pu penser que la Cour de cassation réponde par la positive puisqu’il s’agit d’une action fondée non pas sur le non-paiement de la créance de loyer mais sur le paiement tardif, elle répond au contraire de manière négative, par un arrêt publié du 13 avril 2022 [1], reprenant ainsi une solution affirmée pour la première fois en 2016 [2].

3. En l’espèce, le preneur d'un bail commercial, destinataire, le 2 septembre 2015, d'un commandement de payer un arriéré locatif visant la clause résolutoire qui lui avait été délivré par le bailleur, assigne ce dernier en annulation de ce commandement. Le bailleur oppose la résiliation de plein droit du bail commercial le 2 octobre 2015, à défaut du paiement des sommes dues. Par jugement du tribunal de commerce du 5 octobre 2017, une procédure de sauvegarde est ouverte au bénéfice du preneur. Le preneur et le commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde font grief à la cour d'appel [3] de constater la résiliation du bail, de dire que le preneur devait quitter les lieux et, à défaut, ordonner son expulsion, de le condamner à rembourser au bailleur les arriérés de loyers et de taxes foncières et à lui verser une indemnité d'occupation. Ils se pourvoient en cassation.

4. La Cour de cassation censure la décision de la cour d'appel, retenant :

- qu’il résulte de la combinaison des articles L. 145-41  N° Lexbase : L1063KZE et L. 622-21  N° Lexbase : L9125L74 du Code de commerce que l'action introduite par le bailleur, avant le placement en sauvegarde du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement ;

- qu’en relevant, pour déclarer la demande en résiliation du bail commercial recevable, que l'ouverture de la procédure judiciaire en 2017 n'interdisait pas d'invoquer le bénéfice de la clause résolutoire dont le jeu devait s'apprécier au moment de la délivrance du commandement de payer, soit le 2 octobre 2015, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

5. Aux termes de l'article L. 622-21 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers, en l’occurrence le bailleur, tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, cette règle de l’arrêt des poursuites individuelles concernant les créances qui sont nées antérieurement au jugement d'ouverture. Or, pour la Cour de cassation, l’action en résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d’une somme d’argent au sens de l’article L. 622-21 précité. Par conséquent, la demande du bailleur tendant à la résiliation du contrat de bail pour paiement tardif des loyers antérieurs au jugement d’ouverture est irrecevable [4]. C’est aujourd’hui au tour de la troisième chambre civile d’affirmer la même solution que la Chambre commerciale de la Cour de cassation. La règle de l'arrêt des poursuites individuelles s'applique donc à l'action du bailleur en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire [5].

6. Au demeurant, il est de jurisprudence constante que dès lors qu'il ne dispose pas, avant l’ouverture de la procédure collective, d'une décision passée en force de chose jugée, c’est-à-dire d’une décision irrévocable, le bailleur ne peut, après le jugement d’ouverture, poursuivre l’action en acquisition de la clause pour défaut de paiement antérieur [6].

7. En revanche, l'article L. 622-21 du Code de commerce est d'interprétation stricte. Il en résulte que l'arrêt des poursuites du bailleur ne concerne pas les actions en résiliation du bail fondées sur l’inexécution d'une obligation antérieurement au jugement d'ouverture, dès lors qu’elle ne concerne pas une somme d'argent (travaux sans autorisation, sous-location irrégulière, etc.) [7]. La règle de l’arrêt des poursuites ne concerne pas non plus les actions en refus de renouvellement du bail pour motif grave et légitime de non-paiement des loyers et charges antérieurs, car l’action en refus de renouvellement est distincte de l’action en résiliation, seule concernée par la règle de l’arrêt des poursuites [8]. En outre, ne sont pas non plus visées les actions en paiement par le jeu de la compensation entre les loyers impayés et les créances connexes et ce, en application de l’article L. 622-7 du Code de commerce N° Lexbase : L9121L7X [9].

8. Mais, conformément à la solution de l’arrêt commenté, l'action introduite par le bailleur, avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective contre le preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges afférents à une occupation antérieure à ladite procédure, ne peut plus être poursuivie après ce jugement car elle se heurte à la règle de l’interdiction des poursuites, excepté le cas où elle a donné lieu, avant le jugement d’ouverture, à une décision passée en force de chose jugée.

9. Cette solution, évidemment favorable aux intérêts de la procédure collective, se comprend sans mal : elle évite que contrat de bail commercial, seul actif restant ayant encore un peu de valeur, ne soit rompu, et permet ainsi, à travers la valeur que représente le droit au bail, d'apurer une partie du passif du débiteur. De plus, l'action interrompue en application de l'article L. 622-21 peut être reprise de plein droit et à l'initiative du créancier poursuivant sous les conditions suivantes qui sont cumulatives (C. com. art. L. 622-22 N° Lexbase : L7289IZY et R. 622-20 N° Lexbase : L6117I3X) : d’une part, le créancier a remis au greffe du tribunal saisi une copie de sa déclaration de créance ou tout élément justifiant de la mention de cette créance sur la liste des créances déclarées, établie par le mandataire judiciaire ; d’autre part, il a mis en cause (par voie d'assignation en intervention forcée) le mandataire judiciaire ainsi que, le cas échéant, l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assister le débiteur ou le commissaire à l'exécution du plan ou, en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur. Enfin, elle ne résiste pas à la décision passée en force de chose jugée obtenue avant le jugement d’ouverture.

10. Toutefois, chacun sait que l'action reprise tend uniquement à la constatation de la créance du bailleur et à la fixation de son montant (C. com., art. L. 622-22), sans que le juge puisse condamner le locataire à payer. De même, avoir une décision de justice passée en force de chose jugée avant le jugement d’ouverture relève presque du miracle tellement le prix de la course est élevé. Le bailleur reste donc presque en tout état de cause paralysé par le jeu de l'article L. 622-21 qui s'applique à l'action en résolution pour paiement tardif. Et la solution vaut également pour le redressement et la liquidation judiciaires. Elle vaut même pour tous les créanciers, et pas seulement le bailleur. Tout créancier, quel qu'il soit, qui, en effet, assigne son débiteur en résolution ou résiliation du contrat pour paiement tardif peut se heurter au principe exorbitant du droit de l’interdiction ou de la suspension des poursuites. Or, la règle de l’arrêt ou la suspension des poursuites vise en principe non pas les actions relatives au paiement tardif mais celles afférentes au défaut de paiement. L’extension de son champ d’application pourrait s’avérer inconstitutionnelle.

 

[1] V. Téchené, Lexbase Affaires, avril 2022, n° 714 N° Lexbase : N1169BZC.

[2] Cass. com., 15 novembre 2016, n° 14-25.767, FS-P+B+I N° Lexbase : A0701SHG ; B. Brignon, Lexbase Affaires, décembre 2016, n° 491 N° Lexbase : N5669BWU.

[3] CA Bordeaux, 12 janvier 2021, n° 17/06635 N° Lexbase : A34114CC.

[4] Cass. com., 15 novembre 2016, n° 14-25.767, préc. ; Dalloz Actualité, 29 novembre 2016, obs. X. Delpech ; Loyers et copr., 2017, comm. 47 et JCP E, 2017, 1139, note Ph.-H. Brault ; JCP E, 2017, 1164, n° 3 , obs. Ph. Pétel ; Rev. proc. coll., 2017, comm. 100 , note F. Macorig-Venier ; RTD com., 2017, p. 185 , n° 4, obs. A. Martin-Serf ; Gaz. Pal., 10 janvier 2017, p. 65, note F. Kendérian.

[5] F. Kendérian, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, préf. J. Monéger, LexisNexis, coll. Droit & Professionnels, 5ème éd., 2019, n° 30 et s., p. 26 ; V. Leloup-Thomas et I. Rohart-Messager, La mise en œuvre de la clause résolutoire dans le cadre d’une procédure collective, in Le bail commercial face aux difficultés économiques des locataires, Colloque Atelier des baux commerciaux de Lorraine, Nancy, 1er décembre 2017, AJDI, 2018, p. 256.

[6] Cass. com., 12 juin 1990, n° 88-19.808  N° Lexbase : A4395ACR – Cass. civ. 3, 9 janvier 2008, n° 06-21.499,  FS-P+B N° Lexbase : A2696D3A, Loyers et copr., 2008, comm. 83, note Ph.-H. Brault ; Act. proc. coll. 2008, comm. 22, obs. C. Regnaut-Moutier ; AJDI, 2008, p. 288, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; JCP E, 2009, 1041, n° 25, obs. H. Kenfack ; RTD com., 2009, p. 81, obs. F. Kendérian. – Cass. com., 15 février 2011, n° 10-12.747, F-D N° Lexbase : A1641GX3, Loyers et copr., 2011, comm. 120, note Ph.-H. Brault – Cass. civ. 3, 17 mai 2011, n° 10-15.957, F-D N° Lexbase : A2573HS4, AJDI, 2011, p. 698, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; Gaz. Pal., 7-8 octobre 2011, p. 25, note F. Kendérian – Cass. civ. 3, 1er décembre 2016, n° 15-18.425, F-D N° Lexbase : A8471SN3, JCP E, 2017, 1338, n° 21 , obs. C. Saint Geniest – Cass. com., 12 juillet 2017, n° 16-10.167, F-D N° Lexbase : A9810WMB, AJDI, 2017, p. 841, obs. J.-P. Blatter – Cass. civ. 3, 4 juillet 2019, n° 18-16.453, F-D N° Lexbase : A2949ZI3, JCP E, 2019, 1579 , note Ch. Lebel ; AJDI, 2020, p. 210 , obs. P. Haas – Cass. civ. 3, 26 mars 2020, n° 19-10.223, F-D N° Lexbase : A60533KE, JCP E, 2020, 1269, n° 23, obs. F. Kendérian.

[7] Cass. com., 11 octobre 2016, n° 15-16.099, F-D N° Lexbase : A9720R77, AJDI, 2017, p. 199, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; Rev. proc. coll., 2017, comm. 101, note F. Macorig-Venier ; Gaz. Pal., 10 janvier 2017, p. 64, note F. Kendérian – CA Nancy, 13 janvier 2021, n° 20/00150 N° Lexbase : A33414CQ.

[8] CA Paris, 5-3, 19 septembre 2012, n° 10/22363 N° Lexbase : A0819ITI, Loyers et copr., 2013, comm. 20, obs. Ph.-H. Brault ; JCP E, 2013, 1187, note F. Kendérian.

[9] On pense notamment au dépôt de garantie : P.-M. Le Corre, Dépôt de garantie et compensation dans les procédures collectives, AJDI, 2003, p. 657 ; S. Pelletier et M. Aymami, La compensation des créances de loyers et de restitution du dépôt de garantie en procédures collectives, JCP E, 2012, 1289.

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Divorce

[Brèves] Intérêt d’un époux (n’ayant pas succombé en première instance) à former appel du chef du prononcé du divorce : l’avis de la Cour de cassation !

Réf. : Cass. civ. 1, Avis, 20 avril 2022, n° 22-70.001, FS-B N° Lexbase : A08827U9

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N1260BZP

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 04 Mai 2022

► Lorsque le divorce a été prononcé conformément à ses prétentions de première instance, l’intérêt d’un époux à former appel de ce chef ne peut s’entendre de l’intérêt à ce que, en vertu de l’effet suspensif de l’appel, le divorce n’acquière force de chose jugée qu’à la date à laquelle les conséquences du divorce acquièrent elles-mêmes force de chose jugée.

Tel est l’avis rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation, laquelle avait été consultée pour avis par la cour d’appel de Paris, qui avait formulé la demande suivante :

« Dans le cadre qui est désormais celui des dispositions combinées des articles 31, 122, 546 et 562 du Code de procédure civile, ce dernier dans sa version applicable depuis le 1er septembre 2017, l'intérêt de l'un des époux à faire appel du prononcé du divorce, prononcé conformément à ses prétentions par le premier juge, peut-il s'entendre de l'intérêt à ce que le divorce n'acquière force de chose jugée qu'à la date à laquelle les conséquences du divorce acquièrent elles-mêmes force de chose jugée ? »

Il faut comprendre que tout l’enjeu réside dans le maintien, ou non, des mesures provisoires (notamment au titre du devoir de secours) durant la procédure d’appel. La réponse est désormais clairement posée par la Cour de cassation, et elle est négative.

Pour arriver à cette conclusion, la Cour suprême rappelle qu’aux termes de l'article 542 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7230LEI, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL applicable aux appels formés à compter du 1er septembre 2017, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Il résulte de la combinaison des articles 32 N° Lexbase : L1172H48, 122 N° Lexbase : L1414H47 et 546, alinéa 1er du Code de procédure civile N° Lexbase : L6697H78 que l'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance (Cass. civ. 2, 4 mars 2021, n° 19-21.579, F-P N° Lexbase : A01414KG ; Cass. civ. 1, 9 juin 2021, n° 19-10.550, publié au bulletin N° Lexbase : A41004UE ; v. J. Casey, obs. n° 1, in Sommaires de droit du divorce 2021-1 (janvier – juillet 2021), Lexbase Droit privé, n° 877, 16 septembre 2021 N° Lexbase : N8733BY4) ; sur cet arrêt, v. également B. Périer et A. Tani, Lexbase Droit privé, n° 872, 8 juillet 2021 N° Lexbase : N8283BYG).

Aux termes de l'article 562 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7233LEM, dans sa rédaction issue du décret précité, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En conséquence, lorsque l'appel tend à la réformation du jugement, la recevabilité de l'appel doit être appréciée en fonction de l'intérêt à interjeter appel pour chacun des chefs de jugement attaqués et ce, désormais, même si tous les chefs de jugement sont attaqués.

Il s'ensuit que, lorsque le divorce a été prononcé conformément à ses prétentions de première instance, l'intérêt d'un époux à former appel de ce chef ne peut s'entendre de l'intérêt à ce que, en vertu de l'effet suspensif de l'appel, le divorce n'acquière force de chose jugée qu'à la date à laquelle les conséquences du divorce acquièrent elles-mêmes force de chose jugée.

Pour aller plus loin : cet avis fait l’objet d’un commentaire approfondi par Jérôme Casey, Devoir de secours & appel : un avis exact pour un résultat injuste, Lexbase Droit privé, n° 904, 5 mai 2022 N° Lexbase : N1377BZZ.

 

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Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Apport-cession, réinvestissement à caractère économique et loueur en meublé professionnel : quelles conditions pour un ménage à trois réussi ?

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 19 avril 2022, n° 442946, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A05087UD

Lecture: 6 min

N1309BZI

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par Marie-Claire Sgarra

Le 06 Mai 2022

Dans le cadre d’une opération d’apport-cession, sous l’empire de l’ancien régime du sursis d’imposition, l’activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d'hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu'il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d'importants moyens matériels et humains.

Les faits :

  • le requérant apporte à une société financière B. qu'il a créée, dont il est le seul associé et qui a pour objet la prise de participation dans toutes sociétés constituées ou à constituer des titres qu'il détenait dans le capital de la société I. ;
  • la plus-value résultant de cet apport a bénéficié du sursis d'imposition ;
  • la société financière B. a revendu ces parts pour un prix identique à leur valeur d'apport ;
  • l'administration a estimé que le requérant avait abusivement bénéficié du mécanisme du sursis d'imposition et a imposé la plus-value réalisée par ce dernier à l'occasion de l'apport des titres ;
  • le TA de Lyon a rejeté la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires sur le revenu et de contributions sociales ; la cour administrative d’appel a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement (CAA Lyon, 18 juin 2020, n° 18LY03630 N° Lexbase : A26643R4).

Principe. Les dispositions relatives à l'imposition des plus-values de cession ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 150-0 B, dans sa rédaction applicable à l'année 2010 N° Lexbase : L3216LC4).

À noter. – Les faits ont eu lieu avant la loi de finances rectificative pour 2012 instituant, à l’article 150-0 B ter du CGI N° Lexbase : L6170LU3 un mécanisme de report d’imposition obligatoire (loi n° 2012-1510, du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L7970IUQ, art. 18).

Rappel du Conseil d’État. « L'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont immédiatement cédés par cette dernière, répond à l'objectif économique ainsi poursuivi par le législateur lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement à caractère économique, à bref délai, par cette société. En revanche, en l'absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l'imposition de la plus-value, à minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable ».

Solution. Au cas de l’espèce sur l’utilisation du produit de cession de titres en sursis d’imposition pour une activité de loueur en meublé, le CE juge ici qu’une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d'hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu'il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d'importants moyens matériels et humains.

Par suite, dès lors qu'il n'était pas soutenu devant elle que l'activité de location en meublé en cause aurait été assortie de prestations parahôtelières ou aurait été exercée dans des conditions d'exploitation telles qu'elle aurait impliqué des charges de gestion conséquentes pour le requérant, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'acquisition par ce dernier, en février 2014, d'un plateau à aménager à Saint-Étienne en vue d'une location en meublé ne pouvait être regardée comme un investissement économique.

Sursis d’imposition et abus de droit, les différentes étapes jurisprudentielles

► Le Conseil d’État a appliqué l’abus de droit en matière de report d’imposition (CE 8° et 3° ssr., 8 octobre 2010, n° 301934, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3490GBU et CE 8° et 3° ssr., 8 octobre 2010, n° 313139, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3503GBD), et l’a ensuite étendu au sursis d’imposition (CE 9° et 10° ssr., 27 juillet 2012, n° 327295, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0694IR7).

► Plus tard, le Conseil d’État a refusé de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel, relative au régime de sursis d'imposition automatique des plus-values d'échange de titres, tel qu'interprété par la jurisprudence en cas d'apport-cession de titres (CE 9° et 10° ch.-r., 22 septembre 2017, n° 412408, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7392WSL).

► Le CE a précisé ensuite que lorsqu’une opération d’apport-cession de titres est placée en sursis d’imposition avant le 14 novembre 2012, le réinvestissement du produit de la cession dans l’acquisition de titres appartenant au contribuable ne présente pas un caractère économique (CE 9° et 10° ch.-r., 10 juillet 2019, n° 411474, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6816ZIB).

► Dans une affaire de gain réalisé par un dirigeant à l’occasion de la vente d’actions qu’il avait acquises dans le cadre d’un management package, les juges ont qualifié un circuit juridique d’« artificiel » alors que tous les maillons de la chaîne avaient de la substance (CE 9° et 10° ch.-r., 12 février 2020, n° 421444, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A34993EC).

Lire en ce sens, les conclusions du Rapporteur public, A. Iljic, Lexbase Fiscal, mars 2020, n° 817 N° Lexbase : N2601BYY.

► Dernièrement, le CE a jugé dans le cadre d’une opération d’apport-cession que le nantissement de sommes en vue de couvrir une garantie de passif ne caractérise pas un réinvestissement (CE 3° et 8° ch.-r., 28 mai 2021, n° 442711, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A48694TI).

Lire en ce sens, les conclusions du Rapporteur public, R. Victor, Lexbase Fiscal, juillet 2021, n° 871 N° Lexbase : N8091BYC.

 

 

 

newsid:481309

Libertés publiques

[Brèves] Dissolution d’associations pro-palestiniennes : ne pas confondre virulence et incitation à la haine ou la violence selon le CE

Réf. : CE référé, 29 avril 2022, n° 462736 N° Lexbase : A87977UD et n° 462982 N° Lexbase : A87987UE

Lecture: 2 min

N1338BZL

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par Yann Le Foll

Le 04 Mai 2022

Doit être suspendue la décision de dissolution d’associations pro-palestiniennes dès lors que les prises de position de ces associations, bien que tranchées voire virulentes, ne constituaient pas un appel à la discrimination, à la haine ou à la violence ou des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme.

Rappel. Le 9 mars 2022, le Gouvernement a prononcé, sur le fondement de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure N° Lexbase : L7552L7T, la dissolution du Comité Action Palestine et du Collectif Palestine Vaincra. Les deux associations ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre en urgence ces dissolutions.

Précision. Le Code de la sécurité intérieure indique que peuvent être dissoutes, par décret en conseil des ministres, toutes les associations qui provoquent ou contribuent à la discrimination, à la haine ou à la violence ou qui se livrent à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme (voir pour une décision de dissolution concernant l’association Barakacity et le CCIF, CE, 24 septembre 2021, n° 445979 N° Lexbase : A2121483 et n° 449215, 449287, 449335 N° Lexbase : A2122484).

Position CE. Selon la Haute juridiction, l’instruction comme les débats lors de l’audience n’ont pas établi que les prises de position du Comité Action Palestine, bien que radicales voire virulentes sur la situation au Proche-Orient et le conflit israélo-palestinien, constitueraient des incitations à la discrimination, la haine et la violence pouvant justifier une mesure de dissolution. De la même façon, elle retient que l’appel au boycott de produits israéliens par le Collectif Palestine Vaincra ne peut en soi justifier une mesure de dissolution, en l’absence d’autres agissements incitant à la haine ou à la violence.

Le juge des référés relève également que certains des reproches adressés aux associations par le Gouvernement, qui leur imputait des actes antisémites dans les décrets de dissolution, n’étaient pas établis, les éléments transmis par l’administration dans le cadre de l’instruction en référé ne permettant pas de les imputer aux associations. 

Enfin, le juge des référés constate que les éléments transmis par l’administration n’établissent pas que les prises de position exprimées par les associations sur des organisations implantées au Proche-Orient ou sur la situation de personnes condamnées pour des faits de terrorisme peuvent être qualifiées d’agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger.

Décision. Pour ces raisons, le juge des référés, considérant en l’état de l’instruction menée en urgence que l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure ne permettait pas de dissoudre ces deux associations, a suspendu les décrets de dissolution du Comité Action Palestine et du Collectif Palestine Vaincra.

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Notaires

[Brèves] Secret professionnel du notaire : conditions strictes de levée du secret par le juge (à propos de la recherche des héritiers d’un copropriétaire débiteur de charges décédé)

Réf. : Cass. civ. 1, 20 avril 2022, n° 20-23.160, F-B N° Lexbase : A08847UB

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N1381BZ8

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 05 Mai 2022

► Le secret professionnel s'impose au notaire qui ne peut en être délié par l'autorité judiciaire, que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu'il a établis ;

en l’espèce, le  notaire n'ayant pas encore dressé d'acte de notoriété, il ne pouvait alors être contraint par le juge de communiquer au syndicat des copropriétaires, poursuivant le paiement d’impayés de charges, l’identité complète avec adresse des héritiers du copropriétaire débiteur décédé.

Faits et procédure. En l’espèce, à la suite du décès, le 11 septembre 2013, d’un copropriétaire de deux lots au sein d'un immeuble en copropriété, le syndicat des copropriétaires avait sollicité de la SCP notariale, en charge du règlement de la succession, l'identité des héritiers, ainsi qu'un acte de notoriété aux fins de poursuivre le paiement de charges de copropriété restées impayées.

La SCP notariale ayant opposé le secret professionnel, le syndicat des copropriétaires l'avait assigné, en référé, afin d'en obtenir la levée.

Décision CA Montpellier. Pour autoriser et à défaut ordonner à la SCP notariale de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité et l'adresse de la veuve et des héritiers réservataires du défunt, la cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 29 octobre 2020, n° 19/04340 N° Lexbase : A73533ZD) avait retenu que la SCP notariale ne pouvait maintenir son refus devant les juridictions saisies au prétexte du caractère absolu du secret auxquelles elle serait tenue, dès lors qu'une autorisation judiciaire peut valablement l'en affranchir au regard des intérêts légitimes en cause et que la protection des intérêts privés de ses clients ne pouvait en aucun cas permettre à ceux-ci, tenus des dettes et des charges de la succession, de s'affranchir durablement de leurs obligations légales, alors qu'en l'occurrence les charges de copropriété s'aggravaient au préjudice de la trésorerie de la copropriété depuis plus de sept ans.

Censure. La décision est censurée par la Cour suprême, au visa de l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, modifié par l'ordonnance n° 2000-916, du 19 septembre 2000 N° Lexbase : L0609ATQ.

En effet, selon ce texte, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire), délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages et intérêts et d'une amende.

Procédant à une interprétation stricte de ces dispositions, la Cour régulatrice en déduit que le secret professionnel s'impose au notaire qui ne peut en être délié par l'autorité judiciaire, que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu'il a établis.

Or ainsi que le faisait remarquer le demandeur au pourvoi, la cour d’appel avait relevé qu'en l'absence de prise de position de certains héritiers sur l'acceptation de la succession et en l'état d'une contestation sur leur qualité, le notaire n'avait pu encore dresser l'acte de notoriété.

Statuant au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la Haute juridiction retient alors qu’il résultait des constatations de l'arrêt que la SCP notariale n'avait pas dressé d'acte de notoriété et que celle-ci ne pouvait donc être contrainte ni de communiquer un acte qu'elle n'avait pas établi ni des informations détenues par elle et soumises au secret professionnel.

newsid:481381

Procédure civile

[Jurisprudence] Le « hic » du tiers acheteur stagiaire-avocat

Réf. : CA Paris, 5, 1, 6 avril 2022, n° 20/17307 N° Lexbase : A43807SZ

Lecture: 13 min

N1321BZX

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par Sylvian Dorol, Huissier de justice associé (Vénézia & Associés), Intervenant à l’ENM, EFB et Sébastien Racine, Huissier de justice associé (Jourdain, Dubois & Racine), Intervenant à l’ENM et à l’EFB

Le 06 Mai 2022

 

Mots-clés : huissier • constat • contrefaçon • achat •  tiers acheteur • stagiaire-avocat

Un arrêt très intéressant de la cour d’appel de Paris qui prend une nouvelle fois position dans le débat sur le constat d’achat comme preuve de contrefaçon, et plus précisément sur la personne du tiers acheteur. Une position divergente de celle adoptée par la Cour de cassation de 2017, sur fond de prédominance, non pas du constat, mais de la protection de la propriété intellectuelle.


 

Encore un contentieux relatif à un tiers acheteur qui était le stagiaire-avocat. Encore un constat d’achat dressé par huissier de justice attaqué au visa de l’article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR et du très inopportun arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017, alors même que rien n’est reproché à l’huissier. Certes encore, mais enfin !

Enfin la cour d’appel de Paris réaffirme sa position de 2020 par laquelle elle estime que le tiers acheteur peut être le stagiaire avocat si l’huissier le désigne ainsi dans son procès-verbal.

Pour la majorité des praticiens de la propriété intellectuelle, le choix du tiers acheteur peut en effet présenter le seul « hic » d’un constat d’achat dressé par huissier de justice, méthode probatoire éprouvée qui pourrait cependant encore s’améliorer si l’officier public et ministériel pouvait acheter lui-même les produits litigieux.

Le choix du tiers acheteur, au-delà de constituer un possible « hic procédural », peut-il s’affranchir de son passif jurisprudentiel à la lumière de l’arrêt parisien du 6 avril 2022 ?

Répondre à cette question nécessite d’abord d’exposer en quoi le choix de la personne du tiers acheteur peut être problématique (I), puis par la suite de conclure que la question n’est pas anecdotique, mais emblématique, en ce qu’elle protège elle-même le droit de la propriété intellectuelle (II).

I. Le choix problématique du tiers

Le constat d’achat, et la question du tiers acheteur ont connu un traitement jurisprudentiel en deux phases distinctes et chronologiques dont le tournant est à attribuer à un arrêt du 22 décembre 2017. Une première phase, dite « pragmatique », avec une définition du tiers gage de souplesse (A). La seconde phase, plus « dogmatique », avec une définition du tiers plus restrictive, gage de contrainte et source d’insécurité juridique (B).

A. Le choix « pragmatique » du tiers

L’huissier de justice étant cantonné à sa mission de constatations purement matérielles, le recours à un tiers acheteur s’impose lui en cas de constat d’achat. Toute personne « extérieure » à l’huissier de justice est un tiers stricto sensu. Cependant, n’importe quel tiers à l’huissier ne peut se voir confier le rôle de tiers acheteur.

L’impossibilité pour l’huissier de justice d’utiliser un membre de sa famille, un clerc ou l’un de ses associés en tant que tiers pour pratiquer l’achat ne fait pas débat puisque ces dernières lui sont de fait intimes ou subordonnées.

Cependant, la qualité de tiers, avant 2017, n’était appréciée qu’à la lumière des liens entre le tiers et l’huissier de justice. C’est ainsi qu’il était admis de recourir à un employé de la société requérante par exemple. En ce sens, une décision a validé le fait que le tiers acheteur soit le directeur commercial de la société requérante au constat, au motif que cette circonstance « n’a aucune incidence sur le caractère objectif des constatations de l’huissier » [1]. Cela peut surprendre, mais il faut rappeler que « rien ne s’oppose à ce que le juge prud’homal examine une attestation établie par un salarié ayant représenté l’employeur lors de l’entretien préalable » [2]. Si le tiers salarié peut témoigner, il peut donc être tiers acheteur, aucune exigence d’impartialité ne lui incombant [3]. L’impartialité incombant en réalité à l’huissier de justice qui en est le garant.

Cette possibilité offrait un intérêt pratique certain, dans la mesure où d’une part le tiers acheteur était rapidement disponible et, d’autre part, les exigences de confidentialités et de discrétion étaient respectées. Pour rappel, au stade du constat d’achat, la discrétion est nécessaire pour garantir une certaine effectivité à la phase de collecte de preuve.

Un autre pratique répondait aux mêmes exigences et avantages, celle du recours au stagiaire du cabinet d’avocat, chargé du dossier par la société requérante. La cour d’appel de Paris avait alors jugé que « la circonstance que la personne assistant l’huissier ait été, non pas membre, mais simple stagiaire du cabinet d’avocat de la société requérante, est sans incidence [sur la validité du constat d’achat], dès lors qu’il n’est argué d’aucun stratagème déloyal qui lui aurait permis de procéder à l’achat (…) » [4]. Dans le même ordre d’idées, il a été admis que le tiers acheteur puisse être un salarié du cabinet d’avocats assistant la requérante [5].

Ce qui ressort de la jurisprudence, et de la pratique, antérieure à 2017, est que le magistrat s’attachait à apprécier l’absence de stratagème ; ainsi que le caractère objectif des constatations, en se fondant sur le constat d’huissier de justice, la probité et la neutralité de ce dernier, et la force probante accordée à ses constatations.

Il est également important de souligner la mise en avant du droit octroyé à la société requérante de requérir des preuves, de manière efficace et selon un procédé proportionné aux intérêts et droits protégés.

B. Le choix « dogmatique » du tiers

La pratique antérieure à 2017, qu’il est possible d’apprécier, objectivement, comme étant facilitatrice du processus de récolte de preuve par la partie demanderesse, a été balayée par un arrêt Cour de cassation du 25 janvier 2017 largement commenté et par la même, critiqué [6]. Au terme de cet arrêt, le stagiaire avocat ne pouvait être tiers acheteur, mais également toutes personnes rattachées à la partie requérante, directement ou indirectement.

Au visa de l’article 6 § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 9 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1123H4D, la cour est venue indiquer que « le droit à un procès équitable, consacré par le premier de ces textes, commande que la personne qui assiste l'huissier instrumentaire lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante ».

Faisant ainsi fit de plusieurs années de pratique, la qualité de tiers doit dès lors être appréciée à la lumière des liens entre le tiers et l’huissier de justice, mais également du requérant et de l’avocat. Le tiers est ainsi placé au centre de l’attention et des contestations, reléguant au second plan la matérialité des constatations.

L’impact de cette décision a été immédiat sur la pratique des huissiers de justice qui se sont adaptés, au prix il est vrai d’une perte de réactivité. Cependant, cette décision a été également source d’insécurité juridique pour de nombreux dossiers en cours ou antérieures, à la faveur de jurisprudences qui sont venues faire application « rétroactive » [7] de cet arrêt à des dossiers dont les faits lui étaient pourtant antérieurs [8].

Cette décision est également venue mettre à mal dans une certaine mesure la confidentialité dans ce type de dossier, le choix du tiers nécessitant de s’éloigner du litige et donc de révéler au moins en partie le contenu de dossier à une personne étrangère. Par ailleurs, la partie défenderesse se voit conforté dans sa position, dans la mesure où la garantie de son droit à un procès équitable est placée avant le droit à la preuve de la société requérante.

II. Le choix emblématique du tiers

Le rôle du tiers acheteur au sein du constat d’achat ne varie pas dans les faits, au contraire de son appréhension par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde européenne des droits de l’Homme. Si, aujourd’hui, la position de la cour d’appel de Paris est très claire sur la question en exprimant un choix idéologique du tiers (A), elle laisse entrevoir de prometteuses perspectives futures en faveur d’un choix logique (B).

A. Le choix idéologique du tiers

La position de la cour d’appel de Paris au sujet du tiers acheteur au lendemain de la décision de la Cour de cassation de 2017 est très claire, et gagne en argumentation au fil des contentieux, dépassant la seule idéologie.

Force est d’admettre que la position de la cour d’appel de Paris est constante depuis 2015. En effet, par son arrêt du 2 juin 2015, elle avait jugé que « la circonstance que la personne assistant l’huissier ait été, non pas membre, mais simple stagiaire du cabinet d’avocat de la société requérante, est sans incidence [sur la validité du constat d’achat], dès lors qu’il n’est argué d’aucun stratagème déloyal qui lui aurait permis de procéder à l’achat (…) » [9]. C’est cet arrêt que la Cour de cassation cassa le 25 janvier 2017.

Loin de se rattacher à cette jurisprudence unanimement critiquée, tant par la doctrine que par les praticiens, la cour d’appel de Paris a réaffirmé sa position une première fois le 28 février 2020 [10]. Dans cette décision passée presqu’inaperçue, de manière fort intéressante, les juges estiment qu’il n’y a déloyauté que lorsque l’huissier de justice tait la qualité de stagiaire avocat du tiers acheteur. À le lire, l’arrêt laisse donc comprendre que ce n’est pas le fait que le tiers acheteur soit stagiaire avocat qui est déloyal, mais le silence de l’huissier de justice sur ce point. Même si son raisonnement juridique est alambiqué, cette décision est notable dans sa réflexion et témoigne de la résistance des juges du fond.

Plus encore, la cour d’appel de Paris a raffermi sa position avec une vigoureuse motivation le 6 avril 2022 [11]. Cet arrêt est à noter en ce qu’il réaffirme la position de la cour d’appel de Paris, mais avec une argumentation plus poussée puisque les juges :

  • rappellent tout d’abord le déroulement du constat d’achat physique, au cours duquel l’huissier de justice constate qu’un tiers pénètre dans un établissement et en ressort quelques minutes après avec le produit litigieux et éventuellement une facture ;
  • rappellent qu’en l’espèce, l’huissier de justice n’a pas tu la qualité de tiers acheteur/stagiaire avocat, mais l’a expressément indiqué dans son procès-verbal ;
  • rappellent que la partie à qui est opposée le procès-verbal ne démontre aucun stratagème qui aurait été mis en place par la partie adverse, par l'huissier instrumentaire ou par le tiers acheteur ;
  • rappellent que le seul fait que le tiers acheteur soit stagiaire avocat n’impacte nullement l’objectivité des constatations :
  • concluent que le seul fait que l'achat a été effectué par un stagiaire du cabinet d'avocats de la requérante ne porte pas, en soi, atteinte au droit de la partie adverse à un procès équitable, cette dernière ayant tout loisir de contester, comme elle le fait, le procès-verbal de constat d'achat ;
  • concluent encore que décider autrement reviendrait à priver inutilement la société requérante de la possibilité d'obtenir simplement des éléments susceptibles de constituer la preuve de la matérialité des agissements qu'elle invoque, alors que la preuve de la contrefaçon en droit français est libre et peut être rapportée par tout moyen, notamment par la réalisation d'un procès-verbal de constat d'achat.

La motivation n’en est plus une : c’est une démonstration, que la doctrine qui avait tant commenté l’arrêt de 2017 ne manquera certainement pas de saluer [12].

L’arrêt rendu le 6 avril 2022 est en effet à saluer, en ce qu’elle répond aux attentes doctrinales et des praticiens, d’autant que nous avions critiqué la décision de la Cour de cassation de 2017 puisque c’était « une application regrettable de l’article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme au stagiaire avocat tiers acheteur. C’est étonnant dans la mesure où le principe d’indépendance est visé expressément dans le serment d’avocat... » [13]. Cette reconnaissance caractérise peut-être les prémices d’un retour à la source du « droit » des constats d’achat, à l’époque où l’identité du tiers n’avait aucune incidence sur le caractère objectif des constatations de l’huissier de justice [14]

B. Le choix logique du tiers

Plus que d’être une décision idéologique, l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 6 avril 2022 est logique pour deux raisons.

La première raison est que, dans la mesure où la cour d’appel de Paris a admis en janvier 2021 que le tiers acheteur peut être le conseil en propriété intellectuelle du requérant, l’huissier de justice ayant seul procédé aux opérations de constat et ayant distingué ses propres actions de celles du conseil en propriété industrielle [15], il est logique d’admettre que le stagiaire avocat, futur auxiliaire de justice, puisse l’être également.

La deuxième raison est que, dans la mesure où la juridiction parisienne admet [16] que l’achat soit réalisé à l’insu de l’huissier, lequel constate seulement l’offre à la vente et l’ouverture du colis reçu, il est logique qu’un achat constaté directement par l’huissier de justice ne soit pas critiqué au motif de la personne du tiers acheteur.

Mais la logique du choix du tiers acheteur, poussant à accueillir le stagiaire avocat, doit autant convaincre la Cour de cassation (si un pourvoi est formé) que les autres cours d’appel.

Il ne faut en effet pas oublier que la position de la cour d’appel de Paris est isolée, même si la lecture de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Douai le 16 décembre 2021 [17] laisse deviner une certaine sensibilité au raisonnement des juges parisiens puisque, dans cette décision, les magistrats soulignent le fait que la qualité d’élève-avocat ne résulte d’aucun élément de la procédure de constat d’achat.

Il existe cependant des raisons d’espérer puisque, même si la juridiction parisienne résiste à l’arrêt du 25 janvier 2017, elle n’abandonne pas l’idée selon laquelle tout stratagème probatoire est interdit [18]. Cependant, en l’état actuel de la jurisprudence, la précaution commande à exclure le stagiaire avocat de la catégorie des possibles tiers acheteurs, puisque la position du juge parisien attend d’être confirmée ou non par la Cour de cassation.

La position de la cour d’appel de Paris du 6 avril dernier, réaffirmant sa position de 2020, est emblématique : le choix du tiers acheteur ne doit pas parasiter le contentieux, au risque de faire le jeu des contrefacteurs qui pourront ainsi mépriser le droit de la propriété intellectuelle.


[1] CA Paris, 27 octobre 2006, n° 05/13/076 – Dans le même sens : CA Paris, 3 mars 2004, n° 2003/10236: N° Lexbase : A7283DBD P. Greffe, Propr. industr. 2004, comm. 65.

[2] Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 12-22.342, F-P+B N° Lexbase : A4633KNW.

[3] En ce sens notamment : TGI Paris, 20 mars 2014, n° 11/07903 N° Lexbase : A1856MIL.

[4] CA Paris, 2 juin 2015, n° 14/03083 N° Lexbase : A3765SB3.

[5] TGI Paris, 3e ch., 31 mai 2011 : PIBD 2011, n° 951, III, p. 694.

[6] Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-25.210, F-P+B N° Lexbase : A5484TAD ; C. Bléry, Dalloz actualité, 7 février 2017 ; N. Cayrol, RTD civ. 2017, p. 489 ; Ph. Théry, RTD civ. 2017, p. 719 ; S. Dorol, Gaz. Pal., mars 2017, p. 25 ; L. Mayer, Gaz. Pal., mai 2017, p. 69 ; J. Legrain, JCP G, 2017,n° 271 ; A.-E. Kahn, Comm. com. électr. septembre 2017, n° 9, chron. 10 ; J.-P. Gasnier, Propr. industr., 2017, comm. 27 ; P. Greffe, Propr. industr., 2017, chron. 5 ; C. Suire, Propr. industr., 2018, chron. 3, comm. 4

[7] TGI Paris, 22 décembre 2017, n° 16/07565 N° Lexbase : A4140XYY; S. Dorol, JCP G, 2018, act. 41.

[8] TGI Paris, 8 avril 2018, n° 15/16933 N° Lexbase : A3826XYD.

[9] CA Paris, 2 juin 2015, n° 14/03083 N° Lexbase : A9177NIQ.

[10] CA Paris, 28 février 2020, n° 18/03983 N° Lexbase : A71923GH.

[11] CA Paris, 6 avril 2022, n° 20/17307 N° Lexbase : A02247TH.

[12] Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-25.210, F-P+B N° Lexbase : A5484TAD ; C. Bléry, Dalloz actualité, 7 février 2017 ; N. Cayrol, RTD civ. 2017, p. 489 ; Ph. Théry, RTD civ. 2017, p. 719 ; S. Dorol, Gaz. Pal., mars 2017, p. 25 ; L. Mayer, Gaz. Pal., mai 2017, p. 69 ; J. Legrain, JCP G, 2017,n° 271 ; A.-E. Kahn, Comm. com. électr. septembre 2017, n° 9, chron. 10 ; J.-P. Gasnier, Propr. industr., 2017, comm. 27 ; P. Greffe, Propr. industr., 2017, chron. 5 ; C. Suire, Propr. industr., 2018, chron. 3, comm. 4.

[13] S.Dorol et S.Racine, La preuve de l’indépendance du tiers acheteur, Propr. Industr., 2020, ét.13, p.24, §8.

[14] CA Paris, 27 octobre 2006, n° 05/13076 – Dans le même sens : CA Paris, 3 mars 2004, n° 03/10236 N° Lexbase : A7283DBD P. Greffe, Propr. industr., 2004, comm. 65.

[15] CA Paris, 29 janvier 2021, n° 19/04589 N° Lexbase : A07994EC.

[16] CA Paris, 15 avril 2022, n° 20/07813 N° Lexbase : A88337TC.

[17] CA Douai, 16 décembre 2021, n° 19/05826 N° Lexbase : A95867G7.

[18] Pour un exemple : CA Paris, 9 mars 2022, n° 18/11086 N° Lexbase : A14687QG.

newsid:481321

Procédure prud'homale

[Brèves] Le délai de prescription de 2 ans en matière prud'homale est-il contraire au droit d'accès au juge ?

Réf. : Cass. soc., 20 avril 2022, n° 19-17.614, FS-B N° Lexbase : A08947UN

Lecture: 3 min

N1283BZK

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par Lisa Poinsot

Le 04 Mai 2022

► La réduction de la prescription, de 5 à 2 ans, applicable à toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que ce délai a pour finalité de garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions du salarié dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant la juridiction prud'homale.

Faits et procédure. Un salarié se voit notifier son licenciement pour motif économique le 21 novembre 2011. Le 24 juin 2015, il saisit la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement.

La cour d’appel (CA Lyon, 5 avril 2019, n° 17/04411 N° Lexbase : A2216Y8L) juge que l’action du salarié est prescrite. Elle rappelle, à ce titre, que l’employeur a adressé au salarié la lettre de son licenciement le 21 novembre 2011. À compter de la réception de ce courrier par le salarié, le délai de prescription litigieux, initialement de 5 ans, a bien couru. Ce délai s’est trouvé réduit à 2 ans à compter du 17 juin 2013, en raison de l’entrée en vigueur de l’article L. 1471-1 du Code du travail N° Lexbase : L1453LKZ, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 N° Lexbase : L0394IXU et selon lequel « toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qu'il exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ». Ainsi, le délai de prescription a expiré le 17 juin 2015.

Les juges du fond en déduisent que l’action introduite par le salarié, le 24 juin 2015, est irrecevable puisqu’elle est prescrite.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation en soutenant que la réduction du délai de prescription de l’action devant le conseil de prud’hommes apporte une restriction disproportionnée au droit d’accès à un tribunal, de sorte qu’elle est contraire à l’article 6, §1 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le salarié. Pour appuyer sa décision, elle rappelle la jurisprudence européenne qui admet des limitations dans l’espace et le temps le droit d’accès aux tribunaux. Toutefois, ces limitations doivent être raisonnables et proportionnées au regard du but poursuivi, ce qui est le cas en l’espèce. En outre, le délai légal de prescription de 2 ans permet de :

  • garantir la sécurité juridique par la fixation d’un termes aux actions ;
  • mettre les défendeurs à l’abri de plaintes tardives ;
  • empêcher l’injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des événements survenus loin dans le passé à partir d'éléments de preuve auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé.

Pour aller plus loin :

 

newsid:481283

Responsabilité

[Brèves] Transaction entre la victime du Mediator et le laboratoire : la caisse, non informée, peut se prévaloir de son droit à indemnisation, imposant la production du document

Réf. : Cass. civ. 1, 21 avril 2022, n° 20-17.185, FS-B N° Lexbase : A15737US

Lecture: 2 min

N1278BZD

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par Laïla Bedja

Le 04 Mai 2022

► Si un règlement amiable est intervenu entre le tiers et l'assuré, il ne peut être opposé à la caisse si elle n'a pas été invitée à y participer ; la caisse doit en être informée et, en l'absence d'une telle information, la prescription ne peut lui être opposée et une pénalité lui est versée à l'occasion de son recours subrogatoire ;
Lorsqu'une personne conclut avec la victime d'un dommage corporel ou ses ayants droit une transaction portant sur l'indemnisation des préjudices en résultant, elle admet par là-même, en principe, un droit à indemnisation de la victime dont la caisse, subrogée dans ses droits, peut se prévaloir ;
Il incombe alors aux juges du fond, saisis du recours subrogatoire de la caisse qui n'a pas été invitée à participer à la transaction, d'enjoindre aux parties de la produire pour s'assurer de son contenu et, le cas échéant, déterminer les sommes dues à la caisse, en évaluant les préjudices de la victime, en précisant quels postes de préjudice ont été pris en charge par les prestations servies et en procédant aux imputations correspondantes.

Les faits et procédure. De 1995 à 1999, il a été prescrit du Mediator à Mme A qui a présenté, en 1999, une hypertension artérielle pulmonaire ayant nécessité une transplantation pulmonaire.

Après avoir sollicité une expertise judiciaire, elle a, avec des proches, assigné en responsabilité et indemnisation la société productrice du Mediator, et mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie qui a demandé le remboursement de ses débours.

À la suite du décès de Mme A survenu le 13 janvier 2015, les proches ont conclu une transaction avec la société et se sont désistés de leur action. L’instance s’est alors poursuivie entre la caisse et les sociétés.

La cour d’appel. Pour rejeter les demandes de la caisse, la cour d’appel retient que celle-ci ne peut valablement soutenir que la transaction conclue entre les ayants droit et les sociétés, que la cour d'appel ne connaît pas et dont elle ignore les termes, suffirait à fonder sa demande et que l'article L. 376-4 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L8913LHL n'interdit pas aux sociétés d'invoquer le bénéfice de l'exonération de responsabilité prévue par l'article 1386-11, devenu 1245-19, du Code civil N° Lexbase : L0630KZD (CA Versailles, 3e ch., 30 avril 2020, n° 19/00574 N° Lexbase : A15253L3).

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la cour d’appel rendu en violation des articles L. 376-1 N° Lexbase : L8870LHY, L. 376-3 N° Lexbase : L6129HDD et L. 376-4 N° Lexbase : L8913LHL du Code de la Sécurité sociale et 2044 du Code civil N° Lexbase : L2431LBN.

newsid:481278

Social général

[Textes] Loi « Waserman » : un nouveau statut pour le lanceur d’alerte

Réf. : Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte N° Lexbase : L0484MCW

Lecture: 23 min

N1323BZZ

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par Joël Colonna et Virginie Renaux-Personnic, Maîtres de conférences à la Faculté de droit, Aix Marseille Université, Centre de Droit social (UR 901)

Le 04 Mai 2022

Mots-clés : lanceur d’alerte • statut • protection • champ d’application • sanctions

La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, qui entrera en vigueur le 1er septembre, transpose la Directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 et vise à corriger les imperfections de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi « Sapin 2 », et à en améliorer l’efficacité. Elle élargit le champ des bénéficiaires du statut de lanceur d’alerte en l’étendant notamment aux « facilitateurs » qui lui auront apporté une aide, ainsi qu’aux personnes en lien avec lui. Elle réorganise la procédure de signalement des alertes, tout particulièrement en permettant au lanceur d’alerte de procéder directement à un signalement externe auprès des autorités compétentes sans passer par le préalable obligatoire du canal interne. Elle renforce enfin la protection du lanceur d’alerte en durcissant les sanctions contre les mesures de représailles.


Du chemin a été parcouru depuis le débarquement du lanceur d’alerte sur la scène juridique française dans le sillage de l’extra territoriale loi américaine « Sarbanes-Oxley » du 30 juillet 2002 [1] qui a imposé à toutes les entreprises cotées aux États-Unis, quelle que soit leur nationalité, ainsi qu’aux filiales étrangères des entreprises américaines, quel que soit le pays dans lequel elles sont établies, de mettre en place un dispositif d’alerte professionnelle ou éthique [2]. En effet, d’abord accueilli avec méfiance comme la cheville ouvrière d’un « système organisé de délation professionnelle » [3], le lanceur d’alerte a rapidement suscité la bienveillance [4] à mesure que les « WikiLeaks », « Panama Papers » et autres « LuxLeaks »… se hissaient à la une des journaux et des chaînes « d’info » et que proliféraient dans les entreprises les codes de bonne conduite et les chartes éthiques. Et, tout aussi rapidement, s’est imposée, sous l’impulsion du Conseil de l’Europe [5] et de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) [6], l’idée que le lanceur d’alerte agit dans l’intérêt général en dénonçant des actes illicites et qu’il doit être protégé contre les représailles auxquelles il s’expose.

La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, constitue l’aboutissement de cette évolution N° Lexbase : L0484MCW. Présentée comme la loi la plus protectrice d’Europe [7], elle comble définitivement le retard du droit français en la matière. On rappellera, à cet égard, que contrairement à de nombreux États qui avaient adopté un régime unique de protection, la France n’a pendant longtemps offert qu’une protection parcellaire aux lanceurs d’alerte. Multipliant les textes, le législateur français avait, en effet, institué un véritable « mille-feuille des statuts protecteurs » [8]. Pas moins de six dispositifs spécifiques dans les secteurs de la maltraitance [9], de la corruption [10], de la sécurité sanitaire des médicaments [11], de la vie publique [12], de la finance [13] ou de la sécurité [14], qui, faute de former un ensemble cohérent [15], ont été peu utilisés [16] tant il était difficile pour celui qui souhaitait lancer une alerte de savoir quel dispositif invoquer [17]. Et si la Chambre sociale a comblé les imperfections de la législation [18], en mobilisant les ressources de l’article 10, § 1, de la Convention européenne des droits de l’Homme N° Lexbase : L4743AQQ pour protéger au titre de la liberté d’expression, par la nullité de toute sanction ou licenciement prononcé à son encontre, le lanceur d’alerte n’entrant pas dans le champ des dispositions légales [19], ce n’est qu’avec la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 N° Lexbase : L6482LBP, dite loi « Sapin 2 » [20], qu’ont été institués un régime général de protection et un véritable statut du lanceur d’alerte. Allant bien au-delà de son objet initial, qui était de transposer la Directive (UE) n° 2019/1937 du 23 octobre 2019 N° Lexbase : L6898LTN, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, la loi « Waserman » [21] du 21 mars 2022 poursuit l’œuvre accomplie par la loi « Sapin 2 » et vise à en corriger les défauts et à en améliorer l’efficacité [22]. À cette fin, elle ouvre plus largement le bénéfice du statut de lanceur d’alerte (I.), assouplit les dispositifs de recueil et de traitement des alertes (II.) et renforce la protection du salarié lanceur d’alerte (III.).

I. L’élargissement du cercle des bénéficiaires du statut de lanceur d’alerte

La loi précise et modifie le domaine de l’alerte et étend la protection à l’entourage du lanceur d’alerte.

A. Une définition plus précise et plus large du domaine de l’alerte

Selon la loi nouvelle, est lanceur d’alerte la « personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. […] » (art. 1er).

La loi livre ainsi une définition du lanceur d’alerte modifiée sur les quelques points qui soulevaient des difficultés [23]. Est ainsi supprimée, en premier lieu, l’exigence - trop imprécise - que l’alerte soit faite de « manière désintéressée », remplacée par l’absence de « contrepartie financière directe », qui permettra de considérer comme lanceur d’alerte, par exemple, un salarié en conflit avec son employeur, quand bien même il pourrait tirer un bénéfice de son alerte. Est, ensuite, supprimée, lorsque l’alerte porte sur des informations obtenues dans le cadre de l’activité professionnelle, l’exigence que le lanceur d’alerte ait eu personnellement connaissance des faits qu’il signale ou divulgue. C’est en ce sens qu’il faut sans doute comprendre que, dans le nouveau texte, le signalement ou la divulgation a pour objet des informations portant sur un des faits illicites visés, mais pas directement sur ceux-ci. Pourra ainsi être considéré comme lanceur d’alerte, le salarié qui signale des faits qui lui ont été rapportés dès lors qu’il a une conviction raisonnablement établie qu’ils se sont produits ou qu’ils sont susceptibles de se produire [24]. On peut donc penser que, à l’avenir, un salarié pourra bénéficier du statut de lanceur d’alerte lorsqu’il divulgue des informations qui lui auront été rapportées. Est enfin abandonnée l’exigence d’une gravité manifeste des faits dénoncés, qui avait fait l’objet de critiques en ce qu’il s’agissait de « standards » relevant d’une interprétation a posteriori par le juge et exposant, de ce fait, le salarié au risque d’une mauvaise appréciation [25]. On avait, en effet, pu craindre que l’intéressé ne préfère s’abstenir plutôt que de courir le risque d’être hors du champ de la protection [26]. En revanche, demeurent toujours exclus du champ de l’alerte les faits, informations et documents, quel que soit leur forme ou leur support, dont la révélation ou la divulgation est interdite par les dispositions relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, au secret professionnel de l’avocat, auxquels sont ajoutés le secret des délibérations judiciaires et le secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires.

La nouvelle définition du lanceur d’alerte appelle une dernière observation. S’agissant des infractions pénales, l’objet de l’alerte reste, comme auparavant, cantonné à la dénonciation de faits portant sur un crime ou un délit et exclut toujours la dénonciation de comportements simplement constitutifs de contraventions, contrairement à la jurisprudence rendue sur le fondement de l’article 10, § 1, de la Convention EDH, ce qui pose nécessairement la question de la pérennité de cette jurisprudence.

B. Une protection étendue à l’entourage du lanceur d’alerte

La protection est étendue à trois catégories de personnes liées au lanceur d’alerte (art. 2), rompant ainsi de l’isolement dans lequel ce dernier pouvait jusque-là se trouver. Il en est ainsi :

  • des « facilitateurs », entendus comme « toute personne physique ou morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation […] » résultant de faits illicites. Cette extension, qui ne figurait pas dans la directive, permet de compenser l’absence de référence aux personnes morales dans la définition du lanceur d’alerte et d’assurer au salarié lanceur d’alerte le soutien des associations et organisations syndicales, ainsi que cela avait été demandé par certains parlementaires ;
  • des « personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte […] [risquant de faire l’objet de mesures de représailles] dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur ou de leur client ou du destinataire de leurs services ». On songe bien évidemment, ici, aux collègues de travail et proches du salarié lanceur d’alerte ;
  • des « entités juridiques contrôlées […] par un lanceur d’alerte […] pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel ».

II. L’assouplissement de la procédure de signalement des alertes

La loi nouvelle assouplit la procédure graduée et hiérarchisée de signalement instaurée par l’article 8 de la loi « Sapin 2 » (art. 3, I, 2°), dont la violation était susceptible de priver le salarié de la protection du statut de lanceur d’alerte [27]. On rappellera que, sauf exception [28], le salarié devait, en premier lieu, procéder au signalement en interne auprès de son supérieur hiérarchique, de l’employeur ou d’un référent ad hoc, puis, en l’absence de diligence de leur part, s’adresser aux autorités judiciaires, administratives ou aux ordres professionnels, et, enfin, en dernier ressort, à défaut de traitement par ces derniers dans un délai de trois mois, diffuser l’information au public. Tirant les conséquences des critiques dont faisait l’objet cette procédure à laquelle il était reproché d’être complexe et mal connue et d’exposer dans le cadre du signalement interne le salarié à des risques de pressions et de représailles pour le faire taire, la loi [29] supprime cette hiérarchisation et permet, désormais, au lanceur d’alerte de choisir entre le signalement interne et le signalement externe (art. 3, I, 2°), la divulgation publique n’étant admise que dans certaines situations.

A. Procédure de signalement interne

Situations visées. Le signalement interne concerne les informations obtenues par une personne dans le cadre de ses activités professionnelles portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entreprise concernée, notamment lorsque la personne estime qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elle ne s’expose pas à un risque de représailles.

Les premières personnes visées par la loi pour déclencher cette procédure de signalement interne sont les salariés, anciens salariés et candidats à un emploi [30].

Recueil et traitement des signalements. Les modalités de la procédure diffèrent selon la taille de l’entreprise.

  • Dans les entreprises de moins de 50 salariés, lorsqu’aucune procédure interne de recueil et de traitement des signalements n’a été mise en place, les informations peuvent, comme auparavant, être signalées au supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent désigné par celui-ci.
  • Dans les entreprises employant au moins 50 salariés, la loi précise que la procédure interne de recueil et de traitement des signalements qu’elles doivent mettre en place doit être précédée de la consultation des représentants du personnel [31]. Les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que les sociétés d’un même groupe pourront mettre en commun leur procédure de recueil et de signalement [32].

B. La procédure de signalement externe

Le lanceur d’alerte n’est plus tenu d’avoir effectué un signalement interne pour procéder à un signalement externe. Celui-ci peut donc désormais intervenir soit après un signalement interne infructueux, soit directement. Dans tous les cas, il doit être adressé à l’autorité compétente [33], au Défenseur des droits, à l’autorité judiciaire ou enfin à une institution, un organe ou un organisme de l’UE compétent pour recueillir des informations sur des violations relevant du champ d’application de la Directive du 23 octobre 2019.

C. La divulgation publique

L’alerte publique pourra intervenir dans trois cas dont seul le troisième est véritablement nouveau :

  • en cas d’absence de traitement à la suite d’un signalement externe dans un délai qui sera fixé par décret ;
  • en cas de « danger grave et imminent » ou, pour les informations obtenues dans un cadre professionnel, en cas de « danger imminent ou manifeste » pour l’intérêt général, notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible, notions dont la définition pose les mêmes problèmes que celle, désormais abandonnée, de « gravité manifeste » et expose le lanceur d’alerte à la même insécurité ;
  • lorsque la saisine de l’autorité compétente fait courir un risque de représailles à l’auteur de l’alerte ou qu’elle ne peut permettre de remédier efficacement à l’alerte en raison des circonstances particulières de l’affaire, notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou si l’auteur du signalement a des motifs sérieux de penser que l’autorité peut être en conflit d’intérêts ou en collusion avec l’auteur des faits ou encore impliquée dans ces faits.

Par exception, une alerte relevant des deux derniers cas ne peut pas être immédiatement rendue publique si elle porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationales.

La réorganisation des canaux de signalement s’accompagne d’une amélioration de la protection de la confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte et de la personne mise en cause ainsi que des informations recueillies (art. 5) [34].

III. Le renforcement de la protection du salarié lanceur d’alerte [35]

Le législateur cherche, d’abord, à améliorer l’effectivité du dispositif de protection du lanceur d’alerte prévu par la loi par une meilleure information des salariés, via le règlement intérieur, qui devra en mentionner l’existence (art. 4) [36], et par l’interdiction, à peine de nullité de plein droit, de toute renonciation à ce dispositif ainsi que de toute limitation d’aucune forme des droits en résultant (art. 8).

A. Une protection contre les représailles

Déjà présente dans la loi « Sapin 2 », la protection du lanceur d’alerte contre les représailles a été entièrement réorganisée. Elle se subdivise désormais en trois régimes, car, malgré l’unification du statut protecteur, la loi laisse subsister non seulement les régimes spécifiques antérieurs relevant du droit du travail [37] qui ne seront pas envisagés ici, mais en crée deux nouveaux.

1) La protection du salarié signalant ou divulguant une alerte dans les conditions prévues par la loi « Sapin 2 modifié »e (art. 6, I et 7, I, 1°)

a. La protection contre les mesures discriminatoires

La protection est transférée de l’article L. 1132-3-3 du Code du travail N° Lexbase : L7446LBE à un nouvel article L. 1121-2 N° Lexbase : L0917MCX, aux termes duquel le lanceur d’alerte ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte. Il ne peut pas non plus être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise. Le nouvel article L. 1121-2 appelle deux observations. La première concerne l’ajout par la loi de l’interdiction de modifier les horaires de travail et d’utiliser l’évaluation de la performance à des fins de représailles à la longue liste des mesures discriminatoires prohibées. On ne peut s’empêcher de penser que cette adjonction, imposée par la Directive du 23 octobre 2019, alourdit inutilement le texte puisqu’on sait que, précédée de l’adverbe notamment, cette liste ne revêt pas de caractère exhaustif. On relève, ensuite, que ce texte ne renferme pas la totalité des protections contre les mesures de représailles. Il renvoie, en effet, à l’article 10-1, II, nouveau, de la loi « Sapin 2 », directement issu de la Directive, qui édicte toute une série de mesures interdites, notamment les atteintes à la réputation, en particulier sur un service de communication en ligne et l’orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical.

L’ensemble de ces mesures est sanctionné par la nullité, prévue par l’article 10-1, II, dernier alinéa, de la loi « Sapin 2 », et de façon quelque peu redondante, par l’article L. 1132-4, modifié du Code du travail N° Lexbase : L0920MC3.

b. L’action en justice

Régime probatoire. Le transfert de la protection du lanceur d’alerte de l’article L. 1132-3-3 N° Lexbase : L7446LBE au nouvel article L. 1121-2 N° Lexbase : L0917MCX s’est accompagné d’une incohérence. Les dispositions du premier de ces textes qui instituaient un régime probatoire calqué sur celui des discriminations ont disparu et ne se retrouvent pas dans le second. Il faut aller les chercher dans l’article 10-1, III, nouveau de la loi « Sapin 2 » dont l’application au lanceur d’alerte visé par l’article L. 1121-2 ne saute pas aux yeux en raison d’une absence de renvois croisés entre ces deux textes. En effet, l’article L. 1121-2 ne renvoie pas au III de l’article 10-1, lequel ne vise qu’indirectement le lanceur d’alerte de l’article L. 1121-2 par le biais d’un renvoi au II. On conviendra qu’on pouvait faire plus simple. N’aurait-il pas suffi que l’article L. 1121-2 renvoie directement au III de l’article 10-1 ?

Autre sujet d’étonnement, le régime probatoire n’est pas sorti indemne de ce transfert. Le lanceur d’alerte bénéficie, certes, toujours de l’allègement de la charge de la preuve et doit seulement présenter des éléments de fait qui permettent de supposer qu’il a signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues par la loi. Mais, alors que, auparavant [38], l’employeur devait prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé, il doit, aujourd’hui, prouver que sa décision est « dûment » justifiée. Reprise directe de la Directive [39], cette nouvelle formulation paraît a priori plus restrictive. Reste à savoir si elle induira une plus grande exigence du juge dans l’admission des justifications avancées par l’employeur. Mais alors, se poserait inévitablement, contrairement à l’intention initiale du législateur, un problème de coordination avec les règles applicables en matière de discrimination [40] et de harcèlements [41], dont la rédaction n’a pas été modifiée et qui s’appliquent aussi au lanceur d’alerte, y compris, pour les premières, au lanceur d’alerte de l’article L. 1121-2.

Provision pour frais d’instance. Afin de limiter le coût financier des procédures que doit engager le lanceur d’alerte, l’article 10-1, III [42] prévoit que le juge pourra allouer, à la charge de l’autre partie, une provision pour frais de l’instance en fonction de la situation économique respective des parties et du coût prévisible de la procédure au lanceur d’alerte qui conteste une mesure de représailles à son encontre ou qui fait l’objet d’une procédure, dite « bâillon », visant à entraver son signalement ou sa divulgation publique, par exemple une plainte en diffamation.

Le juge peut également lui allouer, en cours d’instance, une provision visant à couvrir ses subsides lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique.

Il peut rendre ces provisions définitives à tout moment, c’est-à-dire même si le lanceur d’alerte perd son procès.

2) La protection du salarié dénonçant un crime ou un délit

Est visée, ici, la personne ne s’inscrivant pas dans le champ de l’alerte définie par la loi, mais témoignant ou relatant, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elle a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Sa protection est désormais inscrite à l’article L. 1132-3-3 N° Lexbase : L7446LBE entièrement réécrit. Mais encore une fois par un complexe jeu de renvoi, cette personne bénéficie de la protection contre l’ensemble des mesures mentionnées à l’article L. 1121-2 N° Lexbase : L0917MCX ainsi que des dispositions de l’article 10-1, III de la loi « Sapin 2 », relatives au régime probatoire et à l’octroi de provisions en cas de contentieux. Ces règles devront là encore être articulées avec les articles L. 1132-4 N° Lexbase : L0680H93 et L. 1134-1 N° Lexbase : L2681LBW, respectivement relatifs à la nullité des mesures de représailles et au régime probatoire qui sont également applicables au lanceur d’alerte.

Créé par la loi, ce nouveau régime de protection correspond à la situation à laquelle la Chambre sociale de la Cour de cassation appliquait l’article 10, § 1, de la Convention EDH. Il semble réduire l’espérance de vie de cette jurisprudence qui protégeait les salariés dénonçant des faits susceptibles de caractériser des infractions pénales et englobait donc les contraventions [43].

3) La protection de l’entourage du lanceur d’alerte

Les facilitateurs et personnes en lien avec un lanceur d’alerte entrant dans le champ de la loi bénéficient, selon l’article 6-1 nouveau de la loi « Sapin 2 », de la protection contre l’ensemble des mesures de représailles, ainsi que du régime probatoire et de l’octroi des provisions prévus par l’article 10-1, II et III.

Mais, insérés par la loi nouvelle (art. 10), dans l’article L. 1132-1 du Code du travail N° Lexbase : L0918MCY [44], ils sont également protégés contre l’ensemble des mesures visées par ce texte, qui sont rigoureusement identiques à celles prévues par l’article L. 1121-2 N° Lexbase : L0917MCX, et bénéficient - fâcheux doublon - de toutes les mesures applicables au contentieux de la discrimination, notamment du régime probatoire et de la sanction de la nullité.

B. Une immunité civile et pénale (art. 6, I)

La loi institue, d’abord, un principe d’irresponsabilité civile des lanceurs d’alerte, quel que soit le régime dont ils relèvent, ainsi que de l’entourage protégé pour les dommages causés du fait de leur signalement ou divulgation publique, dès lors qu’ils avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’ils y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.

Elle étend, ensuite, l’immunité pénale du lanceur d’alerte, prévue par l’article 122-9 du Code pénal N° Lexbase : L7395LBI, à la soustraction, au détournement ou au recel de documents ou tout autre support contenant les informations dont il a connaissance de manière licite et qu’il signale ou divulgue dans les conditions définies par la loi. Elle en fait également bénéficier le complice de ces infractions.

C. Les sanctions

Outre la nullité des mesures de représailles déjà envisagée, la loi prévoit deux sanctions particulières applicables à l’ensemble des lanceurs d’alerte ainsi qu’à leur entourage protégé.

1) Un abondement du compte personnel de formation du salarié (CPF)

À l’occasion de tout litige, le conseil de prud’hommes peut, en complément de toute autre sanction, obliger l’employeur à abonder le CPF du salarié ayant lancé l’alerte jusqu’à son plafond (art. 8, 1°), soit 8 000 euros [45].

Cette mesure a pour objet de faciliter la reconversion du lanceur d’alerte, lorsque sa réintégration ou son maintien dans l’entreprise n’est plus possible. En effet, bien souvent, les représailles de l’employeur vont avoir pour effet de rompre le lien de confiance avec le lanceur d’alerte et compromettre l’avenir de ce dernier dans l’entreprise [46].

2) Les sanctions contre les actions en justice abusives

La loi « Sapin 2 » a créé un délit d’entrave à l’alerte et punit toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende [47].

La loi du 21 mars complète cette disposition. Elle porte, en cas d’action abusive ou dilatoire dirigée contre un lanceur d’alerte, le montant de l’amende civile à 60 000 euros, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure.

Une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision pénale est également ajoutée (art. 9, I, 1°).

Conclusion. Un des objectifs de la proposition de loi « Waserman » [48], outre la transposition de la Directive, était de rendre le système de protection des lanceurs d’alerte « cohérent, complet et performant ». L’avenir dira si ces objectifs seront atteints. Si, effectivement, le nouveau dispositif facilite le déclenchement des alertes et accroît la protection des lanceurs d’alerte en sanctionnant plus rigoureusement les mesures de représailles et en leur offrant un accompagnement, en revanche, s’agissant de la recherche de cohérence, le compte n’y est pas. Les travaux préparatoires ont, de ce point de vue, sérieusement complexifié certaines dispositions de la proposition de loi dans le but louable de rendre le dispositif plus intelligible et de mieux articuler les différents régimes d’alerte. On l’a vu à propos de l’analyse des dispositions protégeant le lanceur d’alerte contre les discriminations. Sans dire que la question du maintien de la jurisprudence fondée sur l’article 10, § 1, de la Convention EDH reste posée. Ce régime survivra-t-il à titre subsidiaire pour pallier les insuffisances du dispositif légal ?

[1] N. Lenoir, Le lanceur d’alerte. Une innovation française venue d’outre-Atlantique, JCP E, 2015, 1492.

[2] Dispositifs couramment désignés sous l’appellation de whistleblowing, terme qui signifie littéralement souffler dans un sifflet et, par extension, sonner l’alarme.

[3] L. Gamet, Le whistleblowing (ou le salarié mouchard), Bull. Joly Sociétés, mars 2006, p. 307 ; CNIL, Délib. n° 2005-110 et n° 2005-111, 26 mai 2005 N° Lexbase : X2560AD8. V. aussi, Cass. soc., 8 décembre 2009, n° 08-17.191, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A3615EPL.

[4] F. Barrière, Les lanceurs d’alerte, Revue des sociétés, 2017, p. 191.

[5] Résol. 1729 (2010) et Rec. CM/Rec (2014) 7, sur la protection des lanceurs d’alerte.

[6] V. not., CEDH, 12 février 2008, Req. 14277/04, Guja c/ Moldavie N° Lexbase : A7465D4A ; CEDH, 18 octobre 2011, Req. 10247/09, Sosinowska c/ Pologne ; CEDH, 21 juillet 2011, Req. 28274/08, Heinisch c/ Allemagne.

[7] V., reprenant les propos de Sylvain Waserman, l’auteur de la proposition de loi, J.-Ph. Foegle, J.-P. Markus, La loi sur les lanceurs d’alerte adoptée le 16 février 2022 est-elle vraiment la « meilleure d’Europe » ?, Les surligneurs.eu [en ligne].

[8] P. Lagesse, V. Armillei, Le statut du lanceur d’alerte, Rev. internationale de la compliance et de l’éthique des affaires, 2019, n° 2, étude n° 64.

[9] Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, rénovant l’action sociale et médico-sociale N° Lexbase : L1438AW8.

[10] Loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007, relative à la lutte contre la corruption N° Lexbase : L2607H3X.

[11] Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé N° Lexbase : L5048IRE et loi n° 2013-316 du 16 avril 2013, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte N° Lexbase : L6336IWL.

[12] Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique N° Lexbase : L3622IYS.

[13] Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière N° Lexbase : L6136IYW.

[14] Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015, relative au renseignement N° Lexbase : L9309KBE.

[15] C. Mathieu, F. Terryn, Le statut de lanceur d’alerte en quête de cohérence, RDT, 2016, p. 159 ; Conseil d’État, Le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger, Doc. fr., 2016, p. 46 [en ligne].

[16] V. les sondages réalisés pour le compte de l’Association Transparency France, Fraudes, malversations, lanceurs d’alerte… comment réagissent les salariés français ?, étude cabinet Technologia, novembre 2015 ; Lanceurs d’alerte : quelle perception de la part des salariés ?, Harris interactive, novembre 2015.

[17] V. Conseil d’État, préc., p. 43.

[18] P. Morvan, Sur la défense des valeurs par la jurisprudence sociale récente, RJS, 7/2018, p. 543.

[19] Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0019RWM, D., 2016, p. 1740, note J.-P. Marguénaud et J. Mouly ; Cah soc., octobre 2016, n° 289, p. 478, obs. J. Icard. Cass. soc., 7 juillet 2021, n° 19-25.754, FS-B N° Lexbase : A62994YX, JCP S, 2021, 1254, note B. Bossu ; JSL, 7 octobre 2021, n° 527-3, p. 12, obs. H. Nasom-Tissandier ; Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-10.057, FS-B N° Lexbase : A76997IY, JCP S, 2022, 1056, note B. Bossu ; RDT, 2022, p. 106, note S. Maillard. V. sur la question, J. Colonna, V. Renaux-Personnic, Le salarié lanceur d’alerte : quelle protection par la Chambre sociale de la Cour de cassation ?, Rev. de droit comparé du travail et de la Sécurité sociale, 2022-2, à paraître.

[20] Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, préc.. V. B. Querenet-Hahn, A. Renard, Le régime de protection des lanceurs d’alerte issu de la loi Sapin 2, JCP S, 2018, 1095 ; P. Adam, A propos de la protection générale des lanceurs d’alerte dans l’entreprise privée (commentaire de la loi dite « Sapin II » du 9 décembre 2016), RJS, 5/2017, p. 355.

[21] La transposition d’une directive par une proposition de loi est une chose assez rare pour être signalée.

[22] Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte N° Lexbase : L0484MCW. La loi entrera en vigueur le 1er septembre 2022.

[23] La loi élargit aussi le champ de l’alerte en ajoutant « la violation du droit de l’Union européenne » et « l’information sur une tentative de dissimulation d’une violation » d’une des normes visées dans la définition du lanceur d’alerte.

[24] Rapp. n° 4663 et 4664 au nom de la Commission des lois, 10 novembre 2021, p. 16.

[25] V., en ce sens, D. Lochak, Les lanceurs d’alerte et les droits de l’homme : réflexions conclusives, Rev. des droits de l’Homme, 10/2016 ; F. Barrière, art. préc.. V. cependant, les observations du Conseil d’État (Avis n° 404001, 4 novembre 2021, p. 4 [en ligne]) qui craint que la suppression de cette exigence n’ouvre trop largement l’objet de l’alerte, tout particulièrement dans les relations de travail.

[26] J. Colonna, V. Renaux-Personnic, art. préc..

[27] La Chambre sociale de la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur ce point, mais certaines juridictions ont, en effet, refusé d’accorder la protection aux salariés n’ayant pas respecté cette procédure : CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 6 janvier 2022, n° 20/14225 N° Lexbase : A57377HX ; CA Aix-en-Provence, 14 février 2019, n° 18/08647 N° Lexbase : A0673YX9.

[28] En cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles (art. 8, II).

[29] Transposant les articles 7 à 15 de la Directive n° 2019/1937.

[30] Sont également visés les actionnaires, associés et titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale de l’entreprise, les membres de l’organe d'administration, de direction ou de surveillance ; les collaborateurs extérieurs et occasionnels et les cocontractants de l'entreprise concernée, à leurs sous-traitants ou, lorsqu'il s'agit de personnes morales, aux membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants ainsi qu'aux membres de leur personnel.

[31] Les modalités en seront définies par un décret en Conseil d’État.

[32] Les conditions seront définies par un décret en Conseil d’État.

[33] Un décret en Conseil d’État fixera la liste des autorités compétentes, ainsi que les modalités de recueil et de traitement des alertes externes.

[34] Les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec son consentement. Ils peuvent toutefois être communiqués à l’autorité judiciaire, dans le cas où les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits à celle-ci. Le lanceur d’alerte en est alors informé, à moins que cette information ne risque de compromettre la procédure judiciaire. Des explications écrites sont jointes à cette information. Les signalements ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent, en tenant compte des délais d’éventuelles enquêtes complémentaires. Des données relatives aux signalements peuvent toutefois être conservées au-delà de cette durée, à la condition que les personnes physiques concernées n’y soient ni identifiées, ni identifiables.

[35] Une loi organique n° 2022-400 du 21 mars 2022 N° Lexbase : L0483MCU renforce le rôle du Défenseur des droits en matière de protection des lanceurs d’alerte.

[36] L’article L. 1321-2 du Code du travail N° Lexbase : L6800K9Q est modifié en conséquence.

[37] La loi réécrit les articles L. 1152-2 N° Lexbase : L8841ITM et L. 1153-2 du Code du travail N° Lexbase : L8842ITN afin d’améliorer la protection des salariés ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement moral ou sexuel ou dénonçant de tels faits et de la coordonner avec le régime général de protection des lanceurs d’alerte (art. 7, 4° et 5°). La loi réécrit également dans le même objectif l’article L. 4133-3 N° Lexbase : L8726LGB, relatif à la protection du salarié auteur d’une alerte en matière de santé publique et d’environnement (art. 7, 10°).

[38] C. trav., art. L. 1132-3-3 N° Lexbase : L7446LBE, dans sa version antérieure.

[39] Directive (UE) n° 2019/1937, 23 octobre 2019, art. 21. 5.

[40] C. trav., art. L. 1134-1 N° Lexbase : L2681LBW.

[41] C. trav., art. L. 1154-1 N° Lexbase : L6799K9P.

[42] Dont l’application au lanceur d’alerte de l’article L. 1121-2 du Code du travail N° Lexbase : L0917MCX relève du même renvoi « en cascade » que décrit précédemment.

[43] Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0019RWM ; Cass. soc., 7 juillet 2021, n° 19-25.754, FS-B N° Lexbase : A62994YX.

[44] La loi modifie également l’article 225-1 du Code pénal N° Lexbase : L2676LBQ.

[45] C. trav., art. L. 6323-11-1 N° Lexbase : L8187LRN.

[46] Rapp. Waserman, préc., p. 55.

[47] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 N° Lexbase : L6482LBP, art. 13, I.

[48] Proposition de loi n° 4398, p. 4 et s..

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