Lexbase Affaires n°336 du 25 avril 2013

Lexbase Affaires - Édition n°336

Affaires

[Brèves] Caractérisation de l'activité d'exploitation de voitures de grande remise, activité distincte de l'activité principale de taxi

Réf. : Cass. crim., 3 avril 2013, n° 08-83.982, FS-P+B (N° Lexbase : A3909KCR)

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N6869BTL

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Le 25 Avril 2013

Constituent l'exploitation de voitures de grande remise, activité distincte de l'activité principale de taxi, qui doit faire, en tant que telle, l'objet d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés, les prestations de transport exécutées selon un cahier des charges imposant diverses obligations relatives au caractère luxueux des véhicules utilisés, à la présentation des chauffeurs, à l'organisation des transports, aux horaires de travail et aux lieux de prise en charge. Telle est la solution retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 avril 2013 (Cass. crim., 3 avril 2013, n° 08-83.982, FS-P+B N° Lexbase : A3909KCR). Dans cette affaire, des artisans-taxis, membre d'une société, avaient, conformément au cahier des charges d'un contrat cadre conclu entre le Parlement européen et ladite société, et ensuite annulé comme irrégulier, assuré le transport des parlementaires et fonctionnaires européens à bord de leurs véhicules, dont ils avaient dissimulé le dispositif lumineux extérieur ainsi que le compteur horokilométrique. A la suite de ces faits et à l'issue d'une information ouverte notamment du chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité, le président du conseil d'administration de la société a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir exercé à but lucratif une prestation de services ou accompli des actes de commerce, en l'espèce une activité de grande remise dans le cadre de prestations de transport de personnes, sans avoir requis son immatriculation au RCS pour cette activité. Ayant été déclaré coupable de cette infraction par les premiers juges, il a relevé appel de la décision. Pour le déclarer coupable de travail dissimulé, en sa qualité de dirigeant, après avoir relevé que cette société était inscrite, d'une part, au registre du commerce pour son activité de taxi, et, d'autre part, au registre des entreprises de transport public routier de personnes tenu par la direction régionale de l'équipement, l'arrêt retient notamment que les prestations de transport exécutées par le prévenu et la société coopérative qu'il dirigeait, selon un cahier des charges imposant diverses obligations relatives au caractère luxueux des véhicules utilisés, à la présentation des chauffeurs, à l'organisation des transports, aux horaires de travail et aux lieux de prise en charge, ne peuvent être analysées comme un service privé de transport non urbain de personnes, dès lors que le Parlement européen, client privé, n'entre pas dans l'une des catégories d'organisateurs visées par ces textes, mais qu'elles constituent l'exploitation de voitures de grande remise, activité distincte de l'activité principale de taxi, qui aurait dû faire l'objet, en tant que telle, d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au registre des entreprises institué dans les départements de Moselle, Bas-Rhin et Haut-Rhin.

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Baux commerciaux

[Evénement] L'excès en bail commercial - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris du 27 mars 2013 (première partie)

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N6778BT9

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par Vincent Téchené, rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 25 Avril 2013

La sous-commission "Baux commerciaux" de la Commission ouverte de droit immobilier du barreau de Paris tenait, le 27 mars 2013, sous la responsabilité de Gilles Hittinger-Roux, une réunion sur le thème "L'excès en bail commercial". Après une présentation, par Maître Jean-Pierre Blatter, avocat, professeur des Universités associé (CNAM), spécialiste en droit immobilier et Chartered Surveyor (Frics), de l'actualité jurisprudentielle des derniers mois en matière de baux commerciaux, le thème de la réunion a été abordé successivement par Maître Gilles Hittinger-Roux, qui a exposé ses réflexions sur l'excès en droit civil à travers la thèse du Professeur David Bakouche (excusé), Maître Jehan-Denis Barbier, avocat à la Cour, qui a envisagé la problématique du "contrat prévu", et Maître Pascale Bernert, avocat à la Cour, qui a examiné l'équilibre économique du contrat confronté à des travaux imposés dans l'industrie hôtelière. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion, à travers deux parties (pour la seconde partie cf. N° Lexbase : N6779BTA). I - Actualité jurisprudentielle en matière de baux commerciaux, par Jean-Pierre Blatter

Maître Jean-Pierre Blatter a sélectionné une série d'arrêts rendus dans le courant du premier trimestre 2013 s'interrogeant, au vu du thème de la réunion, sur la question de savoir s'il pouvait y avoir des excès dans les décisions de jurisprudence.

1. L'excès de la théorie de la soumission volontaire (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 9 janvier 2013 n° 10/23525 N° Lexbase : A8424IZZ)

Selon cette théorie, il est possible d'adopter volontairement le statut des baux commerciaux lorsqu'il n'est pas applicable de plein droit, à la condition que ce ne soit pas pour éluder un autre statut applicable à titre d'ordre public.

Dans cette affaire, un locataire réunissait toutes les conditions du droit à la propriété commerciale mais qui n'était pas immatriculé au répertoire des métiers. Pour prétendre au renouvellement de son bail, il faisait donc valoir que les parties avaient volontairement adopté le statut des baux commerciaux. Il ne pouvait évidemment pas être suivi par les juges, la cour d'appel lui répondant, de manière tout à fait pertinente, que le bail commercial qu'il a conclu ne résulte pas d'une soumission volontaire au statut des baux commerciaux, qui n'entraînerait pas alors la nécessité d'être inscrit au répertoire des métiers. En effet, en application de l'article L. 145-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L2327IBS), le statut des baux commerciaux s'applique aux baux dans lesquels un fonds est exploité que soit usage soit commercial, industriel, artisanal ou mixte. S'agissant d'une application légale du statut des baux commerciaux, l'inscription au répertoire des métiers est une condition de renouvellement du bail. Autrement dit, ce locataire, quelle que soit l'application de la théorie de la soumission volontaire, qui connaît évidemment des limites, ne pouvait pas prétendre au renouvellement de son bail.

2. Les excès d'une lecture hâtive d'un texte (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 13 mars 2013 n° 10/16801 N° Lexbase : A6588I9U)

Dans cet arrêt il était question de l'article L. 145-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L5736ISA), tel qu'il a été modifié successivement par la loi du 4 août 2008 (loi n° 2008-776, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR), puis par la loi du 22 mars 2012 (loi n° 2012-387, relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives N° Lexbase : L5099ISN). La loi de modernisation de l'économie avait, en effet, supprimé, de ce texte, la référence aux usages locaux concernant la date du congé, l'alinéa 1er de l'article L. 145-9 du Code de commerce dans sa version issue de la "LME" prévoyant alors que ce dernier devait être donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance. Une lecture quelque peu hâtive de ce texte avait conduit un certain nombre de locataires, à l'occasion d'échéances triennales, à délivrer des congés non pas pour le troisième anniversaire de leur bail mais pour le dernier jour du trimestre suivant.

La loi du 22 mars 2012 a réparé la rédaction défaillante de l'article L. 145-9 issue de la loi du 4 août 2008, pour distinguer le congé à l'échéance contractuelle de celui en période de tacite prolongation, ces dernier devant être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.

Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 13 mars 2013, le troisième anniversaire du bail se "fêtait" le 16 septembre 2009. Or le preneur a fait délivrer au bailleur, par acte du 23 mars 2009, un congé pour le 30 septembre 2009. Etaient donc applicables les dispositions de l'article L. 145-9 dans sa version issue de la "LME". La cour d'appel applique ici une solution qui sera celle consacrée ultérieurement par la loi du 22 mars 2012 : les dispositions combinées des articles L. 145-4 (N° Lexbase : L0803HPG) et L. 145-9 du Code de commerce impliquent qu'un délai de 6 mois de la date de délivrance du congé à la date d'expiration contractuellement prévue, quand elle est distincte de celle du trimestre civil, doit être toujours au moins respecté. Dès lors, en l'espèce, la période triennale expirant, le 16 septembre 2009, le congé devait être donné six mois avant, soit le 16 mars 2009. Aussi, le congé donné le 23 mars est donc nul et n'a pas produit effet.

3. L'excès de confiance dans une clause résolutoire (Cass. civ. 3, 6 mars 2013, n° 12-12.200, FS-D N° Lexbase : A3159I9U)

Cet arrêt opère un intéressant rappel sur l'objet et la portée d'une clause résolutoire, les choses pouvant apparaître évidente au regard du bon sens et ne pas l'être au regard de l'application de la règle de droit.

Dans cette affaire, un immeuble est donné à bail pour y exploiter un fonds de commerce de café, articles de fumeurs, journaux, papeterie, débit de tabac. Le bailleur fait délivrer aux preneurs un commandement, visant la clause résolutoire, de cesser les activités de petite restauration, vente de confiserie, cartes téléphoniques, jeux de la Française des jeux, non prévues au bail. Les preneurs ont alors assigné la bailleresse en nullité de ce commandement, celle-ci demandant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire. La procédure de constatation de la clause n'aboutira pas, alors même que l'on est en présence d'une infraction caractérisée qui certainement aurait permis au bailleur d'obtenir gain de cause s'il s'était agi d'un action en résiliation judiciaire. Mais, au regard de la clause résolution, tel n'est pas le cas : en effet, cette clause visait le défaut de paiement des loyers, de ses accessoires ainsi que le manquement à des conditions énumérées au bail et, parmi ces conditions, ne figurait pas le respect de la destination des lieux. Dès lors, la clause résolutoire ne pouvait être mise en oeuvre.

Jean-Pierre Blatter précise, qu'il n'est toutefois pas nécessaire dans la clause résolutoire de faire un catalogue de toutes les infractions contractuelles sanctionnées par elle, sauf à reproduire de nouveau l'ensemble des clauses et conditions du bail. Mais, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 6 mars 2013, il n'était pas mentionné que le locataire devait exercer cette activité à l'exclusion de toute autre, qu'il ne pouvait pas ajouter une activité complémentaire sans l'accord du propriétaire. Le même problème se présentera souvent en matière de cessation d'activité, dans la mesure où de nombreux baux, pour la plupart anciens ne contiennent pas d'obligation d'exploiter. Il n'est donc pas possible, dans ce cas, de faire une sommation visant la clause résolutoire d'avoir à exploiter. En revanche, ces baux contiennent presque systématiquement une obligation de garnir. Or, en cas de cessation d'activité, en général cette obligation n'est pas respectée, de sorte qu'il est possible de faire sommation d'avoir à garnir et ainsi passer outre l'absence de clause imposant au preneur d'avoir à exploiter.

4. L'excès de silence contractuel

- L'excès de silence contractuel et le sort du bail à palier lors de son renouvellement (Cass. civ. 3, 6 mars 2013, n° 12-13.962, FS-P+B N° Lexbase : A3072I9N)

Cet arrêt du 6 mars 2013 qui casse un arrêt d'appel de Paris de novembre 2011 (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 9 novembre 2011, n° 10/00962 N° Lexbase : A0881H4E), qui avait pu paraître singulier au regard de la jurisprudence, est relatif au bail à palier et plus particulièrement à son sort au moment du renouvellement. Pendant longtemps, les juges considéraient qu'une disposition de cette nature faisait définitivement obstacle au plafonnement dans la mesure où le bail modifiait les bases du loyer en cours de contrat. En 2006, la Cour de cassation a opéré un revirement jugeant, d'une part, que le bail à palier ne constituait pas, en tant que tel, un obstacle au plafonnement, et, d'autre part, que le loyer du bail renouvelé devait, en application de la règle de l'article L. 145-34 du Code de commerce (N° Lexbase : L5732IS4), être calculé sur la base du bail initial. La Cour de cassation réitère donc ici sa position qui peut apparaître comme un arrêt de principe et aux termes duquel, pour la fixation du prix du bail renouvelé, la variation indiciaire prévue par l'article L. 145-34 du Code de commerce doit être appliquée au loyer initial acquitté par le preneur lors de la prise d'effet du bail à renouveler, nonobstant la fixation dans le bail expiré d'un loyer progressif par paliers.

Dans la mesure où l'on se situe dans une matière purement contractuelle, Jean-Pierre Blatter invite les rédacteurs de baux à prévoir quel sera le loyer pris en considération dans l'hypothèse du plafonnement et à envisager la question du renouvellement du bail dans l'hypothèse où le loyer serait plafonné.

- L'excès de silence contractuel et les travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif (Cass. civ. 3, 6 mars 2013, n° 11-27.331, FS-P+B N° Lexbase : A3099I9N)

En l'espèce, le propriétaire d'un local à usage commercial dans un immeuble collectif l'avait donné à bail. Le bail stipulait que "le preneur fera son affaire de l'entretien, de la remise en état de toutes réparations de quelque nature qu'elles soient, de même de tous remplacements qui deviendraient nécessaires en ce compris les grosses réparations définies à l'article 606 du Code civil (N° Lexbase : L3193ABU)". Le bailleur avait réclamé paiement de travaux de ravalement, réparations de toiture et remplacement de chaudière collective de l'immeuble au prorata de la surface occupée, puis lui avait délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire. Le locataire a saisi le tribunal de grande instance afin de voir juger ce commandement nul et de voir le bailleur débouté de ses prétentions. Condamné par les juges du fond au paiement des sommes réclamées (CA Reims, 13 septembre 2011, n° 10/01742 N° Lexbase : A7096H39), le preneur s'est pourvu en cassation. La décision est censurée. Au visa des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1754 (N° Lexbase : L1887ABI) du Code civil, la Cour de cassation énonce que la cour d'appel ne pouvait sans statuer ainsi sans constater que des stipulations expresses du contrat de bail commercial mettaient à la charge de la locataire les travaux de ravalement, de toiture et de chauffage collectif. En d'autres termes, de telles charges incombent au propriétaire sauf stipulations expresses du contrat de bail commercial.

Cette solution est à rapprocher de celle de deux autres arrêts rendus récemment par la troisième chambre civile. Ainsi, dans un arrêt récent en date du 13 juin 2012 (Cass. civ. 3, 13 juin 2012, n° 11-17.114, FS-P+B N° Lexbase : A8900INX), elle a précisé que, s'agissant d'un bail commercial, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne peut être mis à la charge du preneur qu'en vertu d'une stipulation contractuelle, alors que l'on aurait pu penser que cette taxe, à l'instar de ce qui est prévu pour les baux d'habitation faisait partie des taxes récupérables au titre des services dont profite le locataire. De même, elle a retenu, le 3 octobre 2012 (Cass. civ. 3, 3 octobre 2012, n° 11-21.108, FS-P+B N° Lexbase : A9645ITE), que les charges de chauffage collectif ne sont pas récupérables, dès lors notamment que l'on ne peut inférer du bail que l'on se réfère aux dispositions du décret du 26 août 1987 (décret n° 87-713 N° Lexbase : L9706A9D), la Cour affirmant très clairement que "le décret du 26 août 1987 ne peut être appliqué à un bail commercial qu'à la condition que les parties soient convenues de lui soumettre la détermination des charges locatives".

5. L'excès d'économie de mots de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 3 octobre 2012, n° 11-17.177, FS-P+B+R N° Lexbase : A9680ITP)

Dans son arrêt du 3 octobre 2012, la Cour de cassation, cassant un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, à la suite du revirement du 4 novembre 2009 qui avait décidé que les intérêts sur les loyers fixés judiciairement ne pouvaient commencer à courir qu'à compter de la décision de justice, adopte une solution qui n'est pas pleinement satisfaisante. Elle énonce, en effet, et ce en application de l'article 1155 du Code civil (N° Lexbase : L1257AB8), que les intérêts moratoires attachés aux loyers courent, en l'absence de convention contraire relative aux intérêts, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer par le seul effet de la loi. Selon Jean-Pierre Blatter, la Cour de cassation a abandonné sa jurisprudence immédiatement antérieure afin, d'abord, d'empêcher les manoeuvres dilatoires des locataires, puisque tant qu'aucune décision de justice n'était rendue, les locataires ne devaient pas les intérêts sur les arriérés de loyers. Mais elle a voulu aussi dissuader les bailleurs de traîner dans les procédures sans ne jamais saisir le juge. Or, la Cour ne précise pas ce qu'il faut entendre par "demande en fixation du nouveau loyer". Dans une procédure de renouvellement, est-ce le congé, le mémoire, ou l'assignation ? Dans une procédure en révision, est-ce la demande de révision, le mémoire, ou l'assignation ?

La cour d'appel de Paris s'est rapidement inclinée devant cette jurisprudence et a rendu un arrêt allant dans ce sens dès le 31 octobre 2012, précisant que la demande en fixation du nouveau loyer correspond à l'assignation (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 31 octobre 2012, n° 11/01173 N° Lexbase : A2674IWX). Après quelques hésitation durant le quatrième trimestre 2012, au cours duquel elle a pu décider que les intérêts couraient à compter du mémoire, elle est revenue, à la faveur d'un arrêt rendu le 6 mars 2013 (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 6 mars 2013, n° 11/08834 N° Lexbase : A1248I94), à sa première position, plus orthodoxe, jugeant très clairement que les intérêts au taux légal courront sur les arriérés de loyers dus à compter de la demande en justice -c'est-à-dire l'assignation- et seront capitalisés année par année dans les conditions de l'article 1154 du Code civil (N° Lexbase : L1256AB7).

Jean-Pierre Blatter apporte toutefois une petite réserve à la position adoptée par les juges parisiens : les intérêts moratoires attachés aux loyers courent du jour de la demande en fixation du nouveau loyer, laquelle correspond à l'assignation à la condition qu'elle soit postérieure à la date de renouvellement du bail. En effet, des intérêts ne peuvent pas courir sur un loyer fixé ultérieurement.

Jusqu'à présent, il était exigé que les intérêts soient dus sur le fondement de l'article 1155 du Code civil (N° Lexbase : L1257AB8) et qu'ils soient capitalisés sur celui de l'article 1154 du même code. Le tribunal de commerce de Paris a rendu au moins deux décisions, le 21 décembre 2012 et le 15 janvier 2013, dans lesquelles il a retenu qu'il ne peut pas y avoir de cumul entre les articles 1154 et 1155 du Code civil, les juges consulaires estimant qu'il résulte de ces textes, et en particulier de l'utilisation de la conjonction "néanmoins", que l'article 1155 constitue une dérogation aux règles de l'article 1154. Pour Jean-Pierre Blatter, il s'agit là d'une question à suivre avec la plus grande attention, bien que le montant du taux d'intérêt légal pour 2013 (0,04 %) en limite les enjeux !

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Baux commerciaux

[Chronique] L'excès en bail commercial - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris du 27 mars 2013 (seconde partie)

Lecture: 34 min

N6779BTA

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par Vincent Téchené, rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

Le 25 Avril 2013

La sous-commission "Baux commerciaux" de la Commission ouverte de droit immobilier du barreau de Paris tenait, le 27 mars 2013, sous la responsabilité de Gilles Hittinger-Roux, une réunion sur le thème "L'excès en bail commercial". Après une présentation, par Maître Jean-Pierre Blatter, avocat, professeur des Universités associé (CNAM), spécialiste en droit immobilier et Chartered Surveyor (Frics), de l'actualité jurisprudentielle des derniers mois en matière de baux commerciaux, le thème de la réunion a été abordé successivement par Maître Gilles Hittinger-Roux, qui a exposé ses réflexions sur l'excès en droit civil à travers la thèse du Professeur David Bakouche (excusé), Maître Jehan-Denis Barbier, avocat à la Cour, qui a envisagé la problématique du "contrat prévu", et Maître Pascale Bernert, avocat à la Cour, qui a examiné l'équilibre économique du contrat confronté à des travaux imposés dans l'industrie hôtelière. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion, à travers deux parties (pour la première partie cf. N° Lexbase : N6778BT9). II - L'excès et les baux commerciaux
  • L'excès en droit civil, par Gilles Hittinger-Roux sur les travaux de Monsieur le Professeur David Bakouche (excusé)

L'exposé de Gilles Hittinger-Roux s'est articulé autour de trois questions :
- Quelle est la définition de l'excès ?
- Existe-t-il un principe général de l'excès ?
- Dans quel domaine peut-on identifier l'excès ?

1 - Existe-t-il une définition de l'excès ?

Il est impossible de donner une définition juridique précise de l'excès. Cette notion renvoie elle-même à d'autres notions dont il est possible de l'apparenter. Ce qui est excessif est habituellement ce qui est à l'extérieur d'une norme, ce qui est démesuré, exagéré, ou encore exorbitant. Ainsi, l'excès doit être considéré comme synonyme d'une démesure objective dont il faut apprécier l'écart entre l'état d'un fait et la normalité.

Pour autant, la notion est facile à comprendre et elle est même vécue au quotidien par tous. L'excès scande nos vies et, par conséquence, nous tentons de lutter en permanence contre celle-ci. L'excès de vitesse, l'excès d'alcool, de tabac, d'exposition au soleil. Toutes ces situations sont mortifères. Pour autant, l'excès de modération n'est-il pas signe de l'ennui comme le rappelait Madame Michelle Gobert dans la préface de la thèse de David Bakouche.
Un respect peu scrupuleux de la limitation de vitesse sur autoroute entraîne une réduction de l'attention du conducteur, voire même un état de somnolence. Il n'est pas certain d'ailleurs que si Balzac n'avait bu que du Coca-Cola, il aurait pu rédiger autant de lignes et nous donner d'aussi bons romans.
Une appréciation identique peut être faite à l'égard de Baudelaire et de ses poèmes ou du Comte de Lautréamont s'agissant de certaines substances.
Aujourd'hui, les baux commerciaux évoluent dans la sphère des opérations de commerce complexes et risqués tant pour les investisseurs fonciers que par les enseignes de commerces. En permanence, dans une stratégie capitalistique, des positions sont prises par l'une ou l'autre des parties avec fréquemment des attitudes proches de positions dominantes ou à tout le moins dans des rapports de dépendance.
Le droit des contrats a pour objectif de rechercher des équilibres. Le rôle du juge est ici fondamental puisque c'est auprès de ce magistrat que l'on se tournera afin qu'il identifie et vérifie éventuellement l'équilibre entre les parties.
Ne pas être en mesure de définir la notion d'excès n'est pas dirimant. Le Doyen Cornu relève que dans le droit français il existe de nombreuses expressions qu'il qualifie de notions cadre. Ces notions ont une valeur intrinsèque en elles-mêmes et sont perçues par chaque individu avec une valeur souvent commune. Il en est notamment ainsi du bon père de famille, de la bonne foi, ou encore de l'intérêt de l'enfant.
Il appartient aux magistrats de définir en permanence le contenu.
Le bon père de famille va-t-il disparaître au profit de la bonne mère de famille, ou même des bons parents ?

2 - L'excès est-il un principe général du droit ?

Selon le Doyen Ripert, le principe général du droit est celui qui est établi par un nombre indéterminé d'actes ou de faits. C'est en fait une série indéfinie d'application. Alors savoir si l'excès est un principe général du droit relève finalement de l'office du juge. Un concept juridique n'existe en tant que principe juridique que s'il a été qualifié en tant que tel par le juge. Or, concernant l'excès, la réponse est pour l'instant négative ou, pour autant, pas encore totalement positive si le législateur ne l'a pas expressément visé. Très peu de décisions jurisprudentielles se fondent en effet sur cette notion. Pour autant, il est vraisemblable que sur des principes moraux ou de justice distributive la notion d'excès pourrait être un sous-ensemble d'un autre principe général du droit.

Il appartient donc aux avocats et aux juristes de faire valoir cette nouvelle mention auprès des magistrats afin que ces derniers puissent prendre des décisions sur ce fondement.

En tout état de cause, il faut retenir l'excès comme une évolution notable du droit civil contemporain. Depuis quelques années, il existe une profonde mutation du système juridique et il convient de poursuivre les incidences sur la théorie générale du droit. Il est certain qu'apparaît une influence forte des contrats spéciaux tels que ceux du droit de la consommation, de la concurrence qui, précisément, sont mis en exergue par la sanction de l'excès. Peut-être que ces derniers serviront de modèle au droit commun.

3 - Le recensement de l'excès

Le recensement de l'excès dans les textes

Ainsi, au cours des cinquante dernières années, de nombreux textes ont permis aux magistrats de réduire, de supprimer, de corriger les engagements qui auraient été pris par l'une ou l'autre des parties.

S'il est en vrai qu'en 1804 il existait une présomption d'égalité des individus, de nos jours la présomption est plutôt d'inégalité, si bien que le législateur souhaite rétablir l'égalité, l'équilibre ou la proportionnalité quand ce n'est pas instaurer la fraternité.

. La loi du 13 juillet 1965 (loi n° 65-570 N° Lexbase : L8190AI8) écarte-t-elle toute solidarité entre époux lorsque l'un d'eux a souscrit des dépenses "manifestement excessives" au sens de l'article 220, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L2389AB4), susceptible de menacer l'équilibre financier d'un ménage.
Il faut d'ores et déjà noter que l'abus, la déloyauté, la mauvaise foi, sont bien souvent à l'origine de l'excès et en constitue, d'une certaine manière, la cause efficiente. Cependant, le Magistrat ne recherchera pas la cause éventuelle de l'excès, mais il effectuera une appréciation objective de cet excès.

. La loi de 1968 (loi n° 68-5 N° Lexbase : L8081HUT) sur la protection des majeurs (C. civ., art. 491-2 N° Lexbase : L3052ABN et 510-3 N° Lexbase : L3086ABW) permet d'écarter des actes qui ne sont pas pris dans l'intérêt de ceux-ci ou qui paraissent tout à fait excessifs. Le tiers contractant aura vraisemblablement abusé de la faiblesse de l'incapable ou en tout état de cause il y aura une présomption d'un tel excès.

. La loi de 1975 (C. civ., art. 1152, alinéa 2, N° Lexbase : L1253ABZ) était l'un des textes certainement le plus discuté. Il portait sur la révision de la clause pénale. En effet, la doctrine traditionnelle considérait qu'il était impossible aux juges de s'insérer dans un rapport contractuel et de le remettre en cause.
Les arguments développés portaient sur l'absence de sécurité juridique, laquelle suppose un niveau de prévisibilité. Certains de la doctrine avaient qualifié le texte comme étant l'exemple de la grande peur de "l'aléa judiciaire". Ce sentiment d'aléa était d'autant plus marqué par l'emploi d'une notion à contenu variable tel que "l'excès".

Pour autant, de grands noms étaient foncièrement contre ces clauses pénales qualifiées d'injustes :
- Bruno Boccara y voyait "des clauses choquantes et léonines" ;
- pour Philippe Malaurie "la clause pénale a souvent donné lieu à des abus, soit qu'elle fut dérisoire, soit surtout qu'elle fut excessive" ;
- Jean Carbonnier évoquait la notion de "tyrannie";
- et pour Denis Mazeaud, il s'agissait de "terrorisme contractuel".

Finalement, la loi du 9 juillet 1975 permet aux magistrats, concernant les clauses pénales, même d'office, "de modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire" (C. civ., art. 1152, alinéa 2 [LXB=L1253ABlZ]) par ce texte régulièrement utilisé par les magistrats ; la notion d'excès a trouvé ses grandes lettres de noblesse.

. La loi du 10 janvier 1978, sur les clauses abusives (loi n° 78-23 N° Lexbase : L4196ITL, mais plus encore celle du 1er février 1995 (loi n° 95-96 N° Lexbase : L2605DY7) (C. consom., art. L. 132-1 N° Lexbase : L6710IMH) s'est inscrite dans la même philosophie.  
L'ancien article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3301DAI) considérait comme abusives "les clauses imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de puissance économique" du professionnel conférant à celui-ci un "avantage excessif". Le nouveau texte issu de la réforme de 1995 caractérise les clauses abusives comme "ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat".
La modification est essentielle. Avant la réforme de 1995, la qualification de clause abusive supposait la réunion des deux éléments unis l'un à l'autre par un lien de causalité :
- l'abus de puissance économique, critère personnel ou subjectif tenant au comportement de l'un des contractants était relatif à l'origine de la clause ;
- l'avantage excessif critère matériel ou objectif concernant l'effet de celle-ci.

En fait, il fallait rapporter la preuve de l'abus par le demandeur. 
Depuis 1995, l'abus a disparu des critères d'identification des clauses visées par l'article L. 132-1. L'avantage excessif se muant en déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le législateur a ainsi substitué à la notion d'"avantage excessif" à celle de "déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat". Il est possible de penser que le "déséquilibre significatif" suppose de tenir compte de l'équilibre général du contrat et implique une appréciation "in concreto".

Sous l'empire de la loi de 1978, le caractère excessif de la clause était apprécié en lui-même, abstraction faite de l'économie du contrat. Le juge peut donc désormais uniquement examiner l'effet de la clause sur l'équilibre contractuel, sans se préoccuper de la clause du déséquilibre.

. Au fil des années, l'excès s'est largement décliné en droit bancaire et droit des sûretés, domaines dans lesquels il occupe une place importante avec les notions de crédit excessif ou de cautionnement manifestement disproportionné.
En effet, à l'origine prévue à l'article L. 313-10 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6786ABX), inséré par la loi du 26 juillet 1993 dans le Code de la consommation reprenant ainsi les dispositions de la loi "Neiertz" du 31 décembre 1986, ces dispositions furent reprises en droit commun pour la jurisprudence, pour y être finalement consacrées par le législateur (C. consom., art. L. 341-4 du Code de la consommation N° Lexbase : L8753A7C, issu de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 N° Lexbase : L3557BLC).
C'est sur le même fondement de la lésion que le Code de la consommation a reconnu le pouvoir souverain au juge du fond, de réduire le prix de cession des offices ministériels s'il est excessif (Cass. Req. 11 juin 1890) et les rémunérations excessives des mandataires et agents d'affaires indiquent, par un arrêt de principe en date du 12 janvier 1863 que les juges du fond avaient "le droit et le devoir de rechercher le rapport de l'importance des soins, démarches et peines des mandataires avec l'importance de la rémunération convenue, et de la réduite dans le cas où elle paraîtrait excessive".
Cette décision a été régulièrement reprise et étendue aux honoraires des notaires, des avocats, des experts comptables aux généalogistes,...

. D'autres textes existent, eux, depuis toujours et ne sont pas directement issus de ce mouvement récent de développement de la notion d'excès dans notre droit. Il s'agit notamment des dispositions en matière de lésion où le législateur a fixé un seuil.
L'article 887, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L0027HPP) prévoit ainsi que le partage est lésionnaire "lorsqu'un des héritiers établit, à son préjudice, une lésion de plus du quart". De même, en matière de vente immobilière, selon l'article 1674 (N° Lexbase : L1784ABP), le prix de l'immeuble est lésionnaire "ni le vendeur a été lésé de plus de sept douzième", c'est-à-dire s'il reçoit moins des cinq douzième de la valeur de l'immeuble.

Le recensement de l'excès dans la jurisprudence

L'une des meilleures illustrations quant au refus de toute considération subjective tenant au comportement d'un individu relève de la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage. En effet, il n'est fait aucune analyse du comportement de l'individu, mais le fondement de la responsabilité en la matière réside dans l'anormalité ou le caractère excessif du trouble. Ce principe de responsabilité est ancien : il date d'un arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 1844 rendu au visa des articles 544 (N° Lexbase : L3118AB4) et 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) du Code civil.

Dans un premier temps, cet arrêt a été rattaché à la responsabilité. L'exercice d'un droit peut constituer une faute si le titulaire du droit, tout en restant dans les limites légales apparentes de celui-ci, l'exercice dans des conditions abusives. Mais la preuve d'une faute par son auteur était introuvable, à moins de présupposer une obligation de ne pas troubler son voisin dans l'exercice de son droit. Finalement, dans un arrêt du 4 février 1971 (Cass. civ. 3, 4 février 1971, n° 69-12.528 N° Lexbase : A9758CE7, Bull. civ. III, n° 179 et n° 180), la Cour de cassation détache la faute de la responsabilité pour trouble de voisinage en consacrant une responsabilité purement objective.
Le sens de ces jurisprudences est que les inconvénients liés au voisinage doivent être supportés jusqu'à une certaine limite, parce qu'ils sont inhérents à la vie en société.

Au-delà d'un certain seuil, la responsabilité sera engagée, même en l'absence de faute de l'auteur du trouble, parce que la gêne devient intolérable et ne peut plus être justifiée par des relations de voisinage.

Il y a bien une distinction entre :
- l'usage abusif des droits ;
- et le seuil de tolérance lié au voisinage.

Le détachement progressif de l'appréciation de l'anormalité du trouble des notions de faute et d'abus est extrêmement révélateur de la prise de conscience des Juges de l'autonomie de la notion d'excès par rapport à des notions éminemment subjectives qui supposent, pour les caractériser, une véritable investigation psychologique.

. Aussi, il est possible d'effectuer une première conclusion permettant d'établir qu'il y a une réelle indépendance entre les notions d'abus et de faute d'une part, et de l'excès d'autre part. 
Il y a donc délaissement des notions subjectives au profit de seules considérations objectives dans l'appréciation de l'excès. Pour la partie débitrice, plus encore pour le juge, seul compte le caractère excessif. La cause, l'abus, la faute éventuelle demeurent indifférents à toute appréciation par le juge.
En d'autres termes, en passant par "l'excès", la preuve pour le débiteur sera grandement facilitée et donc corrélativement, l'appréciation de la sanction.

. Souvent, l'excès trouve sa cause dans le comportement répréhensible ou blâmable d'un individu.
La mauvaise foi serait un critère idéal pour assurer la qualification de l'excès. Toutefois, il existe les dispositions essentielles du droit civil en cette matière et notamment 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1135 (N° Lexbase : L1235ABD) du Code civil. Ainsi, en matière de dette ménagère, la bonne foi et la mauvaise foi sont intégrées dans le texte (C. civ. art. 220, alinéa 2 N° Lexbase : L2389AB4). Les dépenses du ménage s'apprécient "eu égard au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne foi ou mauvaise foi du tiers contractant".
Cependant, la bonne foi ou la mauvaise foi n'est pas un critère d'appréciation du caractère excessif. Ce n'est qu'au stade de la mise en oeuvre de la sanction de l'excès que la question de savoir si le tiers est ou non de mauvaise foi.

. La seconde conclusion est donc de permettre au juge, sans qualifier le comportement de l'une ou l'autre des parties, de maintenir le rapport contractuel en réduisant son champs ou certaines des obligations prévues au contrat.
L'excès se veut être une notion résolument objective détachée à toute appréciation comportementale, elle est aussi indifférente à la morale. En ce sens, l'excès serait facile à appliquer en matière de loyer pour les baux commerciaux et ne blessera personne.
A titre d'exemple, l'excès pourrait être utilisé dans le cadre d'une nouvelle notion qui a semblé voir le jour ces dix dernières années : celle du taux d'effort. Les bailleurs ont souhaité revaloriser leurs prétentions en matière de loyer par le rapprochement le chiffre d'affaires réalisé avec le loyer payé. Le pourcentage ainsi dégagé constituerait le taux d'effort. Chaque fois que le loyer payé serait faible au regard du chiffre d'affaires, le bailleur devrait nécessairement augmenter le loyer. Or, aujourd'hui compte tenu de la dégradation de la situation économique et alors que les loyers demeurent constants, le taux d'effort tend à devenir excessif (entre 15 et 40 % du chiffre d'affaires). Aussi, pour Gilles Hittinger-Roux, se pose la question de savoir s'il faut utiliser ce type de mécanisme pour reprendre les clauses financières des loyers, et ce en dehors même des révisions classiques fondées sur les articles 148 et suivants du Code de Commerce. Une telle solution permettrait de répondre rapidement à la situation économique et éviter la perte de points de vente et d'emploi. Par ailleurs, les modifications des conditions de loyer s'effectueraient en dehors des comportements des locataires et des bailleurs. En aucune manière, le bailleur ne pourrait être inquiété par des baisses de loyer qui pourraient être qualifiées de soutien abusif.

Pour l'intégralité de ces développements, il vous est proposé de vous reporter à l'excellente thèse publiée aux Editions LGDJ par Monsieur David Bakouche, préfacée par Michelle Gobert (n° 432).

  • L'excès de contrat, par Jehan-Denis Barbier

L'excès est une notion relative : ce qui paraît excessif aujourd'hui, ne le paraissait pas il y a trente ans. Ce qui paraissait excessif il y a trente ans n'est plus ressenti comme tel aujourd'hui. L'excès a pour mesure ce qui paraît normal à la société, à un moment donné. Il est donc historiquement relatif. Tout dépend des limites posées par la société à un moment donné, de l'état d'esprit, de l'ambiance du moment. 

Le droit des baux commerciaux offre un bon exemple de ce relativisme : qu'est-ce qui est excessif, la réglementation ou le contrat ?

Dans les années 80-90, l'opinion était quasiment unanime pour critiquer l'excès de réglementation du statut des baux commerciaux. Aujourd'hui, la réglementation est admise, les critiques se focalisant sur l'excès de contrat, au vu du volume qu'ont pris les baux commerciaux.  Ainsi, dans les années 80-90, doctrine et jurisprudence était unanime pour considérer que la réglementation en droit des baux commerciaux était excessive, les critiques se dirigeant, essentiellement, en direction du plafonnement, du statut lui-même et des prix judiciaires.

Critique du plafonnement

Le professeur Derruppé a pu ainsi écrire que "la règle du plafonnement est un mal qui empoisonne le statut des baux commerciaux". Pour François Robine, "le plafonnement est si pervers que personne n'ose le défendre". Il était alors considéré comme une règle anti-économique, inéquitable, source de litiges, dépourvue de sens. Cette unanimité se traduisait même au sein de la Cour de cassation dont le rapport de 1999, contenait une étude de Madame Fossaert Sabatier, selon laquelle "il est possible de discerner dans la jurisprudence récente une tendance à l'élargissement des hypothèses d'exclusion de la règle du plafonnement". C'est dans ce contexte que la Cour de cassation a rendu un arrêt important le 13 juillet 199^9 (Cass. civ. 3, 13 juillet 1999, n° 97-18.295, N° Lexbase : A8130AG9), dans lequel elle avait jugé que la modification des facteurs locaux de commercialité n'avait pas à être favorable pour entraîner le déplafonnement dès lors qu'elle était notable. Elle avait également retenu que l'addition de plusieurs petites modifications, chacune d'elles étant insuffisante par elle-même, pouvait néanmoins constituer la modification notable autorisant le déplafonnement (Cass. civ. 3, 2 décembre 1998, n° 97-12.138, N° Lexbase : A6398AG3). Cette jurisprudence est aujourd'hui abandonnée.

Critique du statut

Dans les années 80-90, le statut des baux commerciaux était largement décrié. En témoigne, par exemple, l'organisation par Madame le Professeur Françoise Auque, en 1999, d'un colloque intitulé "Faut-il supprimer le statut des baux commerciaux ?". Ce statut était considéré comme excessivement protecteur du locataire. Les loyers apparaissaient sous-évalués et l'indemnité d'éviction surévaluée.

Critique des prix judiciaires

Dans les années 80-90, l'écart entre les prix judiciaires et prix de marché était considéré comme néfaste. Le marché, quant à lui, était vu comme le lieu de la vérité (vérité des prix) et de la liberté.

Aujourd'hui, l'état d'esprit et le contexte ont totalement changé. Après la première crise des années 1994-1997, puis la crise actuelle, les critiques pointent désormais un excès de contrat. Le marché n'est plus le lieu de la vérité mais celui de l'excès, il n'est plus le lieu de la liberté mais la cause des déséquilibres et de l'instabilité.
En outre, la règlementation n'est plus véritablement considérée, même pas les propriétaires, comme excessive. Ceci a pu notamment se remarquer lors de la mission "Pelletier" en 2004, mise en place pour étudier la nécessité d'une reforme du droit des baux commerciaux, dans le cadre de laquelle les propriétaires n'ont pas demandé pas la suppression du statut. L'immobilier commercial s'est, en outre, largement développé ces trente à quarante dernières années dans ce cadre, la réglementation ayant, au contraire, accompagné ce développement. Les propriétaires ne critiquent plus le plafonnement ; ils le demandent.

Le contrat est donc, aujourd'hui, considéré comme excessif. Il contient un nombre excessif de clauses et de pages. Le Professeur Françoise Auque, dans le cadre d'un article sur les baux dans les centres commerciaux, a même démontré que ces derniers sont de vrais contrats d'adhésion déséquilibrés dans lesquels les clauses ne sont pas négociables. La doctrine parle ainsi de "contrat-contrainte", conçu non pour régir de façon équilibrée les relations des parties, mais pour assurer la domination du bailleur et la soumission du preneur. 
Ce caractère excessif a été également évoqué dans le cadre de la mission "Pelletier", le rapport qui en fut issu mentionnant que "la rédaction actuelle de certains baux, inspirée parfois de pratiques anglo-saxonnes, se caractérise par la longueur du contrat et la densité de ses stipulations. Les locataires évoquent de véritables contrats d'adhésion et se plaignent du corps excessif des obligations mises à leur charge".

Cet excès de contrat n'est pas expressément sanctionné dans la loi (1) mais peut être rééquilibré par le juge (2).

1 - L'absence de sanction expresse par la loi

En matière des baux commerciaux, il n'y a pas de réglementation des clauses abusives ou des clauses excessives, comme en droit des baux d'habitation. Les articles L. 145-15 (N° Lexbase : L5743AIK) et L. 145-16 (N° Lexbase : L5763ISA) du Code de commerce frappent de nullité les clauses contraires au droit au renouvellement, à la durée du bail, à la déspécialisation, aux révisions légales, au droit de céder le fonds de commerce... Les clauses nulles sont donc celles qui portent atteinte à la propriété commerciale, mais non les clauses excessives.

Une clause nulle n'est pas nécessairement excessive. Ainsi, la clause d'enseigne est-elle jugé nulle par la Cour de cassation comme portant atteinte à la propriété commerciale (Cass. civ. 3, 12 juillet 2000, n° 98-21.671 N° Lexbase : A9125AG3). Une telle clause n'est pas en soi excessive ; il est, en effet, tout à fait, compréhensible que le propriétaire d'un centre commerciale souhaite conserver des enseignes notoires et organiser la commercialité. Cette nullité est donc sans aucun rapport avec l'excès. De même la clause d'association, imposant au locataire d'adhérer à l'association de commerçant du centre commercial a été déclarée nulle par la Cour de cassation, sur le fondement de la liberté d'association, la notion d'excès étant ici tout aussi étrangère (Cass. civ. 3, 12 juin 2003, n° 02-10.778, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A7273C8U ; Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-17.587, FS-P+B+I N° Lexbase : A7510IQ9). Il en est également ainsi de la nullité de la clause prévoyant un congé par lettre recommandée (Cass. civ. 3, 5 novembre 2003, n° 01-17.530, FS-P+B N° Lexbase : A0655DAI).

Inversement, la clause excessive n'est pas nécessairement nulle. Ainsi, la clause transférant au locataire l'intégralité des charges (pour les charges de chauffage, cf. Cass. civ. 3, 3 octobre 2012, n° 11-21.108, FS-P+B, préc.), des taxes (pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, cf. Cass. civ. 3, 13 juin 2012, n° 11-17.114, FS-P+B, préc.) des travaux (par ex., Cass. civ. 3, 6 mars 2013, n° 11-27.331, FS-P+B, préc.) bien qu'elle puisse paraître parfaitement excessive, n'est pas frappée de nullité si elle bien rédigée. Egalement, ne sont pas nulles les clauses d'interdiction imposant au locataire l'accord du propriétaire pour toute une série de démarches, pourtant nécessaires à l'exploitation de son activité, telle que celle qui suppose l'autorisation du bailleur pour effectuer des travaux imposés par un service de contrôle. De même, les clauses de contrôle et d'investigation, notamment dans les centres commerciaux, qui permettent au bailleur de vérifier la comptabilité, le chiffre d'affaires du locataire, s'il s'est acquitté de ses obligations auprès de l'URSSAF, etc., et qui sont assurément excessives, n'en sont pas moins valables.

2 - Le rééquilibrage par le juge

Le juge, par nature modéré, sera donc sollicité pour rééquilibrer le contrat et combattre ainsi les excès du contrat et du marché. Deux types de clause peuvent illustrer ce propos.

Il s'agit, d'abord, des clauses mettant à la charge du preneur des charges exorbitantes. Ainsi, aux termes de l'article R. 145-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L0046HZQ), "les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative". Pour fixer la valeur locative, le juge va donc appliquer un abattement tenant compte des charges exorbitantes mises à la charge du preneur.

Ainsi, dans un arrêt du 30 novembre 2011, la cour d'appel de Paris a retenu que "l'impôt foncier pèse en principe sur le bailleur et l'allégation que l'usage en centre commercial est de faire supporter par le preneur la charge de l'impôt foncier est inopérante dès lors qu'un tel usage, à le supposer établi, ne peut contrevenir à une disposition claire de la loi [...]. Il convient en conséquence d'approuver le premier juge en ce qu'il a déduit le montant de l'impôt foncier de la valeur locative" (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 30 novembre 2011, n° 10/05085 N° Lexbase : A2352H3I).

Egalement, le 3 avril 2012, la cour d'appel d'Angers a jugé que "les travaux de mise aux normes et l'impôt foncier incombant normalement au bailleur, c'est à juste titre que [le preneur] demande qu'ils viennent en déduction de la valeur locative. La circonstance que de telles clauses figurent habituellement dans les baux relatifs à ce type de locaux implantés dans des zones commerciales est indifférente, les obligations particulières mises à la charge du preneur s'appréciant par rapport à la loi" (CA Angers, 3 avril 2012, n° 09/04378 (N° Lexbase : A0875IIA).

Le juge, par le biais de l'article R. 145-8 du Code de commerce, va donc rééquilibrer le contrat, puisque tout ce que le propriétaire gagne d'un coté en application des clauses exorbitantes, il le perd de l'autre, par l'application d'un abattement.

Il s'agit, ensuite, des clauses relatives à l'obligation de délivrance. Ces dernières années, la Cour de cassation a rendu de nombreux arrêts fondés sur l'obligation de délivrance, pour limiter la portée de certaines clauses excessives. Selon l'article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL) "le bailleur est obligé, par la nature du contrat [...] de délivrer au preneur la chose louée [...] d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée". C'est une obligation essentielle du contrat sans être pour autant d'ordre public.

Trois arrêts récents, rendus dans le courant de l'année 2013, illustrent l'intervention du juge sur le fondement de l'obligation de délivrance, pour rééquilibrer le contrat.

- Cass. civ. 3, 19 décembre 2012, n° 11-28.170, FS-P+B (N° Lexbase : A1513IZ3)

En l'espèce, avait été donné à bail un ensemble de parcelles en nature de terre, bois et landes, pour y exploiter une activité de parc de chasse. L'activité de parc de chasse est définie à l'article L. 424-3 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L3486ISW) qui impose la présence d'une habitation attenante et d'une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage du gibier et celui de l'homme. Or, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 19 décembre 2012, les lieux loués étaient dépourvus d'une habitation attenante et d'une clôture continue, si bien que le locataire s'était vu opposé l'interdiction d'exploiter. Le preneur avait alors demandé la résiliation du bail aux torts de la bailleresse. Pour rejeter cette demande, la cour d'appel de Nîmes avait retenu que si la destination des biens donnés à bail était celle de parc de chasse, le bail mettait expressément à la charge du preneur la mise en conformité des lieux loués avec les règlements en vigueur ainsi que toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité, de sorte que la clause de non-garantie de l'obtention des autorisations nécessaires à l'utilisation de l'immeuble loué en vue de l'exercice de l'une des activités autorisées était parfaitement licite, les parties ayant la faculté de limiter l'étendue de l'obligation de délivrance du bailleur (CA Nîmes, 29 septembre 2011, n° 09/01354 N° Lexbase : A9026H8S). La décision est censurée au visa de l'article 1719 du Code civil : la cour d'appel a violé ce texte, dès lors qu'aucune clause ne peut décharger le bailleur de son obligation de délivrer une chose conforme à sa destination

- Cass. civ. 3, 31 octobre 2012, n° 11-12.970, FS-D (N° Lexbase : A3352IW3)

Dans cette affaire, la cour d'appel de Douai (CA Douai, 2ème ch., sect. 2, 16 novembre 2010, n° 09/00499 N° Lexbase : A6146GKT) avait retenu que le bail exonère le propriétaire de son obligation de délivrance en bon état comme de son obligation d'entretien et de réparation en cours d'exécution du contrat, y compris pour les grosses réparations et celles résultant de la vétusté. La Cour de cassation censure également cette solution : "les clauses du contrat de bail ne pouvaient décharger le bailleur de son obligation de délivrance d'un local en état de servir à l'usage contractuellement prévu".

- Cass. civ. 3, 31 octobre 2012, n° 11-20.660, FS-D (N° Lexbase : A3357IWA)

Dans cette affaire, la locataire de locaux à usage de café-restaurant, situés dans un centre commercial, se plaignant d'entrées d'air froid dues au mauvais fonctionnement des portes d'accès à ce centre l'empêchant d'exploiter normalement les lieux loués, a assigné la bailleresse en réparation de son trouble de jouissance. La cour d'appel de Rennes avait rejeté la demande du preneur (CA Rennes, 16 mars 2011, n° 09/06450 N° Lexbase : A8854HCW), au motif qu'une clause du bail stipule que le preneur s'interdit tout recours en diminution de loyer du fait de l'interruption dans le fonctionnement des appareils communs , ladite clause rendant sa demande irrecevable. La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel : la clause litigieuse ne décharge pas la bailleresse de son obligation de délivrance et ne prive pas la locataire du droit de demander l'indemnisation de son trouble de jouissance.

Ainsi, à la lecture de ces décisions, Jehan-Denis Barbier relève que, si les juges du fond appliquent les clauses contractuelles, la Cour de cassation prive d'effet les clauses excessives.

  • La valorisation excessive des droits au bail fixés dans le cadre de procédure d'éviction, par Pascale Bernert

A l'issue du bail, le bailleur peut refuser le renouvellement, en application du droit absolu qu'il tire de l'article L. 145-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L5742AII). Il doit alors sauf exception au preneur une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. L'alinéa 2 précise alors que cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. Il en résulte que ce texte pose une présomption de disparition du fonds du fait du non-renouvellement, qui constitue la base sur laquelle le locataire doit être indemnisé. Cette présomption peut être combattue si le bailleur apporte la preuve que le préjudice subi par le locataire est moindre, en démontrant que le transfert du fonds est possible. Mais cette preuve n'est pas évidente à rapporter car il a été jugé que l'acquisition ou la création d'un nouveau fonds de commerce par le locataire ne suffit pas à écarter cette présomption. Ainsi, dans une espèce ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 12 avril 2008, le locataire évincé, qui exploitait précédemment sur une enseigne, avait trouvé de nouveaux locaux et s'était réinstallé avec la même enseigne. Le propriétaire soutenait qu'il y avait bien eu transfert du fonds de commerce. Pourtant, pour la cour d'appel de Montpellier l'exploitation par le preneur d'une nouvelle enseigne identique à la précédente, dans les lieux loués avant l'éviction et la restructuration globale des activités commerciales du locataire évincé sous cette même enseigne ne démontrent nullement que le fonds a été simplement déplacé. L'exploitation d'un commerce de détail dépend de son emplacement. Le preneur évincé était privé d'un emplacement spécifique et peu important le choix par le preneur d'un emplacement différent et de l'exercice d'une activité commerciale un petit peu plus large.

Par conséquent, la première vérification à faire dans chaque contentieux d'éviction va consister à déterminer si le fait pour le preneur de devoir quitter les lieux entraîne ou non la perte du fonds de commerce. Si le refus de renouvellement entraîne la perte du fonds, le bailleur doit régler l'indemnité dite de remplacement qui aura pour assiette la valeur du fonds. Si, au contraire, le fonds de commerce peut être déplacé sans perte de clientèle, le bailleur ne devra régler qu'une indemnité dite de déplacement ou de transfert qui aura pour assiette la valeur du droit au bail. Les indemnités accessoires sont dues dans les deux cas et en particulier les frais de réinstallation pour un fonds de même valeur (Cass. civ. 3 18 décembre 2012 n° 11-23.273, F-D N° Lexbase : A1639IZQ).

Seront donc examinées successivement la valeur de déplacement, puis la valeur de remplacement dans les cas particuliers où le droit au bail est pris en compte comme indemnité principale.

1 - Le droit au bail dans le cadre de la valeur de déplacement

La valeur de déplacement suppose donc que le fonds de commerce peut être transféré. Le bailleur doit établir que l'exploitation peut être poursuivie sans perte significative de clientèle. Ce sera le cas essentiellement pour des grossistes, des locaux industriels, des bureaux, des entrepôts, des commerces de détail de forte notoriété, ou lorsque le commerçant trouve une possibilité de se réinstaller à proximité immédiate. On considère toutefois que le preneur subit un préjudice lié à la perte de l'économie de loyer, le loyer qu'il devra payer pour se réinstaller pouvant être supérieur à celui qu'il paye pour les locaux dont il est évincé. Il s'agit du droit au bail, dont la valeur est déterminée par la capitalisation de la différence sur un an entre la valeur locative des lieux loués et ce qu'aurait été pour le locataire évincé le loyer de renouvellement. Il faut donc identifier plusieurs éléments et en premier lieu ce montant du loyer de renouvellement ce qui impose de vérifier si ce dernier aurait été plafonné ou déplafonné. Il convient ensuite d'évaluer la valeur locative des lieux loués hors du plafonnement. Se pose dès lors la question de savoir s'il s'agit d'une valeur locative de renouvellement déterminée en fonction de l'article L. 145-33 du Code de commerce (N° Lexbase : L5761AI9), c'est-à-dire en fonction des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage ; ou de la valeur locative de marché du local libre de toute occupation, c'est-à-dire le prix du loyer pour une location nouvelle sans versement de droit d'entrée pour le commerce qui serait le plus adapté à l'emplacement, celui qui génèrera le chiffre d'affaires le plus élevé au mètre carré.

Chaque fois que le déplafonnement est pratiquement acquis en raison de la durée du bail ou parce qu'il existe un motif relativement inconstatable de déplafonnement, il doit en résulter une forte minoration du droit au bail. En revanche, si la valeur locative de renouvellement est appliquée, il n'y a alors plus du tout de valeur de droit au bail, sauf à appliquer une valeur locative "compassionnelle" pour reprendre les termes de François Robine.

Si la valeur locative du prix marché est appliquée, le droit au bail correspondra alors à une valeur résiduelle qui sera la différence entre le prix de renouvellement et le prix de marché. Mais dans ce cas, peut-on estimé que l'on est encore dans une économie de loyer ? La réponse semble négative, dans la mesure où l'on est dans le cadre de la valeur du droit au bail lui-même que le locataire pourrait éventuellement vendre à un autre locataire pour exercer, dans les locaux loués, une activité différente, étant entendu que, dans ce cas, il lui faudra souvent obtenir l'accord du bailleur puisque dans la quasi-totalité des baux interdisent la cession libre du seul droit au bail.

Concernant la détermination du multiple, à une certaine époque était appliqué un multiple de 9, considérant que l'économie de loyer se faisait sur 9 ans. Le différentiel d'une année de loyer était donc multiplié par 9. Or, payer un capital en une seule fois et faire une économie de loyer sur neuf ans sont deux choses différentes, si bien qu'à cette méthode lui a été ensuite préférée l'application d'un coefficient financier. Cette technique a également été abandonnée, la pratique retenant aujourd'hui un coefficient dit de commercialité qui varie de 2 à 10 voire 12 :
- coefficient de 2 ou 3 pour les situations médiocres ;
- coefficient de 4 ou 5 les situations moyennes ;
- coefficient de 5 pour les bonnes situations ;
- coefficient de 6 pour les très bonnes situations ;
- coefficient de 10 voire 12 pour les situations exceptionnelles à Paris.

Il s'agit donc du calcul théorique de la valeur du droit au bail dans le cadre de l'indemnité de déplacement.

Lorsque l'activité est transférable, il apparaît logique que la valeur du droit au bail soit appréciée en prenant en considération, exclusivement, les locaux dont le preneur est évincé. A ce niveau, surgit, néanmoins un problème, lorsque le preneur prend l'initiative d'un transfert en cours d'instance, avant que l'indemnité soit définitivement fixée.

Considérant les indemnités dites accessoires, il est d'usage de prendre en comptes le préjudice effectivement subi et justifié par le preneur : le frais de déplacement, éventuellement le double loyer et le trouble commercial.

Mais, en ce qui concerne le droit au bail, lui-même, doit-on faire abstraction de la valeur du droit au bail des locaux dans lesquels le commerce exercé a été effectivement transféré ou, au contraire doit-on prendre en comptes les modalités de réinstallation ? Si le locataire s'est réinstallé en faisant l'acquisition d'un droit au bail, appelé pas de porte, fort logiquement la mesure de l'indemnité sera fournie par le droit au bail. En revanche, lorsqu'il n'y a pas de droit au bail, il existe des divergences entres juridictions du fond.

Certaines semblent exclure la prise en considération du loyer payé pour le nouveau local. Ainsi, dans une affaire jugée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence en 2003, une activité de garde meuble était exercée à Nice en centre-ville. Le locataire trouve de nouveaux locaux pour se réinstaller dans un nouvel immeuble à Saint-Laurent du Var. L'expert judiciaire commis a considéré que le locataire pouvait transférer son activité sans perte de clientèle. Le bailleur faisait donc valoir que ces nouveaux locaux, plus commodes et plus économiques pour le locataire, anéantissaient la valeur du droit au bail. La cour d'appel considère que la méthode du différentiel de loyers n'a pas à prendre en considération le loyer effectivement payé pour un nouveau local ni même les nouvelles conditions économiques de l'activité déplacée, telle une exploitation plus rationnelle.

En revanche, la même cour d'appel a pu considérer que concernant le différentiel de loyer à prendre en compte, la différence se fait entre le dernier loyer payé par le locataire et le prix du marché et non la valeur locative de renouvellement. La cour d'appel de Paris a considéré, au contraire, que la valeur locative à retenir et non pas celle des locaux en cause, mais celle que la société locataire va devoir payer pour des locaux équivalents. Ainsi, dans un arrêt du 16 juillet 2006, elle a retenu que le preneur ayant retrouvé un local correspondant à ses besoins, l'indemnité principale d'éviction, qui doit réparer l'intégralité du préjudice réellement causé par l'éviction, n'a pas à être calculée sur une valeur locative théorique, mais sur la différence réelle entre le loyer du local dont le preneur est évincé et celui qui le remplace. Cela paraît parfaitement logique ; rien d'excessif dans tout cela.

Dans un arrêt du 12 mars 2008, la cour d'appel de Montpellier fait la même analyse. Dans cette affaire, l'expert avait mis en évidence le transfert de l'activité du preneur dans de nouveaux locaux situés à proximité des locaux, objet du congé, l'opération n'ayant pas nécessité de rachat de fonds de commerce. Dès lors, en raison du transfert de l'existant, l'indemnité principale se résume à la valeur du droit au bail et en l'absence de contrat de bail, la valeur du droit au bail est déterminée en fonction des loyers versés. Or, le loyer versé est inférieur au loyer des locaux, objet du congé, de telle sorte que la valeur du droit au bail est nulle et que ne doit être versée qu'une indemnité pour trouble commercial.

La Cour de cassation considère quant à elle que c'est au juge du fond d'user de leur pouvoir souverain d'appréciation pour déterminer la valeur du droit au bail dès lors que le preneur s'est réinstallé dans des locaux équivalents.

En conclusion sur cette indemnité de transfert, il est généralement admis que la valeur du fonds de commerce majorée des indemnités accessoires constituerait le maximum de cette indemnité susceptible d'être reçue par le locataire. Dès lors qu'il se réinstalle, il est en effet considéré légitime que le locataire reçoive une indemnité supérieure à celle qu'il aurait reçue s'il avait perdu le fonds. Aussi, si indemniser le transfert s'avère plus onéreux qu'indemniser la perte du fonds, il convient, dans la logique de l'article L. 145-14 du Code de commerce, s'en tenir à l'indemnisation du fonds. En effet, il se peut que des indemnités de transferts soient infiniment plus onéreuses que la valeur du fonds. Ce sera notamment le cas pour les sites industriels pour lesquels le transfert est particulièrement lourd financièrement.

2 - Le droit au bail dans le cadre de la valeur de remplacement

Il s'agit de l'hypothèse dans laquelle il existe une valeur de plancher du droit au bail et uniquement du droit au bail. Il peut en effet y avoir une valeur de fonds même en présence d'une entreprise déficitaire, la valeur du fonds étant alors réduite à celle du droit au bail. En d'autres termes, le résultat déficitaire d'une exploitation n'est pas de nature à priver le locataire évincé d'une indemnité d'éviction. Si cela peut paraître curieux, il ne s'agit que de l'application de la méthode de l'actif net qui s'impose dans l'évaluation de n'importe quelle entreprise. Dans le cas de fonds de commerce faiblement déficitaire ou exercé dans des locaux important géographiquement ou physiquement, tout le centre de la gravité du calcul de l'indemnité de remplacement va basculer vers l'évaluation du droit au bail.

On retrouve ici le calcul de l'économie de loyers ou de différentiel de loyer avec le montant du loyer théorique de renouvellement comparé à la valeur locative des lieux loués hors plafonnement. Se pose donc toujours la même question : s'agit-il de la valeur locative de renouvellement ou bien de la valeur locative de marché, valeur du local libre de toute occupation sans versement de droit d'entrée ?

Selon certains experts, il convient d'appliquer la valeur locative telle qu'elle est déterminée par les règles du marché. Sur ce dernier point, d'un point de vue économique le droit au bail est défini comme la somme versée par un locataire à un autre locataire pour acquérir le droit d'occuper un local commercial. La valeur du droit au bail déterminée selon les règles du marché correspond donc à la différence entre la valeur locative de marché et le loyer. Les commerçants recherchent la rentabilité directe mais également les beaux emplacements et les emplacements de prestige pour leurs répercussions sur les autres boutiques exploitées sous la même enseigne pour l'effet vitrine, afin de multiplier le concept et valorisation de la marque. Or, les emplacements d'exception sont rares, ce qui crée une véritable valeur de droit au bail et un véritable marché du droit au bail. Ainsi, lorsqu'il est exercé dans une boutique ou un commerce qui n'est plus adapté à la rue, il est fréquent que la valeur du droit au bail soir très supérieure à celle du fonds. Dans ce cadre économique, la valeur du droit au bail est bien la différence entre le loyer théorique de renouvellement et le loyer au prix du marché.

Mais dans cette même pratique du marché que se passe-t-il dès lors que le fonds de commerce est librement cessible alors que la plupart des baux interdisent au preneur de céder sans l'accord du bailleur le seul droit au bail ? Naîtra donc une négociation tripartite entre le vendeur, l'acquéreur et le bailleur, dans la mesure où le vendeur n'a pas d'autre choix que de faire intervenir le bailleur qui monnayera son accord. Il autorisera en effet la déspécialisation et à vendre le droit au bail en contrepartie du versement d'une indemnité de déspécialisation ou le plus souvent d'une réévaluation du loyer. Le bailleur ne devra être avoir des exigences financières mesurées, au risque de faire baisser excessivement la valeur du droit au bail et d'entraîner une cession du seul fonds de commerce. Le bailleur profite donc de la demande de changement d'activité pour réévaluer son loyer et en obtenir une hausse qui met fin au plafonnement et permet de rétablir, malgré tout, un équilibre contractuel locatif lorsque le loyer est plafonné depuis des années et que la valeur du droit est bail est parallèlement très élevé. C'est ce que l'on appelle la valeur partagée.

Mais que se passe-t-il en matière d'indemnité d'éviction ? Il s'agit de l'hypothèse dans laquelle le loyer est plafonné et le bailleur préfère payer une indemnité d'éviction plutôt que de rester sur un loyer qui n'est plus en adéquation avec le marché. Or, par le système du droit au bail, plus le loyer est bas plus l'indemnité d'éviction sera élevée, voire excessive dans les emplacements prestigieux. Dès lors, le bailleur perd ici toute faculté d'augmentation du loyer. En effet, il ne trouvera jamais de locataire prêt à payer un droit au bail très élevé et une valeur locative de marché. Aussi, retenir une valeur de droit au bail, dans le cadre d'une indemnité d'éviction, tout commerce constitue un enrichissement pour le locataire lorsque cette valeur est supérieure à celle du fonds de commerce et cette valeur revient à avoir des valeurs de droit au bail parfaitement excessive.

Pour éviter ces écueils, il conviendrait, dès lors, de considérer que si le droit au bail n'est pas cessible seul, il n'a pas de valeur patrimoniale. Un arrêt de la cour d'appel de Dijon de septembre 1993 a ainsi réduit de moitié la valeur du droit au bail pour tenir compte du fait qu'il n'était pas librement cessible.

La deuxième solution consisterait à estimer que, lorsque le locataire fait l'objet d'une éviction, l'indemnité qui doit compenser le préjudice subi devrait se rapprocher de la valeur de droit au bail susceptible d'être négociée sur le marché avec l'accord du bailleur.

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Droit financier

[Brèves] Homologation de modifications du règlement général de l'AMF

Réf. : Arrêtés du 12 avril 2013, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, NOR : EFIT1306883A (N° Lexbase : L6412IWE) et NOR : EFIT1308148A (N° Lexbase : L6403IW3)

Lecture: 2 min

N6851BTW

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Le 26 Avril 2013

Par arrêté du 12 avril 2013, publié au Journal officiel du 18 avril 2013 (arrêté du 12 avril 2013, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, NOR : EFIT1308148A N° Lexbase : L6403IW3), des modifications relatives aux programmes de rachat d'actions réalisés par des sociétés dont les titres sont admis sur un système multilatéral de négociation organisé (Alternext) ont été homologuées. Ces modifications ont été adoptées en application de la loi se simplification n° 2012-387 du 22 mars 2012 (N° Lexbase : L5099ISN), qui a aligné le régime auquel sont soumises ces sociétés sur celui en vigueur sur le marché réglementé. En conséquence, les exigences en matière d'information financière et les dispositions du livre VI sur les abus de marchés relatives aux conditions dans lesquelles ces opérations de rachat peuvent bénéficier d'une présomption de légitimité ont dû être adaptées. La pratique de marché admise AMF n° 2005-12 concernant l'acquisition d'actions propres aux fins de conservation et de remise ultérieure dans le cadre d'opérations de croissance externe et la position AMF n° 2009-17 relative à la mise en oeuvre du régime de rachats d'actions ont également été amendées. Ont également été homologuées des modifications du RG AMF relatives au cahier des charges du teneur de compte conservateur. Elles visent notamment à harmoniser le contenu du cahier des charges avec les dispositions transposées de la Directive "MIF" (Directive 2004/39 N° Lexbase : L2056DYS) relatives à la protection des avoirs des clients. L'étendue des responsabilités de l'intermédiaire est précisée en matière de prévention et de gestion des cas de non livraison de titres à la date prévue, mais aussi en matière de transmission d'informations aux investisseurs. Enfin, les modifications étendent le dispositif de traitement des réclamations aux personnes morales émettrices de titres financiers nominatifs dont elles assurent la tenue de compte conservation. Dans un autre arrêté du 12 avril 2013 (arrêté du 12 avril 2013, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, NOR : EFIT1306883A N° Lexbase : L6412IWE), publié au JO du 18 avril 2013, des modifications du RG AMF relatives au régime des conseillers en investissements financiers (CIF) ont été homologuées. Elles ont principalement pour objet de tirer les conséquences de la suppression du fichier des démarcheurs le 1er janvier 2013, du fichier des CIF et de la création d'un registre unique des intermédiaires financiers tenu par l'ORIAS et mis en place le 15 janvier 2013. L'AMF a publié simultanément une instruction qui vient notamment préciser les règles de compétence que doivent satisfaire les candidats au statut de CIF et l'obligation de formation continue. A noter que certaines dispositions relatives en particulier au numéro d'immatriculation au registre unique des intermédiaires financiers n'entreront en vigueur que le 18 juin 2013.

newsid:436851

Droit financier

[Brèves] Publication d'un guide AIFM à destination des sociétés de gestion

Réf. : AMF, guide AIFM - sociétés de gestion, publié le 16 avril 2013

Lecture: 2 min

N6858BT8

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Le 02 Mai 2013

Afin d'aider les sociétés de gestion existantes à anticiper la transposition de la Directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatif (Directive 2011/61 du 8 juin 2011 N° Lexbase : L7631IQP, dite Directive "AIFM"), l'Autorité des marchés financiers (AMF) a publié, le 16 avril 2013, à leur attention un guide qui a pour vocation de répondre de manière très concrète à toutes les questions qu'elles pourraient se poser. La publication de ce document s'inscrit également dans une démarche volontariste de la part de l'AMF en faveur de l'attractivité de la Place de Paris et de la compétitivité de l'industrie de la gestion française. Dès la parution de ce document, les sociétés de gestion auront la possibilité de déposer auprès de l'AMF une demande d'agrément AIFM. Cela leur permettra ainsi d'avoir une offre commerciale, à destination des investisseurs professionnels, disponible dans toute l'Europe dès l'entrée en vigueur du texte. Pour rappel, la Directive doit être transposée au plus tard le 22 juillet 2013. Conçu comme un mode d'emploi à l'attention des sociétés de gestion existantes, ce document détaille concrètement les modalités pratiques pour obtenir un agrément au titre de la directive AIFM. Il est également accompagné de la nouvelle grille d'agrément des sociétés de gestion de portefeuille. Parmi les autres points abordés par le guide, celui-ci :
- définit la population concernée ;
- traite de la question des seuils applicables aux sociétés de gestion existantes et de leurs calculs, un arbre de décision ayant été prévu pour une meilleure lisibilité des seuils ;
- revient sur les opportunités commerciales offertes par la Directive (passeport gestion, passeport commercialisation produit, les nouvelles activités possibles pour les gestionnaires/nouveaux produits) ;
- liste les obligations nouvelles issues de la Directive en matière de gestion de la liquidité, de délégation de fonction, d'investissement dans des positions de titrisations, de fonds propres réglementaires, de reporting et d'effet de levier, d'évaluation, de rémunération et de dépositaire ;
- rappelle les délais pour la mise en conformité avec la Directive ;
- détaille la liste des activités et services d'investissement autorisés au titre de la Directive ;
- s'accompagne d'un calendrier concernant le processus d'agrément AIFM.
Toujours dans cette même optique d'accompagnement de la Place financière de Paris, l'AMF publiera dans les semaines à venir un guide sur les fonds relevant de la Directive "AIFM".

newsid:436858

Concurrence

[Brèves] Démonstration de l'existence d'une restriction sensible de la concurrence et application de la communication de minimis

Réf. : Cass. com., 16 avril 2013, n° 10-14.881, FS-P+B (N° Lexbase : A4085KCB)

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N6854BTZ

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Le 27 Avril 2013

Dans un arrêt du 16 avril 2013, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de la SNCF et d'une société développant une activité d'agence de voyages sur internet pour avoir mis en oeuvre une entente anticoncurrentielle, qui s'est manifestée par la création entre ces deux sociétés d'une filiale commune dont les offres de produits de voyages, autres que ferroviaires, ont été proposées sur le site "voyages-sncf.com", transformé à cet effet (Cass. com., 16 avril 2013, n° 10-14.881, FS-P+B N° Lexbase : A4085KCB). La Cour de cassation approuve, d'abord, les juges d'appel d'avoir retenu que les accords litigieux étaient destinés à faire profiter la filiale commune, outre de la publicité, de l'efficacité commerciale et de la réputation de qualité de la SNCF, du passage de la clientèle en ligne de cette dernière, ce qui lui conférait un avantage déterminant sur le marché émergent des agences de voyages en ligne, de sorte qu'un tel accord, consistant à prendre appui sur un monopole légal pour développer une activité sur un marché concurrentiel connexe, a un objet anticoncurrentiel, peu important que les abus de position dominante également reprochés à la SNCF, étrangers à la restriction par objet constaté, et que d'autres opérateurs étaient également présents sur ce marché, ce qui n'ôte pas à ce dernier la caractéristique de marché émergent et n'affecte que l'appréciation des effets de l'entente et du dommage à l'économie. La Cour régulatrice rappelant, ensuite, la réponse apportée par la CJUE dans cette affaire, dans le cadre du renvoi préjudiciel dont elle a été saisie (CJUE, 13 décembre 2012, aff. C-226/11 N° Lexbase : A8281IYD ; lire N° Lexbase : N5022BT8), estime que les juges d'appel, après avoir exactement énoncé que l'article L. 464-6-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L8715IBE) confère à l'Autorité de la concurrence une simple faculté dont elle est libre de ne pas user, retiennent, à juste titre, que les accords en cause sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qu'ils ont un objet anticoncurrentiel. Aussi, le partenariat mis en place par la SNCF et la société constituait bien une restriction sensible de la concurrence au sens des articles 101 § 1 du TFUE (N° Lexbase : L2398IPI) et L. 420-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN). Enfin est également approuvée l'appréciation de la gravité de la pratique par les juges du fond et notamment le fait d'avoir pris en compte que l'entente a été mise en oeuvre par une entreprise disposant d'un monopole légal, qu'elle a utilisé pour fausser la concurrence par les mérites, et par un groupe américain occupant une position de leader mondial de la vente de voyages en ligne ; qu'elle a affecté le marché émergent de la vente de voyages en ligne et qu'elle a duré plus de six années ; mais qu'il existe toutefois un facteur d'atténuation résultant du fait que les concurrents ont quand même connu une croissance soutenue au cours des années considérées.

newsid:436854

Concurrence

[Brèves] L'Autorité de la concurrence préconise la suppression par étape des tarifs réglementés de vente de gaz naturel

Réf. : Aut. conc, avis n° 13-A-09, 18 avril 2013 (N° Lexbase : X2731AM4)

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N6857BT7

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Le 30 Avril 2013

L'Autorité de la concurrence a rendu au Gouvernement, le 18 avril 2013, un avis concernant le projet de décret relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel, afin de mettre en oeuvre les nouvelles modalités de fixation des tarifs réglementés de vente du gaz naturel (Aut. conc, avis n° 13-A-09, 18 avril 2013 N° Lexbase : X2731AM4). Elle en conclut que le maintien des tarifs réglementés du gaz a une influence défavorable sur le fonctionnement de la concurrence, sans pour autant contribuer positivement à la compétitivité des entreprises françaises ni au pouvoir d'achat des ménages. Elle préconise ainsi leur suppression, par étapes, de manière à permettre le développement d'offres plus compétitives, au bénéfice des consommateurs. Dans son avis, l'Autorité relève plusieurs explications à l'échec de l'ouverture à la concurrence du marché de la fourniture de gaz naturel (hors grands clients industriels). Elle estime ainsi que l'information des consommateurs est défaillante. Beaucoup de consommateurs de gaz croient que les tarifs réglementés les protègent des hausses de prix, alors que des offres de marchés moins chères sont disponibles sur le marché. De plus, l'écho médiatique accompagnant chaque mouvement des tarifs réglementés du gaz renforce dans l'esprit de nombreux consommateurs l'idée qu'il n'y aurait qu'un seul prix du gaz en France, celui des tarifs réglementés proposés par le fournisseur historique. En outre, plus de la moitié des consommateurs résidentiels ne savent pas qu'ils peuvent choisir leur fournisseur de gaz naturel. L'Autorité relève également que les fournisseurs alternatifs de gaz sont dissuadés d'entrer sur le marché. Elle estime, par ailleurs, que ces tarifs réglementés ne protègent pas le pouvoir d'achat des consommateurs, ni la compétitivité des entreprises et, simultanément, ils dissuadent les fournisseurs alternatifs de pénétrer le marché, alors même que ces fournisseurs pourraient stimuler la concurrence en promouvant des offres de marché moins chères que les tarifs réglementés. Egalement, le prix du gaz français (payé par les consommateurs résidentiels) est, de façon constante depuis 2009, très nettement au-dessus de celui de la moyenne européenne, et au-dessus de ceux de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, où n'existent plus les tarifs réglementés du gaz. A la lumière de l'analyse concurrentielle qu'elle a menée, l'Autorité de la concurrence recommande donc au Gouvernement d'établir une feuille de route visant à supprimer, par étapes, l'ensemble des tarifs réglementés du gaz, en commençant par ceux applicables aux très grands clients industriels, puis ceux applicables aux PME-PMI et enfin ceux applicables aux petits consommateurs (résidentiels et professionnels). Cette suppression des tarifs réglementés du gaz pourrait s'échelonner au cours des prochaines années. A court terme, il semble également indispensable que chaque tarif couvre les coûts supportés par l'opérateur historique.

newsid:436857

Entreprises en difficulté

[Brèves] Procédure d'insolvabilité : conformité de la disposition qui ne prévoit une garantie que pour les créances des travailleurs nées avant la transcription au registre du commerce du jugement d'ouverture de la procédure

Réf. : CJUE, 18 avril 2013, aff. C-247/12 (N° Lexbase : A1409KC8)

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N6852BTX

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Le 16 Octobre 2017

La Directive 2008/94 (N° Lexbase : L6970IBR) doit être interprétée en ce sens qu'elle n'oblige pas les Etats membres à prévoir des garanties pour les créances des travailleurs à chaque étape de la procédure d'insolvabilité de leur employeur, et qu'en particulier elle ne s'oppose pas à ce que les Etats membres prévoient une garantie uniquement pour les créances des travailleurs nées avant la transcription au registre du commerce du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, bien que ce jugement n'ordonne pas la cessation des activités de l'employeur. Telle est la solution énoncée par la CJUE dans un arrêt du 18 avril 2013 (CJUE, 18 avril 2013, aff. C-247/12 N° Lexbase : A1409KC8) rendu sur renvoi préjudiciel. Dans le litige au principal, la requérante, salariée, a travaillé sans interruption entre le 19 juin 2006 et le 20 avril 2011 au sein d'une entreprise qui a fait l'objet d'un redressement judiciaire ouvert par jugement du 25 février 2010, après constat de son insolvabilité à compter du 22 juillet 2009. Par jugement du 13 mai 2011, le juge bulgare a constaté que l'entreprise était en état de cessation des paiements et a ordonné tant la cessation des activités que la liquidation et le partage des biens compris dans la masse de la faillite. La requérante salariée détient des créances exigibles mais impayées contre son employeur au titre d'une rémunération brute pour le mois d'avril 2011 et d'une indemnité compensatrice de congés annuels également née postérieurement au 2 mars 2010. Par demande du 16 juin 2011, elle a réclamé au fonds de garantie le paiement de ces créances. Le rejet de cette créance par ce dernier a amené la requérante à se pourvoir devant la juridiction bulgare compétente qui relève que le litige au principal porte, notamment, sur la question de savoir si la garantie doit couvrir les créances d'un travailleur contre son employeur qui sont nées, d'une part, postérieurement à la transcription au registre du commerce du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de l'employeur constatant l'insolvabilité de celui-ci et, d'autre part, antérieurement à la transcription, au même registre, du jugement constatant la cessation des paiements et ordonnant la cessation des activités de l'employeur ainsi que la liquidation et le partage des biens compris dans la masse de la faillite. Soulignant que le droit bulgare prévoit uniquement une garantie des créances des travailleurs nées avant la date de transcription au registre du commerce du premier de ces deux jugements, la juridiction de renvoi a donc émis des doutes quant à la compatibilité d'une telle réglementation nationale avec la Directive 80/987 (N° Lexbase : L9435AUY), étant donné que ce jugement ne constate pas encore la "cessation des paiements" et ne fait pas cesser les activités de l'employeur.

newsid:436852

Contrats et obligations

[Jurisprudence] De deux litiges relatifs au retrait litigieux

Réf. : Cass. com., 15 janvier 2013, n° 11-27.298, FS-P+B (N° Lexbase : A4838I3L) et Cass. com., 26 mars 2013, n° 11-27.423, FS-P+B (N° Lexbase : A2719KBC)

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N6780BTB

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par Alexandre Bordenave, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

Le 25 Avril 2013

On désigne par l'expression "retrait litigieux" le droit reconnu à "celui contre lequel on a cédé un droit litigieux" de "s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite" (C. civ., art. 1699 N° Lexbase : L1809ABM). Il s'agit donc d'un mode d'extinction des créances puisque, lorsqu'il est exercé, il aboutit à une confusion des qualités de créancier et de débiteur sur une seule et même personne, à la fois débiteur cédé et cessionnaire. Relativement mal connu, alors qu'il est, en dépit de l'insistance appropriée de la jurisprudence à y voir "une institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte" (1), d'application plutôt large puisqu'il s'applique même aux cessions faites à un organisme de titrisation (2), il conduit, en pratique, à ne pas procéder à des cessions de créances pour un prix inférieur à ce qui reste dû par le débiteur, dès lors que la ou les créances considérées sont litigieuses. Arme particulièrement redoutable, le retrait litigieux est lui-même très régulièrement l'objet de litiges. Deux de ces nombreux contentieux ont récemment offert à la Chambre commerciale de la Cour de cassation l'opportunité de revenir sur certains aspects, et non des moindres, du régime de l'article 1699 du Code civil :
- le premier litige, ayant donné lieu à l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 janvier 2013, mettait aux prises le cessionnaire d'une créance d'indemnité de résiliation d'un contrat avec le débiteur de cette indemnité ;
- le second litige, sur lequel la Chambre commerciale de la Cour de cassation s'est prononcée le 26 mars 2013, opposait le cessionnaire de deux créances à la caution ayant garanti le bon paiement des créances en question. L'analyse croisée des deux décisions susvisées, quoiqu'elles ne peuvent être qualifiées d'innovantes que marginalement, contribue à nous éclairer quant à deux aspects fondamentaux du retrait litigieux : la qualité de défendeur de "celui contre lequel on a cédé un droit litigieux" (I) et certaines des conditions relatives à la cession pour que celle-ci soit éligible au bénéfice de l'article 1699 du Code civil (II).

I - Les précisions quant à la notion de défendeur au sens de l'article 1699 du Code civil

Il résulte de la production du début d'année de la Cour de cassation qu'un demandeur reconventionnel peut être considéré comme défendeur pour les besoins de l'article 1699 du Code civil (A), tout comme une caution (B).

A - Qualité de défendeur et demande reconventionnelle

La jurisprudence constante de la Cour de cassation exige que seul le défendeur à l'instance ayant pour objet le droit litigieux puisse valablement se prévaloir des dispositions de l'article 1699 du Code civil (3). Dans la ligne du caractère exceptionnel de la faculté de retrait litigieux, il s'agit, par ce critère, de ne pas offrir une sortie trop commode au débiteur cédé qui pourrait autrement trouver dans sa propre prétention une planche de salut face au cessionnaire de la créance dont il est redevable.

Au cours de la procédure s'étant dénouée devant la Chambre commerciale le 15 janvier 2013, la cour d'appel de Paris (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 29 septembre 2011, n° 10/11434 N° Lexbase : A3624HYU) avait dénié tout droit à retrait litigieux à la partie qui en estimait être bénéficiaire au nom de ce qu'elle avait introduit une demande reconventionnelle, à savoir "une demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire" (C. proc. civ., art. 64 N° Lexbase : L1267H4P), ce qui lui aurait fait complètement perdre, dans l'esprit des juges d'appel, sa qualité de défendeur à l'instance au fond portant sur la contestation du droit litigieux.

L'arrêt du second degré est, sur ce terrain (comme sur bien d'autres), cassé à juste titre par la Cour de cassation : dans l'instance relative à la créance d'indemnité contractuelle, le demandeur reconventionnel, sans schizophrénie, était bien défendeur. Peu importe donc la demande reconventionnelle : dans un souci d'équilibre, il ne s'agirait pas de trop contraindre la stratégie contentieuse du débiteur cédé.

B - Qualité de défendeur et caution

Dans l'arrêt du 26 mars 2013, la question de droit soumise à la Cour de cassation était, en substance, la suivante : le retrait litigieux peut-il être exercé par la personne s'étant portée caution au titre de la créance cédée ?

A nouveau, il s'agit donc pour la Haute juridiction de jouer avec l'asymptote du régime de l'article 1699 du Code civil. La cour d'appel de Paris (toujours elle) n'avait pas souhaité le faire : à son avis, une caution ne pouvait bénéficier de la faculté de retrait litigieux (CA Paris, Pôle 5, 2ème ch., 18 novembre 2011, n° 10/24014 N° Lexbase : A0666H33). De notre point de vue, ce raisonnement est porteur d'un vice de droit : l'une des caractéristiques essentielles du cautionnement est d'obliger à payer une dette à la place du débiteur si celui-ci ne le fait lui-même (C. civ., art. 2288 N° Lexbase : L1117HI9), ce qui aboutit à ce que l'obligation principale et l'obligation de la caution partagent le même objet. Aussi, il paraît non seulement concevable mais, au surplus, juridiquement indispensable que, face au cessionnaire d'une créance, la caution puisse se libérer pour le prix de cession de la créance cédé, comme peut le faire le débiteur dans les limites posées par l'article 1699 du Code civil, puisque la caution ne peut être tenue plus sévèrement que le débiteur principal (C. civ., art. 2292 N° Lexbase : L1121HID).

C'est cette voie que retient la Chambre commerciale dans sa décision du 26 mars 2013 en ouvrant le retrait litigieux à la caution, dès lors que celle-ci est "défenderesse à l'instance qui [a] pour objet la contestation du droit litigieux". En somme, l'exercice du retrait litigieux impose la qualité de défendeur à l'action en justice relative à la créance mais pas nécessairement à celle en contestation du retrait litigieux lui-même.

Ces quelques précisions quant à ce que la position prétorienne comprend comme le défendeur à une instance ayant pour objet le retrait litigieux sont bonnes à prendre, tant pour ceux qui raisonnent dans le sens du candidat retrayant, puisque se clarifient des situations jusqu'alors frappées d'ambiguïté, que pour ceux qui veulent protéger les intérêts des cessionnaires, car ils y trouveront plus de prévisibilité dans la structuration des opérations d'acquisition de créances. La même prévisibilité est aussi une vertu des avancées jurisprudentielles, même modestes, des dernières semaines à propos de certaines conditions relatives à la cession pour que celle-ci soit éligible au bénéfice de l'article 1699 du Code civil.

II - Les précisions quant à certaines conditions relatives à la cession pouvant bénéficier de l'article 1699 du Code civil

C'est ici l'arrêt du 15 janvier 2013 qui va nous retenir exclusivement, en ce qu'il se prononce relativement à l'incidence sur l'exercice du retrait litigieux du fait que la créance "fasse bloc" avec autre chose (A) et qu'il exclut toute considération pour les motifs de la cession de créance en dessous du nominal (B).

A - Bloc et retrait litigieux

Pour éviter l'application des dispositions de l'article 1699 du Code civil, a été prise l'habitude de procéder à des cessions de créances en bloc, à savoir en cédant des portefeuilles de créances en une seule fois. Le raisonnement sous-jacent tient à ce que, de la sorte, le prix de cession de chaque créance serait plus difficile à déterminer, ce qui couperait court à toute velléité du débiteur cédé de demander un retrait litigieux. La tactique est d'autant plus fondée qu'elle correspond, souvent, à l'appétit de certains cessionnaires qui achètent, à des prix plus ou moins cassés, des portefeuilles de créances.

Mais voilà, la Cour de cassation sait se montrer protectrice des prérogatives offertes à la partie faible que serait le débiteur cédé. C'est ainsi que, dans un arrêt déjà fort ancien, elle avait jugé que "un créancier, en comprenant une créance litigieuse dans une cession en bloc d'un grand nombre de créances, ne saurait détruire ni paralyser la faculté qu'un débiteur tient de la loi [...] d'exercer un retrait litigieux" (4). Cette position générale a été réaffirmée à plusieurs reprises depuis la fin du XIXème siècle, notamment pour préciser que le retrait litigieux reste toujours possible dès lors que le prix de cession de la créance litigieuse peut être déterminé au sein de celui du portefeuille cédé (5).

Dans les faits de l'arrêt du 15 janvier 2013, deux créances, dont celle litigieuse, avait été cédées : dans ce petit bloc, la cour d'appel avait cru y voir un motif suffisant pour refuser toute application de l'article 1699 du Code civil. Sans surprise, pour les motifs classiques évoqués ci-dessous, la Chambre commerciale y trouve un chef de cassation : la cour d'appel aurait dû rechercher "si la part correspondant à la créance litigieuse dans le prix de cession global était déterminable". En ce sens, les juges de cassation se situent purement et simplement dans la ligne existante et ne vouent pas aux gémonies les cessions en bloc : si celles-ci, sans intention frauduleuse, sont réalisées pour un prix forfaitaire ne conduisant pas à appliquer un ratio unique à chacune des créances du portefeuille (ce qu'une clause de la convention de cession peut utilement préciser), le cessionnaire trouve une bonne protection face au risque que constitue pour lui le retrait litigieux.

En fait de bloc, et le point fait également partie de la discussion de l'arrêt du 15 janvier 2013, il faut également envisager l'impact du caractère accessoire de la cession de créance litigieuse par rapport à un droit principal, avec lequel elle ferait donc corps, quant à l'applicabilité du régime de l'article 1699 du Code civil. En la matière, la première chambre civile de la Cour de cassation conçoit, il est vrai, d'écarter toute faculté de retrait litigieux dès lors que la créance contestée en justice est inséparable d'un droit principal (6). En l'espèce, parce que la cession de la créance en cause n'avait été que l'accessoire de la liquidation amiable du débiteur cédé, qu'elle entendait simplifier (c'est réussi...), la cour d'appel de Paris avait, une fois encore, refusé de faire application de l'article 1699 du Code civil. Nouvelle cassation : selon la Chambre commerciale, le caractère inséparable du droit principal, auquel nous faisions référence, n'a pas été suffisamment caractérisé par les juges du fond. On peut voir, comme d'autres (7), dans cette position, une atténuation sensible des exigences du juge du droit qui semble ne plus souhaiter se contenter d'un refuge derrière l'appréciation souveraine des juges du fond comme il pouvait le faire jusqu'alors (8).

B - Spéculation et retrait litigieux

Pour refuser au défendeur le retrait litigieux, la cour d'appel de Paris avait cru bon subordonner l'exercice de cette faculté à l'existence d'une intention spéculative du cessionnaire. Il est exact que le parfum balzacien de l'article 1699 du Code civil est celui d'une farouche envie d'éviter la spéculation autour de créances décotées déjà en procès. Or, dans les faits de l'espèce de l'arrêt du 15 janvier 2013, la cession était intervenue pour la somme d'un euro pour purger le passif du cédant, alors en liquidation judiciaire : en conséquence, on peut affirmer sans trop s'avancer qu'il n'y avait, en effet, aucune intention spéculative derrière la cession de la créance litigieuse.

Pourtant, la Cour de cassation néglige cet argument du cessionnaire au nom d'une lecture littérale de l'article 1699 du Code civil : ce serait ajouter à la loi que d'imposer que le retrait litigieux ne puisse intervenir que si la cession a été réalisée à des fins spéculatives. Au demeurant, ce serait un critère fort délicat à apprécier, susceptible de vider de sa substance l'article 1699 du Code civil. Au final, on ne voit pas trop comment la Cour de cassation aurait pu ne pas casser l'arrêt rendu par la cour d'appel pour avoir exigé que le retrait litigieux ne soit exerçable qu'à la condition que la cession ait été spéculative, et ce, en dépit, de l'interprétation téléologique consensuelle de l'article 1699 du Code civil.

A propos d'une problématique proche, nous pouvons exprimer un regret relatif à l'argumentaire déployé dès l'instance au fond : pourquoi ne pas avoir avancé que la cession ayant été faite pour le prix symbolique d'un euro, elle ne comportait pas de prix, ce qui devrait conduire à exclure les dispositions de l'article 1699 du Code civil ? Certes, la Cour de cassation a déjà admis que le retrait litigieux était possible même en cas de cession à titre gratuit (9), mais il paraît malgré tout dommage de s'être privé d'un beau discours sur ce point, à la recherche d'un revirement de jurisprudence.

A reconsidérer l'ensemble que forme le très sec grand chelem de cassation du 15 janvier 2013 et la cassation unique du 26 mars 2013, on s'aperçoit que la principale innovation dont ils sont porteurs est la précision indéniable de ce que la cession a beau être effectuée sans intention spéculative elle n'est pas pour autant immunisée contre le retrait litigieux. Ces deux arrêts sont aussi révélateurs d'un flux abondant de litiges relatifs au retrait litigieux. Appel sur appel a beau ne pas valoir, quand entre en jeu l'article 1699, litige sur litige vaut clairement.


(1) Cass. civ. 1, 30 juin 1981, n° 79-12.531 (N° Lexbase : A5680CKL), D., 1983, 102, note Abitbol ; Cass. civ. 1, 20 janvier 2004, n° 00-20.086, FS-P (N° Lexbase : A8617DAE), Bull. civ. I, n° 17.
(2) Cass. com., 15 avril 2008, n° 03-15.969, F-P+B (N° Lexbase : A9571D7M), Droit & patrimoine, septembre 2008, p. 97, obs. J.-P. Mattout et A. Prüm. Pour être tout à fait exact, l'arrêt concernait un fonds commun de créances, prédécesseur des organismes de titrisation dont on peut donc assez légitimement penser qu'ils sont soumis au même régime en matière de retrait litigieux.
(3) Cass. com., 26 mars 1973, n° 71-14712, publié (N° Lexbase : A0452CKX), Bull. civ. IV, n° 133 ; Cass. civ. 1, 20 janvier 2004, préc..
(4) Cass. Req., 30 juin 1880, S. 1881, 1, p. 59.
(5) Voir, en particulier, Cass. com., 29 octobre 2003, JCP, éd. G., 2004, I, 141, obs. Ph. Simler et Ph. Delebecque.
(6) Cass. civ. 3, 31 mai 1978, n° 77-20.007 (N° Lexbase : A6477CK4), Bull. civ. III, 1978, n° 231.
(7) X. Delpech, Cession de créances : précisions sur l'exercice du retrait litigieux, D., 2013, p. 542.
(8) Cass. civ. 3, 31 mai 1978, préc..
(9) Cass. com., 31 mars 1998, n° 96-12.897, inédit (N° Lexbase : A7920C7H).

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Propriété intellectuelle

[Brèves] Adoption et usage, à titre de marque, du titre appartenant à une profession réglementée par l'autorité publique, sans en être titulaire : non-respect de l'ordre public

Réf. : Cass. com., 16 avril 2013, n° 12-17.633, F-P+B (N° Lexbase : A3921KC9)

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N6817BTN

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Le 25 Avril 2013

L'adoption et l'usage, à titre de marque, du titre appartenant à une profession réglementée par l'autorité publique, sans en être titulaire, est contraire à l'ordre public. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 avril 2013 (Cass. com., 16 avril 2013, n° 12-17.633, F-P+B N° Lexbase : A3921KC9). En l'espèce, la société Notariat services est titulaire de la marque verbale "notaires 37" déposée le 29 avril 2010 et enregistrée pour désigner divers et notamment les journaux, prospectus, brochures, publicité. Cette société, ayant constaté qu'une société faisait paraître, dans le département d'Indre-et-Loire, un journal d'annonces immobilières intitulé "Les Notaires 37", a, en référé, demandé sur le fondement de l'article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L1841H3L), des mesures d'interdiction provisoire. La cour d'appel de Paris a accueilli cette demande (CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 14 décembre 2011, n° 11/07460 N° Lexbase : A2615H8D), retenant que la nullité manifeste de la marque "notaires 37" n'est pas établie dès lorsqu'aucun texte réglementaire ou législatif n'interdit expressément le dépôt d'une marque incorporant un titre attaché à une profession réglementée et que l'article L. 433-17 du Code pénal (N° Lexbase : L9633IEI) ne prohibe l'usage d'un titre attaché à une profession réglementée que lorsqu'il tend à faire croire au public que l'intéressé bénéficie de ce titre. Saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation, énonçant le principe précité, casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 711-3 b) (N° Lexbase : L3712ADT) et L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle, 433-17 du Code pénal et 1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relative au statut du notariat (N° Lexbase : L7944BBT).

newsid:436817

Sociétés

[Brèves] Renforcement de la transparence des sociétés en matière sociale et environnementale

Réf. : Commission européenne, communiqué de presse IP/13/330 du 16 avril 2013

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N6753BTB

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Le 25 Avril 2013

La Commission européenne a proposé, le 16 avril 2013, une modification de la législation comptable en vigueur, afin d'accroître la transparence de certaines grandes sociétés en matière sociale et environnementale. Les sociétés concernées devront publier des informations sur leurs politiques, les risques liés et les résultats obtenus en ce qui concerne les questions d'environnement, sociales et de personnel, de respect des droits de l'Homme et de lutte contre la corruption, ainsi que de diversité dans la composition des conseils d'administration ou de surveillance. La proposition prévoit ainsi d'obliger les grandes sociétés employant plus de 500 personnes à fournir des informations pertinentes et concrètes en matière environnementale et sociale dans leurs rapports annuels. Les informations requises sont succinctes et se limitent à ce qui est nécessaire pour comprendre l'évolution des affaires, les résultats et la situation de la société, bien loin d'un rapport exhaustif et détaillé sur la "durabilité". Si une société n'est pas concernée par un domaine particulier, elle ne sera pas tenue de publier une information : il lui suffira d'expliquer pourquoi elle ne le fait pas. De plus, les informations pourront être fournies au niveau du groupe, et non pas par chaque société membre d'un groupe. Les sociétés pourront appliquer les principes directeurs internationaux ou nationaux qu'elles jugent appropriés (par exemple, le Pacte mondial de l'ONU, la norme ISO 26000 ou le code de durabilité allemand). En ce qui concerne la transparence sur la diversité au sein des organes décisionnels, les grandes sociétés cotées seront tenues de fournir des informations sur leur politique de diversité, notamment au regard des critères d'âge, de sexe, d'origine géographique, de qualifications et d'expérience professionnelle. Les informations fournies devront décrire les objectifs de cette politique, ses modalités de mise en oeuvre et les résultats obtenus. Les sociétés qui n'appliquent pas une politique de diversité devront justifier ce choix. Cette approche s'inscrit dans le droit fil du cadre de la gouvernance d'entreprise dans l'UE (source : communiqué de presse IP/ du 16 avril 2013)

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Sociétés

[Jurisprudence] Action sociale ut singuli : application littérale de la loi

Réf. : Cass. com., 19 mars 2013, n° 12-14.213, F-P+B (N° Lexbase : A5783KAG)

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N6781BTC

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Nancy (Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 1138, Nancy)

Le 25 Avril 2013

Une mésentente quant à la prise en charge du coût de la rénovation d'immeubles est à l'origine de cette procédure. En effet, le capital social d'une société anonyme française est détenu à 55 % par une société de droit luxembourgeois et à 45 % par une société civile immobilière à l'exception de deux actions détenues par le dirigeant de la SCI Bayard Montaigne et une SARL Arcade Investissement Conseil. La société anonyme a trois SNC filiales qui exploitent chacune une résidence de tourisme. Les immeubles de ces dernières appartiennent à trois SAS de droit français, qui sont elles-mêmes filiales de l'actionnaire principal de la société luxembourgeoise. Schématiquement, on retrouve dans le conseil d'administration de la SA, d'un côté un groupe majoritaire d'actionnaires comprenant le groupe luxembourgeois, propriétaire bailleur des résidences de tourisme, et de l'autre, les actionnaires minoritaires, locataires assurant notamment la gestion de celles-ci. Ces immeubles devant être réparés et rénovés, un conflit apparaît entre les administrateurs bailleurs, et les administrateurs titulaires des baux commerciaux pour savoir qui devait entreprendre les travaux et les payer. Ainsi, entre actions en nullité des délibérations du conseil d'administration de la SA, instance relative à la charge des travaux et à la saisie des loyers, aux demandes relatives aux baux commerciaux et aux travaux, sans oublier les demandes reconventionnelles, tel est le décor de l'affaire (1) à l'origine de l'arrêt rendu le 19 mars 2013 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Plus précisément, les actionnaires minoritaires ont demandé la condamnation au paiement de dommages-intérêts des sociétés, actionnaires majoritaires de la SA, déclarant exercer l'action sociale ut singuli. La cour d'appel (2) a rejeté leur demande au motif que l'action est formée au nom de la SA dont ils sont actionnaires à l'encontre des sociétés ayant commis des fautes à l'origine du préjudice subi par la SA. En effet, les juges du fond considèrent que les sociétés défenderesses n'ont pas la qualité d'administrateur ou de dirigeant de la SA. Sur le pourvoi des associés minoritaires, prétendant pouvoir agir contre ceux qui ont causé le préjudice subi par la société dès lors que celle-ci est mise en cause, la Cour de cassation indique que la cour d'appel avait exactement retenu que les dispositions de l'article L. 225-252 du Code de commerce (N° Lexbase : L6123AIM) n'autorisent les actionnaires à exercer l'action sociale en responsabilité qu'à l'encontre des administrateurs ou du directeur général de la société.

La responsabilité civile des administrateurs peut être mise en cause par les actionnaires, au moyen de deux actions. Tout d'abord par une action individuelle (3), dont la finalité est la réparation du préjudice subi personnellement par un actionnaire, indépendamment de celui subi par la personne morale (4). Cette action personnelle vise à réparer le préjudice de l'actionnaire qui est le corollaire du préjudice global subi par la société (5). Par ailleurs, les actionnaires peuvent agir, en se substituant aux représentants légaux en cas d'inaction de leur part, afin d'obtenir la réparation de l'entier dommage subi par la société (6). Ainsi, on peut relever que la loi autorise les actionnaires à agir au nom et pour la compte de la société (I). Toutefois, l'action sociale ainsi exercée est une action attirée dont le domaine est limité par la loi (II). Par conséquent, à défaut de respect des dispositions légales, l'action doit être jugée irrecevable.

I - Le droit d'agir légalement qualifié

En principe, il n'est pas possible d'agir en justice pour le compte d'autrui, car la gestion d'affaire est exclue en matière procédurale (7), et plus spécialement lorsque le demandeur est une société (8). Cette interdiction est fondée sur une conception individualiste de l'action en justice, dont les origines remontent à l'époque révolutionnaire. Toutefois, le droit positif a développé des exceptions à ce principe, et notamment les actions attitrées. La notion d'action attitrée (8) évoquée à l'article 31 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1169H43), vise, à côté de l'action qualifiée de "banale", car ouverte à tout intéressé, des "cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé". Ainsi, la loi limite les personnes habilitées à agir, ou, au contraire, elle l'étend à l'ensemble des titulaires possibles du droit substantiel (10).

La distinction des actions "banales" et des actions attitrées se retrouve en droit des sociétés et les actions peuvent être regroupées en deux catégories. D'une part, celles qui sont exercées par les dirigeants au nom et pour le compte de la société, et qui en pratique, sont les plus fréquentes. D'autre part, les actions pour lesquelles la qualité et l'intérêt pour agir ne sont plus appréciés à l'égard de la société, mais chez une autre personne à laquelle l'action est légalement dévolue. L'action sociale ut singuli figure dans cette seconde catégorie (11). En effet, l'article L. 225-252 du Code de commerce dispose que les actionnaires peuvent "intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général". Cette action répond à des nécessités pratiques. En effet, la mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux peut mettre à jour un conflit d'intérêts. Dans une telle situation, les dirigeants sont naturellement peu enclins à exercer, au nom de la société, une action mettant en jeu leur propre responsabilité. L'existence de ce risque a été détectée depuis longtemps. Pour cette raison, la jurisprudence reconnaît de longue date la recevabilité de l'action sociale exercée par des associés (12). Cette action est dénommée "action ut singuli", par opposition à l'"action ut universi" que la société exerce par ses dirigeants sociaux (13).

Dans la présente affaire, deux sociétés et deux personnes physiques, actionnaires ont ainsi agi en responsabilité au nom de la société anonyme en vue d'obtenir la réparation du préjudice subi par la personne morale, du fait de décisions et agissements considérés par ces derniers comme fautifs et à l'origine du préjudice social. Toutefois, s'agissant d'un régime spécifique de responsabilité civile, il faut que toutes les conditions légales soient remplies pour que cette action attitrée soit recevable.

II - Le droit d'agir légalement autorisé

En raison de son caractère dérogatoire, l'action ut singuli doit être limitée au domaine des actions en responsabilité contre les dirigeants sociaux, car elle a pour fondement l'existence, au moins potentielle d'un conflit d'intérêts entre les dirigeants et la société (14). Par conséquent, un actionnaire ne peut exercer une action ut singuli en nullité (15). Il en va de même pour un actionnaire qui ne peut agir en rescision pour lésion d'une vente d'immeuble préjudiciable à la société, quand bien même celle-ci serait en liquidation (16) ou bien encore interjeter appel d'une décision, au seul motif qu'elle causerait un grief à la société (17).

L'article L. 225-252 précité permet aux actionnaires d'agir en lieu et place des représentants légaux de la société, leur action étant toutefois limitée quant à la qualité des défendeurs : il faut que ces derniers ait la qualité de dirigeant social ! Ainsi, il faut un préjudice social et un défendeur ayant la qualité de dirigeant de la société pour que l'action sociale ut singuli soit recevable. Les conditions légales sont ici cumulatives. C'est ce que permet d'affirmer l'arrêt rendu le 19 mars 2013 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. La Haute cour rejette le pourvoi rédigé par les actionnaires minoritaires qui prétendaient que cette action était recevable contre les tiers qui ont causé le préjudice subi par la société. Elle confirme ainsi l'analyse des juges du fond qui considéraient que, s'agissant d'un régime de responsabilité spécifique, les conditions légales de mise en oeuvre de cette action doivent être respectées, faisant ainsi une application stricte de la règle de droit. En effet, aucun texte ne confère aux actionnaires l'exercice au nom de la société, d'une action en responsabilité contre les tiers ayant pu commettre une faute préjudiciable à l'intérêt social. Sachant que nul ne peut agit en justice pour le compte d'autrui sauf s'il est légalement qualifié à cette fin, les actionnaires minoritaires ne pouvaient déclencher l'action sociale ut singuli contre les personnes physiques ou morales présentes dans le groupe de sociétés intéressées par les immeubles à rénover n'ayant ni la qualité d'administrateur, ni celle de directeur général. La solution rendue, en matière civile, doit être totalement approuvée.

La solution est plus nuancée en matière pénale, car la Chambre criminelle de la Cour de cassation, sur le double fondement du droit des sociétés et de l'article 480-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9921IQI), a admis la recevabilité de l'action sociale ut singuli contre les personnes n'ayant pas les qualités légales requises mais qui avaient été condamnées pour complicité des fautes commises par les administrateurs de la société (18). Enfin, la présente solution rendue à propos d'une société anonyme est valable pour l'ensemble des sociétés. En effet, la règle prétorienne reprise uniquement pour ce type de société, a été généralisée à toutes les formes sociétaires par la loi n° 88-15 du 5 janvier 1988, et figurant actuellement à l'article 1843-5 du Code civil (N° Lexbase : L2019ABE).


(1) CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 13 décembre 2011, n° 09/18 552 (N° Lexbase : A1416H8X).
(2) CA Paris 13 décembre 2011, préc..
(3) C. com., art L. 225-252 (N° Lexbase : L6123AIM) et art R. 225-167 (N° Lexbase : L0302HZ9) et s..
(4) Cass. com., 8 novembre 2005, n° 03-19.679, F-D (N° Lexbase : A5936DLG), Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 502, note J.-J. Daigre.
(5) Cass. com., 1er mars 1997, n° 94-18.912 (N° Lexbase : A8134AXK), Bull. Joly Sociétés, 1997, p. 650, note J.F. Barbièri ; RTDCom., 1997, p. 647, obs. B. Petit et Y. Reinhard.
(6) CA Versailles, 29 mars 1978, JCP éd G, 1979, II, n° 19209.
(7) R. Morel, Traité élémentaire de procédure civile, Sirey, 2ème éd, 1949, p. 271. ; H. Solus et R. Perrot, Procédure de première instance, t. 3, Sirey, 1991, n° 34. ; Cass. civ. 1, 9 mars 1982, n° 80-16.163, publié (N° Lexbase : A7402CGA), Bull. civ. I, n° 104, RTDCiv., 1983, p. 193, obs. R. Perrot
(8) Cass. civ. 3, 15 octobre 1974, n° 73-11.413 (N° Lexbase : A0050AUE), Bull. civ. III, n° 359
(9) Cette notion a été proposée par les professeurs G. Cornu et J. Foyer (G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, PUF, coll. Thémis Droit privé, 3ème éd., 1996, n° 77) avant d'être consacrée par le législateur
(10) F. Vinvkel, J. Cl. Traité Sociétés, Fasc. 149-10, Actions en justice dans l'intérêt de la société anonyme - Existence, spéc. n° 45.
(11) Ch. Armand et A. Viandier, Réflexions sur l'exercice de l'action sociale dans les groupes de sociétés : transparence des personnalités et opacité des responsabilité ?, Rev. Sociétés, 1989, p. 557 ; G. Chesne, L'exercice ut singuli de l'action sociale, RTDCom., 1962, p. 347 ; G. Delmotte, L'action sociale ut singuli, Jour. not., 1981, p. 945, J.Ch. Pagnucco, L'action sociale ut singuli et ut universi en droit des groupements, LGDJ, Fondation Varenne, 2006
(12) Cass. req., 3 décembre 1883, D., 1884, 1, p. 339 ; Cass. req., 30 mars 1909, D., 1913, 1, p. 174 ; Cass. civ., 23 janvier 1931, DH 1931, p. 521
(13) G. Chesne, L'exercice ut singuli de l'action sociale dans la société anonyme, préc., p. 348.
(14) J. Bouveresse, Les conflits d'intérêts en droit des sociétés, thèse dactyl. Strasbourg 2006 ; D. Schmidt, Les conflits d'intérêts dans la société anonyme, éd. Joly 1999
(15) Cass. com., 16 octobre 1972, n° 70-13.691 (N° Lexbase : A6907AYH), JCP éd. G, 1973, II, 17532, note N. Bernard
(16) Cass. com., 12 octobre 1954 , D. 1955, jurispr., p. 697, note J. Copper-Royer
(17) Cass. com., 6 décembre 1977, n° 76-11.061 (N° Lexbase : A9282ATX), Rev. sociétés, 1979, p. 373, note D. Schmidt
(18) Cass. crim., 28 janvier 2004, n° 02-87.585, FS-P+F (N° Lexbase : A3306DB3), Bull. crim. n° 18 ; D., 2004, p. 1447, note H. Matsopoulou ; Rev. Sociétés, 2004, p. 405, note B. Bouloc ; Bull Joly Sociétés, 2004, p ; 678, note J.F. Barbièri, Droit & patrimoine, juillet-août 2004, p. 108, obs. D. Poracchia ; JCP éd. E, 2004, act. p. 451

newsid:436781

Sociétés

[Brèves] Principe de l'extinction de l'usufruit en raison de l'abus de l'usufruitier et transformation d'une SA en SCA

Réf. : CA Douai, 13 février 2013, n° 11/05224 (N° Lexbase : A1534I8C)

Lecture: 2 min

N6855BT3

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Le 25 Avril 2013

En vertu de l'article 618 du Code civil (N° Lexbase : L3205ABC), les juges peuvent prononcer l'extinction de l'usufruit en raison de l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d'entretien. Dans un arrêt du 13 février 2013, la cour d'appel de Douai a jugé, en substances, que la transformation d'une SA, dont les actions étaient démembrées et dont les statuts prévoient que l'usufruitier seul exerce le droit de vote attaché à ces actions, en société en commandite par actions, ne saurait à elle seule constituer des dégradations ou un dépérissement justifiant de prononcer l'extinction de l'usufruit (CA Douai, 13 février 2013, n° 11/05224 N° Lexbase : A1534I8C). En l'espèce, les juges relèvent que la chose dont la propriété est démembrée n'est pas un fonds mais la quasi-totalité des actions représentant le capital social d'une société. Les nus-propriétaires, dont la position revient finalement à considérer que, par définition, une action de société en commandite vaut moins qu'une action de société anonyme compte tenu des faibles pouvoirs des associés commanditaires, affirment que la modification de la forme sociale de la société -SA transformée en SCA- entraîne une diminution de la valeur de ses actions, voire "les prive de toute valeur", mais ne le démontrent pas. Certes, selon les juges, la société en commandite par action distingue les associés qui assurent la gestion de la société -les commandités- de ceux qui détiennent le capital -les commanditaires-, pour autant les commanditaires sont totalement "assujettis" à l'associé commandité dès lors que les commanditaires participent aux assemblées générales. Ainsi, si certaines décisions ne peuvent être prises par eux qu'avec l'accord des commandités, ces derniers ne peuvent pour autant prendre lesdites décisions seuls. En outre, la gestion des commandités est contrôlée par un conseil de surveillance composé de commanditaires et les commandités sont tenus indéfiniment des dettes sociales tandis que les commanditaires n'en répondent que dans la proportion de leurs apports. Surtout, la valeur d'une action, la valeur de négociation, non la valeur nominale, dépend de plusieurs facteurs et il ne ressort nullement de la démonstration des nus-propriétaires des titres que l'étendue des droits associés à l'action soit un facteur prépondérant, notamment par rapport aux performances de la société et à son secteur d'activité. A cet égard, et indépendamment de ce que le capital social est inchangé, ils n'apportent nullement la preuve d'une baisse avérée ou prévisible et inévitable des résultats de la société ni, a fortiori, d'une baisse imputable à la modification de sa forme sociale. Dès lors leur demande d'extinction de l'usufruit fondée sur l'article 618 du Code civil est rejetée (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E8526AUC).

newsid:436855

Sociétés

[Brèves] Validité d'une cession de droits sociaux fixée à un euro symbolique

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 19 mars 2013, n° 12/03157 (N° Lexbase : A4093KAT)

Lecture: 1 min

N6856BT4

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Le 25 Avril 2013

Le principe est classique : le prix de cession de droits sociaux fixé à un euro -ou à un franc- n'est pas un prix dérisoire, susceptible d'entraîner la nullité de la cession d'actions, dès lors que la contrepartie de la cession réside dans la prise en charge par le cessionnaire du passif social (Cass. com., 3 janvier 1985, n° 83-15.520 N° Lexbase : A3818AGI). Les juges doivent donc vérifier la réalité de cette contrepartie et que le contrat est donc causé. Ainsi, il a été récemment jugé que la cession au prix symbolique d'un euro de 25 % du capital d'une société dont l'endettement était très largement supérieur à la valeur de ses actifs, lesquels étaient susceptibles de faire l'objet de manière imminente d'une vente par adjudication, n'est pas nulle faute de prix, de cause ou de contrepartie, dès lors le cessionnaire devenait acquéreur d'actions sans valeur immédiate tout en s'exposant à l'aléa affectant l'activité et, le cas échéant, à l'endettement non résorbé au prorata de sa participation au capital, quand le cédant, groupe international spécialisé dans le négoce d'hôtellerie parfaitement au fait des transactions financières, a quant à lui escompté que le crédit dont le nouvel actionnaire jouissait auprès des investisseurs serait susceptible de permettre une restructuration de la dette et la préservation des actifs immobiliers, toutes choses qui ont été aussitôt entreprises par la société cessionnaire et ne se sont trouvées empêchées que de son fait. Dès lors, le jugement ayant annulé la cession pour vileté du prix est infirmé. Telle est en effet la solution énoncée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 19 mars 2013 (CA Paris, Pôle 5, 8ème ch., 19 mars 2013, n° 12/03157 N° Lexbase : A4093KAT ; cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E1094AEA)

newsid:436856

Télécoms

[Brèves] Confirmation de la régularité du cadre de la régulation du déploiement, en zones très denses, des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH)

Réf. : Cass. com., 16 avril 2013, n° 12-14.445, FS-P+B (N° Lexbase : A4087KCD)

Lecture: 2 min

N6853BTY

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Le 01 Mai 2013

Le 16 avril 2013, la Cour de cassation a définitivement validé la décision rendue par l'ARCEP (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 19 janvier 2012, n° 2010/24694 N° Lexbase : A0145IBY) se prononçant sur un différend entre les sociétés Bouygues Télécom et France Télécom portant sur l'offre d'accès à la partie terminale des lignes en fibre optique (celle qui se trouve dans les immeubles), proposée par la société France Télécom à la société Bouygues Télécom, dans les zones très denses du territoire (Cass. com., 16 avril 2013, n° 12-14.445, FS-P+B N° Lexbase : A4087KCD). Elle estime, d'abord, que c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 34-8-4 du Code des postes et communications électroniques (N° Lexbase : L0038IRT) que la cour d'appel a retenu que, dans sa décision réglementaire n° 09-1106 du 22 décembre 2009, qui prévoyait la possibilité pour les opérateurs de former des demandes d'accès spécifiques avant l'équipement de l'immeuble et permettait en ce cas aux opérateurs d'immeuble d'exiger une participation financière, l'ARCEP n'avait ni imposé un cofinancement ab initio, ni exclu un cofinancement a posteriori. En deuxième lieu, de cette constatation, la cour d'appel a déduit à juste titre que l'ARCEP n'avait pas imposé à la société France Télécom une forme d'accès non prévue par sa décision réglementaire antérieure et qu'elle n'avait fait qu'exercer la mission qui lui était conférée par les articles L. 34-8 (N° Lexbase : L1879ICL), L. 34-8-3 (N° Lexbase : L2725IBK) et L. 36-8 (N° Lexbase : L0085IRL) du CPCE, en leur version alors en vigueur, en fixant, dans le cadre du règlement du différend qui opposait cette société à la société Bouygues Télécom, les conditions équitables d'ordre technique et financier dans lesquelles l'accès de la seconde à une partie au réseau de communications électroniques à très haut débit en fibre optique de la première devait être assuré, lorsque cet accès était demandé après la réalisation des installations. Enfin, l'arrêt rappelle que l'article L. 34-8-3 du Code des postes et communications électroniques a institué, pour des motifs d'intérêt général tenant à la cohérence du réseau, à l'établissement d'une concurrence entre opérateurs sur le marché du très haut débit et à la nécessité de ne pas multiplier les travaux dans les immeubles, le principe d'une mutualisation des installations, en vertu duquel les opérateurs d'immeuble se voient conférer un monopole sur l'unique réseau déployé dans l'immeuble, en contrepartie du partage de ce réseau avec les opérateurs commerciaux afin que l'abonné puisse choisir son opérateur commercial. La demande de la société Bouygues Télécom a donc été jugée comme n'engendrant pas pour la société France Télécom des contraintes disproportionnées.

newsid:436853

Transport

[Brèves] Condamnation de la France pour manquement à ses obligations en matière de transport ferroviaire

Réf. : CJUE, 18 avril 2013, aff. C-625/10 (N° Lexbase : A1413KCC)

Lecture: 2 min

N6775BT4

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Le 25 Avril 2013

La Commission a saisi la CJUE, le 29 décembre 2010, d'un recours en manquement par lequel elle fait grief à la France d'avoir manqué à certaines de ses obligations découlant du droit de l'Union en matière de transport ferroviaire. Dans un arrêt du 18 avril 2013, la CJUE retient que la France a manqué à ses obligations (CJUE, 18 avril 2013, aff. C-625/10 N° Lexbase : A1413KCC). La Cour constate, qu'au terme de l'avis motivé, le 9 décembre 2009, la réglementation française ne respectait pas le critère d'indépendance de la fonction d'allocation des sillons ferroviaires. A cet égard, la Cour rappelle que la Directive 91/440 (N° Lexbase : L7605AU9) impose aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer que "les fonctions essentielles" soient confiées à des instances ou à des entreprises qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de services de transport ferroviaires. Une entreprise ferroviaire ne peut donc se voir confier la réalisation d'études techniques d'exécution nécessaires à l'instruction des demandes de sillons, effectuée en amont de la prise de décision et à l'attribution des sillons de dernière minute. Ces fonctions doivent être confiées, conformément à la Directive 2001/14 (N° Lexbase : L8075AUM), à un organisme indépendant sur les plans juridique, organisationnel et décisionnel. Or, la DCF, bien que supervisée par RFF, ne bénéficie pas d'une personnalité juridique distincte de celle de la SNCF. Par conséquent, le critère d'indépendance juridique n'est pas rempli. De même, la Cour juge que la réglementation française ne comporte pas de système d'amélioration des performances conforme à la Directive 2001/14, dont il découle que les Etats membres doivent inclure, dans les systèmes de tarification de l'infrastructure, un tel système d'amélioration. Il s'avère que le document de référence du réseau ferré français, contenant l'ensemble des informations nécessaires à l'exercice des droits d'accès à ce réseau pour 2011 et 2012, ne prévoit qu'une tarification spécifique applicable à la redevance de réservation des sillons fret à condition que la longueur totale soit supérieure à 300 km et que la vitesse soit supérieure à 70 km/h. Ce système ne forme donc pas un ensemble cohérent et transparent pouvant être qualifié de système effectif d'amélioration des performances. De même, les conditions générales de RFF ne constituent pas un système d'amélioration des performances, car elles ne contiennent que de simples clauses de responsabilité en cas de dommages et ne prévoient que les conséquences indemnitaires en cas de suppression des sillons par RFF. Enfin, la mise en place à titre expérimental d'un mécanisme spécifique d'amélioration des performances prévu par le contrat de performance est uniquement à la charge de RFF. Dès lors, ce contrat ne constitue pas un système d'amélioration des performances susceptible d'encourager le gestionnaire de l'infrastructure et les entreprises ferroviaires.

newsid:436775

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